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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. B, 27 juin 2008, n° 05-21972

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Amathieu

Défendeur :

Etude Généalogique des Pyramides (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cadiot

Conseillers :

Mmes Bourrel, Durand

Avoués :

SCP Boissonnet-Rousseau, SCP de Saint Ferreol-Touboul

Avocats :

Mes Hamdi, Delmas-Poulet

T. com. Draguignan, du 25 oct. 2005

25 octobre 2005

État du litige

Par convention écrite du 5 janvier 2001, la SARL Etude Généalogique des Pyramides a consenti un mandat d'agent commercial à Monsieur Frédéric Amathieu à l'effet d'effectuer en exclusivité sur les départements 06, 83, 13, 84, 04 et 05 " le démarchage auprès des notaires, ceci afin de porter à la connaissance du Mandant des dossiers de succession qui nécessiteront une recherche d'héritiers " moyennant une rémunération égale à " 30 % des honoraires nets négociés et perçus par le Mandant et 20 % s'il y a des commissions intermédiaires à verser à d'autres intervenants " stipulée payable " dans un délai de quinze jours après que l'ensemble des héritiers ait approuvé le compte de succession " le droit à commission prenant " effet avec le règlement du dossier de succession ".

Des objectifs d'ouverture d'une moyenne de cinq dossiers par mois portant sur des successions d'un actif brut moyen d'au minimum 400 000 F sont assignés à l'agent par le contrat qui prévoit aussi que la clientèle, autre que celle des notaires, n'est pas exclusive et qu' " en aucun cas l'Agent ne pourra prétendre à commission, sur le territoire contractuel, si un dossier de succession était apporté au Mandant par une tierce personne " étant précisé pour " le cas où un dossier serait apporté au Mandant, par une tierce personne et que le même dossier serait par la suite transmis par l'Agent, d'une information provenant d'un notaire ou non. Seul le Mandant décidera s'il y a lieu de donner une commission à l'Agent (sic) ".

Enfin, " l'Agent s'engage à transmettre des dossiers complets à son Mandant selon un modèle préalablement établi intitulé " Demande de recherche d'héritiers " contenant l'état civil du de cujus, l'actif de succession estimé, toute information et document permettant une bonne avancée des recherches. Cette feuille de mission sera établie en double exemplaire et signée des deux parties " et " tous les mois une liste complète récapitulant les dossiers envoyés sera transmise et visée par le Mandant ".

Vers la mi-2003 les relations se sont dégradées entre les parties, l'Etude Généalogique reprochant alors à son mandataire, par courrier recommandé du 6 juin avec demande d'avis de réception, de ne pas atteindre les objectifs assignés et de ne pas avoir fourni l'état de ses démarches et contacts avec la clientèle prospectée, et ce depuis le début de sa mission, et précisant aussi qu'elle lui consent des efforts financiers par des avances de commissions allant au-delà de leur " accord initial " sur " l'avance de 750 euro TTC, pour les dossiers que vous nous aviez transmis et qui étaient terminés en généalogie ".

De son côté, les 28 août et 13 novembre 2003, Monsieur Amathieu a reproché sous les mêmes formes d'envoi à son mandant " trop de dysfonctionnements administratifs et financiers " s'étonnant du retard de règlement de certains dossiers (quatre terminés et deux en phase finale sur soixante-dix) et réclamant diverses pièces dont " les doubles des contrats signés avec nos clients précisant les taux d'honoraires perçus par votre Etude pour chaque dossier " et " un récapitulatif général concernant uniquement les dossiers acceptés et en cours de traitement à votre Etude ".

Le 12 janvier 2004 il a pris l'initiative d'assigner en référé son mandant devant le Tribunal de commerce de Draguignan pour obtenir sous astreinte " la copie de la totalité des factures ou de tout document en tenant lieu, adressées depuis le 7 janvier 2001 à la clientèle de son secteur géographique, accompagnée des comptes courants correspondant(s), ou de tout autre document comptable en tenant lieu et permettant de vérifier pour chaque affaire, le montant et la date des honoraires facturés et encaissés ". Par ordonnance du 21 avril 2004, le juge des référés consulaire, relevant que l'Etude Généalogique avait communiqué des extraits de son grand livre des comptes généraux jugés insuffisants par le demandeur mais que le surplus des pièces demandées par lui faisait difficulté au fond entre les parties, a dit n'y avoir lieu à référé. Cette décision a été confirmée par arrêt n° 222 du 16 mars 2006 de la 8e chambre A de la cour, motif pris cette fois de ce que la demande, qui n'était pas exhaustive, ne permettait pas de cerner le nombre et la nature des pièces réclamées.

Finalement, par un nouveau courrier recommandé du 8 mai 2004 avec demande d'avis de réception, reprochant à son mandant, d'une part, de ne pas lui communiquer les éléments nécessaires au calcul de ses commissions, à savoir la copie des contrats adressés aux clients et celle des relevés des comptes clients correspondants, et, d'autre part de l'avoir, par des démarches effectuées sur son secteur, frustré de l'apport de huit dossiers au moins, Monsieur Amathieu a constaté la rupture du contrat d'agence, l'imputant au mandant et lui réclamant une indemnité de cessation de mandat égale à deux ans de commissions évaluée 196 000 euro.

L'Etude Généalogique lui a répondu le 28 mai 2004 sous la même forme, contestant la violation de l'exclusivité territoriale et rappelant que les dossiers apportés par des tiers et non des notaires ou ouverts avant le contrat d'agence n'ouvraient pas droit à commission, relevant qu'il n'avait apporté aucun dossier depuis septembre 2003 et cessé donc de fait sa collaboration, ajoutant qu'étant à l'initiative de la rupture aucune indemnité de cessation de contrat ne lui était due et qu'enfin il disposait de tous les éléments nécessaires puisqu'il était à même de calculer ses prétentions financières.

Par exploit du 10 juin 2004, Monsieur Amathieu a attrait au fond la SARL Etude Généalogique des Pyramides devant le Tribunal de commerce de Draguignan en paiement de la somme de 11 961 euro d'indemnité compensatrice de préavis, de celle de 80 010 euro d'indemnité légale de cessation de mandat et a sollicité communication sous astreinte des documents permettant de vérifier, pour chaque affaire, le montant et la date des honoraires facturés et encaissés par l'Etude, outre les conventions d'honoraires entre le mandant et ses clients.

Par jugement du 25 janvier 2005, le tribunal consulaire a commis expert aux frais avancés de Monsieur Amathieu. Celui-ci a saisi le premier président de la cour pour être autorisé à relever appel de cette décision, mais a soudainement renoncé à cette instance et a écrit au tribunal le 7 avril 2005 qu'il se trouvait dans l'impossibilité d'avancer les honoraires de l'expert.

L'instance au fond a été reprise après que le magistrat chargé du contrôle des expertises ait, par ordonnance du 20 avril 2005, constaté la caducité de la désignation de l'expert.

Estimant que les versements faits par la SARL Etude Généalogique des Pyramides soldaient, au 1er mai 2005, les commissions dues à Monsieur Amathieu le Tribunal de commerce de Draguignan l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et condamné aux dépens ainsi qu'à payer à la défenderesse la somme de 3 000 euro en compensation des frais irrépétibles du procès.

Aux termes de dernières écritures, ici tenues pour expressément reprises, déposées et notifiées le 5 mai 2008 au soutien de l'appel qu'il a interjeté de ce jugement par déclaration enregistrée céans le 18 novembre 2005, Monsieur Frédéric Amathieu demande à la cour de:

" Réformer le jugement du Tribunal de commerce de Draguignan en date du 25 octobre 2005 en toutes ses dispositions,

* Condamner la société Etude Généalogique des Pyramides (sic) de régler à Monsieur Amathieu les sommes suivantes, outre intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 8 mai 2004 :

- 11 961 euro TTC au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 80 010 euro au titre de l'indemnité légale de cessation de mandat. Vu l'article 3 du décret du 10 juin 1992,

* Condamner la société Etude Généalogique des Pyramides (sic), sous peine d'une astreinte de 1 000 euro par jour de retard, passé un délai de huit jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, à communiquer à Monsieur Amathieu la copie de la totalité des factures et conventions passées entre la société Etude Généalogique des Pyramides (sic) et la clientèle de son secteur géographique comportant la rémunération convenue de la société Etude Généalogique des Pyramides (sic), constituant l'assiette de calcul de la rémunération de Monsieur Amathieu, ainsi que de tous documents adressés depuis le 7 janvier 2001 à la clientèle de son secteur géographique, accompagnée de comptes courants correspondants et de tout autre document comptable et permettant de vérifier pour chaque affaire le montant et la date des honoraires effectivement facturés et encaissés par la société Etude Généalogique des Pyramides.

* Donner acte à Monsieur Amathieu de ce qu'il se réserve le droit de compléter ses demandes d'indemnités, dès lors qu'il aura été mis en possession des documents précités et que le montant des commissions auquel il peut prétendre sera effectivement connu,

* Condamner la société Etude Généalogique des Pyramides à régler à Monsieur Amathieu la somme de 6 000 euro au titre des frais irrépétibles au fondement de l'article 700 du NCPC, outre entiers dépens de première instance et d'appel, (...)

* Écarter toutes demandes, fins et conclusions contraires, "

Aux termes de dernières écritures, ici tenues pour expressément reprises, déposées et notifiées le 16 mai 2008, la SARL Etude Généalogique des Pyramides demande à la cour de:

" Voir confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur Frédéric Amathieu de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions et l'a condamné à 3 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du NCPC et aux dépens.

Y ajoutant,

Condamner Monsieur Frédéric Amathieu à payer et porter à la SARL Etude Généalogique des Pyramides la somme de 6 000 euro au titre des frais irrépétibles engagés pour faire reconnaître ses droits et ce sur le fondement des dispositions de l'article 700 du NCPC;

Condamner Monsieur Frédéric Amathieu aux dépens d'appel ... "

Motifs de la décision

Monsieur Amathieu ayant rompu de son chef le contrat d'agence à une date qu'il a librement fixée, ne peut prétendre à l'indemnisation d'un préavis quand bien même la rupture serait-elle justifiée par des manquements du mandant aux obligations contractuelles.

Monsieur Amathieu soutient que la SARL Etude Généalogique des Pyramides a violé la clause d'exclusivité de prospection. Il énumère dans sa lettre de rupture huit affaires qui selon lui seraient concernées, en abandonne quatre de celles-ci dans ses écritures d'appel mais en rajoute une nouvelle, puis, dans son dossier de pièces, ne verse que deux documents justificatifs, l'un concernant la succession Ollier (courrier d'un office notarial daté du 14 janvier 2003) et l'autre, la succession Delcourt (courrier du 16 janvier 2004 de la SARL Etude Généalogique des Pyramides à un notaire).

Le contenu du premier de ces courriers montre que Monsieur Amathieu est à l'origine du contact entre l'Etude Généalogique et le notaire et apporte la preuve du droit à commission de Monsieur Amathieu sur ce dossier et ses suites en conséquence des dispositions des articles L. 134-6 et L. 134-7 du Code de commerce. Pour autant, il ne démontre pas que l'Etude Généalogique soit à l'origine d'un acte de prospection accompli auprès du notaire en violation de l'exclusivité territoriale de l'agent.

Quant au second courrier, muet sur l'origine de l'apport d'affaire, il ne démontre rien, puisque l'exclusivité concédée était tempérée par un alinéa de l'article 2 du contrat prévoyant qu' " en aucun cas l'Agent ne pourra prétendre à commission, sur le territoire contractuel si un dossier de succession était apporté au Mandant, par une tierce personne ".

La violation d'exclusivité n'est donc pas prouvée.

Selon l'article R. 134-3 du Code de commerce, l'agent commercial a le droit d'exiger de son mandant qu'il lui fournisse toutes les informations, en particulier un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues.

En l'espèce, selon les énonciations du contrat, le droit à commission de l'agent prend effet avec le règlement du dossier de succession présenté par l'agent et le montant de la commission est fonction (30 % ou 20 % s'il y a des intermédiaires à rémunérer) des honoraires nets négociés et perçus par le mandant. Il en résulte que le montant de la commission de l'agent ne peut être établi qu'à partir du contrat conclu par l'Etude Généalogique soit avec le notaire soit avec l'hoirie et par la facturation émise par l'Etude Généalogique à destination de l'un ou l'autre client de ses recherches.

En ne les communicant pas en dépit des demandes présentées par l'agent, l'Etude Généalogique a enfreint les dispositions de l'article R. 143-3 précité du Code de commerce et ces circonstances imputables au mandant rendent celui-ci débiteur de la réparation prévue à l'article L. 134-12 du même Code, bien que le contrat ait cessé à l'initiative de l'agent.

La légitime demande de communication présentée par l'agent demeure nécessaire à l'instruction de la cause, tant pour déterminer les commissions qui lui reviennent et resteraient éventuellement impayées que pour fixer le montant de l'indemnité compensatrice de cessation de mandat qui lui revient.

La communication des documents précités sera donc ordonnée sous astreinte par la cour qui s'en réservera la liquidation. Elle portera sur les affaires transmises par Monsieur Amathieu et acceptées par l'Etude Généalogique, ou réputées telles si elle n'a pas informé l'agent de son refus trois mois après la transmission du dossier. S'y ajoutera l'affaire dite " succession Ollier " ouverte à l'office notarial de Six-Fours les Plages dont la présentation par l'agent est établie par le courrier du notaire en date du 14 janvier 2003.

Le surplus de la cause demeurera réservé.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement en matière commerciale et en dernier ressort, Réforme la décision entreprise et, statuant à nouveau, Dit que Monsieur Frédéric Amathieu ne peut prétendre à l'indemnisation d'un préavis de rupture contractuelle; Le dit en revanche fondé à bénéficier de l'indemnité compensatrice de cessation de mandat prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce; Avant dire droit sur le surplus de la cause, Enjoint à la SARL Etude Généalogique des Pyramides de produire aux débats : * le contrat conclu par elle soit avec le notaire soit avec l'hoirie, * la facturation par elle émise à destination du client de ses recherches, ceci pour : * les affaires transmises par Monsieur Frédéric Amathieu et acceptées par elle ou réputées telles si elle n'a pas informé l'agent de son refus trois mois après la transmission du dossier, * l'affaire dite " succession Ollier " ouverte à l'office notarial de Six-Fours les Plages ; Dit qu'à défaut de le faire sous deux mois du prononcé du présent arrêt, elle y sera contrainte par une astreinte comminatoire de 100 euro par jour de retard dont la cour se réserve la liquidation; Dit que la cour tirera aussi toutes conséquences de droit d'une absence de production des documents requis; Réserve les dépens; Renvoie la cause et les parties à l'audience du 4 décembre 2008 qui sera tenue en formation de rapporteur, sauf autre demande des conseils des parties; Dit que l'instruction de l'affaire sera close le 4 novembre 2008.