CJCE, 1 décembre 1998, n° C-410/96
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Ambry
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rodríguez Iglesias
Présidents de chambre :
MM. Kapteyn, Puissochet, Hirsch
Avocat général :
M. Mischo
Juges :
MM. Mancini, Moitinho de Almeida, Gulmann, Ragnemalm (rapporteur), Wathelet, Schintgen, M. Ioannou
LA COUR,
1 Par jugement du 19 décembre 1996, parvenu à la Cour le 24 décembre suivant, le Tribunal de grande instance de Metz a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, une question préjudicielle sur l'interprétation des articles 59 et 73 B du traité CE, de la directive 73-183-CEE du Conseil, du 28 juin 1973, concernant la suppression des restrictions à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services en matière d'activités non salariées des banques et autres établissements financiers (JO L 194, p. 1), et de la deuxième directive 89-646-CEE du Conseil, du 15 décembre 1989, visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice, et modifiant la directive 77-780-CEE (JO L 386, p. 1).
2 Cette question a été soulevée dans le cadre d'une procédure pénale engagée contre M. Ambry, gérant de société, prévenu d'avoir apporté son concours ou de s'être livré à une activité relative à l'organisation et à la vente de voyages ou de séjours sans avoir obtenu la licence exigée par l'article 4 de la loi française n° 92-645, du 13 juillet 1992, fixant les conditions d'exercice des activités relatives à l'organisation et à la vente de voyages ou de séjours (JORF, p. 9457, ci-après la "loi n° 92-645").
La réglementation communautaire
3 La directive 90-314-CEE du Conseil, du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait (JO L 158, p. 59), prévoit en son article 7:
"L'organisateur et/ou le détaillant partie au contrat justifient des garanties suffisantes propres à assurer, en cas d'insolvabilité ou de faillite, le remboursement des fonds déposés et le rapatriement du consommateur."
4 L'article 8 de cette directive ajoute:
"Les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes pour protéger le consommateur."
5 La directive 89-646 dispose en son article 18:
"1. Les États membres prévoient que les activités dont la liste figure à l'annexe peuvent être exercées sur leur territoire, selon les dispositions des articles 19, 20 et 21, tant au moyen de l'établissement d'une succursale que par voie de prestation de services par tout établissement de crédit agréé et contrôlé par les autorités compétentes d'un autre État membre, conformément aux dispositions de la présente directive, sous réserve que ces activités soient couvertes par l'agrément.
2. Les États membres prévoient également que les activités dont la liste figure à l'annexe peuvent être exercées sur leur territoire selon les dispositions des articles 19, 20 et 21, tant au moyen de l'établissement d'une succursale que par voie de prestation de services, par tout établissement financier d'un autre État membre, filiale d'un établissement de crédit, ou filiale commune de plusieurs établissements de crédit, dont le statut légal permet l'exercice de ces activités et qui remplit chacune des conditions suivantes:
..."
6 Les établissements mentionnés au paragraphe 2 doivent ainsi remplir certaines conditions qui sont énumérées en détail dans ce même paragraphe.
7 Dans l'annexe à laquelle se réfère l'article 18, figurent, au point 6, l'octroi de garanties et la souscription d'engagements.
8 L'article 4 de la directive 92-49-CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie et modifiant les directives 73-239-CEE et 88-357-CEE (troisième directive "assurance non vie") (JO L 228, p. 1), établit les conditions d'accès aux activités d'assurance. Il a remplacé l'article 6 de la première directive 73-239-CEE du Conseil, du 24 juillet 1973, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité de l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie, et son exercice (JO L 228, p. 3), par la disposition suivante:
"L'accès aux activités d'assurance directe est subordonné à l'octroi d'un agrément administratif préalable.
Cet agrément doit être sollicité auprès des autorités de l'État membre d'origine par:
a) l'entreprise qui fixe son siège social sur le territoire de cet État membre;
..."
9 L'article 5 de la directive 92-49 a en outre modifié l'article 7 de la directive 73-239 dans les termes suivants:
"1. L'agrément est valable pour l'ensemble de la Communauté. Il permet à l'entreprise d'y réaliser des activités, soit en régime d'établissement, soit en régime de libre prestation de services.
..."
La réglementation nationale
10 La loi n° 92-645 dispose en son article 4 que l'organisation ou la vente de voyages ou de séjours individuels ou collectifs ne peut être effectuée dans un but lucratif que par une personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant, titulaire d'une licence d'agent de voyages. Le même article énonce les conditions de délivrance de ladite licence, au nombre desquelles figure, sous c), celle de:
"justifier, à l'égard des clients, d'une garantie financière suffisante, spécialement affectée au remboursement des fonds reçus au titre des prestations énumérées à l'article 1er et à la délivrance de prestations de substitution, résultant de l'engagement d'un organisme de garantie collective, d'un établissement de crédit ou d'une entreprise d'assurances, cette garantie financière incluant les frais de rapatriement éventuel et devant, en ce cas, être immédiatement mobilisable sur le territoire national".
11 Les modalités d'application de ladite loi sont déterminées par le décret n° 94-490, du 15 juin 1994 (JORF, p. 8746, ci-après le "décret n° 94-490").
12 L'article 12 de ce décret dispose:
"La garantie financière prévue au c de l'article 4 de la loi du 13 juillet 1992 susvisée résulte d'un engagement écrit de cautionnement pris:
1_ Soit par un organisme de garantie collective doté de la personnalité juridique, au moyen d'un fonds de garantie constitué à cet effet;
2_ Soit par un établissement de crédit ou une entreprise d'assurances habilités à donner une garantie financière.
La garantie financière est spécialement affectée au remboursement en principal des fonds reçus par l'agent de voyages au titre des engagements qu'il a contractés à l'égard de sa clientèle pour des prestations en cours ou à servir et permet d'assurer, notamment en cas de cessation de paiements ayant entraîné un dépôt de bilan, le rapatriement des voyageurs.
..."
13 L'article 14 du décret n° 94-490 prévoit:
"La garantie financière apportée par un établissement de crédit ou par une entreprise d'assurances n'est admise que si cet établissement ou cette entreprise a son siège sur le territoire d'un État membre de la Communauté européenne ou une succursale en France. Cette garantie financière doit être, dans tous les cas, immédiatement mobilisable pour assurer, dans les conditions prévues par l'article 16 ci-dessous, le rapatriement de la clientèle. Si l'établissement de crédit ou l'entreprise d'assurances est situé dans un État membre de la Communauté européenne autre que la France, un accord, à cette fin, doit être conclu entre cet établissement et un établissement de crédit ou une entreprise d'assurances situé en France. Une attestation établie dans ce sens par l'établissement de crédit ou l'entreprise d'assurances situé en France est transmise au préfet par l'agent de voyages concerné.
Le préfet doit être informé, sans délai et dans les mêmes conditions, des modifications apportées à cet accord et, le cas échéant, de la signature d'un nouvel accord ayant le même objet.
..."
14 Les modalités de la mise en œuvre de la garantie financière sont prévues par l'article 16 du décret n° 94-490, selon lequel
"La garantie intervient sur les seules justifications présentées par le créancier à l'organisme garant établissant que la créance est certaine et exigible et que l'agence garantie est défaillante, sans que le garant puisse opposer au créancier le bénéfice de division et de discussion.
La défaillance de l'agent garanti peut résulter soit d'un dépôt de bilan, soit d'une sommation de payer par exploit d'huissier ou lettre recommandée avec accusé de réception, suivie de refus ou demeurée sans effet pendant un délai de quarante-cinq jours à compter de la signification de la sommation.
En cas d'instance en justice, le demandeur doit aviser le garant de l'assignation par lettre recommandée avec accusé de réception.
Si le garant conteste l'existence des conditions d'ouverture du droit au paiement ou le montant de la créance, le créancier peut assigner directement devant la juridiction compétente.
Par dérogation aux dispositions qui précèdent, la mise en œuvre, en urgence, de la garantie en vue d'assurer le rapatriement des clients d'une agence de voyages est décidée par le préfet qui requiert le garant de libérer, immédiatement et par priorité, les fonds nécessaires pour couvrir les frais inhérents à l'opération de rapatriement. Toutefois, si la garantie financière résulte d'un organisme de garantie collective visé à l'article 13 ci-dessus, cet organisme assure la mise en œuvre immédiate de la garantie par tous moyens en cas d'urgence dûment constatée par le préfet."
Le litige au principal
15 M. Ambry est poursuivi, en tant que gérant de la société A Tours, devant le Tribunal de grande instance de Metz pour avoir, au cours de l'année 1996, apporté son concours ou s'être livré à une activité relative à l'organisation et à la vente de voyages ou de séjours sans être en possession de la licence exigée par l'article 4 de la loi n° 92-645 pour l'exercice d'une telle activité.
16 M. Ambry a sollicité de la préfecture de la Moselle la délivrance d'une licence qui lui a été refusée au motif que la garantie financière, indispensable à l'exercice de l'activité d'agent de voyages, dont il disposait ne satisfaisait pas aux exigences de l'article 14 du décret n° 94-490 du fait qu'elle émanait d'une compagnie financière italienne, la Compagnia cauzioni SpA, ayant son siège social à Rome, qui n'avait pas conclu d'accord avec un établissement de crédit ou une entreprise d'assurances établis en France.
17 Poursuivi devant le Tribunal de grande instance de Metz, M. Ambry a mis en cause la compatibilité avec le droit communautaire des exigences posées par l'article 14 du décret n° 94-490 dans le cas où la garantie est accordée à l'agent de voyages par un établissement de crédit ou une entreprise d'assurances établis dans un autre État membre de l'Union européenne. Selon lui, ces exigences constituent une entrave à la libre circulation des capitaux et à la libre prestation des services dans le domaine de l'octroi des garanties financières, telles que prévues par le traité et les directives précitées, de sorte que c'est en violation du droit communautaire que lui a été opposé le refus de licence.
La question préjudicielle
18 Estimant que l'appréciation du bien-fondé des poursuites dirigées contre M. Ambry nécessitait une interprétation de différentes dispositions de droit communautaire, le Tribunal de grande instance de Metz a sursis à statuer pour poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
"Les dispositions de l'article 14 du décret n° 94-490 en date du 15 juin 1994, pris en application de l'article 31 de la loi n° 92-645 du 13 juillet 1992, doivent-elles être considérées comme non conformes à la directive 73-183 de 1973, à la directive de coordination du 15 décembre 1989, à l'article 59 du traité des Communautés européennes et à l'article 73 B du traité de Maastricht, en ce qu'elles imposent, dans le cas de la constitution d'une garantie financière dans un État membre de la Communauté européenne autre que la France, la passation d'un accord entre l'établissement de crédit ou l'entreprise d'assurances situé dans un État membre de la Communauté européenne autre que la France et un établissement de crédit ou une entreprise d'assurances situés en France?".
19 A titre liminaire, il convient de rappeler d'abord que la Cour n'a pas à se prononcer, dans le cadre d'une procédure fondée sur l'article 177 du traité, sur la compatibilité des règles de droit interne avec les dispositions du droit communautaire, mais qu'elle peut fournir à la juridiction nationale tous les éléments d'interprétation relevant du droit communautaire en vue de permettre à cette juridiction de juger de la compatibilité de ces règles avec les dispositions communautaires évoquées.
20 Il y a lieu de préciser ensuite que, la libre prestation de services par les établissements de crédit étant directement régie par la directive 89-646, il n'est pas nécessaire de se référer aux dispositions plus générales de la directive 73-183. En revanche, dans la mesure où la juridiction de renvoi s'interroge sur la compatibilité avec les règles relatives à la libre prestation de services de l'obligation, imposée par la réglementation française aux entreprises d'assurances situées dans d'autres États membres, de conclure un accord avec une entreprise d'assurances située sur le territoire national, il conviendra d'interpréter, au regard d'une telle obligation, la directive 92-49, qui concerne la libre prestation de services en matière d'assurance.
21 Il y a donc lieu de comprendre la question préjudicielle comme visant à savoir si l'article 59 du traité, les directives 89-646 et 92-49, ou l'article 73 B du traité s'opposent à une réglementation nationale telle que celle en cause dans le litige au principal qui, aux fins de la mise en œuvre de l'article 7 de la directive 90-314, exige, lors de la constitution de garanties financières auprès d'un établissement de crédit ou d'une entreprise d'assurances situé dans un autre État membre, que ce garant conclue un accord supplémentaire avec un établissement de crédit ou une entreprise d'assurances situé sur le territoire national.
Sur l'interprétation des règles relatives à la libre prestation des services
22 Il convient de rappeler que l'article 7 de la directive 90-314 impose aux États membres l'obligation de prévoir des garanties permettant le remboursement des fonds déposés ou le rapatriement du consommateur en cas d'insolvabilité ou de faillite de l'organisateur auprès duquel il a acheté son voyage. Cette disposition doit être interprétée comme prescrivant un résultat qui comporte l'attribution au voyageur à forfait de droits garantissant son rapatriement et le remboursement des fonds déposés, dans le but de protéger le consommateur (voir arrêt du 8 octobre 1996, Dillenkofer e.a., C-178-94, C-179-94 et C-188-94 à C-190-94, Rec. p. I-4845, points 35 et 42).
23 Il résulte en outre de l'article 8 de la même directive que l'obligation de prévoir lesdites garanties constitue, comme les autres règles protectrices contenues dans la directive, une obligation minimale.
24 Rien n'empêche donc les États membres de prévoir que les garanties en cause doivent non seulement être constituées, mais également être immédiatement mobilisables en cas de rapatriement du voyageur pour autant qu'ils respectent le traité, et en particulier son article 59.
25 Il y a lieu, dès lors, d'examiner si le principe de la libre prestation des services énoncé à l'article 59 du traité, lequel a été mis en œuvre, dans le domaine bancaire, par la directive 89-646 et, dans le domaine des assurances, par la directive 92-49, fait obstacle à une règle nationale qui, en vue d'assurer que les garanties prévues par l'article 7 de la directive 90-314 soient immédiatement mobilisables en cas de rapatriement du voyageur, prévoit qu'elles doivent être accompagnées d'un accord entre le garant et un établissement financier situé sur le territoire national, lorsqu'elles sont souscrites dans un autre État membre.
26 Il y a lieu de relever que, selon la législation litigieuse, l'obligation de conclure un accord avec un établissement situé sur le territoire national s'applique aux établissements de crédit et aux entreprises d'assurances situés dans d'autres États membres, lorsque l'agent de voyages situé sur le territoire national souscrit des garanties auprès de l'un de ces établissements. Il ressort des observations formulées par le gouvernement français lors de l'audience que cet accord s'ajoute aux garanties initiales données par l'établissement de crédit ou par l'entreprise d'assurances à l'organisateur de voyages. L'accord doit être conclu entre le garant initial et un établissement de crédit ou entreprise d'assurances situé dans l'État membre de l'agent de voyages, lequel organisme s'engage à son tour à garantir la mobilisation immédiate des fonds.
27 Il en résulte que, lorsque les garanties exigées par l'article 7 de la directive 90-314 sont souscrites auprès d'un établissement financier situé sur le territoire national, un seul contrat est nécessaire, tandis que, lorsque ces garanties sont souscrites auprès d'un établissement financier situé dans un autre État membre, elles doivent être accompagnées d'un accord supplémentaire qui prend la forme d'autres garanties souscrites auprès d'un établissement financier situé sur le territoire national.
28 Il y a lieu de constater que cette dernière exigence a tout d'abord un effet restrictif et dissuasif pour les établissements financiers établis dans d'autres États membres dans la mesure où elle les empêche d'offrir les garanties requises directement à l'organisateur de voyages, au même titre qu'un garant situé sur le territoire national.
29 Cette même exigence est également de nature à dissuader l'organisateur de voyages de s'adresser à un établissement financier situé dans un autre État membre. En effet, l'obligation, pour ce dernier, de conclure un autre accord de garantie est susceptible d'engendrer des coûts supplémentaires qui seront normalement répercutés sur l'organisateur de voyages.
30 Dans ces conditions, il y a lieu de constater qu'une réglementation telle que celle en cause dans le litige au principal qui impose une obligation de conclure un accord supplémentaire aux établissements financiers situés dans d'autres États membres constitue une restriction à la libre prestation des services garantie par l'article 59 du traité ainsi que par les directives 89-646 et 92-49.
31 Il convient cependant d'examiner si une telle restriction peut être justifiée comme étant nécessaire pour satisfaire à la protection des consommateurs.
32 Selon le gouvernement français, les difficultés pratiques de mobilisation immédiate lorsque l'établissement financier est établi dans un autre État membre justifieraient qu'un accord supplémentaire soit imposé à ces derniers. En particulier, cette exigence s'expliquerait, d'une part, par la durée des délais nécessaires pour procéder à des transferts de fonds transfrontaliers et, d'autre part, par la difficulté, voire l'impossibilité, en cas de litige ou de résistance du garant à libérer les fonds, de recourir à certaines mesures administratives ou d'engager des procédures en référé dans d'autres États membres.
33 A cet égard, il convient de relever que l'obligation de mobilisation immédiate imposée par la réglementation litigieuse ne concerne que le cas du rapatriement des voyageurs et non les autres prestations couvertes par les garanties prévues à l'article 7 de la directive 90-314.
34 Or, l'obligation de passer un accord supplémentaire s'applique à l'ensemble des garanties accordées par les établissements de crédit ou les entreprises d'assurances situés dans d'autres États membres.
35 Il s'ensuit que, dans la mesure où elle s'étend au-delà des cas de rapatriement, l'obligation de passer un accord supplémentaire avec un établissement financier situé sur le territoire national dépasse la mesure nécessaire pour atteindre l'objectif recherché.
36 Quant à la part des garanties destinée à assurer le rapatriement du voyageur, pour laquelle l'obligation de mobilisation immédiate se justifie, il y a lieu de relever que, lors de l'audience, M. Ambry a soutenu que les transferts de fonds entre banques européennes pouvaient s'effectuer très rapidement, à savoir en l'espace de 24 à 48 heures par le système de transfert international, ce que le gouvernement français a reconnu tout en ajoutant que les délais étaient variables et pouvaient être nettement plus longs.
37 Il apparaît que l'obligation de mobilisation immédiate des fonds peut normalement être remplie de manière adéquate alors même que le garant est établi dans un autre État membre. En tout état de cause, il y a lieu de relever que la réglementation litigieuse ne prévoit même pas la possibilité pour l'organisateur de voyages de démontrer qu'il peut mobiliser les fonds couverts par les garanties avec la rapidité requise par cette réglementation.
38 Enfin, s'agissant de l'argument tiré de l'impossibilité d'atteindre, dans les autres États membres, la même efficacité que celle qui est assurée par l'application de certaines mesures administratives ou certaines décisions judiciaires sur le territoire national, il convient de relever que, si certaines mesures administratives ne peuvent s'appliquer de la même manière à l'égard d'entreprises situées dans d'autres États membres, il reste toujours possible d'avoir recours aux procédures judiciaires d'urgence existant dans tous les États membres de la Communauté. L'efficacité des décisions résultant de ces procédures dépendra du contenu du contrat de garantie conclu entre l'établissement financier situé dans un autre État membre et l'organisateur de voyages.
39 Il convient donc de conclure que l'article 59 du traité ainsi que les directives 89-646 et 92-49 s'opposent à une réglementation nationale qui, aux fins de la mise en œuvre de l'article 7 de la directive 90-314, exige, lors de la constitution de garanties financières auprès d'un établissement de crédit ou d'une entreprise d'assurances situé dans un autre État membre, que ce garant conclue un accord supplémentaire avec un établissement de crédit ou une entreprise d'assurances situé sur le territoire national.
40 Compte tenu de ce qui précède, il n'est pas nécessaire d'apprécier si une telle réglementation est également contraire à l'article 73 B du traité.
Sur les dépens
41 Les frais exposés par les Gouvernements français et espagnol, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR,
statuant sur la question à elle soumise par le Tribunal de grande instance de Metz, par jugement du 19 décembre 1996, dit pour droit:
L'article 59 du traité CE ainsi que la deuxième directive 89-646-CEE du Conseil, du 15 décembre 1989, visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice, et modifiant la directive 77-780-CEE, et la directive 92-49-CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie et modifiant les directives 73-239-CEE et 88-357-CEE (troisième directive "assurance non vie"), s'opposent à une réglementation nationale qui, aux fins de la mise en œuvre de l'article 7 de la directive 90-314-CEE du Conseil, du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait, exige, lors de la constitution de garanties financières auprès d'un établissement de crédit ou d'une entreprise d'assurances situé dans un autre État membre, que ce garant conclue un accord supplémentaire avec un établissement de crédit ou une entreprise d'assurances situé sur le territoire national.