CA Aix-en-Provence, 4e ch. C, 14 février 2008, n° 06-17124
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Di Matteo
Défendeur :
Pisano, Ronco
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bernard
Conseillers :
Mme Brejoux, M. Naget
Avoués :
SCP de Saint Ferreol-Touboul, Me Jauffres
Avocats :
SCP Braunstein - Chollet-Franceschi - Chollet Magnan, Me Lacroix de Gubernatis
Eric Di Matteo a assigné, le 01.02.2006, devant le Tribunal de commerce de Brignoles, Esterina Pisano née Palamara, ès qualités d'héritière et ayant-droit de Michel Ronco, son fils décédé ;
Esterina Pisano née Palamara et Fanny Ronco, ès qualités d'héritières, venant aux droits de leur fils et père Michel Ronco, ont elles-mêmes assigné Eric di Matteo devant le même tribunal le 13.02.2006 ;
Eric di Matteo a demandé au tribunal de prononcer la nullité, pour dol, de la convention de location-gérance, signée le 13.10.2002 avec Michel Ronco et de condamner les défenderesses à lui rembourser 43 905,24 euro et à lui payer 200 000 euro à titre de dommages-intérêts ;
Esterina Pisano et Fanny Ronco ont sollicité que soit prononcée la résiliation du contrat du 13.10.2002 aux torts exclusifs d'Eric di Matteo, avec publication dans un journal d'annonces légales et qu'Eric di Matteo soit condamné à leur payer 200 000 euro à titre de dommages-intérêts, ainsi que 38 413,20 euro représentant l'arriéré locatif ;
Par jugement contradictoire, rendu le 19.09.2006, le Tribunal de commerce de Brignoles a prononcé la jonction des dossiers enrôlés sous les numéros 2006-418 et 2006-498, a prononcé la résiliation du contrat du 03.10.2002 aux torts exclusifs d'Eric di Matteo et a condamné ce dernier à payer à Esterina Pisano née Palamara, 27 000 euro et 8 559,90 euro au titre de l'arriéré locatif impayé jusqu'en février 2006 inclus, ainsi que 30 000 euro à titre de dommages-intérêts et 500 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Eric di Matteo a relevé appel de cette décision ;
Dans ses dernières conclusions signifiées le 26.03.2007 et auxquelles il est renvoyé, l'appelant demande l'infirmation du jugement entrepris ;
Il réitère sa demande de nullité de la convention de location-gérance pour dol, Michel Ronco lui ayant sciemment dissimulé qu'il n'avait jamais été autorisé à exploiter un casse auto ;
Eric di Matteo réclame, ensuite, la restitution des sommes versées soit 43 205,24 euro au titre du stock, le remboursement d'un trop-perçu de 4 443,22 euro, et la condamnation des intimées à lui payer 200 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par la procédure pénale, dont il a fait l'objet à cause de ce défaut d'autorisation administrative d'exploiter, et 5 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Dans ses dernières écritures signifiées le 28.11.2007 et auxquelles il est renvoyé, Esterina Pisano née Palamara sollicite la confirmation du jugement entrepris et la condamnation d'Eric di Matteo à lui payer 10 000 euro à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et 5 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Fanny Ronco a été assignée le 17.07.2007 et réassignée le 20.09.2007 à l'étude de l'huissier instrumentaire ; elle n'a pas constitué avoué ;
Sur quoi LA COUR :
Considérant que la recevabilité de l'appel n'est pas critiquée ;
Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que, par convention du 03.10.2002, Michel Ronco a donné en location-gérance un fonds de commerce de " casse automobile-vente et achat de véhicules d'occasion-pièces détachées neuves et occasion-remorquage négociant en machines outils-achat vente fer et métaux-dépannage et réparation de véhicules ", connu sous l'enseigne Azur Auto, sis à Saint-Antonin (83) ;
Que ce fonds comprenait les éléments classiques de tout fonds de commerce et en outre " le bénéfice de toutes autorisations administratives afférentes du commerce exploité dans le fonds " ;
Qu'à l'article 12 de la convention, le bailleur déclarait avoir " obtenu pour son activité toutes les autorisations administratives ou autres, nécessitées par la réglementation en vigueur, s'agissant notamment des réglementations relatives à la protection de l'environnement, à la sécurité et à la salubrité, bien qu'il n'ait pu en justifier au locataire-gérant " ;
Considérant qu'Eric di Matteo a été condamné par le Tribunal de commerce de Draguignan le 09.11.2005 à trois mois d'emprisonnement, à 20 000 F d'amende, à l'interdiction d'exercice de dirigeant de casse pendant trois ans, à l'interdiction d'utiliser l'installation de Saint-Antonin jusqu'à l'obtention d'une autorisation conforme délivrée par la DRIRE et à la remise en état des lieux ;
Que le jugement du 09.11.2005 a reconnu Eric di Matteo coupable d'embauche d'un étranger en situation irrégulière et de l'aide au séjour en France de cet étranger du 01.10.2004 à mai 2005, d'un défaut intentionnel de déclarations nominatives à l'embauche, d'une omission intentionnelle de déclarations sociales obligatoires et de remise de bulletins de paye pour 5 employés entre janvier et novembre 2005, d'exploitation d'un casse, installation classée sans autorisation administrative conforme entre le 01.06.2002 et le 07.11.2005 et d'abandon, pendant la même période, à Saint-Antonin, de divers déchets de récupération automobile, notamment dans les eaux ;
Considérant qu'il est, ainsi, avéré qu'Eric di Matteo a été sanctionné sévèrement pour divers délits graves et que la fermeture de son exploitation n'est pas due uniquement au défaut d'autorisation administrative nécessaire pour l'activité de casse automobiles ;
Considérant, cependant, qu'Eric di Matteo démontre que Michel Ronco n'a jamais été autorisé, lui-même, à exploiter un casse automobiles, malgré ses déclarations susvisées dans la convention de location-gérance et alors qu'il a donné en location-gérance un fonds, dont l'une des activités était celle de casse automobiles et dont l'un des éléments était " le bénéfice de toutes autorisations administratives afférentes au commerce exploité dans le fonds " ;
Considérant, en effet, qu'il est établi que Michel Ronco a succédé à Jean-Luc Cazaban et avant ce dernier à Fandard Eric pour l'exploitation " d'un établissement de stockage et de récupération de métaux, déchets de matériaux, alliages et ferrailles industrielles ", ayant fait l'objet des arrêtés d'autorisation administrative des 07.07.1986 et 30.11.1987 ;
Que les arrêtés excluent formellement de l'exploitation, le stockage des véhicules hors d'usage, épaves et appareils ménagers ainsi que celui des pneus ; que c'est donc bien l'activité de casse automobile qui était interdite ;
Qu'il est possible que Michel Ronco ait néanmoins exploité, sans autorisation, un fonds de casse automobile de 1993 au 30.09.2001, date de l'arrêt de son activité, Esterina Pisano née Palamara, sa mère et intimée dans cette affaire, ne produisant pas d'extrait Kbis de Michel Ronco, antérieur au 30.09.2001, de sorte que la cour ignore l'activité déclarée au registre du commerce et des sociétés par ce dernier ; qu'en tous cas, Eric di Matteo était immatriculé au registre du commerce et des sociétés pour un fonds, reçu en location-gérance, de " casse auto, vente et achat de véhicules d'occasion, pièces détachées " et qu'il est manifeste qu'ayant exploité ce fonds paisiblement d'octobre 2002 à novembre 2005, il aurait pu continuer à le faire, s'il n'avait pas commis d'autres infractions graves à la réglementation sur les étrangers, la législation sociale et les lois sur l'environnement et la pollution ;
Considérant qu'il demeure que Michel Ronco s'était engagé à délivrer un fonds de commerce comportant notamment une activité autorisée de casse-auto et qu'il a été défaillant dans l'exécution de cette obligation ;
Que même si Eric di Matteo avait obtenu l'autorisation personnelle d'exploiter le fonds, démarche qu'il n'a pas faite, mais dont il n'est pas prouvé qu'il avait été informé par le bailleur de son caractère obligatoire, il ne pouvait exercer l'une des activités du fonds donné en location-gérance, à savoir, celle de casse auto ;
Considérant que ce manquement partiel à l'obligation de délivrance ne saurait être analysé comme un dol ou une tromperie permettant l'annulation de la convention de location-gérance, comme le réclame Eric di Matteo ;
Que, dans cet acte, ce dernier a déclaré " avoir une parfaite connaissance des conditions d'exploitation du fonds " et a accepté que le bailleur ne justifie pas des autorisations administratives nécessaires à l'exploitation du fonds ; qu'Eric di Matteo ne peut donc soutenir que l'existence de ces autorisations était une condition déterminante de son consentement ; que par ailleurs, il ne prouve, par aucune pièce, que Michel Ronco lui a dissimulé sciemment l'absence d'autorisation administrative d'exploiter un casse auto dans le but de le faire contracter :
Considérant, ainsi, que le manquement partiel de Michel Ronco à son obligation de délivrance, ne peut qu'entraîner la résiliation de la convention de location-gérance aux torts des ayants-droits de Michel Ronco, Esterina Pisano née Palamara et Fanny Ronco ;
Mais, considérant qu'il résulte du jugement correctionnel du 09.11.2005, que Michel Ronco a contrevenu, lui-même, à la convention de location-gérance en étant condamné pénalement pour des délits, commis en qualité d'exploitant du fonds, hors l'exploitation d'un casse sans autorisation administrative et en étant l'objet d'une décision judiciaire ordonnant la fermeture temporaire du fonds ;
Que ces manquements contractuels, qui sont visés à l'article 8 concernant la résiliation, de la convention du 03.10.2002 sont amplement suffisants pour entraîner également le prononcé de la résiliation de cette convention aux torts du locataire-gérant ;
Considérant, en conséquence, que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat du 03.10.2002 aux torts exclusifs d'Eric di Matteo ; que la résiliation sera prononcée aux torts partagés des parties ;
Considérant que le prononcé de cette résiliation aux torts partagés, compte tenu des griefs retenus à la charge de chacune des parties conduit la cour à débouter Esterina Pisano née Palamara et Eric di Matteo de leurs demandes de dommages-intérêts respectives, le jugement entrepris étant également, infirmé en ce qu'il a accordé, sans aucun motif d'ailleurs, 30 000 euro, à titre de dommages-intérêts, à Esterina Pisano née Palamara et à Fanny Ronco ; que pour la même raison, la demande de remboursement de la somme de 43 905,24 euro, présentée par Eric di Matteo sera rejetée ;
Considérant, quant aux comptes à faire entre les parties, que, d'une part, le commandement de payer, délivré le 04.01.2006, par Esterina Pisano née Palamara et Fanny Ronco est imprécis et inexact; qu'il vise notamment une somme de 3 900 euro au titre des loyers impayés au 01.11.2005 sans indiquer quels sont les mois dus, ainsi qu'une somme de 19 000 euro, au titre du prix du stock impayé également alors qu'Eric di Matteo devait, aux termes de la convention de location-gérance, régler le montant du stock en 36 échéances mensuelles de 500 euro, soit la somme globale de 18 000 euro ;
Que ce commandement ne peut donc produire d'effets ;
Considérant, d'autre part, qu'Eric di Matteo devait verser, aux termes de la convention de location-gérance, une redevance mensuelle de 1 458,62 euro toutes taxes comprises, outre les mensualités de 500 euro pour le paiement du stock du 01.11.2002 au 30.10.2005 ; qu'il avait la jouissance des locaux servant à son exploitation, comme accessoire à la location-gérance ;
Que, par courrier du 14.09.2005, les héritiers de Michel Ronco ont accepté la demande de renouvellement de la location-gérance présentée le 12.09.2005 par Eric di Matteo aux conditions financières suivantes : gérance 1 823,30 euro toutes taxes comprises, loyer 530 euro, stock 500 euro le tout par mois ;
Qu'Eric di Matteo ne rapporte pas la preuve qu'il a refusé ces conditions ; qu'il s'est maintenu dans les lieux et que le tableau récapitulatif des sommes versées, qu'il produit, montre qu'il a réglé un loyer jusqu'en novembre 2005 ;
Considérant que par courrier du 15.11.2005, Esterina Pisano née Palamara réclamait à Eric di Matteo la somme de 3 900 euro au titre des redevances restant dues en octobre 2005 ;
Que cependant, elle ne justifie toujours pas en appel quels sont les mois pour lesquels les redevances n'auraient pas été réglées, de sorte qu'Eric di Matteo est dans l'impossibilité de prouver qu'il s'est libéré ; qu'en outre, il est notable que dans ce même courrier, Esterina Pisano née Palamara ne demande pas le paiement d'échéances arriérées sur le paiement du stock, dont le règlement s'achevait au 30.10.2005 ;
Qu'il suit qu'Esterina Pisano née Palamara et Fanny Ronco seront déboutées de leurs demandes de paiement des sommes de 3 900 euro et de 18 000 euro (représentant le stock) et ce, d'autant qu'Eric di Matteo verse aux débats ses relevés bancaires de 2002 à novembre 2005 ; que ces relevés ne constituent pas une preuve parfaite, à défaut d'être corroborés par les copies des chèques, mais sont un commencement de preuve par écrit pour le paiement effectif des échéances mensuelles du prix du stock ;
Considérant, en revanche, qu'Eric di Matteo, lequel n'a restitué les clés des locaux que courant mars 2006, un procès-verbal de constat des lieux ayant pu être dressé le 21.03.2006, est bien débiteur des redevances et de loyers pour les mois de décembre 2005 à mars 2006, qu'il ne prétend pas au demeurant, avoir payé ; que le mois de novembre 2005 n'est pas en litige ;
Qu'il sera donc condamné, le jugement entrepris étant encore infirmé de ce chef, à payer aux intimées la somme de (1 823,30 euro toutes taxes comprises x 4 + 530 euro x 4) 9 413,20 euro, majorée des intérêts au taux légal, à compter de l'assignation, valant mise en demeure, du 13.02.2006 ;
Considérant qu'Eric di Matteo ne démontre pas avoir payé des sommes indues ; qu'il sera débouté de sa demande en remboursement de la somme de 4 443,22 euro, au titre d'un trop-perçu par les intimées ;
Considérant, enfin, que les parties seront déboutées de leurs demandes, fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile, tant en première instance qu'en appel, puisqu'elles succombent chacune, en leur prétention principale et conserveront à leur charge leurs dépens de première instance et d'appel ; que bien entendu, la prétention d'indemnisation d'Esterina Pisano née Palamara, fondée sur un appel qualifié d'abusif, sera, elle aussi, rejetée ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant en audience publique, par défaut. Reçoit l'appel. Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a ordonné la jonction des dossiers enrôlés sous les numéros 2006-418 et 2006-498. Statuant à nouveau, Prononce la résiliation de la convention de location-gérance du 03.10.2002 aux torts partagés des ayants-droits de Michel Ronco, Esterina Pisano née Palamara et Fanny Ronco d'une part, et d'Eric di Matteo d'autre part. Condamne Eric di Matteo à payer à Esterina Pisano née Palamara la somme de 9 413,60 euro, majorée des intérêts au taux légal à compter du 13.02.2006, au titre des redevances et loyers impayés de décembre 2005 à mars 2006 inclus. Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires. Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge de chacune des parties. Admet la SCP de Saint Ferreol-Touboul, avoués, au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.