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Décisions

CA Lyon, ch. soc., 25 mai 2007, n° 06-03027

LYON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Jannot

Défendeur :

Perey

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Panthou-Renard

Conseillers :

Mmes Durand, Homs

Avocats :

Mes Dudar, SCP Lucchiari

Cons. prud'h. Roanne, du 12 avr. 2006

12 avril 2006

LA COUR,

Monsieur Jannot a commencé à travailler pour le compte de Monsieur Perey qui exploite une agence immobilière à l'enseigne CAP 2000 à Roanne le 27 septembre 2003.

Il concrétisait ainsi cinq ventes pour le compte de l'agence entre septembre et décembre 2003.

Le 1er janvier 2004 un contrat d'agent commercial était consenti à Monsieur Jannot.

Monsieur Jannot s'inscrivait à cet effet le 6 janvier 2004 au registre spécial des agents commerciaux de Roanne.

Le 3 juin 2004 Monsieur Perey proposait à Mademoiselle Parent et Monsieur Jannot en tant qu'agents commerciaux de signer une convention organisant leur collaboration notamment quant aux définitions des procédures à suivre et à leurs horaires.

Le 31 août 2004, ce dernier signait un avenant à son contrat d'agent commercial définissant ses taux de commissionnement.

Par courrier du 8 février 2005, Monsieur Perey invoquant de nombreux entretiens avec Monsieur Jannot et de sa proposition, depuis "bien avant la fin de l'année 2004, de lui faire bénéficier du statut de VRP", dénonçait avec effet immédiat le contrat d'agent commercial qui les liait au motif de l'interdiction désormais pour les agences immobilières de collaborer avec des agents commerciaux. Il proposait à nouveau à Monsieur Jannot d'accepter le statut de salarié proposé.

Ce dernier se faisait radier du registre du commerce le 14 février 2005 en donnant comme date de cessation d'activité le 31 décembre 2004.

Le même jour Monsieur Perey demandait à Monsieur Jannot de lui transmettre un extrait de son casier judiciaire en vue d'une demande de carte professionnelle et de justifier que son véhicule était assuré pour un usage professionnel.

Il lui demandait en outre de faire le nécessaire auprès de la préfecture pour son inscription en tant que VRP.

Par lettre du 16 février 2005, Monsieur Perey invoquant une embauche en date du 14 février, fixait à 520 euro TTC le solde du compte antérieur de Monsieur Jannot arrêté au 31 décembre 2004 au titre d'une affaire Rubel Dubreuil. Il sollicitait l'envoi d'une facture par Monsieur Jannot et faisait état d'un acompte de 1 200 euro sur cette affaire.

Monsieur Jannot refusait de signer le contrat de travail de négociateur immobilier VRP "classé" que lui proposait Monsieur Perey.

Par courrier du 21 février 2005, Monsieur Perey notifiait à Monsieur Jannot qu'il mettait fin à sa "période d'essai au sein de son entreprise en tant que négociateur immobilier VRP".

Par courrier du 25 février 2005, Monsieur Jannot réclamait le paiement de commissions impayées au 31 décembre 2004 (soit 15 886 euro et non 7 524,12 euro proposés).

Il rappelait n'avoir pas signé un contrat de travail et donc une clause d'essai dont il contestait en outre la nécessité du fait de sa collaboration antérieure.

Monsieur Jannot adressait un arrêt de travail daté du 18 février 2005 à Monsieur Perey qui le lui retournait le 2 mars 2005 au motif qu'aucun contrat ne le liait. Il rappelait son courrier du 21 février et indiquait n'avoir reçu cet arrêt de travail que le 28 février.

Accusant réception du courrier du 25 février 2005 de Monsieur Jannot, Monsieur Perey par courrier du 3 mars 2005 lui précisait avoir conclu qu'il n'avait pas donné suite à sa proposition de contrat de travail, il lui rappelait qu'aucune commission ne pouvait lui être réglée sans facturation de sa part.

Monsieur Jannot saisissait le 14 avril 2005 le Conseil de prud'hommes de Roanne aux fins de requalification de son contrat en un contrat de travail de VRP, de remise de ses documents de rupture, de rappel de salaire, commissions, congés payés, de ses indemnités de rupture et de dommages-intérêts.

Par jugement rendu le 12 avril 2006, le Conseil de prud'hommes de Roanne (section encadrement) se déclarait incompétent au bénéfice du Tribunal de grande instance de Roanne pour la période du 27 septembre 2003 au 7 février 2005 aux motifs que les conditions d'une requalification du contrat litigieux en un contrat d'agent commercial salarié n'étaient pas réunies, condamnait pour la période du 14 au 21 février 2005 Monsieur Perey à payer à Monsieur Jannot la somme de 376,87 euro à titre de salaire minimum, constatait un rupture d'essai, condamnait Monsieur Perey à remettre à Monsieur Jannot un certificat de travail, une fiche de paie, une attestation Assedic, une attestation de sécurité sociale conformes dans le délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euro par jour de retard, déboutait Monsieur Jannot de ses autres demandes.

Monsieur Jannot interjetait appel le 14 avril 2005.

Sur quoi

Vu les conclusions du 5 décembre 2006, régulièrement communiquées au soutien de ses prétentions orales, de Monsieur Jannot qui demande à la cour, par réformation du jugement déféré, de:

- constater à titre principal sa qualité de salarié depuis le 27 septembre 2003 et condamner en conséquence Monsieur Perey à lui payer les sommes suivantes :

- a titre de rappel de salaire:

* 7 970,85 euro sur 2003

* 8 775,85 euro sur 2004

* 9 750 euro sur 2005

- à titre de congés payés:

* 2649,60 euro sur rappel de salaire,

* 1 821,10 euro sur commissions perçues,

- au titre de la rupture:

* 8 382,56 euro à titre d'indemnité de préavis,

* 838,25 euro au titre de l'incidence des congés payés,

* 1 955,93 euro à titre d'indemnité spéciale de rupture,

* 16 770 euro à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,

ainsi que la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamner Monsieur Perey à lui remettre un certificat de travail pour la période du 27 septembre 2003 au 21 février 2005, ses bulletins de paie de septembre 2003 à février 2005, une attestation Assedic et une attestation pour la sécurité sociale conformes,

- à défaut condamner Monsieur Perey à lui remettre ces documents pour la période du 14 février au 21 février 2005 en condamnant Monsieur Perey au paiement des sommes de 3 957,21 euro au titre du préavis, 26 496 euro à titre de rappel de salaires 2003, 2004, 2005, 7 914,42 euro à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,

- à titre subsidiaire, évoquer concernant sa demande en paiement de ses commissions (7 970,85 euro en 2003, 8 775,15 euro en 2004, 9 750 euro en 2005, 13 500 euro en 2005 à titre de complément) et de dommages-intérêts (16 670 euro au titre de son préjudice professionnel), 3 957,21 euro à titre de préavis,

Vu les conclusions du 22 février 2007, régulièrement communiquées au soutien de ses prétentions orales, de Monsieur Perey qui demande à la cour de déclarer irrecevable l'appel de Monsieur Jannot, seule la voie du contredit étant ouverte dès lors que le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent; subsidiairement de débouter Monsieur Jannot de toutes ses prétentions et de le condamner à lui payer la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Sur la recevabilité de l'appel:

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du Code du travail, les conseils de prud'hommes sont compétents pour statuer sur les différends nés à l'occasion de tout contrat de travail entre les employeurs et les salariés qu'ils emploient;

Qu'en conséquence, l'examen de la demande portant revendication de l'existence même d'un contrat de travail entre les parties relève de la compétence prud'homale;

Que les premiers juges ont surtout admis leur compétence au moins pour la période où ils ont retenu l'existence d'un contrat de travail et statué au fond à ce titre ;

Que l'appel est donc recevable ;

Sur l'existence d'un contrat de travail:

Considérant que Monsieur Jannot démontre par l'attestation d'une cliente, Madame Dauphin-Gueltzer, qu'il a travaillé pour le compte de l'agence CAP 2000 exploitée par Monsieur Perez dès le mois de septembre 2003 ; qu'il produit des attestations de clients l'ayant rencontré à l'agence en novembre et décembre 2003 ;

Que Monsieur Jannot n'a cependant signé un contrat d'agent commercial que le 1er janvier 2004 et ne s'est immatriculé au registre du commerce que le 6 janvier 2004, avant de revenir sur cette démarche, sur instigation de Monsieur Perey lui-même, le 14 février 2005 ;

Que la convention établie le 3 juin 2004 par l'agence CAP 2000 définit les conditions d'exécution de l'activité professionnelle notamment de Monsieur Jannot comme suit:

"1) une réunion "pub" devra se tenir tous les lundis matin à 9 heures à l'agence (sauf décision contraire),

2) l'envoi de la publicité devra se faire avant 10 heures le lundi par fax,

3) le double de l'envoi pub devra stipuler le numéro de mandat et le nom du négociateur,

4) le lundi matin, les agents devront transmettre à CP pour enregistrement, les carnets de visite, clients, produits,

5) en ce qui concerne la signature des mandats, se référer à la procédure de saisie des mandats en date du 3 juin 2004 ci-jointe,

6) en ce qui concerne la signature des compromis, se référer à la procédure de saisie des compromis en date du 3 juin 2004 ci-jointe, chaque compromis devra être accompagné d'un bon de commissionnement faisant apparaître clairement le montant de la commission due en cas de partage de commission entre les agents, le bon devra être contresigné par les deux,

7) le cahier message doit être consulté régulièrement, il devra donc porter tous les messages et passages à l'agence de clients,

8) les agents commerciaux s'engagent à passer à l'agence tous les jours à 9 heures afin de prendre connaissance des messages et d'organiser la journée,

9) un carnet de rendez-vous devra être à la disposition de l'agence à l'agence et devra faire apparaître tous les rendez-vous et contacts concernant l'activité liée à l'agence."

Que les fiches de procédure joints à cet acte mentionnent l'obligation pour l'agent notamment d'obtenir l'accord de Monsieur Perey avant toute signature, remplir les compromis à l'agence, transmettre les dossiers, chaque semaine, le carnet des clients, se rendre chaque jour à l'agence, ce qui contredit les attestations produites par Monsieur Perey dont les auteurs viennent dire n'avoir vu Monsieur Jannot que rarement dans les bureaux;

Que ces éléments révèlent l'accomplissement d'un travail sous la direction et le contrôle de Monsieur Perey et de l'agence et non sur un mode libéral ;

Que dans ses écritures Monsieur Perey note lui-même qu'il effectuait les annonces et les répercutait sur Monsieur Jannot pour la prise de rendez-vous ;

Que les clients de l'agence attestent de l'intervention de Monsieur Jannot (Madame Dauphin-Gueltzer le 27 septembre 2003 ; Monsieur Jean le 1er octobre 2003 pour une vente finalisée en décembre 2003; Madame Legros de même; Madame Dalmais le 19 novembre 2003 pour la signature le jour-même d'un compromis à l'agence ; Monsieur Channelière pour une vente réalisée le 31 décembre 2003);

Que l'agenda de Monsieur Jannot comporte l'inscription de rendez-vous par Madame Perey, la demande de celle-ci le 9 février 2004 de rédiger un rapport, d'intervenir dans un local (pose d'une gâche électrique par exemple) sur les prises de rendez-vous, sa présence à l'agence, des remarques;

Que Monsieur Perey en outre a pris l'initiative de fixer lui-même les taux de commission de Monsieur Jannot sans démontrer une négociation à ce titre dans le cadre d'un exercice libéral de la profession pour en définitive établir un contrat de travail par écrit;

Que la preuve d'un travail subordonné depuis l'origine de la relation contractuelle entre les parties, à tout le moins depuis le 27 septembre 2003, est rapportée;

Que Monsieur Perey ne peut donc se prévaloir de la circonstance que Monsieur Jannot ait été quelques mois immatriculé au registre du commerce;

Que les attestations qu'il produit ne viennent pas en effet conforter la présomption qui résulte de cette inscription mais qui est combattue avec pertinence par Monsieur Jannot;

Que l'appel est fondé;

Considérant que Monsieur Jannot doit en conséquence percevoir des rappels de salaire par rapport aux minima conventionnels dès lors que la qualité de VRP lui a été reconnue ;

Considérant que ses réclamations salariales, dont les montants déduits des commissions versées sont justifiés par des calculs non contestés, doivent être accueillies avec l'incidence des congés payés selon la règle du dixième;

Que le moyen selon lequel Monsieur Jannot aurait par ailleurs perçu des indemnités de chômage n'est pas fondé, Monsieur Perey n'ayant pas qualité pour obtenir remboursement et donc invoquer une compensation ;

Sur la rupture:

Considérant que Monsieur Perez a rompu le 21 février 2005 la relation contractuelle de travail au motif de sa liberté de rompre en période d'essai;

Qu'aucune période d'essai n'a cependant été convenue entre les parties;

Que celle-ci tardivement invoquée, ne pouvait de surcroît se justifier puisque Monsieur Jannot travaillait depuis plusieurs mois avec Monsieur Perey lorsque celui-ci lui a proposé de régulariser leur relation en signant un contrat de VRP comportant une telle clause d'essai;

Que la rupture sans procédure préalable et non motivée constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Que Monsieur Jannot a donc droit à son indemnité de préavis, non contestée en son montant, avec l'incidence des congés payés;

Considérant que Monsieur Jannot ne justifie pas de sa demande d'indemnité spéciale alors qu'il effectue son calcul sur la base d'une ancienneté comprise entre trois et six ans alors qu'il ne bénéficie d'une ancienneté que du 27 septembre 2003 au 21 avril 2005 ;

Considérant que du fait de la perte de son emploi, Monsieur Jannot justifie d'un préjudice qui justifie, au vu des éléments que la cour trouve en la cause, l'allocation de la somme de 2 500 euro,

Considérant que la demande des documents est justifiée au regard de l'ensemble des motifs qui précèdent;

Par ces motifs, - Déclare l'appel recevable, - Réformant le jugement déféré, Condamne Monsieur Perey à payer à Monsieur Jannot, avec intérêts de droit, les sommes de : - 7 970,85 euro (sept mille neuf cent soixante dix euro et quatre-vingt cinq centimes) à titre de rappel de salaire sur 2003, - 8 775,15 euro (huit mille sept cent soixante quinze euro et quinze centimes) au même titre sur 2004, - 9 750 euro (neuf mille sept cent cinquante euro) au même titre sur 2005, - 2 649,60 euro (deux mille six cent quarante neuf euro et soixante centimes) à titre d'incidence de congés payés afférents à ces rappels de salaire, - 1 821,10 euro (mille huit cent vingt et un euro et dix centimes) à titre d'indemnité de congés payés sur commissions perçues, - 8 382,56 euro (huit mille trois cent quatre-vingt deux euro et cinquante six centimes) à titre d'indemnité de préavis, - 838,25 euro (huit cent trente huit euro et vingt cinq centimes) au titre de l'incidence des congés payés, -2 500 euro (deux mille cinq cents euro) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Ordonne à Monsieur Perey de remettre à Monsieur Jannot un certificat de travail, des bulletins de paie, une attestation Assedic et une attestation pour la sécurité sociale conformes, Déboute Monsieur Jannot de sa demande d'indemnité spéciale de rupture, Condamne Monsieur Perey aux dépens, Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes à ce titre.