CA Rennes, 2e ch. com., 10 janvier 2006, n° 04-01294
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Prodim (Sté)
Défendeur :
Lidl (SNC), Martin
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Guillanton
Conseillers :
Mmes Nivelle, Cocchiello
Avoués :
SCP Chaudet-Brebion, SCP Castres, Colleu, Perot, Le Couls-Bouvet, SCP d'Aboville, de Moncuit Saint-Hilaire, Le Callonec
Avocats :
Mes Lehuède, Braun, Valton
Exposé des faits-Procédure-Objet du recours
Les époux Martin exploitaient un fonds de commerce de supérette au Centre commercial du TER à Lorient;
Laurent Martin avait pour ce faire conclu un contrat de franchise avec la société Prodim le 1er juillet 1997 pour une durée de sept années;
Le même jour les mêmes parties signaient un contrat d'approvisionnement d'une durée de cinq ans;
Par acte au rapport de Maître Fillaudeau, notaire à Saint-Macaire-en-Mauge en date du 18 décembre 2000 les époux Martin cédaient à la SNC Lidl leur fonds de commerce de Lorient;
Le même jour Laurent Martin écrivait à la société Prodim qu'en raison de le vente de son fonds de commerce il entendait résilier à la même date les contrats de franchise et d'approvisionnement le liant à cette société;
En application de la clause compromissoire contenue dans les contrats de franchise et d'approvisionnement la société Prodim a mis en œuvre une procédure d'arbitrage;
Le 28 mai 2002 le tribunal arbitral a rendu une sentence ayant reçu l'exequatur aux termes de laquelle il estimait que la vente du fonds de commerce par Laurent Martin à la SNC Lidl n'avait pas entraîné la résiliation des contrats de franchise et d'approvisionnement et condamnait Laurent Martin à verser diverses sommes à titre d'indemnité à la société Prodim à savoir:
- 22 000 euro au titre de la perte de cotisation de franchise
- 40 000 euro au titre de la perte de bénéfice brut
- 22 867,35 euro à titre de restitution par application de la convention de produits accessoires.
S'estimant insuffisamment indemnisée du préjudice subi par elle du fait du comportement de la SNC Lidl, la société Prodim a fait assigner celle-ci, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil devant le Tribunal de commerce de Lorient qui par jugement en date du 30 janvier 2004 l'a déboutée de ses demandes et condamnée à payer à la SNC Lidl la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; la même décision déboutait les autres parties de toutes leurs demandes;
La société Prodim a interjeté appel de cette décision;
Elle demande à la cour aux termes de ses écritures récapitulatives en date du 31 janvier 2005 de prononcer la nullité du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Lorient le 30 janvier 2004 faute pour le tribunal d'avoir écarté la note en délibéré adressée le 22 janvier 2004 par le conseil de la SNC Lidl et ce sur le fondement des articles 16 et 445 du nouveau Code de procédure civile;
Evoquant:
De dire que la SNC Lidl a commis une faute en faisant supporter à Laurent Martin la charge de la résiliation des contrats de franchise et d'approvisionnement et ce sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil;
De condamner en conséquence la SNC Lidl à lui payer la somme de 22 605,07 euro au titre de la perte de cotisation de franchise et la somme de 172 895,05 euro au titre de la perte de bénéfice brut;
De constater en outre que la SNC Lidl a commis des actes de concurrence déloyale et de la condamner à ce titre au payement de la somme de 78 000 euro à titre de dommages et intérêts;
De la condamner enfin au paiement de la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Dans ses conclusions en date du 27 août 2004 la SNC Lidl demande la confirmation de la décision critiquée et le cas échéant la condamnation de Laurent Martin à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre;
Elle sollicite la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts outre 5 000 euro au titre des frais irrépétibles ;
Laurent Martin dans ses conclusions récapitulatives en date du 20 septembre 2004, demande la confirmation de la décision critiquée;
Il demande à la cour de constater la litispendance de l'action récursoire initiée par la SNC Lidl à son encontre et celle actuellement pendante devant la Cour d'appel d'Angers;
Il demande qu'il soit sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour d'appel d'Angers ait rendu sa décision;
Il demande enfin la condamnation de la SNC Lidl ou à défaut de la société Prodim à lui payer la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision et aux conclusions régulièrement déposées;
Motifs de la cour
Sur la nullité du jugement
Considérant que la société Prodim reproche au tribunal d'avoir violé le principe du contradictoire en acceptant une note en délibéré; que la SNC Lidl ne conteste pas avoir communiqué le 22 janvier 2004 un arrêt rendu le 13 janvier 2004 par la Cour d'appel de Montpellier dans une affaire similaire; que de même il n'est pas contesté que la SNC Lidl a communiqué au Tribunal de commerce de Lorient la décision du Tribunal de grande instance d'Angers rendue le 6 janvier 2004 opposant Laurent Martin à la SCP Fillaudeau, notaire ayant passé l'acte de cession du fonds de commerce ;
Mais considérant que la société Prodim qui était partie à l'instance devant la Cour d'appel de Montpellier ne peut sérieusement affirmer qu'elle n'avait pas eu connaissance de la décision rendue par cette cour le 13 janvier 2004;
Qu'il résulte par ailleurs d'un courrier en date du 22 janvier 2000 adressé au Tribunal de commerce de Lorient que les décisions communiquées en cours de délibéré l'ont été également aux autres parties; que le principe du contradictoire a ainsi été respecté et qu'il n'y a pas lieu à annulation du jugement critiqué;
Sur le fond
Considérant sur le fond que la société Prodim reproche à la SNC Lidl d'avoir commis une faute délictuelle en aidant Laurent Martin à enfreindre ses obligations contractuelles en l'obligeant à résilier par anticipation les contrats le liant à Prodim; qu'elle estime que c'est par une collusion frauduleuse que celui-ci a accepté, dans l'acte de vente, d'assumer la charge financière de cette résiliation, compte tenu du fait que, sa surface financière étant moindre que celle de Lidl, l'indemnité mise à sa charge serait moins élevée et en tout état de cause bien inférieure au préjudice réellement subi;
Considérant effectivement qu'en application de la clause résolutoire contenue dans les contrats de franchise et d'approvisionnement, la société Prodim a saisi le tribunal arbitral qui, statuant en amiable compositeur a condamné Laurent Martin à payer à la société Prodim les sommes ci-dessus précisées;
Considérant cependant que tout commerçant à la faculté de disposer librement de son fonds de commerce;
Considérant que la vente passée le 18 décembre 2000 devant Maître Fillaudeau, notaire, avait été précédée de pourparlers et de compromis;
Que dans le compromis du 13 avril 2000 il était écrit que " l'acquéreur déclare faire son affaire personnelle de la résiliation du contrat de franchise et de tout contrat d'approvisionnement "
Qu'un avenant à ce compromis a été signé le 10 juin 2000 transférant à la charge du vendeur (Laurent Martin) les conséquences de la résiliation des contrats liant Laurent Martin à la société Prodim;
Que cette clause a été reprise dans l'acte de vente lui-même dans lequel il était bien précisé que le vendeur avait conscience des risques qu'il encourait;
Considérant cependant qu'aucune faute n'est démontrée à l'encontre de la SNC Lidl dans la mesure où les négociations qui ont abouti à la vente dans les termes retenus ont été conformes à l'usage en matière commerciale, chacune des parties recherchant son propre intérêt, étant observé que la société Prodim, qui en avait la possibilité dans les délais contractuels, a renoncé à exercer le droit de préemption qui lui était reconnu par le contrat;
Considérant que l'appel en garantie de Laurent Martin est par voie de conséquence sans objet;
Considérant que la SNC Lidl qui ne démontre pas le caractère abusif de la présente procédure sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des intimés les frais irrépétibles qu'ils ont exposés en cause d'appel et qu'il y a lieu en conséquence de condamner la société Prodim à payer à la SNC Lidl et à Laurent Martin la somme de 3 000 euro chacun au titre des frais irrépétibles ;
Que succombant en son recours la société Prodim supportera les dépens de première instance et d'appel;
Décision
Par ces motifs, LA COUR, Confirme la décision attaquée, Déboute la SNC Lidl de sa demande de dommages et intérêts, Condamne la société Prodim à payer à la SNC Lidl et à Laurent Martin la somme de 3 000 euro chacun sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne la société Prodim aux dépens de première instance et d'appel, ceux-ci pouvant être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.