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Décisions

CA Rennes, 2e ch. com., 3 décembre 2008, n° 07-06832

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Zimmerman

Défendeur :

Briand

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Guillanton

Conseillers :

Mme Cocchiello, M. Christien

Avoués :

SCP Guillon & Renaudin, SCP Bourges

Avocats :

Selarl Olive-Azincourt, SCP Bellat-Petit & Le Dressay

TGI Rennes, du 31 oct. 2007

31 octobre 2007

Exposé du litige

Par contrat d'agence commerciale du 16 octobre 2000, Jean-François Zimmermann a confié à Stéphane Briand le mandat de négocier en son nom et pour son compte la vente des vins qu'il commercialise auprès des cavistes, entreprises, revendeurs, grossistes et CHR dans un secteur géographique comprenant les départements des Côtes-d'Armor, de l'Ille-et-Vilaine et de la Mayenne, à l'exclusion de certains clients que le mandant se réservait.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 mars 2005, M. Zimmermann notifiait à son agent la rupture de leurs relations contractuelles aux torts de ce dernier auquel il était reproché divers manquements graves et répétés à ses obligations.

Réclamant le paiement de commissions ainsi que d'une indemnité compensatrice du préjudice découlant de la rupture, M. Briand fit assigner son mandant par acte du 10 avril 2006 devant le Tribunal de grande instance de Rennes, lequel a, par jugement du 31 octobre 2007, statué en ces termes :

" Condamne Monsieur Zimmermann à payer à M. Briand la somme de 56 682,60 euro sauf à parfaire ;

Déclare irrecevable la demande de Monsieur Briand au titre de l'indemnité de rupture ;

Déboute Monsieur Zimmermann de toutes ses demandes principales ;

Condamne M. Briand à payer à M. Zimmermann la somme de 1 459,99 euro avec intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2005 ;

Ordonne la restitution par M. Briand à M. Zimmermann dans les 15 jours de la signification du jugement de l'ordinateur et des clefs sous astreinte provisoire passé ce délai de 50 euro par jour de retard ;

Déboute monsieur Briand de sa demande d'exécution provisoire ;

Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens et frais non répétibles ".

Arguant que le secteur géographique confié à l'agent commercial aurait, à la demande de celui-ci, été réduit à la seule région rennaise, M. Zimmermann a relevé appel limité de cette décision en demandant à la cour de débouter M. Briand de sa demande en paiement des commissions correspondant à des ventes conclues par l'entremise d'autres agents avec des clients situés dans le département des Côtes-d'Armor et de la périphérie de l'Ille-et-Vilaine.

Subsidiairement, il conteste le calcul des commissions impayées et conclut à leur réduction à la somme de 19 016,92 euro.

Il sollicite en toute hypothèse l'allocation d'une indemnité de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Appelant à titre incident, M. Briand fait grief au premier juge d'avoir estimé sa demande additionnelle en paiement d'indemnité compensatrice de rupture prescrite en application de l'article L. 134-12 du Code de commerce, alors que les relations contractuelles, qui s'étaient poursuivies jusqu'à la fin du mois de mars 2005 et devaient être considérées comme prolongées de la durée du préavis de rupture de 3 mois, n'avaient pas cessé depuis plus d'un an au jour de l'assignation du 10 avril 2006.

Il demande en conséquence à la cour de:

" Confirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Rennes en ce qu'il a condamné M. Zimmermann à payer à M. Briand les commissions sur le fondement des stipulations de l'article 2 de son contrat, au constat de l'absence de toutes modifications constatées par écrit de ce contrat ;

Condamner en conséquence M. Zimmermann à payer à M. Briand la somme de 56 682,60 euro sauf à parfaire ou diminuer ;

Condamner M. Zimmermann au paiement d'une indemnité article 700 d'un montant égal à celui réclamé par M. Zimmermann, soit 5 000 euro ;

Et faisant droit à l'appel incident de M. Briand, condamner M. Zimmermann à payer à M. Briand la somme de 54 875,81 euro avec intérêts de droit, à compter de l'assignation introductive d'instance du 10 avril 2006 en application des dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce ".

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour M. Zimmermann le 7 octobre 2008, et pour M. Briand le 23 septembre 2008.

Exposé des motifs

Sur la créance de commissions

Le contrat d'agent commercial du 16 octobre 2000 contient une clause d'exclusivité pour une catégorie de clientèle située dans un secteur géographique défini par les départements de l'Ille-et-Vilaine, des Côtes-d'Armor et de la Mayenne, à l'exception d'une liste de clients que le mandant se réservait.

Or, aux termes de l'article L. 134-6 du Code de commerce, l'agent commercial a droit, lorsqu'il est chargé d'un secteur géographique ou d'un groupe de personnes déterminés, à une commission pour toute opération conclue avec un client appartenant à ce secteur, ces dispositions devant en outre s'interpréter comme ouvrant droit à commission même lorsque l'opération s'est conclue sans l'intervention de l'agent.

Pour échapper au paiement des commissions portant sur les ventes conclues dans les départements des Côtes-d'Armor et des régions périphériques de l'Ille-et-Vilaine, M. Zimmermann soutient que le secteur géographique de son agent aurait, à la demande de celui-ci, été réduit à la seule région rennaise.

Il est pourtant constant que cette modification ne résulte d'aucun écrit à valeur contractuelle, le projet d'avenant en date du 11 novembre 2004, que M. Briand affirme avoir refusé de régulariser, n'étant revêtu que de la seule signature du mandant.

Dès lors, les attestations d'autres agents commerciaux ou de représentants salariés de M. Zimmermann tendant à établir que la réduction du secteur géographique de M. Briand avait été convenue de l'accord et même à la demande de l'agent sont, en l'absence d'avenant écrit, inopérantes.

Il sera en effet rappelé que le contrat d'agence commercial s'analyse en un mandat de nature civile, que la preuve ne peut donc être rapportée contre l'agent commercial, qui n'est pas commerçant, que selon les règles du Code civil, et qu'il résulte à cet égard de l'article 1341 du Code civil que la preuve par témoin contre l'écrit qui constate le contenu d'un acte n'est pas admissible.

Les parties peuvent certes déroger aux dispositions de l'article 1341 précitées qui n'ont qu'un caractère supplétif, mais, en l'espèce, elles avaient au contraire expressément convenu que toute modification au contrat devait être constatée par un écrit signé par les deux parties.

La preuve de l'acceptation de cette modification contractuelle ne peut davantage se déduire du seul silence, par nature équivoque, de M. Briand, ce d'autant que la proposition de régularisation du projet d'avenant du 11 novembre 2004 faisait immédiatement suite à un courrier de l'agent commercial du 27 octobre 2004 reprochant précisément au mandant d'avoir développé, par l'intermédiaire de ses représentants salariés, une clientèle nouvelle sur son secteur géographique.

M. Briand est donc fondé à obtenir le paiement des commissions portant sur des opérations conclues avec la clientèle qui lui était contractuellement attribuée dans son secteur géographique.

Selon les articles 2 et 5 du contrat, la commission est calculée sur la base du montant hors taxe des factures faisant suite à une livraison dans le secteur géographique de l'agent et dans la catégorie de clientèle des CHR, cavistes, revendeurs, grossistes et entreprises qui lui était réservée, à l'exclusion des clients figurant sur une liste annexée à l'acte.

Or, le relevé des commandes non commissionnées établi par M. Briand inclut dans nombre de cas des montants de factures toutes taxes comprises, et comporte en outre de nombreuses opérations réalisées avec des particuliers n'entrant pas dans la catégorie de clientèle qui lui était réservée, ou avec des clients figurant sur la liste annexée au contrat que le mandant s'était réservés, ou bien encore avec des clients livrés en dehors de son secteur géographique.

Son calcul de commissions est donc basé sur des éléments inexacts et incertains alors qu'il lui incombait d'apporter la preuve de la justesse de sa réclamation.

La cour ne pourra donc que fonder sa décision sur le relevé récapitulatif établi par M. Zimmermann conformément aux stipulations contractuelles sur la base des factures de commissions produites, valorisant à 190 169,20 euro le montant total hors taxe du chiffre d'affaire réalisé par le mandant lui-même ou par ses agents et représentants salariés avec la catégorie de clientèle réservée à M. Briand dans le secteur géographique de celui-ci.

À cet égard, l'agent commercial, qui paraît reprocher à M. Zimmermann d'avoir contesté son décompte de créance pour la première fois en cause d'appel sans toutefois en tirer la moindre conséquence de droit, fait à tort grief à celui-ci d'avoir décompté les opérations réalisées par Messieurs Dy et Ecobichon, alors que celles-ci figurent bien dans le relevé récapitulatif précité.

Les parties s'accordant à calculer le montant des commissions éludées en fonction d'un taux moyen de 10 %, la condamnation de M. Zimmermann sera, après réformation du jugement attaqué en ce sens, ramenée à 19 016,92 euro.

Sur l'indemnité compensatrice du préjudice de rupture

Il se déduit des dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce que l'agent commercial perd son droit à réparation du préjudice découlant de la rupture de son contrat s'il n'a pas notifié au mandant, dans le délai d'un an à compter de la cessation effective des relations contractuelles, qu'il entend faire valoir ses droits.

Or, si les dernières pièces versées aux débats par M. Briand au cours de l'instance d'appel révèlent que les relations contractuelles se sont bien poursuivies jusqu'en mars 2005, des commissions ayant en effet été réglées pour des commandes enregistrées jusqu'au 21 mars 2005, il est établi que l'exécution du contrat a effectivement pris fin au jour de la lettre recommandée avec accusé de réception de rupture du 25 mars 2005, peu important que celle-ci ait ou non été remise par les services postaux à son destinataire.

Il résulte en effet des termes non équivoques du courrier de rupture que M. Zimmermann a entendu, à tort ou à raison, mettre fin aux relations contractuelles sans préavis, M. Briand y étant invité à rendre sous huitaine les clefs d'accès aux locaux du mandant ainsi que la documentation commerciale et son ordinateur portable de dotation.

À cet égard, la circonstance qu'un ultime relevé mensuel de commissions fût adressé à l'agent commercial le 7 avril 2005 ne démontre pas l'intention du mandant de respecter le préavis de rupture mais seulement celle de se conformer aux dispositions de l'article L. 134-7 du Code de commerce lui faisant obligation de régler, postérieurement à la cessation du contrat, les commissions dues au titre d'opérations conclues avant ou concomitamment à la rupture.

Ces relevés de commissions témoignent en outre de ce qu'aucune commande n'a été enregistrée après le 21 mars 2005 et, par surcroît, M. Briand produit lui-même une lettre circulaire adressée par M. Zimmermann aux clients de son secteur géographique leur annonçant dès le 27 mars 2005 qu'il remplaçait personnellement son agent.

L'appelant établit donc suffisamment que la date de cessation du contrat était antérieure de plus d'un an à celle de l'assignation du 10 avril 2006 par laquelle M. Briand revendiquait pour la première fois le versement d'une indemnité compensatrice de rupture.

Le jugement attaqué, en ce qu'il a déclaré irrecevable ce chef de la demande de l'agent commercial, sera donc confirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il ne serait pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il n'y aura pas matière à faire application au stade de l'appel des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Chacune des parties, qui ont, devant la cour, partiellement succombé en leurs moyens et prétentions, conserveront la charge de leurs propres dépens d'appel.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement rendu le 31 octobre 2007 par le Tribunal de grande instance de Rennes en ce qu'il a : * déclaré irrecevable la demande formée par M. Briand au titre de l'indemnité compensatrice de rupture ; * condamné M. Briand à payer à M. Zimmermann la somme de 1 459,99 euro avec intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2005 ; * ordonné la restitution par M. Briand à M. Zimmermann de l'ordinateur et des clefs sous astreinte provisoire de 50 euro par jour de retard ; * dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens ; Réforme le jugement attaqué en ce qu'il a prononcé condamnation de M. Zimmermann au paiement de commissions à hauteur de 56 682,60 euro ; Statuant à nouveau, condamne à ce titre M. Zimmermann à payer à M. Briand une somme de 19 016,92 euro ; Déboute les parties de toutes autres demandes contraires ou plus amples ; Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'appel.