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Décisions

CJCE, 27 septembre 1988, n° 18-87

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Commission des Communautés européennes

Défendeur :

République Fédérale d'Allemagne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mackenzie Stuart

Présidents de chambre :

MM. Due, Moitinho de Almeida, Iglesias

Avocat général :

M. Mancini

Juges :

MM. Koopmans, Everling, Galmot, Kakouris, O'higgins

Avocats :

Mes Sedemund, Dietmar Knopp

CJCE n° 18-87

27 septembre 1988

LA COUR,

Par requête déposée au greffe de la Cour le 26 janvier 1987, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CEE, un recours visant à faire constater que la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 9 et 12 du traité en percevant dans le chef de certains de ses laender, a l'importation d'animaux vivants en provenance d'autres Etats membres de la Communauté, une redevance destinée à couvrir les frais des contrôles vétérinaires effectues en vertu de la directive 81-389 du Conseil, du 12 mai 1981 (JO L 50, p. 1).

En République fédérale d'Allemagne, dans les Laender Bremen, Hessen, Niedersachsen, Nordrhein-Westfalen et Rheinland-Pfalz, l'administration perçoit, lors de l'importation ou du transit d'animaux vivants, y inclus dans les échanges intracommunautaires, une redevance destinée à couvrir les frais des contrôles vétérinaires officiels, qui sont effectués une seule fois sur le territoire de la République fédérale d'Allemagne conformément à l'article 2, paragraphe 1, de la directive 81-389 du Conseil, du 12 mai 1981, fixant certaines mesures nécessaires à la mise en œuvre de la directive 77-489 relative à la protection des animaux en transport international (JO L 150, p. 1).

Selon la Commission, cette redevance est une taxe d'effet équivalant à un droit de douane interdite en vertu des articles 9 et 12 du traité. La République fédérale d'Allemagne conteste cette qualification.

En ce qui concerne les faits de la cause, le déroulement de la procédure et les arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

Il convient d'abord de rappeler, ainsi que la Cour l'a constate à maintes reprises, que la justification de l'interdiction des droits de douane et de toutes taxes d'effet équivalent réside dans l'entrave que des charges pécuniaires, fussent-elles minimes, appliquées en raison du franchissement des frontières, constituent pour la circulation des marchandises, aggravée par les formalités administratives consécutives. Des lors, toute charge pécuniaire, unilatéralement imposée, quelle que soit son appellation et sa technique, et frappant les marchandises en raison du fait qu'elles franchissent la frontière, lorsqu'elle n'est pas un droit de douane proprement dit, constitue une taxe d'effet équivalent au sens des articles 9, 12, 13 et 16 du traité.

Toutefois, selon la jurisprudence de la Cour, une telle charge échappe à cette qualification si elle relève d'un système général de redevances intérieures appréhendant systématiquement, selon les mêmes critères, les produits nationaux et les produits importes et exportes (arrêt du 31 mai 1979, Denkavit/France, 132-78, Rec. p. 1923), si elle constitue la rémunération d'un service effectivement rendu à l'operateur économique, d'un montant proportionne audit service (arrêt du 9 novembre 1983, Commission/Danemark, 158-82, Rec. p. 3573), ou encore, sous certaines conditions, si elle est afférente à des contrôles effectués pour satisfaire à des obligations imposées par le droit communautaire (arrêt du 25 janvier 1977, Bauhuis/Pays-Bas, 46-76, Rec. p. 5).

La redevance litigieuse, qui est perçue lors de l'importation et du transit, ne saurait être considérée comme relevant d'un système général de redevances intérieures. Elle ne constitue pas non plus la rémunération d'un service rendu à l'operateur, car cette condition n'est remplie que si l'operateur obtient un avantage spécifique et certain (voir arrêt du 1er juillet 1969, Commission/Italie, 24-68, Rec. p. 193), ce qui n'est pas le cas si le contrôle sert à garantir, dans un but d'intérêt général, la santé des animaux vivants en transport international (voir arrêt du 20 mars 1984, Commission/Belgique, 314-82, Rec. p. 1543).

La redevance litigieuse étant perçue à l'occasion de contrôles effectués en vertu d'une disposition communautaire, il convient de rappeler qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour (arrêt du 25 janvier 1977, précité; arrêt du 12 juillet 1977, Commission/Pays-Bas, Rec. p. 1355; arrêt du 31 janvier 1984, Ifg/Freistaat Bayern, 1-83, Rec. p. 349) que de telles redevances ne peuvent être qualifiées de taxes d'effet équivalant à un droit de douane des lors que les conditions suivantes sont remplies :

- les redevances ne dépassent pas le cout réel des contrôles à l'occasion desquels elles sont perçues;

- les contrôles en cause ont un caractère obligatoire et uniforme pour l'ensemble des produits concernés dans la Communauté;

- ils sont prévus par le droit communautaire dans l'intérêt général de la Communauté;

- ils favorisent la libre circulation des marchandises, notamment en neutralisant des obstacles pouvant résulter de mesures unilatérales de contrôle prises en conformité avec l'article 36 du traité.

En l'espèce ces conditions sont remplies par la redevance litigieuse. En effet, il y a lieu de relever d'abord qu'il n'a pas été contesté qu'elle ne dépasse pas le cout réel des contrôles à l'occasion desquels elle est perçue.

Par ailleurs, tous les Etats membres de transit et de destination sont obliges d'effectuer les contrôles vétérinaires en cause au moment de l'introduction des animaux sur leur territoire, en vertu notamment de l'article 2, paragraphe 1, de la directive 81-389, précitée, si bien que les contrôles ont un caractère obligatoire et uniforme pour l'ensemble des animaux concernes dans la Communauté.

Ces contrôles sont prévus par la directive 81-389, qui fixe des mesures nécessaires à la mise en œuvre de la directive 77-489 du Conseil, du 18 juillet 1977, relative a la protection des animaux en transport international, en vue d'assurer la protection des animaux vivants, objectif qui relève de l'intérêt général de la Communauté et non pas d'un intérêt particulier de certains Etats.

Enfin, il ressort de la motivation des deux directives précitées que celles-ci visent à harmoniser les législations des Etats membres dans le domaine de la protection des animaux en transport international afin d'éliminer les entraves techniques aux échanges d'animaux vivants résultant des disparités des législations nationales (voir troisième à cinquième considérants de la directive 77-489 et troisième considérant de la directive 81-389). Par ailleurs, a défaut d'une telle harmonisation, chaque Etat membre était en droit de maintenir ou d'introduire, dans les conditions prévues à l'article 36 du traité, des mesures restrictives aux échanges justifiées par des raisons de protection de la santé et de la vie des animaux. Il s'ensuit que l'uniformisation des contrôles en cause est de nature à favoriser la libre circulation des marchandises.

La Commission a soutenu toutefois que la redevance litigieuse est à considérer comme une taxe d'effet équivalent du fait que, en l'absence d'une harmonisation des redevances de ce genre - harmonisation qui, au demeurant, serait irréalisable en pratique -, leur incidence négative sur la libre circulation des marchandises ne peut être compensée ni, par conséquent, justifiée par les effets favorables de l'uniformisation communautaire des contrôles.

A cet égard, il convient de relever que, des lors que la redevance en cause a pour seul objet la compensation, financièrement et économiquement justifiée, d'une obligation imposée de façon égale à tous les Etats membres par le droit communautaire, elle ne saurait être assimilée à un droit de douane, ni, par conséquent, tomber sous le coup de l'interdiction énoncée aux articles 9 et 12 du traité.

Les effets défavorables qu'une telle redevance peut avoir sur la libre circulation des marchandises dans la Communauté ne peuvent être éliminés que sur la base de dispositions communautaires prévoyant soit l'harmonisation des redevances, soit l'obligation des Etats membres de supporter les frais causés par les contrôles, soit, enfin, la prise en charge de ces frais par le budget communautaire.

Il résulte de ce qui précède que le recours de la Commission doit être rejeté.

Sur les dépens

Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LA COUR

Déclare et arrête :

1) le recours est rejeté.

2) la Commission supportera les dépens.