CA Paris, 5e ch. B, 29 mai 2008, n° 05-02213
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Chabernaud
Défendeur :
Union des vignerons des coteaux de l'Ardèche
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Deurbergue
Conseillers :
Mme Le Bail, M. Picque
Avoués :
SCP Grappotte Benetreau Jumel, Me Huyghe
Avocats :
Mes Catoni, Le Chene
Vu l'appel interjeté, le 1er décembre 2004, par M. Chabernaud d'un jugement du Tribunal de grande instance de Créteil, du 19 octobre 2004, qui a rejeté sa demande d'expertise complémentaire, a condamné l'Union des vignerons des coteaux de l'Ardèche (ci-après l'UVICA) à lui payer 2 558,66 euro au titre des commissions dues pour le 1er trimestre 1999 et le 1er trimestre 2000 et 1 235,94 euro au titre de l'indemnité de préavis, ces sommes avec les intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2001 capitalisés, a rejeté sa demande au titre de l'indemnité de cessation du contrat d'agent commercial, a ordonné la compensation des créances réciproques des parties, et l'a condamné à payer à l'UVICA une indemnité de 3 066,44 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile;
Vu les conclusions de M. Chabernaud, du 15 janvier 2007, qui prie la cour d'infirmer le jugement et, à titre principal, de débouter l'UVICA de sa demande en répétition de l'indu, à titre subsidiaire, de la condamner à lui payer, en réparation du préjudice qu'elle lui a causé en raison de l'erreur qu'elle a commise une somme équivalente à celle qu'elle réclame, d'ordonner un complément d'expertise pour déterminer les commissions occultées, et de la condamner à lui payer à titre provisionnel :
- 11 324 euro au titre des commissions
- 2 162 euro au titre du préavis
- 17 300 euro au titre de l'indemnité de cessation du contrat
- 4 498 euro à titre d'indemnité complémentaire
- 2 558,56 euro au titre des commissions des 4e trimestre 1999 et 1er trimestre 2000
ces sommes assorties de la TVA, hormis pour l'indemnité de cessation du contrat, et avec les intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2000, à défaut à compter de l'assignation, capitalisés à compter de la demande du 2 juillet 2002, et 5 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile;
Vu les conclusions de l'UVICA, du 23 janvier 2008, tendant à la confirmation du jugement, sauf sur le rejet de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à la condamnation de M. Chabernaud à lui payer 2 000 euro en première instance et 4 000 euro en appel;
Sur ce, LA COUR,
Considérant qu'à partir de 1991, M. Chabernaud, en sa qualité d'agent commercial, a représenté l'UVICA auprès de la centrale d'achats régionale des Docks de France Paris-Docks d'Emerainville (supermarchés Atac notamment) sans qu'un contrat écrit soit signé; que cette centrale d'achats faisait partie de la Centrale Paridoc qui a été rachetée en 1996 par le Groupe Auchan qui a mis en place une gestion nationale de la commercialisation des produits de l'UVICA, notamment en référençant au niveau national un vin de pays des coteaux de l'Ardèche "Muletier Rouge" dans tous les supermarchés Atac de France au cours de l'année 1997;
Que l'UVICA, estimant que le mandat confié à M. Chabernaud était devenu sans objet, l'a convoqué, le 7 décembre 1999, à un entretien pour le 17 décembre suivant et l'a informé de la résiliation de son contrat d'agent commercial ;
Que, le 12 avril 2002, M. Chabernaud lui a réclamé le paiement de sa commission du mois d'octobre 1999, d'une indemnité de préavis et d'une indemnité de cessation de contrat, et le relevé de ses commissions des mois de novembre et décembre 1999 et de janvier, février et mars 2000, puis l'a assignée devant le Tribunal de grande instance de Créteil ;
Que, par un jugement du 10 décembre 2002, le tribunal a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par l'UVICA, dit que la loi applicable au contrat était celle du 25 juin 1991 intégrée aux articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce et a ordonné une expertise confiée à M. Jeunehomme qui a déposé son rapport le 17 juin 2003 ;
Considérant que M. Chabernaud a repris ses demandes devant le tribunal et a notamment sollicité une expertise complémentaire, demande qui a été rejetée au motif qu'une mesure d'instruction ne pouvait être ordonnée pour suppléer à la carence d'une partie dans l'administration de la preuve;
Considérant que M. Chabernaud entend obtenir le règlement de commissions incluant les ventes de la marque Pierre Chanau qui, selon lui, ont été occultées par l'UVICA, alors qu'il a suivi les ventes en question dans ses relations avec l'acheteur et a renégocié les prix au coup par coup, comme l'a attesté le 27 août 2003 M. Gosley qui, du 24 janvier au 5 septembre 1997 a été l'acheteur "Liquides" pour les supermarchés Atac;
Mais considérant que les déclarations de M. Gosley sont contredites par M. Leclere, acheteur de vins pour la société Auchan, et qui est le mieux placé pour apporter son témoignage sur les relations entre cette société et l'UVICA;
Qu'il précise qu'Auchan a décidé de commercialiser des vins de pays sous sa marque Pierre Chanau (anagramme de son enseigne commerciale) et a lancé un appel d'offres auprès de différents producteurs pour embouteiller des produits à sa marque, et que c'est l'offre de l'UVICA qui a été retenue ; qu'il n'y avait pas eu d'intervention d'un tiers dans cette opération, la marque en question étant directement gérée par les Acheteurs nationaux de la Centrale d'Achats Auchan qui ont pris la décision de la faire figurer dans les magasins du Groupe;
Que la vente de vin sous la marque Pierre Chanau ne résulte donc pas de l'activité de l'agent commercial;
Considérant que si l'UVICA a versé des commissions à ce titre à M. Chabernaud, c'est à la suite d'une erreur et non parce qu'elle voulait, comme le soutient l'appelant, récompenser son activité " particulièrement efficace " ; qu'il n'y avait pas de cause au paiement qui a été fait par erreur ; que, dans le récapitulatif de ses commissions joint à son courrier du 12 avril 2002 adressé à l'UVICA, l'appelant avait d'ailleurs exclu les produits Pierre Chanau;
Que l'UVICA est donc bien fondée en son action en répétition de l'indû;
Considérant que l'expert a ainsi retenu que M. Chabernaud avait trop perçu une somme de 3 066,44 euro et que l'UVICA restait lui devoir 2 558,56 euro au titre des commissions des 4e trimestre 1999 et 1er trimestre 2000 ainsi qu'une somme de 1 235,94 euro au titre de l'indemnité de préavis ; que la TVA est applicable aux sommes qui lui sont dues;
Considérant que M. Chabernaud ne peut réclamer les intérêts au taux légal sur les sommes qui lui sont dues qu'à compter de l'assignation du 12 juin 2001, sa lettre du 12 avril 2000 ne valant pas mise en demeure;
Considérant que le tribunal a ordonné que les intérêts soient capitalisés à compter du 2 juillet 2002;
Que sur toutes ces dispositions le jugement sera confirmé;
Considérant qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; que l'indemnité de cessation de contrat a pour objet de réparer le préjudice que lui cause la perte de toutes les rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties;
Considérant que si l'UVICA avait dans sa lettre du 26 avril 2000 proposé à M. Chabernaud une indemnité de cessation de contrat qu'elle évaluait à 10 000 F, force est de constater que celui-ci n'ayant pas accepté cette offre amiable, elle n'était pas tenue de la maintenir;
Que, cependant, aucune faute grave n'est reprochée à l'appelant et c'est l'UVICA qui a pris l'initiative de modifier ses relations avec son agent commercial ;
Que, dès lors, celui-ci ne peut se voir privé de l'indemnité de cessation de contrat à laquelle il a droit et qui doit être calculée, comme le propose l'expert, sur une base mensuelle de 322,89 euro pour une durée que la cour estime devoir fixer à deux années, soit une somme de 7 749,36 euro avec les intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2001 capitalisés ;
Que le jugement sera donc infirmé de ce chef;
Considérant qu'en revanche M. Chabernaud doit être débouté de sa demande au titre d'une indemnité complémentaire dont il ne justifie pas qu'elle lui serait due;
Considérant qu'il n'y a pas lieu d'ordonner une mesure d'instruction complémentaire;
Qu'ainsi le jugement doit être aussi confirmé sur le rejet de ces deux demandes;
Considérant que le jugement sera aussi confirmé en ce qu'il a ordonné la compensation des créances réciproques des parties;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire droit aux demandes des parties au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
Considérant que les dépens d'appel seront partagés par moitié entre M. Chabernaud et l'UVICA;
Par ces motifs, Déclare l'appel recevable, Confirme le jugement, sauf sur le rejet de la demande au titre de l'indemnité de cessation de contrat, Statuant à nouveau de ce chef, Condamne l'Union des vignerons des coteaux de l'Ardèche à payer à M. Chabernaud la somme de 7 749,36 euro avec les intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2001 capitalisés, Y ajoutant, Dit que la condamnation au paiement des sommes de 2 558,66 euro et de 1 235,94 euro mises à la charge de l'UVICA doit être assortie de la TVA, Rejette toutes autres demandes des parties, y compris au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Fait masse des dépens d'appel qui seront partagés par moitié entre M. Chabernaud et l'Union des vignerons des coteaux de l'Ardèche.