CJCE, 5e ch., 15 janvier 2002, n° C-439/99
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Commission des Communautés européennes
Défendeur :
République italienne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Jann
Avocat général :
M. Alber
Juges :
MM. von Bahr (rapporteur), La Pergola, Sevón, Wathelet
Avocats :
Mes Cevese, Del Gaizo
LA COUR (cinquième chambre),
1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 17 novembre 1999, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 226 CE, un recours visant à faire constater que
- en maintenant en vigueur les dispositions suivantes:
- article 2, premier alinéa, et article 7 du décret-loi royal n° 454, du 29 janvier 1934;
- article 2, premier alinéa, du décret du Président de la République n° 7, du 15 janvier 1972;
- article 2, paragraphes 4, 6 et 7, du décret du Président de la République n° 390, du 18 avril 1994;
- article 4 de la loi régionale de Ligurie n° 40, du 14 juillet 1978;
- article 6, paragraphes 1, sous e), f), g) et h), et 4, et article 7 de la loi régionale de Vénétie n° 35, du 2 août 1988;
- article 2, sixième alinéa, article 4, premier tiret, article 6, troisième et quatrième alinéas, et article 10, troisième alinéa, sous a), de la loi régionale des Marches n° 16, du 12 mars 1979;
- article 4, article 5, sixième alinéa, sous a) et c), article 6, premier alinéa, article 8, premier et deuxième alinéas, et article 16, premier alinéa, de la loi régionale d'Émilie-Romagne n° 43, du 26 mai 1980;
- article 4, paragraphes 1, sous c), et 2, et article 15, paragraphe 3, de la loi régionale de Lombardie n° 45, du 29 avril 1980;
- articles 3, 4 et 8, dernier alinéa, de la loi régionale du Frioul-Vénétie-Julienne n° 10, du 23 février 1981;
- articles 2, dernier alinéa, et 6 de la loi régionale des Abruzzes n° 75, du 13 novembre 1980, et
- articles 3, 5, 6, troisième et quatrième alinéas, 12 et 19, premier alinéa, de la loi provinciale de la Province autonome de Trente n° 35, du 2 septembre 1978,
la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 59 du traité CE (devenu, après modification, article 49 CE), 60 du traité CE (devenu article 50 CE), 61, 63 et 64 du traité CE (devenus, après modification, articles 51 CE, 52 CE et 53 CE), et 65 et 66 du traité CE (devenus articles 54 CE et 55 CE), et que
- en maintenant en vigueur les dispositions suivantes:
- article 3 du décret du Président de la République n° 7, du 15 janvier 1972;
- article 2, sous c) et d), article 3, premier alinéa, sous b) et c), et article 5, premier alinéa, sous a), de la loi régionale de Ligurie n° 12, du 3 novembre 1972;
- article 8, paragraphe 1, sous d), de la loi régionale de Vénétie n° 35, du 2 août 1988;
- article 6, troisième alinéa, points 3 et 4, articles 7, 8, deuxième alinéa, et 11, premier alinéa, de la loi régionale d'Émilie-Romagne n° 43, du 26 mai 1980;
- article 5, paragraphes 2 et 5, article 10, paragraphe 4, article 11, paragraphes 2 et 3, et article 15, paragraphe 1, de la loi régionale de Lombardie n° 45, du 29 avril 1980;
- articles 5, 13, 14 et 15, premier alinéa, sous a), de la loi régionale du Frioul-Vénétie-Julienne n° 10, du 23 février 1981;
- article 7 de la loi régionale des Abruzzes n° 75, du 13 novembre 1980, et
- articles 6, 7 et 23 de la loi provinciale de la Province autonome de Trente n° 35, du 2 septembre 1978,
la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 59 à 61 et 63 à 66 du traité ainsi qu'en vertu des articles 52 et 54 du traité CE (devenus, après modification, articles 43 CE et 44 CE), 55 du traité CE (devenu article 45 CE), 56 et 57 du traité CE (devenus, après modification, articles 46 CE et 47 CE), et 58 du traité CE (devenu article 48 CE).
Procédure précontentieuse
2. À la suite des plaintes émises par certains opérateurs du secteur des foires, la Commission a examiné diverses réglementations nationales, régionales et provinciales italiennes en matière de foires, expositions, salons et marchés (ci-après les "foires").
3. À l'issue de cet examen, la Commission a estimé qu'une première série de dispositions était contraire au principe de la libre prestation des services, prévu aux articles 59 et suivants du traité, et qu'une seconde série de dispositions était contraire tant au principe de la libre prestation des services qu'au principe de la liberté d'établissement, prévu aux articles 52 et suivants du traité.
4. Par lettre du 16 avril 1996, la Commission a mis la République italienne en demeure de présenter ses observations à ce sujet dans un délai de deux mois.
5. Jugeant la réponse de la République italienne insatisfaisante, la Commission a, par lettre du 18 mai 1998, adressé un avis motivé à cet État membre, l'invitant à prendre les mesures nécessaires pour se conformer audit avis motivé dans un délai de deux mois à compter de sa notification.
6. Par lettre du 15 février 1999, la représentation permanente de l'Italie auprès de l'Union européenne a transmis à la Commission le texte d'un projet de loi déjà approuvé par le Sénat mais encore soumis à l'examen du comité restreint de la dixième commission "Industrie" de la Chambre des députés.
7. C'est dans ces conditions que la Commission a introduit le présent recours.
Sur la recevabilité
8. À titre liminaire, il convient de souligner que la Cour peut examiner d'office si les conditions prévues à l'article 226 CE pour l'introduction d'un recours en manquement sont remplies (arrêt du 31 mars 1992, Commission/Italie, C-362-90, Rec. p. I-2353, point 8).
9. En premier lieu, il apparaît que certains des griefs invoqués par la Commission devant la Cour ne correspondent pas parfaitement à ceux qu'elle a soulevés pendant la procédure précontentieuse ou sont dépourvus de la clarté et de la précision requise.
10. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la procédure précontentieuse a pour but de donner à l'État membre concerné l'occasion, d'une part, de se conformer à ses obligations découlant du droit communautaire et, d'autre part, de faire utilement valoir ses moyens de défense à l'encontre des griefs formulés par la Commission (voir, notamment, arrêt du 10 mai 2001, Commission/Pays-Bas, C-152-98, Rec. p. I-3463, point 23).
11. Il s'ensuit, premièrement, que l'objet d'un recours intenté en application de l'article 226 CE est circonscrit par la procédure précontentieuse prévue à cette disposition (arrêt Commission/Pays-Bas, précité, point 23). Dès lors, le recours doit être fondé sur les mêmes motifs et moyens que l'avis motivé (voir, notamment, arrêt du 18 juin 1998, Commission/Italie, C-35-96, Rec. p. I-3851, point 28). Pour autant qu'un grief n'a pas été formulé dans l'avis motivé, il est irrecevable au stade de la procédure devant la Cour.
12. Deuxièmement, l'avis motivé doit contenir un exposé cohérent et détaillé des raisons ayant amené la Commission à la conviction que l'État intéressé a manqué à l'une des obligations qui lui incombent en vertu du traité (voir, notamment, arrêt du 4 décembre 1997, Commission/Italie, C-207-96, Rec. p. I-6869, point 18).
13. En application de ces principes, le premier grief doit être déclaré irrecevable en tant qu'il concerne l'article 6 de la loi provinciale de Trente n° 35-78, dès lors que, ainsi que l'a relevé M. l'avocat général au point 22 de ses conclusions, les références faites aux subdivisions de cet article visées par la Commission lors de la procédure précontentieuse sont erronées et différentes de celles qu'elle a mentionnées dans son recours.
14. En ce qui concerne le second grief de la Commission, en tant qu'il concerne l'article 7 de la loi régionale d'Émilie-Romagne n° 43-80, il y a lieu de relever que le recours vise l'article 7, premier alinéa, sous a), de cette loi, tandis que l'avis motivé critique l'article 7, troisième et quatrième alinéas, de la même loi. Il s'ensuit que le second grief, en tant qu'il concerne cet article, n'a pas été clairement formulé dans l'avis motivé et qu'il doit dès lors être déclaré irrecevable.
15. En second lieu, il découle des réponses données par les deux parties à une question posée par la Cour que les lois régionales des Marches n° 16-79 et des Abruzzes n° 75-80 ont été abrogées respectivement le 13 avril 1995 et le 10 septembre 1993.
16. À cet égard, il y a lieu de rappeler qu'il résulte des termes mêmes de l'article 226, deuxième alinéa, CE que la Commission ne peut saisir la Cour d'un recours en manquement que si l'État membre en cause ne s'est pas conformé à l'avis motivé dans le délai que celle-ci lui a imparti à cette fin (voir arrêt du 31 mars 1992, Commission/Italie, précité, point 9).
17. Les lois régionales des Marches n° 16-79 et des Abruzzes n° 75-80 ayant été abrogées avant l'expiration du délai fixé dans l'avis motivé - voire avant l'envoi de la lettre de mise en demeure -, le manquement reproché n'existait plus à la date d'expiration dudit délai. Dès lors, le recours de la Commission doit être rejeté comme irrecevable en tant qu'il concerne lesdites lois régionales.
Sur le fond
Remarques préliminaires
18. Selon la Commission, les dispositions nationales, régionales et provinciales incriminées imposent des restrictions injustifiées tant à la libre prestation des services qu'au droit d'établissement dans le domaine de l'organisation des foires pour les opérateurs d'autres États membres.
19. Devant la Cour, le Gouvernement italien ne conteste plus le manquement.
20. Il importe toutefois de rappeler que, dans le cadre d'un recours en manquement, introduit en vertu de l'article 226 CE par la Commission et dont celle-ci apprécie seule l'opportunité, il appartient à la Cour de constater si le manquement reproché existe ou non, même si l'État concerné ne conteste plus le manquement (voir arrêt du 22 juin 1993, Commission/Danemark, C-243-89, Rec. p. I-3353, point 30).
21. S'agissant de l'activité d'organisateur de foires, il s'agit d'une activité économique qui relève du chapitre du traité relatif au droit d'établissement lorsqu'elle est effectuée par le ressortissant d'un État membre dans un autre État membre, d'une façon stable et continue, à partir d'un établissement principal ou secondaire dans ce dernier État membre, et du chapitre du traité relatif aux services lorsqu'elle est effectuée par un ressortissant d'un État membre qui se déplace dans un autre État membre pour y exercer cette activité à titre temporaire (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 1995, Gebhard, C-55-94, Rec. p. I-4165, points 25 et 26).
22. Les articles 52 et 59 du traité imposent la suppression des restrictions à, respectivement, la liberté d'établissement et la libre prestation des services. Doivent être considérées comme de telles restrictions toutes les mesures qui interdisent, gênent ou rendent moins attrayant l'exercice de ces libertés (voir, en ce sens, pour la liberté d'établissement, arrêt du 30 mars 1993, Konstantinidis, C-168-91, Rec. p. I-1191, point 15, et, pour la libre prestation des services, arrêt du 20 février 2001, Analir e.a., C-205-99, Rec. p. I-1271, point 21).
23. Il résulte cependant d'une jurisprudence constante que, lorsque de telles mesures s'appliquent à toute personne ou entreprise exerçant une activité sur le territoire de l'État membre d'accueil, elles peuvent être justifiées lorsqu'elles répondent à des raisons impérieuses d'intérêt général, pour autant qu'elles soient propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent et n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre (voir, en ce sens, arrêts précités Gebhard, point 37, et Analir e.a., point 25).
24. À la lumière de ces considérations, il y a lieu d'examiner successivement le premier grief de la Commission, tiré d'une violation du principe de la libre prestation des services, et le second grief, tiré d'une violation tant du principe de la libre prestation des services que du principe de la liberté d'établissement.
Sur le premier grief, tiré d'une violation du principe de la libre prestation des services
25. Par son premier grief, la Commission soutient que certaines des dispositions nationales, régionales ou provinciales en cause sont contraires au principe de la libre prestation des services, en raison de leur nature restrictive ou discriminatoire, dans la mesure où elles:
- obligent l'organisateur de foires à obtenir une reconnaissance officielle de la part des autorités nationales, régionales ou locales italiennes [article 2, premier alinéa, du décret-loi royal n° 454-34; article 2, premier alinéa, du décret du Président de la République n° 7-72; article 2, paragraphe 4, du décret du Président de la République n° 390-94; article 8, premier et deuxième alinéas, de la loi régionale d'Émilie-Romagne n° 43-80; article 5, premier alinéa, de la loi provinciale de Trente n° 35-78; article 7 de la loi régionale de Vénétie n° 35-88; article 4, paragraphe 1, sous c), de la loi régionale de Lombardie n° 45-80];
- imposent à l'organisateur de foires de disposer d'un siège, d'un établissement ou d'une structure permanente au niveau national ou local (article 15, paragraphe 3, de la loi régionale de Lombardie n° 45-80; article 8, dernier alinéa, de la loi régionale du Frioul-Vénétie-Julienne n° 10-81);
- imposent à l'organisateur de foires de posséder une forme ou un statut juridique particuliers, excluant de ce fait les autres catégories d'opérateurs (article 4 de la loi régionale d'Émilie-Romagne n° 43-80, selon lequel les manifestations foraines sont organisées par des entités publiques, par des organisations émanant directement des associations catégorielles, par des associations privées et par des comités ayant pour but ou pour objet principal une activité d'une autre nature);
- exigent que l'activité d'organisateur de foires soit exercée à titre exclusif [article 4, paragraphe 1, sous c), de la loi régionale de Lombardie n° 45-80; article 3 de la loi régionale du Frioul-Vénétie-Julienne n° 10-81; article 5, premier alinéa, de la loi provinciale de Trente n° 35-78];
- exigent que l'activité d'organisateur de foires soit exercée sans but lucratif [article 4, paragraphes 1, sous c), et 2, de la loi régionale de Lombardie n° 45-80; article 6, paragraphe 1, sous e), f) et h), de la loi régionale de Vénétie n° 35-88; article 4 de la loi régionale du Frioul-Vénétie-Julienne n° 10-81; articles 3, 5, premier et deuxième alinéas, 12 et 19, premier alinéa, de la loi provinciale de Trente n° 35-78; article 4 de la loi régionale de Ligurie n° 40-78; article 5, sixième alinéa, sous c), de la loi régionale d'Émilie-Romagne n° 43-80];
- imposent que la foire ait un caractère périodique (article 6, premier alinéa, de la loi régionale d'Émilie-Romagne n° 43-80, selon lequel les manifestations foraines nationales et internationales doivent disposer d'un siège stable et d'une organisation administrative permanente et avoir une périodicité et une durée préétablies);
- imposent que la manifestation foraine à organiser soit conforme aux objectifs fixés par une région dans le cadre de la programmation régionale [article 5, sixième alinéa, sous a), de la loi régionale d'Émilie-Romagne n° 43-80];
- imposent le respect de délais particulièrement contraignants dans la procédure administrative d'autorisation obligatoire [article 2, paragraphes 4, 6 et 7, du décret du Président de la République n° 390-94, qui dispose que les demandes en vue de la reconnaissance de la qualification de manifestation foraine de niveau international et l'autorisation de son déroulement doivent être présentées aux organes compétents avant le 30 septembre de la première des deux années précédant celle au cours de laquelle la manifestation doit se dérouler (paragraphe 4), que ladite qualification est attribuée avant le 1er février de l'année précédant celle du déroulement de la manifestation et que cette mesure doit être communiquée aux régions (paragraphe 5), que les mesures de compétence régionale en vue de l'autorisation en question doivent être adoptées par les régions trente jours avant la communication visée au paragraphe 5 (paragraphe 6) et que, avant le 30 septembre de l'année précédant celle du déroulement des manifestations, les régions doivent transmettre au ministère de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat la liste des manifestations foraines reconnues d'importance nationale et autorisées (paragraphe 7)];
- prévoient l'interdiction d'organiser des foires autres que celles qui sont inscrites dans le calendrier officiel (article 7 du décret-loi royal n° 454-34; article 16, premier alinéa, de la loi régionale d'Émilie-Romagne n° 43-80).
26. À cet égard, il convient tout d'abord de rappeler qu'il résulte d'une jurisprudence constante qu'une réglementation nationale qui subordonne l'exercice de certaines prestations de services sur le territoire national par une entreprise établie dans un autre État membre à la délivrance d'une autorisation administrative constitue une restriction à la libre prestation des services, au sens de l'article 59 du traité (voir, notamment, arrêt du 9 mars 2000, Commission/Belgique, C-355-98, Rec. p. I-1221, point 35).
27. Si l'exigence d'une reconnaissance officielle ou d'une autorisation préalable pour l'exercice de l'activité d'organisateur de foires pouvait éventuellement être justifiée par l'intérêt général consistant à assurer la nécessaire qualité du service offert et la sécurité de la manifestation, une telle exigence n'est pas justifiée lorsque cet intérêt est sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire est soumis dans l'État membre où il est établi.
28. Or, les dispositions nationales et régionales en cause n'apparaissent pas tenir compte des règles applicables au prestataire de service dans son État membre d'établissement. Au demeurant, le Gouvernement italien n'a même pas fait valoir que lesdites dispositions devaient être interprétées en ce sens.
29. Les restrictions en cause au point 25, premier tiret, du présent arrêt ne sont donc pas justifiées. Il s'ensuit que le premier grief est fondé en tant qu'il concerne les dispositions nationales, régionales et provinciales qui exigent un agrément ou une reconnaissance officielle pour l'exercice de l'activité d'organisateur de foires.
30. S'agissant de l'obligation pour l'organisateur de foires d'avoir un siège permanent au niveau national ou local, il convient de relever que, si l'exigence d'un agrément constitue une restriction à la libre prestation des services, l'exigence d'un établissement stable est en fait la négation même de cette liberté. Elle a pour conséquence d'enlever tout effet utile à l'article 59 du traité, dont l'objet est précisément d'éliminer les restrictions à la libre prestation des services de la part de personnes non établies dans l'État sur le territoire duquel la prestation doit être fournie. Pour qu'une telle exigence soit admise, il faut établir qu'elle constitue une condition indispensable pour atteindre l'objectif recherché (voir, notamment, arrêt du 9 juillet 1997, Parodi, C-222-95, Rec. p. I-3899, point 31).
31. Le Gouvernement italien n'a invoqué aucun argument visant à démontrer que l'exigence d'un siège, d'un établissement ou d'une structure permanente au niveau national ou local est indispensable pour l'exercice de l'activité d'organisateur de foires. Dès lors, le premier grief est fondé pour autant qu'il concerne les dispositions régionales visées au point 25, deuxième tiret, du présent arrêt.
32. L'obligation pour l'organisateur de foires de posséder une forme ou un statut juridique particuliers, l'obligation d'exercer l'activité d'organisateur de foires à titre exclusif ainsi que l'interdiction de poursuivre un but lucratif constituent également des restrictions importantes à la libre prestation des services. Des motifs d'intérêt général de nature à justifier de telles restrictions sont difficilement envisageables. Aucun motif n'ayant par ailleurs été invoqué par le Gouvernement italien, il convient de considérer le premier grief comme fondé en tant qu'il concerne les dispositions régionales et provinciales en cause au point 25, troisième à cinquième tirets, du présent arrêt, à l'exception, toutefois, de l'article 19, premier alinéa, de la loi provinciale de Trente n° 35-78. En effet, la Commission n'est pas parvenue à démontrer que cette disposition, qui prévoit l'octroi de subventions à certains opérateurs du secteur forain, porterait atteinte à la libre prestation des services.
33. Quant aux dispositions nationales et régionales qui imposent un caractère périodique aux foires, la conformité des foires aux objectifs fixés par une région dans le cadre de la programmation régionale et le respect de délais contraignants dans la procédure d'autorisation des foires, ainsi que les dispositions qui prévoient l'interdiction d'organiser d'autres foires que celles qui sont inscrites dans le calendrier officiel, il ne fait pas de doute que des dispositions de cette nature sont susceptibles de rendre plus difficile l'exercice de la liberté de prestation des services. S'il n'est pas exclu qu'il puisse exister des motifs d'intérêt général susceptibles de justifier des restrictions de cette nature, le Gouvernement italien n'en a invoqué aucun avec la précision requise pour permettre à la Cour d'apprécier sa valeur éventuelle et de vérifier si les conditions de nécessité et de proportionnalité sont remplies. Le premier grief apparaît donc également comme fondé en tant qu'il concerne ces dispositions indiquées au point 25, sixième à neuvième tirets, du présent arrêt.
34. Enfin, il convient de signaler que la Commission n'a pas indiqué les raisons pour lesquelles les dispositions de l'article 6, paragraphes 1, sous g), et 4, de la loi régionale de Vénétie n° 35-88, qu'elle vise uniquement dans le dispositif de sa requête, porteraient atteinte à la libre prestation des services. Dès lors, il y a lieu de rejeter le premier grief en tant qu'il concerne ces dispositions.
Sur le second grief, tiré d'une violation des principes de la libre prestation des services et de la liberté d'établissement
35. Par son second grief, la Commission fait valoir que certaines dispositions nationales, régionales et provinciales sont contraires tant au principe de la libre prestation des services qu'à la liberté d'établissement, dans la mesure où elles subordonnent l'activité d'organisateur de foires
- à l'intervention des autorités publiques ou d'organismes locaux d'autre nature dans la nomination, totale ou partielle, des organes des entités foraines tels que le conseil d'administration, le comité exécutif, le collège des réviseurs des comptes, le président, le secrétaire général [article 3 du décret du Président de la République n° 7-72; articles 2, sous c) et d), 3, premier alinéa, sous b) et c), et 5, premier alinéa, sous a), de la loi régionale de Ligurie n° 12-72; article 8, paragraphe 1, sous d), de la loi régionale de Vénétie n° 35-88; articles 8, deuxième alinéa, et 11, premier alinéa, de la loi régionale d'Émilie-Romagne n° 43-80; article 5 de la loi régionale du Frioul-Vénétie-Julienne n° 10-81];
- à la présence parmi les fondateurs ou les associés d'au moins une institution territoriale locale (article 8, deuxième alinéa, de la loi régionale d'Émilie-Romagne n° 43-80).
- à l'intervention, même à simple titre consultatif, d'organismes composés d'opérateurs déjà présents sur le territoire visé ou représentatifs desdits opérateurs, à des fins de reconnaissance et d'agrément de l'entité organisatrice ainsi que d'octroi à celle-ci de financements publics [article 6, troisième alinéa, points 3 et 4, de la loi régionale d'Émilie-Romagne n° 43-80; articles 6, 7 et 23 de la loi provinciale de Trente n° 35-78; articles 13, 14 et 15, premier alinéa, sous a), de la loi régionale du Frioul-Vénétie-Julienne n° 10-81; article5, paragraphes 2 et 5, article 10, paragraphe 4, article 11, paragraphes 2 et 3, et article 15, paragraphe 1, de la loi régionale de Lombardie n° 45-80].
36. Il convient, tout d'abord, de constater que les dispositions nationales et régionales qui subordonnent la nomination des organes des entités foraines à l'intervention des autorités publiques ou d'organismes locaux d'autre nature sont susceptibles de gêner, voire même d'empêcher, l'exercice par les opérateurs en provenance d'autres États membres de leur droit à la libre prestation des services ainsi que de rendre plus difficile l'exercice de leur droit de s'établir en Italie.
37. Il en va de même, ensuite, pour l'article 8, deuxième alinéa, de la loi régionale d'Émilie-Romagne n° 43-80 qui ne subordonne pas l'activité d'organisateur de foires à l'intervention des autorités publiques ou d'organismes locaux dans la nomination des organes des entités foraines mais qui, en revanche, subordonne l'activité d'organisateur de foires à la présence parmi les fondateurs ou les associés d'au moins une institution territoriale locale.
38. Il n'est pas aisé d'envisager des motifs d'intérêt général susceptibles de justifier de telles restrictions. Aucun motif concret n'a par ailleurs été invoqué par le Gouvernement italien. Il s'ensuit que le second grief est fondé en tant qu'il concerne les dispositions nationales et régionales citées au point 35, premier et deuxième tirets, du présent arrêt, à l'exception, toutefois, de l'article 8, deuxième alinéa, de la loi régionale d'Émilie-Romagne n° 43-80, pour autant qu'il est visé par le premier tiret dudit point.
39. S'agissant, enfin, des dispositions qui subordonnent l'organisation de foires à l'intervention d'organismes composés d'opérateurs déjà présents sur le territoire visé ou représentatifs desdits opérateurs, aux fins de reconnaissance et d'agrément de l'entité organisatrice et aux fins d'octroi à celle-ci de financements publics, il y a lieu de relever que l'exigence d'un agrément ou d'une reconnaissance officielle constitue une restriction à la libre prestation des services ou à la liberté d'établissement. De la même manière et pour les raisons indiquées par M. l'avocat général au point 165 de ses conclusions, une telle atteinte peut résulter de dispositions qui prévoient l'intervention d'organismes composés d'opérateurs concurrents déjà présents sur le territoire concerné.
40. Tel est le cas des articles 13, 14 et 15, premier alinéa, sous a), de la loi régionale du Frioul-Vénétie-Julienne n° 10-81 qui prévoient l'intervention, aux fins de l'autorisation de manifestations foraines, d'un comité consultatif qui inclut, notamment, quatre présidents des entités foraines ayant un siège dans la région. En l'absence de toute justification, ces dispositions, mentionnées au point 35, troisième tiret, du présent arrêt, sont contraires aux principes de la libre prestation des services et de la liberté d'établissement.
41. En revanche, les restrictions à la libre prestation des services ou à la liberté d'établissement créées par les autres dispositions visées au point 35, troisième tiret, du présent arrêt, à savoir l'article 6, troisième alinéa, points 3 et 4, de la loi régionale d'Émilie-Romagne n° 43-80, les articles 6, 7 et 23 de la loi provinciale de Trente n° 35-78, ainsi que l'article 5, paragraphes 2 et 5, l'article 10, paragraphe 4, l'article 11, paragraphes 2 et 3, et l'article 15, paragraphe 1, de la loi régionale de Lombardie n° 45-80, peuvent trouver une justification dans le fait que les connaissances ou l'expérience des représentants de la vie économique non concurrents des opérateurs concernés par la procédure de reconnaissance ou d'agrément ainsi que celles des représentants du public visé par la foire peuvent se révéler précieuses à la procédure en cause.
42. Dès lors, eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que
- en maintenant en vigueur les dispositions suivantes:
- article 2, premier alinéa, et article 7 du décret-loi royal n° 454-34;
- article 2, premier alinéa, du décret du Président de la République n° 7-72;
- article 2, paragraphes 4, 6 et 7, du décret du Président de la République n° 390-94;
- article 4 de la loi régionale de Ligurie n° 40-78;
- article 6, paragraphe 1, sous e), f) et h), et article 7 de la loi régionale de Vénétie n° 35-88;
- article 4, article 5, sixième alinéa, sous a) et c), article 6, premier alinéa, article 8, premier et deuxième alinéas, et article 16, premier alinéa, de la loi régionale d'Émilie-Romagne n° 43-80;
- article 4, paragraphes 1, sous c), et 2, et article 15, paragraphe 3, de la loi régionale de Lombardie n° 45-80;
- articles 3, 4 et 8, dernier alinéa, de la loi régionale du Frioul-Vénétie-Julienne n° 10-81, et
- articles 3, 5 et 12 de la loi provinciale de Trente n° 35-78,
la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 59 à 61 et 63 à 66 du traité, et que
- en maintenant en vigueur les dispositions suivantes:
- article 3 du décret du Président de la République n° 7-72;
- articles 2, sous c) et d), 3, premier alinéa, sous b) et c), et 5, premier alinéa, sous a), de la loi régionale de Ligurie n° 12-72;
- article 8, paragraphe 1, sous d), de la loi régionale de Vénétie n° 35-88;
- articles 8, deuxième alinéa, et 11, premier alinéa, de la loi régionale d'Émilie-Romagne n° 43-80, et
- articles 5, 13, 14 et 15, premier alinéa, sous a), de la loi régionale du Frioul-Vénétie-Julienne n° 10-81,
la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 59 à 61 et 63 à 66 du traité ainsi qu'en vertu des articles 52 et 54 à 58 du traité.
Sur les dépens
43. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République italienne et celle-ci ayant succombé en l'essentiel de ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre),
déclare et arrête:
1) En maintenant en vigueur les dispositions suivantes:
- article 2, premier alinéa, et article 7 du décret-loi royal n° 454, du 29 janvier 1934;
- article 2, premier alinéa, du décret du Président de la République n° 7, du 15 janvier 1972;
- article 2, paragraphes 4, 6 et 7, du décret du Président de la République n° 390, du 18 avril 1994;
- article 4 de la loi régionale de Ligurie n° 40, du 14 juillet 1978;
- article 6, paragraphe 1, sous e), f) et h), et article 7 de la loi régionale de Vénétie n° 35, du 2 août 1988;
- article 4, article 5, sixième alinéa, sous a) et c), article 6, premier alinéa, article 8, premier et deuxième alinéas, et article 16, premier alinéa, de la loi régionale d'Émilie-Romagne n° 43, du 26 mai 1980;
- article 4, paragraphes 1, sous c), et 2, et article 15, paragraphe 3, de la loi régionale de Lombardie n° 45, du 29 avril 1980;
- articles 3, 4 et 8, dernier alinéa, de la loi régionale du Frioul-Vénétie-Julienne n° 10, du 23 février 1981, et
- articles 3, 5 et 12 de la loi provinciale de la Province autonome de Trente n° 35, du 2 septembre 1978,
la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 59 du traité CE (devenu, après modification, article 49 CE), 60 du traité CE (devenu article 50 CE), 61, 63 et 64 du traité CE (devenus, après modification, articles 51 CE, 52 CE et 53 CE), et 65 et 66 du traité CE (devenus articles 54 CE et 55 CE).
2) En maintenant en vigueur les dispositions suivantes:
- article 3 du décret du Président de la République n° 7, du 15 janvier 1972;
- articles 2, sous c) et d), 3, premier alinéa, sous b) et c), et 5, premier alinéa, sous a), de la loi régionale de Ligurie n° 12, du 3 novembre 1972;
- article 8, paragraphe 1, sous d), de la loi régionale de Vénétie n° 35, du 2 août 1988;
- articles 8, deuxième alinéa, et 11, premier alinéa, de la loi régionale d'Émilie-Romagne n° 43, du 26 mai 1980, et
- articles 5, 13, 14 et 15, premier alinéa, sous a), de la loi régionale du Frioul-Vénétie-Julienne n° 10, du 23 février 1981,
la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 59 à 61 et 63 à 66 du traité ainsi qu'en vertu des articles 52 et 54 du traité CE (devenus, après modification, articles 43 CE et 44 CE), 55 du traité CE (devenu article 45 CE), 56 et 57 du traité CE(devenus, après modification, articles 46 CE et 47 CE), et 58 du traité CE (devenu article 48 CE).
3) Le recours est rejeté pour le surplus.
4) La République italienne est condamnée aux dépens.