CJCE, 5e ch., 2 décembre 2005, n° C-117/05
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Ordonnance
PARTIES
Demandeur :
Manfred Seidl
Défendeur :
Bezirkshauptmannschaft Grieskirchen
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Makarczyk
Avocat général :
M. Tizzano
Juges :
Mme Silva de Lapuerta (rapporteur), M. Klucka
LA COUR (cinquième chambre),
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation de l'article 43 CE.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d'un litige opposant M. Seidl à la Bezirkshauptmannschaft Grieskirchen au sujet d'un refus d'autorisation de création d'une auto-école.
Le cadre juridique
3 L'article 109, paragraphe 1, sous j), de la loi fédérale, du 23 juin 1967, sur les véhicules automobiles (Kraftfahrgesetz 1967, BGBl. 267-1967), dans sa version publiée au BGBl. 175-2004 (ci-après le "KFG"), prévoit que l'autorisation de créer une auto-école ne peut être délivrée qu'aux personnes physiques et aux personnes qui ne possèdent pas encore une telle autorisation. Cette disposition ne s'applique pas à l'extension à d'autres catégories ou à des sous-catégories sur le site faisant l'objet de l'autorisation.
Les faits à l'origine du litige et la question préjudicielle
4 Depuis 1974, M. Seidl, ressortissant allemand, est propriétaire d'une auto-école en Allemagne.
5 En 2004, il a introduit, auprès de la Bezirkshauptmannschaft Grieskirchen, une demande d'autorisation en vue de créer une auto-école en Autriche.
6 Par décision du 15 décembre 2004, la Bezirkshauptmannschaft Grieskirchen a rejeté la demande de M. Seidl au motif que ce dernier ne remplissait pas les conditions prévues à l'article 109, paragraphe 1, sous j), du KFG puisqu'il exploitait une auto-école en Allemagne et que, à ce titre, il était déjà titulaire d'une autorisation de créer une auto-école.
7 Le 3 janvier 2005, M. Seidl a formé un recours contre cette décision devant la juridiction de renvoi.
8 C'est dans ces conditions que l'Unabhängiger Verwaltungssenat des Landes Oberösterreich a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
9 "Les articles 43 et suivants du traité instituant la Communauté européenne doivent-ils être interprétés en ce sens que la règle posée par la législation du pays d'établissement, selon laquelle le demandeur d'une autorisation de créer une auto-école, qui est ressortissant d'un État membre et qui souhaite obtenir l'autorisation de créer une auto-école dans un autre État membre, ne peut pas posséder d'autre autorisation de création d'une auto-école, constitue une restriction incompatible avec la liberté d'établissement garantie à l'article 43 du traité instituant la Communauté européenne?"
Sur la question préjudicielle
10 Conformément à l'article 104, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence, la Cour peut, après avoir entendu l'avocat général, à tout moment, statuer par voie d'ordonnance motivée.
11 Selon une jurisprudence constante, l'article 43 CE s'oppose à toute mesure nationale qui, même applicable sans discrimination tenant à la nationalité, est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice, par les ressortissants communautaires, du droit d'établissement garanti par le traité CE (voir, notamment, arrêts du 31 mars 1993, Kraus, C-19-92, Rec. p. I-1663, point 32, et du 21 avril 2005, Commission/Grèce, C-140-03, Rec. p. I-3177, point 27).
12 Par ailleurs, la Cour a itérativement jugé que le droit d'établissement comporte également la faculté de créer et de maintenir, dans le respect des règles professionnelles, plus d'un centre d'activité sur le territoire de la Communauté (voir, notamment, arrêts du 12 juillet 1984, Klopp, 107-83, Rec. p. 2971, point 19; du 7 juillet 1988, Stanton, 143-87, Rec. p. 3877, point 11; Wolf e.a., 154-87 et 155-87, Rec. p. 3897, point 11; du 20 mai 1992, Ramrath, C-106-91, Rec. p. I-3351, point 20; du 16 juin 1992, Commission/Luxembourg, C-351-90, Rec. p. I-3945, point 11, et du 7 mars 2002, Commission/Italie, C-145-99, Rec. p. I-2235, point 27).
13 Il en résulte que, même en l'absence de discrimination tenant à la nationalité, une mesure interdisant de créer et d'exploiter plus d'une auto-école constitue une restriction au droit d'établissement à laquelle l'article 43 CE fait obstacle.
14 Il n'en irait autrement que si une telle mesure poursuivait un objectif légitime compatible avec le traité et était justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général, à condition qu'elle soit propre à garantir la réalisation de l'objectif qu'elle poursuit et n'aille pas au-delà de ce qui nécessaire pour atteindre cet objectif (arrêts précités Kraus, point 32, et Commission/Grèce, point 34).
15 Tel n'est pas le cas d'une mesure qui, ainsi que le relève la juridiction de renvoi à propos de l'article 109, paragraphe 1, sous j), du KFG, interdit le cumul de plusieurs autorisations de création d'une auto-école afin de garantir qu'un propriétaire d'auto-école puisse consacrer plus de la moitié de sa capacité de travail à une auto-école unique (voir, en ce sens, arrêt Commission/Grèce, précité, point 35).
16 Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l'article 43 CE doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une législation d'un État membre qui interdit de délivrer une autorisation en vue de créer une auto-école à une personne qui est déjà titulaire d'une autorisation ayant le même objet.
Sur les dépens
17 La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre),
dit pour droit:
L'article 43 CE doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une législation d'un État membre qui interdit de délivrer une autorisation en vue de créer une auto-école à une personne qui est déjà titulaire d'une autorisation ayant le même objet.