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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 12 juin 2008, n° 07-01239

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Comexpo Paris (SA)

Défendeur :

Christian Carbonnières (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mandel

Conseillers :

Mmes Valantin, Lonne

Avoués :

SCP Debray-Chemin, SCP Bommart Minault

Avocats :

Mes Vaisse, Gransard

T. com. Nanterre, 5e ch., du 2 févr. 200…

2 février 2007

La société Christian Carbonnières exerce une activité principale de négociant en vin. Elle commercialise une importante partie de ses produits lors des foires et des salons. Elle est ainsi présente depuis plusieurs années à la Foire de Paris.

La Foire de Paris est organisée par la société Comexpo Paris, venue aux droits du Comité des Expositions de Paris. Elle constitue une manifestation généraliste comprenant une vingtaine de salons regroupés autour de trois pôles "temps libre et envies", "envies d'ailleurs", et "maison". Comexpo décide des conditions d'accès et alloue les différents emplacements aux candidats exposants. Le pôle "envies d'ailleurs" se décline en trois salons "richesses du monde" "terres des tropiques" et "terres de France et d'Europe", ce dernier salon comprenant ce qui était, avant l'édition 2004, intitulé "vins et gastronomie".

Comexpo faisant valoir qu'elle se trouvait obligée, dans le cadre de sa stratégie d'élargissement à l'ensemble des patrimoines de France et d'Europe, et de sa volonté de privilégier leurs intérêts culturels et patrimoniaux, de réduire le secteur viticole du salon Terres de France et d'Europe, a par lettre du 21 septembre 2004 informé Christian Carbonnières ainsi que d'autres exposants en vin que le salon "terres de France et d'Europe" sera réservé pour l'édition du 12 au 22 mai 2005 aux producteurs (avec déclaration de récoltes 2003 & 2004), producteurs négociants (avec obligation de ne vendre que les vins de leur propre société et déclaration de récolte 2003 et 2004), caves coopératives et importateurs de vins étrangers, précisant que les négociants en vin ne pourront plus y participer.

Dès le 21 octobre 2004, puis par de nombreux courriers, Christian Carbonnières a, par l'intermédiaire de ses conseils, demandé à Comexpo de reconsidérer sa décision. En réponse, cette dernière a rappelé son souhait d'une nouvelle image du salon, et précisant les critères de sélection qu'elle utilisait pour accorder des emplacements au salon "terres de France et d'Europe", a confirmé l'exclusion des négociants en vin.

Estimant la décision de Comexpo abusive et considérant qu'elle lui causait un grave préjudice, Christian Carbonnières a assigné la société Comexpo devant le tribunal de commerce de Nanterre, par acte du 15 juin 2005, afin de voir dire que Christian Carbonnières a été victime d'une rupture brutale des relations commerciales établies du fait de l'exclusion par Comexpo du salon "terres de France et d'Europe", qu'elle a été victime de pratiques discriminatoires de la part de Comexpo engageant la responsabilité de cette dernière, que Comexpo s'est rendue coupable d'un abus de position dominante en lui refusant la possibilité d'exposer au salon "terres de France et d'Europe", et que l'exclusion par Comexpo de Christian Carbonnières dudit salon constitue une entente.

En conséquence, elle demandait au tribunal d'annuler les nouveaux critères d'agrément à la Foire de Paris édictés par Comexpo et d'ordonner la réintégration de Christian Carbonnières à cette foire, et de condamner Comexpo à lui verser une somme de 58 611 euro à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chiffre d'affaires pour la Foire de Paris 2005, une somme restant à chiffrer à titre de dommages et intérêts au titre des frais liés à l'achat et au stockage des produits vendus, une somme de 79 799 euro restant à compléter, à titre de dommages et intérêts au titre de l'atteinte portée à sa force de vente, et la somme de 10 000 euro de dommages et intérêts au titre de l'atteinte à son image. A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où les clauses d'agrément n'étaient pas annulées et sa réintégration non ordonnée, elle demandait au tribunal de dire que Comexpo devait respecter un préavis de 24 mois avant de rompre les relations commerciales avec Christian Carbonnières et de condamner Comexpo à lui verser une indemnité équivalente à la marge brute qu'elle aurait perçue pour l'édition 2006 de la Foire, soit 58 611 euro.

La société Comexpo a conclu au débouté, et demandé au tribunal d'écarter le constat de Maître Alévèque, de dire que le changement de nomenclature du salon "terres de France et d'Europe" opéré en septembre 2004 en vue de la Foire de Paris 2005 est licite et non fautif au regard des règles de la concurrence, de constater que Christian Carbonnières ne justifie pas s'être vu refuser, avant la clôture des inscriptions, de présenter ses vins au secteur Vins de la Foire de Paris, conformément à la nouvelle nomenclature, et en conséquence, de dire que le changement de nomenclature n'est pas une rupture brutale des relations commerciales établies, ni constitutif de pratiques discriminatoires, d'un abus de position dominante ou d'une entente. A titre subsidiaire, elle demandait qu'il soit dit que le préavis de huit mois qui a été mis en œuvre pour la session 2005 était suffisant au regard de la périodicité annuelle de la Foire de Paris et de la durée de cette manifestation. Elle réclamait le versement d'une indemnité de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement du 2 février 2007 le Tribunal de commerce de Nanterre a:

- constaté l'existence d'une relation commerciale établie entre la société Comexpo et la société Christian Carbonnières,

- reçu Christian Carbonnières en sa demande de dommages et intérêts et l'a dit partiellement bien fondée,

- condamné la société Comexpo à payer à la société Christian Carbonnières la somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts,

- condamné la société Comexpo à payer à la société Christian Carbonnières la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté la société Christian Carbonnières de ses autres demandes,

- condamné la société Comexpo aux entiers dépens.

Le tribunal après avoir retenu le constat de Maître Alévèque, a considéré que la société Comexpo et la société Christian Carbonnières étaient dans une relation commerciale établie depuis 20 ans, que Comexpo avait engagé sa responsabilité en rompant ces relations sans prendre les dispositions adéquates pour que la société Christian Carbonnières participe une dernière fois à une session de "transition" du salon, que le préavis donné était insuffisant ; que la société Christian Carbonnières avait souffert d'un préjudice essentiellement d'image qui pouvait être évalué à 15 000 euro, celle-ci ne justifiant pas de l'intégralité des préjudices invoqués. En revanche, le tribunal a considéré que la société Comexpo était libre de fixer les critères de participation et de sélection des exposants, et que l'orientation choisie ne pouvait constituer un abus de position dominante ni une discrimination, ni une entente et ce après avoir notamment relevé que Christian Carbonnières ne justifiait pas s'être vu refuser, avant la clôture des inscriptions, de présenter ses vins en sa seule qualité de producteur ou de négociant vinificateur.

La SA Comexpo Paris a interjeté appel.

Dans le dernier état de ses écritures (conclusions du 14 janvier 2008), elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté l'existence d'une relation commerciale établie entre la société Comexpo et la société Christian Carbonnières, et reçu celle-ci en sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 15 000 euro.

Elle prie la cour de dire et juger le changement de nomenclature du salon "terres de France et d'Europe" de la Foire de Paris, opéré en septembre 2004 par la société Comexpo Paris en vue de la Foire de Paris de 2005, licite, valide et non fautif au regard de l'article L. 442-6 du Code de commerce et de confirmer le jugement pour le reste de ses dispositions.

Elle réclame par ailleurs la condamnation de la société Christian Carbonnières à lui payer la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens.

Elle fait valoir que:

- les parties ne sont pas dans une relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6 I° 5 du Code de commerce dès lors qu'il n'existe entre les parties aucun "volume d'affaires" puisque la location ponctuelle d'un stand sur un salon ouvert 10 jours par an ne peut être assimilé à un courant d'affaires entre des partenaires économiques,

- elle a informé la société Christian Carbonnières dans un délai raisonnable et suffisant, compte tenu du caractère annuel de l'événement en cause,

- les négociants en vin n'ont manifestement pas subi de diminution de leur chiffre d'affaires par rapport à 2004 ni même à 2003, que la diminution du chiffre d'affaires de Christian Carbonnières entre 2005 et 2004 est minime par rapport aux fluctuations allant de 30 000 à 100 000 euro les années précédentes et que sa demande formée au titre de "l'atteinte à sa force de vente" n'est ni établie, ni fondée,

- elle ne s'est pas livrée à un quelconque traitement discriminatoire, non plus qu'injustifié, la présence de vins étrangers répondant à la diversité recherchée par les visiteurs de la Foire de Paris et au caractère international de la manifestation. Tout en contestant la régularité du constat de Maître Alévèque, elle expose que les rares manquements relevés, et dont elle n'a pas été informée, ne sauraient constituer un comportement discriminatoire d'autant plus que les exposants en cause relèvent de secteurs différents avec des règles de participation différente,

- pour le salon 2005, la société Christian Carbonnières n'a pas sollicité sa participation à la Foire de Paris en qualité de producteur ou négociant vinificateur,

- Comexpo ne détient pas une position dominante sur le marché des voies de commercialisation des vins et spiritueux et qu'en toute hypothèse le changement des catégories et de la nomenclature du salon "terres de France et d'Europe" par Comexpo ne constitue aucunement un abus de position dominante,

- Christian Carbonnières ne produit ni preuve formelle, ni indices graves, précis et concordants de l'entente qu'elle allègue.

La société Christian Carbonnières par ses conclusions du 16 octobre 2007 demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé qu'elle avait été victime d'une rupture brutale des relations commerciales établies du fait de l'exclusion par Comexpo du salon "terres de France et d'Europe" et de l'infirmer pour le surplus.

Elle demande à la cour de dire et juger que Comexpo devait respecter un préavis de 24 mois avant de rompre ses relations commerciales avec Christian Carbonnières, que cette dernière a été victime de pratiques discriminatoires de la part de Comexpo, que Comexpo s'est rendue coupable d'un abus de position dominante en refusant à Christian Carbonnières la possibilité d'exposer au salon "terres de France et d'Europe", et que l'exclusion par Comexpo de Christian Carbonnières dudit salon constitue une entente.

En conséquence, elle réclame l'annulation des nouveaux critères d'agrément à la Foire de Paris édictés par Comexpo et demande que sa réintégration à cette foire soit ordonnée. Elle sollicite la condamnation de Comexpo à lui verser la somme de 58 611 euro à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chiffre d'affaires pour la Foire de Paris 2005, la même somme à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chiffre d'affaires pour la Foire de Paris 2006, une somme restant à chiffrer à titre de dommages et intérêts au titre des frais liés à l'achat et au stockage des produits vendus, une somme de 79 799 euro restant à compléter à titre de dommages et intérêts au titre de l'atteinte portée à sa force de vente, et la somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts au titre de l'atteinte à son image.

Elle réclame en outre la publication du "jugement" (sic) et la condamnation de la société Comexpo à lui verser la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens.

Elle fait valoir que :

- il existait une relation commerciale établie entre elle-même et Comexpo et que quand bien même Comexpo était en droit de modifier ses conditions d'admission, elle se devait de lui accorder un préavis qui ne pouvait être inférieur à 24 mois pour qu'elle puisse trouver une solution alternative, ce d'autant plus qu'elle participait à la Foire de Paris depuis plus de 20 ans,

- la différence de critères d'agrément instaurés par Comexpo constitue une discrimination entre les négociants en vin et les importateurs en vin non justifiée par des contreparties réelles et crée un désavantage majeur à l'encontre des négociants en vin,

- Comexpo n'a pas fait respecter ses nouvelles règles et que le constat dressé par Maître Alévèque révèle la présence de maisons vendant des vins de négoce ce qui constitue une pratique discriminatoire vis-à-vis de Christian Carbonnières,

- Comexpo détient une position dominante sur le marché des emplacements commerciaux disponibles dans les foires et salons en France pour la vente et qu'en excluant la société Christian Carbonnières elle s'est rendue coupable d'abus de position dominante,

- Comexpo, en modifiant les conditions d'inscription, a de manière délibérée organisé avec les producteurs de vins français et les importateurs de vins étrangers une entente tendant à exclure les négociants en vins de la Foire de Paris,

- le préjudice de Christian Carbonnières s'évalue en premier lieu par une perte de marge, estimée au regard de la moyenne annuelle des années 2002, 2003 et 2004, pondérée par la proportion du chiffre d'affaires annuel réalisé à l'occasion de la Foire de Paris, soit une moyenne de 20 % ; que la marge moyenne réalisée par la société Christian Carbonnières au cours de ces trois années lors de la Foire de Paris s'élève à 58 611 euro HT et qu'en conséquence cette somme doit lui être allouée tant pour l'année 2005 que l'année 2006. Elle ajoute qu'elle doit faire face à un stock d'invendus représentant une charge financière très lourde et va être dans l'obligation de rompre ses engagements contractuels et d'indemniser les producteurs cocontractants. Elle prétend également qu'elle risque de perdre certains vendeurs qui préféreront travailler pour le compte d'un producteur présent à la Foire de Paris et va devoir soit mettre en chômage technique une partie du personnel, soit se séparer de sa force de vente notamment par le licenciement de plusieurs personnes. Elle soutient qu'à ce jour, elle a déjà reçu des demandes d'indemnités de la part de trois vendeurs pour une somme totale de 79 799 euro. Enfin, elle expose que le fait de ne plus pouvoir être présent à la Foire de Paris représente pour elle une atteinte importante à son image dans la mesure où sa clientèle va s'interroger sur les raisons de son absence.

Sur ce, LA COUR

I. Sur le grief de rupture de relations commerciales établies :

Considérant qu'en vertu de l'article L. 442-6 I 5° "engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur commerçant, industriel ou personne immatriculée au registre des métiers ... de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels";

Considérant qu'en l'espèce il est constant que chacune des parties a la qualité de commerçant;

Considérant qu'entre dans le champ de l'article L. 442-6 I 5°, toute relation commerciale établie que celle-ci porte sur la fourniture d'un produit ou d'une prestation de service;

Considérant qu'en l'espèce Comexpo ne saurait valablement soutenir qu'il n'existe aucune relation commerciale entre les parties;

Considérant en effet qu'il résulte des pièces mises aux débats et notamment des formulaires de participation à la Foire de Paris "terres de France et d'Europe" édictés par Comexpo que cette société en contrepartie du paiement de diverses sommes fournit aux exposants la réservation d'un stand, un pack de l'exposant comportant des services de communication, des services Internet à l'année, des prestations promotionnelles telles que la fourniture de cartes d'invitation avec un minimum forfaitaire obligatoire de cinq cartes ainsi qu'une assurance également obligatoire ; que Comexpo ne conteste pas que ces prestations ou une partie d'entre elles ont été fournies à la société Christian Carbonnières depuis plusieurs années, cette société ayant été immatriculée au registre du commerce en mars 1991 ; que Comexpo précise elle-même dans ses écritures qu'elle s'engage à fournir un ensemble complexe de prestations de services gardiennage et nettoyage général, chauffage, décoration et aménagement de l'ensemble, publicité de la manifestation ; qu'il est donc démontré que les relations entre les parties s'analysent comme des relations commerciales;

Considérant en second lieu que la qualification de relations commerciales "établies" au sens de l'article L. 442-6 I 5° n'est pas conditionnée par l'existence d'un échange permanent et continu entre les parties;

Que la Foire de Paris ne se tenant que pendant quelques jours une fois par an, les relations entre les parties ne pouvaient matériellement se poursuivre en dehors de cette période mis à part les services Internet fournis à l'année si on se rapporte au bulletin de participation; qu'il suffit donc que la société Christian Carbonnières démontre que pendant plusieurs années, elle a participé à cette Foire;

Or considérant que Comexpo ne conteste pas qu'à la date où elle a adressé la lettre du 21 septembre 2004 par laquelle elle informait la société Christian Carbonnières de ce que le salon "terres de France et d'Europe" à la Foire de Paris 2005 ne serait pas ouvert aux négociants en vins, la société Christian Carbonnières participait à la Foire de Paris depuis son immatriculation au registre du commerce;

que même si en vertu du règlement général des foires et salons en France, la société Christian Carbonnières ne bénéficiait pas d'un droit à réitération chaque année à la location d'un stand et aux prestations annexes fournies par Comexpo dans le cadre de la Foire de Paris, il demeure que dès lors que Comexpo ne conteste pas que la société Christian Carbonnières a régulièrement participé à cette Foire depuis près de 15 ans (étant observé qu'ayant été immatriculée au registre du commerce en mars 1991, elle ne pouvait y avoir participé depuis plus de 20 ans à la date du 21 septembre 2004) Christian Carbonnières justifie d'une relation commerciale établie avec Comexpo venant aux droits du Comité des Expositions de Paris;

Considérant que Comexpo fait encore valoir qu'en informant la société Christian Carbonnières environ huit mois avant la session 2005 de la Foire de Paris, elle a respecté un préavis suffisant ce d'autant plus qu'en vertu du règlement l'admission ne comporte aucun droit d'admissibilité pour une manifestation ultérieure ; qu'elle ajoute que les contraintes techniques ne lui permettaient pas de prévoir des changements dans l'organisation du salon 18 mois à 2 ans avant leur mise en application;

Considérant qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges si le droit de modifier son règlement ne lui est pas contesté, Comexpo se devait d'accorder à la société Christian Carbonnières un préavis raisonnable et suffisant, permettant à cette société de prendre ses dispositions pour trouver d'autres moyens de commercialiser ses produits ou pour pouvoir être à même de remplir les nouveaux critères posés par Comexpo, tout en tenant compte de la durée des relations commerciales entre les parties;

Considérant qu'il n'est pas contesté qu'à la date où Comexpo a informé la société Christian Carbonnières de ce que désormais seuls les producteurs, producteurs négociants, caves coopératives et importateurs de vins étrangers pourraient participer au salon "terres de France et d'Europe", soit le 21 septembre 2004, cette dernière était présente à la Foire de Paris depuis près de 15 ans;

Considérant par ailleurs qu'il est constant que le Foire de Paris qui ne se tient à Paris qu'une fois par an, en mai, est un événement qui bénéficie d'un rayonnement non seulement français mais aussi international et qui revêt une importance primordiale pour les exposants ; que s'agissant plus précisément de la société Christian Carbonnières, celle-ci fait valoir que le chiffre d'affaires qu'elle réalise à la Foire de Paris représente en moyenne 20 % de son chiffre d'affaires annuel ; que même si la société reconnaît qu'elle participe également au Salon International de l'Agriculture depuis de nombreuses années, ceci démontre à l'évidence que ce salon ne constitue pas une solution de remplacement mais bien au contraire qu'elle attache une égale importance aux deux événements qui ne s'adressent pas à la même clientèle;

Considérant par ailleurs qu'un événement tel la Foire de Paris nécessitant obligatoirement des préparatifs sur le moyen terme, la décision d'ouvrir le salon à d'autres régions ou à des pays étrangers, tout en préservant la sécurité des visiteurs en élargissant la taille des allées n'a pu être prise quelques mois seulement avant la tenue annuelle de la Foire;

Considérant dans ces conditions qu'en informant la société Christian Carbonnières que huit mois avant la tenue annuelle (édition 2005 12 au 22 mai) de la Foire de Paris qu'elle ne pourrait pas y participer en tant que négociant, Comexpo a rompu ses relations avec cette société de manière brutale ; qu'eu égard au caractère uniquement annuel de l'événement, à son importance économique et à l'ancienneté des relations entre les parties, Comexpo se devait de permettre à la société Christian Carbonnières de participer à la Foire de Paris en 2005 ou de prendre toutes dispositions utiles pour l'informer des changements à venir en respectant un préavis de 12 mois afin qu'elle puisse réorganiser ses activités ;

Que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a dit que Comexpo avait engagé sa responsabilité à l'égard de la société Christian Carbonnières au regard des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce;

II. Sur les pratiques discriminatoires :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 442-6 I-1° du Code de commerce engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au registre des métiers de pratiquer, à l'égard d'un partenaire économique, ou d'obtenir de lui des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d'achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelle et créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence ;

Considérant que la société Christian Carbonnières prétend que les critères d'agrément instaurés par Comexpo aux négociants constituent une discrimination par rapport aux importateurs de vins étrangers ; qu'elle ajoute qu'elle a également été victime de discriminations par rapport à d'autres négociants en vins ainsi que par rapport à d'autres propriétaires ou négociants vinificateurs;

Considérant qu'en vertu des nouvelles dispositions mises en place par Comexpo pour l'édition 2005 du salon "terres de France et d'Europe" les producteurs étaient admis à participer à condition de produire en particulier les déclarations de récoltes 2003 & 2004 et les négociants vinificateurs à condition de présenter sur leur stand les vins vinifiés par eux et de produire notamment la liste complète des vins vinifiés avec précision des noms de domaines et coordonnées précises des propriétaires ainsi qu'une déclaration de production SV 12 correspondant à la société devant exposer au Salon ainsi que le conseil de la société Christian Carbonnières en a été avisé par lettre du 26 octobre 2004;

Que si la société Christian Carbonnières ne justifie pas avoir sollicité son inscription à la Foire de Paris édition 2005 en qualité de producteur; que si pour l'année 2007, elle communique une lettre du 9 janvier 2007 par laquelle elle demande à Comexpo de pouvoir constituer un groupement avec quatre autres producteurs, elle n'établit ni s'être heurtée à un refus de Comexpo, ni avoir fourni l'ensemble des documents requis ; qu'en conséquence elle ne peut valablement soutenir s'être vue refuser de manière discriminatoire sa participation en tant que producteur à l'édition 2005 ou à l'édition 2007 du salon "terres de France et d'Europe" dans le cadre de la Foire de Paris;

Considérant que la société Christian Carbonnières ne peut pas davantage faire grief à Comexpo de ne pas s'être opposée à ce que des exposants qui n'étaient pas des producteurs, présentent des vins de négoce;

Qu'à l'appui de ses prétentions, la société Christian Carbonnières s'appuie sur le constat dressé le 18 mai 2005 par Maître Alévèque ; que ce constat ne saurait être écarté des débats dès lors que la Foire de Paris est un lieu public et que l'huissier a procédé à ses constatations à partir des allées publiques sans pénétrer sur les stands des exposants;

Considérant que la seule présence sur le stand de la Maison Drouot Ainé de deux personnes goûtant un vin provenant des "hospices de nuit" dont le producteur est les "hospices de nuit" ne suffit pas à établir que cet exposant proposait à la vente ce vin;

Considérant qu'en ce qui concerne le stand Château de l'Isolette, Comexpo rapporte la preuve que le vin "Lou Festejaire" est effectivement produit et vinifié par ce producteur, Monsieur Boisset se limitant à le gazéifier; qu'en conséquence en tant que producteur Château de l'Isolette était en droit de participer au salon;

Considérant qu'il en est de même de la Maison Lecellier qui pour la Foire de Paris 2005 a communiqué à Comexpo une déclaration de récolte 2002 et 2003 de la SCI du Clos de Thorey pour les appellations Vosne Romanée, Bourgogne Rouge, Gevrey Chambertjn, Beaune 1er cru, Clos Vougeot, Savigny les Beaune rouge et blanc, Nuits Saint Georges Villages et 1er cru et a justifié être copropriétaire exploitant de cette SCI; que cette même société a communiqué à Comexpo les documents attestant de sa qualité de négociant éleveur;

Que le fait que la société Janicot qui n'est pas producteur a vendu six bouteilles de vins différents à Monsieur Guerin et la société Valette deux bouteilles de vin alors qu'elle commercialise essentiellement des foies gras ne peut être considéré comme une pratique discriminatoire de la part de Comexpo ; qu'eu égard au nombre important d'exposants et à la superficie de l'exposition, il est concevable que ces deux exposants aient pu échapper au contrôle de Comexpo, ce d'autant plus que la preuve n'est pas rapportée qu'ils proposaient des quantités importantes de vins ; que la société Christian Carbonnières ne justifie pas davantage avoir informé Comexpo de leur présence;

Considérant que s'agissant des importateurs de vins étrangers, la société Christian Carbonnières fait valoir qu'un importateur de vins italiens ou espagnols sur le marché français a une situation identique à celle d'un négociant du sud de la France; qu'ils s'adressent à la même clientèle finale et en conséquence qu'en privilégiant ces importateurs Comexpo créée une discrimination;

Mais considérant que si les pièces communiquées établissent que la société Lionel Dufour simple négociant offrait sur le salon des vins d'un producteur allemand et d'un producteur italien, la société Christian Carbonnières ne versant aux débats aucune pièce tendant à démontrer qu'elle commercialiserait essentiellement des vins du sud de la France voire des vins présentant les mêmes caractéristiques que les vins de ces producteurs étrangers, ne peut valablement soutenir avoir été victime de pratiques discriminatoires ; qu'il sera relevé qu'en tant que producteur, elle exploite un vin Saint Emilion ; que par ailleurs les conditions d'agrément fixées par Comexpo à compter du salon 2005 imposant aux importateurs de vins étrangers de ne présenter que des vins étrangers sur leur stand, à l'exclusion de tout vin français, cette obligation constitue une contrepartie réelle pour Comexpo dès lors que cela lui permet d'asseoir le caractère international de la manifestation sans porter préjudice aux producteurs français; que l'éloignement de certains des pays producteurs (Hongrie, Autriche, Portugal, Grèce) dont les vins sont présentés à la Foire de Paris justifie que ceux-ci puissent se faire représenter par des importateurs exclusifs ; qu'il ne saurait être exigé de Comexpo qu'elle opère une distinction suivant le pays d'origine sous peine de se rendre coupable de pratiques discriminatoires entre producteurs étrangers;

Que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté la société Christian Carbonnières de sa demande du chef de pratiques discriminatoires;

III. Sur le grief d'abus de position dominante :

Considérant que la société Christian Carbonnières fait valoir que Comexpo détient une position dominante sur le marché des emplacements commerciaux disponibles dans les foires et salons en France pour la vente de vins et qu'en l'excluant du salon, elle s'est rendue coupable d'un abus de position dominante au sens de l'article L. 420-2 du Code de commerce ;

Mais considérant qu'il n'est pas démontré que sur le marché de référence, qui doit se définir comme le marché de présentation de vins dans le cadre de foires ou salons, Comexpo occupe avec la Foire de Paris une position dominante ; que le seul critère de la notoriété ne suffit pas à conclure à l'existence d'une position dominante ; que la société Christian Carbonnières ne peut pas davantage se référer au chiffre d'affaires réalisé par un autre négociant, la société Struk Ohana pour en conclure que Comexpo détient avec la Foire de Paris une position dominante sur le marché de référence ; que Comexpo rapporte la preuve qu'il existe de nombreux autres marchés ou salons dont certains sont spécialisés pour les vins et/ou la gastronomie et où les négociants en vins peuvent présenter leurs produits dont notamment le salon international de l'Agriculture, la Foire Internationale de Bordeaux, le salon des vins à Toulouse, le salon "Saveurs" (pièces 9 et 10); qu'il sera rappelé que la Foire de Paris n'est pas consacrée exclusivement aux vins mais est une foire pluridisciplinaire ; que l'examen du guide du salon "terres de France et d'Europe" de la Foire de Paris 2005 montre que pour ce seul salon (la Foire regroupant trois pôles et le pôle "Envie d'Ailleurs" regroupant lui-même trois salons dont le salon terres de France et d'Europe) près de 300 exposants étaient présents dont 93 seulement pour les vins, vins de pays, vins doux naturels;

Que compte tenu de ces éléments, c'est à juste titre que le tribunal a retenu que la preuve n'était pas rapportée que Comexpo occupait avec la Foire de Paris une position dominante sur le marché de référence

IV. Sur le grief d'entente illicite :

Considérant que la société Christian Carbonnières soutient que la modification des critères d'agrément par Comexpo au seul bénéfice des producteurs et importateurs de vins constitue une entente anticoncurrentielle au sens de l'article L. 420-1 du Code de commerce la privant d'un accès essentiel au marché de la vente dans les foires et salons;

Mais considérant que la société Christian Carbonnières à qui incombe la charge de la preuve ne produit aucun document, note ou accord tendant à établir une telle entente ; qu'il n'existe aucun faisceau d'indices graves, précis et concordants tendant à établir que Comexpo s'est concertée avec les producteurs de vins et les importateurs de vins étrangers pour exclure les négociants de la Foire de Paris;

Que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a écarté ce grief;

V. Sur le préjudice:

Considérant que seul doit donner lieu à indemnisation le préjudice subi par la société Christian Carbonnières du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies avec Comexpo;

Considérant que la société Christian Carbonnières fait valoir que les premiers juges ont fait une inexacte appréciation de son préjudice et sollicite le paiement de deux sommes de 58 611 euro au titre de la perte de chiffre d'affaires pour la Foire de Paris 2005 et 2006, une somme de 10 000 euro au titre de l'atteinte à son image; qu'elle soutient également avoir subi un préjudice au titre de l'atteinte à sa force de vente qu'elle évalue à la somme de 79 799 euro ; que par ailleurs elle évoque un préjudice au titre des frais liés à l'achat et au stockage des produits mais ne chiffre pas son préjudice sur ce point et ne sollicite pas davantage une provision;

Considérant que la cour ayant retenu qu'un préavis d'un an aurait dû être accordé à la société Christian Carbonnières, cette dernière ne peut prétendre à une quelconque indemnisation au titre de l'édition 2006 de la Foire de Paris;

Considérant que doit être indemnisé le préjudice réel subi par la société Christian Carbonnières du fait du caractère brutal de la rupture lequel doit être calculé en fonction de la perte de marge bénéficiaire que la société Christian Carbonnières pouvait escompter tirer de sa participation au salon 2005 et des conséquences dommageables que cette absence a pu entraîner sur son image de marque;

Considérant qu'il résulte des chiffres communiqués que le chiffre d'affaires de la société Christian Carbonnières pour l'exercice clos le 28 février 2006 a été légèrement inférieur à celui clos le 28 février 2005 (exercice prenant en compte le chiffre d'affaires réalisé sur l'édition 2004 de la Foire de Paris qui se tient en mai) (410 670 euro de chiffre d'affaires pour l'exercice clos le 28 février 2006 contre 452 774 euro selon les chiffres publiés au registre du commerce) ; qu' elle a dégagé pour l'exercice clos le 28 février 2006 un résultat négatif de - 23 068 euro alors que lors de l'exercice précédent, son résultat était de + 132 euro que lors de l'exercice clos le 29 février 2004, son chiffre d'affaires avait été de 542 266 euro mais que son résultat était déjà négatif : - 2 021 euro alors même qu'elle participait à la Foire de Paris ; qu'il apparaît donc qu'elle rencontrait déjà quelques difficultés ; que selon ses propres chiffres (pièce 9) le chiffre d'affaires qu'elle réalisait à la Foire de Paris a diminué de près de 50 % entre 2003 et 2004 ; qu'elle prétend que sa marge a été entre 2002 et 2004 de 56 % en moyenne mais produit un tableau non certifié qui ne porte que sur les exercices clos en février 2002 et 2003;

Que les éléments susvisés établissent que sa non-participation au Salon 2005 l'a privée d'une partie de sa marge, que par ailleurs son absence à un événement de l'importance de la Foire de Paris a eu nécessairement des conséquences négatives sur son image de marque d'autant qu'elle y était présente depuis près de 15 ans ; que les préjudices par elle subis de ces chefs seront exactement réparés par le versement d'une somme de 25 000 euro; que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a limité son indemnisation à la somme de 15 000 euro;

Considérant par ailleurs que si Christian Carbonnières rapporte la preuve qu'un de ses employés a démissionné en avril 2007 et que trois vendeurs lui ont réclamé des indemnités compensatrices de pertes de salaires, elle ne justifie pas avoir donné une suite favorable à leur demande, ni avoir été condamnée à leur payer les sommes réclamées;

Considérant que la mise en œuvre des nouvelles conditions de participation à la Foire de Paris pour les producteurs de vins et importateurs de vins étrangers ne constituant ni une entente illicite, ni un pratique discriminatoire, la demande tendant à leur annulation sera rejetée de même que la demande de réintégration de Christian Carbonnières;

Considérant que les circonstances de la cause ne justifient pas de faire droit aux mesures de publication sollicitées.

VI. Sur l'article 700 du Code de procédure civile :

Considérant que l'équité commande d'allouer à la société Christian Carbonnières une somme complémentaire de 2 000 euro pour les frais hors dépens par elle engagés en appel, les premiers juges ayant fait une exacte appréciation des frais de première instance ; que Comexpo qui succombe sera déboutée de sa demande de ce chef.

Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement, - Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la société Comexpo Paris à payer la somme de 15 000 euro (quinze mille euro) à la société Christian Carbonnières, - Le reformant de ce chef, statuant a nouveau et y ajoutant, - Condamne la société Comexpo Paris à payer à la société Christian Carbonnières la somme de 25 000 euro (vingt cinq mille euro) à titre de dommages et intérêts et une somme complémentaire de 2 000 euro (deux mille euro) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, - Déboute les parties du surplus de leurs demandes, - Condamne la société Comexpo Paris aux dépens d'appel, - Admet la SCP Bommart Minault, avoués, au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.