CA Nancy, ch. soc., 7 décembre 2007, n° 05-01022
NANCY
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Etablissements Florest
Défendeur :
Bedda
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Schmeitzky
Conseiller :
Mme Mlynarczyk
Avocats :
Mes Michel, Bantz
Faits et procédure
Monsieur Gérard Bedda a été engagé à compter du 16 août 1999 en qualité de vendeur-livreur par Monsieur Voga, exploitant les établissements Florest ; sa rémunération était constituée d'une commission de 10 % sur le chiffre d'affaires ramenée à 5 % sur les articles papiers, plaques et articles bradés.
Le contrat de travail incluait une clause de non-concurrence.
Il n'est pas discuté que la moyenne des salaires perçue par Monsieur Bedda au cours des douze derniers mois s'est élevée à 1 133,82 euro.
Ce dernier a été licencié pour motif économique par lettre du 6 juin 2004.
Invoquant le statut de VRP, Monsieur Bedda a saisi le 3 août 2004 le Conseil de prud'hommes de Lunéville aux fins de versement de rappels d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement et de contrepartie financière à la clause de non-concurrence.
Par décision du 17 septembre 2004, le conseil de prud'hommes en sa formation de bureau de conciliation a condamné les établissements Florest à payer à Monsieur Bedda la somme de 146,04 euro à titre de provision sur l'indemnité de licenciement et renvoyé le dossier en bureau de jugement.
Par jugement du 11 mars 2005, le conseil de prud'hommes a condamné les établissements Florest à payer à Monsieur Bedda :
- 1 662,46 euro à titre de rappel d'indemnité de préavis,
- 372,80 euro à titre de rappel d'indemnité de licenciement,
- 18 141,12 euro à titre de contrepartie financière de la clause de non-concurrence, versée sous forme d'une indemnité nette de 6 047,04 euro sur la période de juillet 2004 à février inclus et à compter de fin mars 2005 d'un montant mensuel de 755,88 euro, le conseil de prud'hommes précisant que le versement de cette indemnité mensuelle devrait cesser en cas de violation de la clause de non-concurrence par Monsieur Bedda,
- 225 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Monsieur Voga, représentant les établissements Florest, a régulièrement interjeté appel; il conclut à l'infirmation du jugement et au rejet de l'intégralité des demandes de Monsieur Bedda, sollicitant 1 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Monsieur Bedda conclut à la confirmation du jugement et au maintien de ses réclamations initiales, réclamant 1 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La cour se réfère aux conclusions des parties, visées par le greffier, du 19 octobre 2007, dont elles ont maintenu les termes lors de l'audience.
Motivation
- Sur le statut de Monsieur Bedda
Monsieur Bedda revendique le statut de VRP aux motifs qu'il était exclusivement rémunéré à la commission et que sa mission consistait en le démarchage de clients aux fins de commandes, ventes et livraisons de fleurs artificielles pour le compte de son employeur ainsi que le confirment les nombreuses attestations produites aux débats, de sorte qu'il doit bénéficier des dispositions de la convention collective des voyageurs, représentants, placiers, notamment relatives à l'indemnité de préavis, l'indemnité de licenciement et aux règles visant la levée et les modalités de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence.
Monsieur Voga conteste le statut de VRP de Monsieur Bedda et s'oppose en conséquence à ses demandes fondées sur la convention collective précitée.
Aux termes de l'article L. 751-1 du Code du travail, le VRP est celui qui est lié à son employeur par des engagements déterminant:
- la nature des prestations de services ou de marchandises offertes à la vente ou à l'achat,
- la région dans laquelle il doit exercer son activité ou les catégories de clients qu'il est chargé de visiter,
- le taux de rémunération.
Il s'en déduit que l'existence d'un secteur fixe de prospection est un des éléments essentiels du contrat de VRP et que la clause qui ne limite pas les activités d'un représentant à un territoire ou à une catégorie de clientèle est exclusive de la notion de secteur et interdit au salarié de bénéficier du statut légal de VRP.
Or, il s'avère en l'espèce que le contrat de travail passé entre Monsieur Voga, représentant les établissements Florest, et Monsieur Bedda ne fait référence à aucun secteur géographique, pas davantage à une catégorie spécifique de clientèle, le contrat se bornant à faire état de la région où s'exercera l'activité du salarié expressément engagé en qualité de vendeur-livreur, sans mention d'un emploi de représentant, ni de la convention collective applicable à ce statut légal spécifique.
Il apparaît de plus que les bulletins de paie de Monsieur Bedda portent invariablement mention de l'emploi de vendeur, sans davantage de référence à la convention collective de VRP.
Il en résulte qu'à défaut de secteur géographique expressément attribué à Monsieur Bedda, ce dernier ne peut valablement invoquer le statut de VRP ni par conséquent réclamer le bénéfice des dispositions de la convention collective afférente, et ce nonobstant les attestations le qualifiant de représentant et le mode de rémunération par commissions non significatif du statut de VRP.
Le jugement lui ayant attribué ce statut sera donc infirmé.
- Sur l'indemnité de préavis
A défaut d'application de la convention collective précitée prévoyant en faveur du salarié VRP l'octroi d'une indemnité de préavis équivalente à trois mois de salaire, il convient en vertu de l'article L. 122-6 du Code du travail accordant au salarié d'une ancienneté supérieure à deux ans une indemnité de préavis équivalente à deux mois de salaire, de lui allouer sur la base d'un salaire moyen de 1 133,82 euro la somme de 2 267,64 euro.
Ayant perçu à l'issue de son licenciement une indemnité de préavis de 1 736 euro, Monsieur Bedda est bien fondé à se voir allouer le solde 531,64 euro, avec intérêts de droit à compter du 3 août 2004, date de convocation devant le bureau de conciliation des établissements Florest.
Le jugement sera réformé en ce sens.
- Sur l'indemnité de licenciement
L'indemnité de licenciement à calculer à raison de 2/10e par année d'ancienneté, eu égard au caractère économique du licenciement, est à fixer à la somme de 1 133,80 euro compte tenu de l'ancienneté de Monsieur Bedda de cinq années.
L'intéressé ayant perçu la somme de 761 euro, il lui reste dû le solde s'élevant à 372,80 euro, sous réserve de la provision effectivement versée de 146,04 euro, et ce de même avec intérêts à dater du 3 août 2004.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
- Sur la clause de non-concurrence
Au vu de ce qui précède, Monsieur Bedda ne peut bénéficier des dispositions de la convention collective des voyageurs, représentants, placiers selon lesquelles il appartient à l'employeur de prévenir le VRP de la levée de la clause de non-concurrence dans les quinze jours suivant la rupture, soit en l'espèce au plus tard le 21 juin 2003, ce qui n'a été effectué que le 11 août 2003 par l'employeur.
A défaut pour Monsieur Bedda de réclamer le versement d'une contrepartie financière sur un fondement subsidiaire, il ne pourra qu'être débouté de sa réclamation de ce chef.
Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
- Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Il n'y a pas lieu à hauteur d'appel à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en les circonstances de la cause.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire, Confirme le jugement en ce qu'il a condamné les établissements Florest à payer à Monsieur Gérard Bedda la somme de 372,80 euro (trois cent soixante douze euro et quatre-vingts cents) à titre de rappel d'indemnité de licenciement, outre 225 euro (deux cent vingt cinq euro) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau, Dit que Monsieur Bedda ne peut invoquer le statut de VRP; Déboute Monsieur Bedda de sa demande de contrepartie financière de la clause de non-concurrence, Condamne les établissements Florest à lui payer la somme de 531,64 euro (cinq cent trente et un euro et soixante quatre cents) à titre de rappel d'indemnité de préavis avec intérêts de droit à compter du 3 août 2004 ; Ajoutant, Dit que la somme due de 372,80 euro (trois cent soixante douze euros et quatre-vingts cents) au titre de l'indemnité de licenciement, sous réserve de déduction de la provision effectivement versée de 146,04 euro (cent quarante six euro et quatre cents), portera intérêts de droit à compter du 3 août 2004; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne les établissements Florest aux entiers dépens.