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Décisions

CCE, 17 juin 2009, n° 2009-838

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Concernant l'aide d'État C 33-08 (ex N 732/07) que la Suède envisage d'accorder à Volvo Aero Corporation pour la recherche et le développement

CCE n° 2009-838

17 juin 2009

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir invité les parties intéressées à présenter leurs observations conformément auxdits articles (1), et compte tenu de ces observations, considérant ce qui suit:

1. PROCÉDURE

(1) Par lettre du 10 décembre 2007, les autorités suédoises ont notifié à la Commission des mesures concernant une aide qu'elles projetaient d'accorder à Volvo Aero Corporation. La Commission a demandé des informations complémentaires, par lettre du 28 janvier 2008. Les autorités suédoises ont apporté certaines réponses à cette demande, par lettre du 18 mars 2008.

(2) Le 15 avril 2008 s'est tenue une réunion entre les autorités suédoises et les services de la Commission, puis la Commission a envoyé une nouvelle lettre demandant des informations complémentaires, le 21 avril 2008. Les autorités suédoises y ont répondu en présentant de nouvelles observations dans une lettre du 2 juin 2008. Dans ce courrier, les autorités suédoises faisaient référence à d'autres explications, dont un échange interne de courriers électroniques entre les représentants de la direction de l'entreprise bénéficiaire de l'aide. Ces informations complémentaires ont été soumises le 19 juin 2008.

(3) Par lettre du 16 juillet 2008, la Commission a informé la Suède de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE au sujet des mesures évoquées ci-dessus. La décision de la Commission d'ouvrir une procédure a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne (2). La Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur l'aide projetée. La Suède a déposé ses observations le 17 octobre 2008.

(4) M. Fred Bodin, ancien président du conseil d'administration et directeur général de Volvo Aero, GE Aviation et la section syndicale IF Metall de Volvo Aero ont présenté des observations, respectivement par télécopie du 28 octobre 2008, par lettre du 31 octobre 2008, et par courrier électronique du 3 novembre 2008.

(5) Par lettre du 3 novembre 2008, la Commission a transmis ces différentes observations aux autorités suédoises, qui ont envoyé des commentaires le 12 décembre 2008.

(6) La Commission a demandé aux autorités suédoises des informations complémentaires, dans une lettre du 30 mars 2009. La Suède a répondu à cette lettre le 3 avril 2009.

2. OBJECTIF DU RÉGIME D'AIDE

(7) Les autorités suédoises envisagent d'octroyer une aide à Volvo Aero (ci-après "l'entreprise") pour la recherche et le développement (R&D) concernant certaines pièces pour le moteur GEnx développé par General Electric (ci-après "GE") pour les avions du type Boeing B787 et B747-8. Le 15 décembre 2004, Volvo Aero et GE ont passé un accord initial de partenariat sur le partage des risques, puis le projet de R&D a été lancé.

(8) Volvo Aero développe et fabrique des composants pour les moteurs d'avions civils et militaires et a réalisé en 2008 un résultat d'exploitation de 359 millions de SEK [environ 39 millions d'euro (3)], avec une marge opérationnelle de 4,8 %. L'entreprise est un petit opérateur sur le marché dit secondaire (4), qui fabrique des composants pour tous les fabricants d'équipements d'origine: General Electric (ci-après "GE") et Pratt & Whitney (ci-après "PW") en Amérique du Nord, ainsi que Rolls-Royce (ci-après "RR") en Europe.

(9) Volvo Aero appartient au groupe Volvo (ci-après "le groupe"), qui est actif principalement dans les secteurs des poids lourds, des équipements pour le bâtiment et des autocars. Le groupe fabrique par ailleurs des moteurs pour bateaux de plaisance et navires de commerce, des générateurs pour moteurs diesel et des équipements pour l'industrie aérospatiale et aéronautique (à travers sa filiale Volvo Aero) (5). En 2008, le groupe a réalisé un résultat d'exploitation de 15 851 millions de SEK (environ 1 704 millions d'euro), avec une marge opérationnelle de 5,2 %. Volvo Aero représente 2 % des ventes nettes et du résultat d'exploitation du groupe.

(10) Le moteur GEnx est développé par GE et plusieurs entreprises partenaires avec lesquelles elle a passé des accords de partage des risques et des profits, telles que Volvo Aero et les entreprises suivantes: Avio (Italie), qui représente 12 % et est responsable de la conception et de la fabrication de boîtes de commande d'accessoires; Techspace Aero (Belgique), qui représente 5 % et est responsable des compresseurs à basse pression, ainsi que d'autres partenaires au Japon (IHI et MHI, qui représentent un total de 15 %) et aux États-Unis.

(11) Le moteur GEnx prévu pour équiper le B787 a été certifié en mars 2008 et le moteur GEnx destiné au B747-8 devrait être certifié vers la mi-2009. Au total, 1120 commandes de GEnx ont été obtenues pour les avions de type B787 et B747-8, mais le lancement du B787 a été retardé de près de deux ans par Boeing et aucun moteur n'a, en fait, déjà été vendu.

(12) L'engagement économique de Volvo Aero dans le cadre du contrat de partenariat pour le partage des risques et des profits pour le moteur GEnx correspond à 5,6 % des coûts totaux d'investissement pour le moteur. Volvo Aero est chargée du développement de plusieurs pièces du moteur GEnx: l'enveloppe du compresseur (fan hub frame), le rotor du compresseur basse pression (booster spool), l'enveloppe de la turbine arrière (turbine rear frame), l'enveloppe de ventilateur (after fan case) et le joint d'étanchéité de la turbine (high pressure turbine root seal), pour un coût total de R&D de 927 millions de SEK (environ 100 millions d'euro).

(13) Le projet de R&D proposé est quatre fois plus important que tous les autres projets en la matière que l'entreprise a mis en œuvre jusqu'à présent, et c'est la première fois que Volvo Aero assume une telle responsabilité. Les risques techniques et économiques liés au moteur GEnx sont en outre considérables. Le moteur GEnx comporte des composants légers complexes qui doivent être utilisés d'une manière nouvelle. Les objectifs techniques ambitieux fixés par GE pour le développement des composants du moteur GEnx portant sur la réduction de la consommation de carburant, du niveau sonore, des émissions de gaz d'échappement et du poids de l'appareil.

(14) Les autorités suédoises envisageaient d'accorder à Volvo Aero une avance remboursable (6) de 362 millions de SEK (environ 39 millions d'euro selon le cours au jour de l'octroi de l'aide), ce qui correspond à 39 % des coûts totaux éligibles de l'aide. L'aide n'a pas encore été versée, dans l'attente de l'accord de la Commission. Selon les autorités suédoises, le mécanisme de compensation garantirait un rendement de 7,32 % sur le prêt, ce qui est supérieur au taux de référence actuel pour la Suède (5,49 % en 2007).

(15) Le remboursement de l'avance est déterminé sur la base des revenus que ce projet apportera à Volvo Aero (sous forme de paiements de GE à Volvo Aero). Les autorités suédoises se basent sur une prévision de 23 milliards de SEK (7), correspondant à une prévision de 4 937 moteurs vendus d'ici 2028. Jusqu'à ce que ce volume soit atteint, Volvo Aero est censé verser à l'État [...] (*) % des paiements de GE, ce qui inclut les paiements pour d'autres modèles du moteur GEnx également développés. Lorsque le chiffre des ventes aura dépassé 23 milliards de SEK, Volvo Aero continuera à payer des droits correspondant à [...] % du chiffre d'affaires annuel produit par les moteurs GEnx (à l'exclusion des moteurs ultérieurement développés), sans limitation dans le temps.

(16) Volvo Aero a demandé une aide au gouvernement suédois, par lettre du 7 décembre 2004, c'est-à-dire avant le lancement du projet. En décembre 2004, les autorités suédoises se sont engagées verbalement vis-à- vis de Volvo Aero à octroyer une aide au projet de R&D (sans préciser cependant ni le montant, ni la forme que prendrait cette aide). Le gouvernement a simplement fait savoir informellement, au cours d'une conversation téléphonique entre le ministère de l'économie et Volvo Aero, qu'il était favorable à l'octroi de l'aide.

(17) Volvo Aero déclare que l'entreprise a signé le contrat avec GE le 15 décembre 2004, malgré l'absence de confirmation écrite de cette aide de la part du gouvernement, en se fiant à cet engagement verbal. Les autorités suédoises n'ont approuvé l'aide formellement que le 14 juin 2007, en demandant au comptoir suédois de la dette publique de formaliser le prêt, après avoir, selon les informations des autorités suédoises, défini clairement l'ampleur de la participation de Volvo Aero dans ce projet. À ce moment, une grande partie du projet de R&D était déjà clôturée.

3. MOTIFS DE L'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE FORMELLE D'EXAMEN

(18) La Commission a décidé d'ouvrir une procédure formelle d'examen, pour une série de raisons exposées ci-dessous.

(19) La Commission a émis des réserves portant sur la défaillance du marché évoquée par la Suède, à savoir les informations asymétriques sur le financement au sujet de ce type de projets (8). Volvo Aero n'étant pas financièrement indépendante du groupe Volvo, et le projet ayant été de facto financé à l'aide de la caisse opérationnelle de Volvo Aero et de la trésorerie commune du groupe, la Commission a émis des doutes sur le fait que Volvo Aero manque véritablement de ressources pour participer au projet GEnx.

(20) La Commission a émis des doutes sur l'effet d'incitation et sur la nécessité de l'aide, et aussi sur la mesure dans laquelle l'aide a été un facteur décisif pour que Volvo Aero lance le projet, puisque cette aide n'a été approuvée formellement qu'après l'achèvement de près de la moitié du projet. La Commission a considéré que les discussions orales qui ont eu lieu entre le gouvernement et l'entreprise ne pouvaient pas remplacer la procédure formelle d'octroi d'une aide.

(21) Les règles auxquelles le remboursement de l'avance est soumis ont incité la Commission à mettre en cause la proportionnalité de l'aide. La Commission s'est inquiétée du fait que les risques de change étaient supportés par l'État et non par Volvo Aero.

(22) Dans sa décision d'ouvrir une procédure, la Commission a considéré que l'incidence de cette aide sur la concurrence était limitée, parce que le bénéficiaire détient une très petite part de marché (2 % du marché des moteurs de grands avions civils). La Commission a néanmoins demandé aux concurrents et aux autres tiers intéressés de présenter des observations au sujet des incidences sur la concurrence.

4. OBSERVATIONS DE LA SUÈDE ET DES PARTIES INTÉRESSÉES

(23) Conformément à l'article 20, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE (9), et en réponse à la publication au Journal officiel de l'Union européenne (10), la Commission a reçu des observations des autorités suédoises, de l'ancien président du conseil d'administration et directeur général de Volvo Aero, de GE Aviation et de la section syndicale de IF Metall chez Volvo Aero.

4.1. Observations de la Suède

4.1.1. Défaillance du marché

(24) Les autorités suédoises ont fourni des informations visant à dissiper les doutes de la Commission concernant la défaillance du marché et expliquer où, en l'espèce, est apparue cette défaillance, mettant l'accent sur l'accessibilité d'un financement interne et externe approprié, ainsi que sur la position du groupe Volvo en ce qui concerne l'utilisation des sources de financement externes et des aides publiques.

(25) La Suède a fourni des informations détaillées sur la politique de financement du groupe Volvo et sur les règles et les conditions du prêt interne du groupe à Volvo Aero. Selon ces informations, le fonds commun du groupe constituait plutôt une mesure d'urgence ponctuelle pour que Volvo Aero, dans l'attente de l'aide d'État convenue, puisse honorer les engagements contractés envers GE. Une prolongation de ce prêt risque toutefois de créer un déséquilibre dans le financement des autres activités du groupe et ne constitue donc pas une option tenable.

(26) En ce qui concerne l'accès à un financement externe, la Suède a expliqué pourquoi ce projet n'avait pas accès au financement externe. Le groupe Volvo n'a jamais obtenu auprès d'une banque d'affaires ou d'un institut financier de prêt conditionnel semblable à l'avance remboursable. Il n'emprunte habituellement pas d'argent à des banques d'affaires lorsque le délai de remboursement dépasse 10 ans et l'avance remboursable demandée a une échéance de 20 ans. Nordea, la banque que le groupe Volvo sollicite le plus souvent, n'était pas disposée à lui accorder un prêt conditionnel d'une durée de 20 à 30 ans.

4.1.2. Effet d'incitation

(27) Les autorités suédoises ont exposé les raisons pour lesquelles un laps de temps aussi long s'est écoulé entre leur premier engagement à octroyer une aide, le début du projet de R&D et l'acceptation formelle de l'aide. Selon la Suède, le gouvernement a confirmé en 2004 à Volvo Aero qu'il accorderait son aide. Pour différentes raisons objectives, comme la portée du projet qui n'a pas été clairement expliquée avant l'automne 2006 et les élections de 2006, l'accord à cette aide n'a été adopté formellement qu'en 2007.

(28) La Suède a fourni des documents montrant que son engagement clair et positif donné à Volvo Aero en 2004 a eu un effet d'incitation parce qu'il a permis à l'entreprise de s'engager dans le projet GEnx. Les autorités suédoises ont indiqué que l'objectif du gouvernement était que Volvo Aero puisse se fier à son engagement et conclure un accord avec GE sur cette base. Des documents internes ont été transmis à la Commission pour montrer que l'engagement du gouvernement reflétait réellement les intentions des autorités suédoises à ce moment.

(29) Eu égard à l'engagement pris par le gouvernement en 2004, qui a incité l'entreprise à modifier son comportement, les autorités suédoises considèrent que l'octroi formel de l'aide en 2007 n'était qu'une officialisation de l'offre d'aide émise de facto en 2004 par le gouvernement. Le délai entre l'engagement et l'officialisation de l'aide ne signifie pas, selon les autorités suédoises, qu'il y ait eu une quelconque incertitude concernant le paiement effectif. Les autorités suédoises ont souligné par ailleurs que la décision formelle d'accorder cette aide a été prise alors qu'une grande partie du travail de R&D était encore en cours.

(30) Les autorités suédoises ont rappelé en outre que la nature exceptionnelle du projet GEnx, son ampleur et sa portée, ainsi que les risques techniques et économiques qu'il comporte, ont fait de ce prêt conditionnel un élément essentiel pour que Volvo Aero puisse conclure un accord avec GE. Les autorités ont fourni des informations détaillées sur les risques économiques et techniques liés au projet, tant dans sa phase initiale que lorsque l'avance remboursable a été formalisée au milieu de l'année 2007, ainsi que par la suite. Compte tenu des risques techniques et financiers, GE avait initialement de sérieuses réserves à l'encontre d'une inclusion de Volvo Aero dans le projet GEnx, cette entreprise n'ayant qu'une expérience limitée dans le domaine du développement de moteurs. Les risques techniques et économiques restaient considérables mi-2007 et par la suite, en raison des travaux de R&D en cours et du fait de ventes d'avions équipés de moteurs GEnx inférieures aux prévisions initiales.

(31) Selon les autorités suédoises, la situation de facto de Volvo Aero (à savoir que le projet de R&D a été mis en œuvre avec des ressources internes de l'entreprise et du groupe) ne veut pas dire que le financement à long terme ou le financement reposant sur le partage de risques étaient disponibles pour toutes les entreprises du groupe. Ayant signé un contrat avec GE, Volvo Aero s'était engagée contractuellement à poursuivre le projet. Toute forme d'omission aurait eu des conséquences dramatiques, telles que la rupture du contrat et du retard dans le travail, une mauvaise réputation et le risque de passer pour un partenaire non fiable. Il était donc absolument indispensable de puiser dans la trésorerie commune du groupe, même si cette mesure ne pouvait pas remplacer un financement à long terme. Les autorités suédoises ont souligné que le retard pris au niveau de l'aide attendue de l'État avait placé l'entreprise dans la situation la plus critique de son histoire sur le plan de la trésorerie.

4.1.3. Proportionnalité de l'aide

(32) Les autorités suédoises ont avancé des arguments pour montrer que c'était Volvo Aero et non l'État qui supportait les risques de change. Elles ont souligné en outre que comme le remboursement de l'avance repose sur le produit des ventes (quelle que soit la devise) et non sur le nombre d'unités vendues, l'instrument est plus proportionné, puisqu'il tient compte également des ventes de pièces détachées. Les autorités suédoises ont souligné par ailleurs que ce sont principalement les règles relatives au remboursement de l'avance qui ont rendu l'aide proportionnée.

4.1.4. Distorsion de la concurrence

(33) Selon les autorités suédoises, la distorsion de la concurrence et l'incidence sur les échanges étaient limitées, soulignant que le risque d'éviction des concurrents était restreint, puisque tout projet de moteur implique une nouvelle possibilité pour de nombreux fabricants de composants de travailler sur de nouveaux projets de R&D. Selon les autorités suédoises, l'aide ne devait augmenter la part de marché de l'entreprise que de façon marginale, puisque le projet GEnx vient en remplacement du programme CF6-80 antérieur. Grâce à cette aide, l'entreprise allait pouvoir accéder au développement et à la production de composants de moteurs d'avions civils.

4.2. Observations des parties intéressées

(34) M. Fred Bodin, ancien président du conseil d'administration et directeur général de Volvo Aero, a fourni des informations sur les négociations avec GE et le gouvernement. En raison des répercussions du projet GEnx sur la trésorerie, le conseil d'administration a pris la décision d'avaliser un accord avec GE en sachant que Volvo Aero allait bénéficier d'une aide, ce qui ressort de l'accord de partage des risques et des bénéfices avec GE du 15 décembre 2004. M. Fred Bodin a souligné que le gouvernement avait clairement confirmé qu'il accorderait l'aide, et que lui-même n'aurait pas autorisé le contrat avec GE sans un engagement clair de la part du gouvernement.

(35) Les observations de GE contenaient des informations sur le processus de négociation, qui indiquaient que GE doutait que Volvo Aero disposait de ressources techniques et financières suffisantes pour participer au projet GEnx, le plus grand projet de R&D dans lequel Volvo Aero se soit jamais engagé. L'entreprise a fait comprendre à plusieurs reprises à GE que l'appui du gouvernement au projet était un élément déterminant dans la décision de Volvo Aero de s'engager dans le projet GEnx et d'en supporter les risques. Volvo Aero a expliqué en outre que l'entreprise avait conclu le contrat sur la base de l'accord du gouvernement d'octroyer un prêt. GE a souligné par ailleurs que le programme GEnx comporte toujours des risques.

(36) Les syndicats ont souligné dans leurs observations que le programme GEnx est nouveau et unique, tant pour la Suède que pour Volvo Aero. Auparavant, l'activité de Volvo Aero dans le secteur civil se limitait à la fabrication de pièces de moteur, alors qu'une part importante du nouveau projet porte sur le développement de nouvelles pièces de moteur. Le programme GEnx a une plus grande ampleur que les projets de collaboration antérieurs avec Rolls-Royce.

(37) Les syndicats ont exprimé leur inquiétude concernant le marché de l'aéronautique pour un petit acteur comme Volvo Aero, pour qui ce type de programme est décisif pour pouvoir poursuivre son activité sur le marché mondial. Ils sont conscients des conséquences économiques et des problèmes que ce programme pose à Volvo, mais aussi des opportunités offertes par le prêt d'État. Sans l'aide d'État, Volvo Aero n'aurait jamais pu participer à un programme de cette ampleur.

(38) Selon les syndicats, les travaux de développement ne sont pas achevés, et il subsiste donc d'importants risques techniques. En outre, les risques économiques sont encore significatifs, puisque les commandes ne débouchent pas toujours sur des ventes, du fait, entre autres, du ralentissement de l'économie. Les syndicats s'inquiètent des conséquences négatives pour la trésorerie de Volvo Aero, qui est plus inquiétante que jamais, si l'aide d'État n'est pas versée.

4.3. Commentaires de la Suède sur les observations des parties intéressées

(39) Par lettre du 12 décembre 2008, les autorités suédoises ont formulé des commentaires sur les observations des parties intéressées, ainsi que des informations complémentaires reposant sur des explications fournies par Volvo Aero, pour montrer que l'avance remboursable était une condition nécessaire pour que Volvo Aero puisse signer un contrat avec GE.

(40) Les autorités suédoises étaient d'accord avec GE et les syndicats sur le fait que le GEnx constituait un défi très inhabituel pour Volvo Aero, et que les travaux de R&D, avec les défis techniques qui en découlent, sont toujours en cours. De plus, ces observations concordent, selon les autorités suédoises, avec les informations fournies par M. Fred Bodin, ex-président du conseil d'administration et directeur général de Volvo Aero, qui montrent également de façon correcte le lien entre les négociations avec GE et l'engagement du gouvernement d'octroyer une aide.

4.4. Autres informations fournies par la Suède

(41) Dans sa réponse à la lettre de la Commission du 30 mars 2009, la Suède a communiqué d'autres informations sur le financement interne du groupe, pour expliquer pourquoi AB Volvo n'avait pas contribué au financement à long terme du projet GE. Compte tenu du fait que la défaillance du marché et l'effet d'incitation pouvaient être mis en doute en raison de l'officialisation tardive de l'aide, les autorités suédoises ont déclaré qu'elles étaient disposées à accepter une modification du montant de l'aide initialement notifié.

(42) Le 14 juin 2007, soit le jour où le gouvernement a pris formellement la décision d'octroyer l'aide, Volvo Aero avait de facto déjà payé environ 66,5 % des coûts éligibles à l'aide, montant qui dépasse la contribution initialement prévue de 60 %. L'aide devrait donc être réduite à environ 33,5 % des coûts éligibles à l'aide, ce qui correspond à environ 304 millions de SEK (environ 33 millions d'euro), plutôt que le montant initialement prévu de 362 millions de SEK (environ 39 millions d'euro).

5. EXISTENCE D'UNE AIDE D'ÉTAT

5.1. Existence d'une aide d'État

(43) Ainsi qu'il ressort de la décision d'ouvrir une procédure, l'appréciation de la mesure relève de l'article 87, paragraphe 1, du traité. Cette conclusion n'a été contestée par aucune des parties.

(44) La mesure notifiée porte sur un prêt consenti par le comptoir suédois de la dette publique à Volvo Aero. Il s'agit d'argent public, puisqu'il a été mis à la disposition du parlement suédois et que les instructions sur son utilisation ont été édictées par le gouvernement suédois. La mesure est sélective, puisqu'elle porte sur une seule entreprise, à savoir Volvo Aero, qui est une grande entreprise faisant du commerce avec d'autres États membres. La mesure confère un avantage à Volvo Aero, puisqu'elle lui donne accès à des fonds à des conditions que le marché ne peut offrir. Elle constitue donc une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.

5.2. Légalité de la mesure

(45) En notifiant cette mesure avant de l'exécuter, les autorités suédoises ont respecté les obligations qui leur incombaient en vertu de l'article 88, paragraphe 3, du traité CE. La mesure notifiée ne doit être mise à exécution qu'après avoir été approuvée par la Commission, ce qui est conforme à l'article 88, paragraphe 3, du traité CE.

6. COMPATIBILITÉ AVEC LE MARCHÉ COMMUN

(46) La Commission a apprécié la mesure, conformément à l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité, en tenant compte en particulier des dispositions spéciales concernant l'aide à la R&D qui, depuis le 1 er janvier 2007, font partie de l'encadrement communautaire des aides à la recherche, au développement et à l'innovation (11) (ci- après "l'encadrement communautaire R&D&I").

6.1. Défaillance du marché

(47) Pour pouvoir apprécier correctement une aide destinée à un grand projet de R&D, il convient d'examiner l'objectif de la mesure, en particulier la défaillance du marché que cette mesure vise à corriger. Ce n'est que dans le cas où les forces du marché ne peuvent par elles-mêmes atteindre un résultat économique efficace qu'il peut être question d'une défaillance du marché. Dans leur notification, les autorités suédoises ont indiqué que, du fait d'informations incomplètes et asymétriques, l'entreprise n'a pas pu obtenir de financement privé reposant sur le partage de risques dans le projet GEnx, ce projet étant caractérisé par d'importants risques techniques et un rendement à long terme.

(48) La Commission a constaté dans des décisions antérieures que de telles défaillances du marché surviennent dans le cadre de grands programmes dans l'aéronautique (12). Cela ne veut cependant pas dire que tous les projets dans ce secteur d'activité sont frappés de défaillances du marché. Il est manifeste que différentes entreprises du secteur ont pu à diverses reprises financer de nouveaux projets, soit à l'aide de leurs propres ressources, soit en sollicitant le marché financier. La Commission doit apprécier en l'espèce si une défaillance du marché est intervenue, et dans quelle mesure.

(49) Dans sa décision d'ouvrir une procédure, la Commission s'est demandé s'il existait une défaillance du marché, puisque la décision formelle du gouvernement d'octroyer une aide a été prise à un stade très avancé du projet - stade où Volvo Aero avait déjà financé le projet au moyen de sa caisse opérationnelle et du fonds de caisse commun du groupe. La Commission a donc douté du fait que le financement par le fonds de caisse commun du groupe pouvait de facto constituer un financement à long terme du projet GEnx.

(50) La Commission prend note des informations fournies par les autorités suédoises concernant la politique financière du groupe Volvo, y compris sur les règles et conditions régissant les prêts internes du groupe à Volvo Aero. À partir de ces informations, les autorités suédoises ont essayé de montrer que le financement par le fonds de caisse commun du groupe ne pouvait pas être considéré comme un moyen de financer à long terme le projet GEnx. Ce mode de financement constituait plutôt une mesure provisoire d'urgence destinée à permettre à Volvo Aero de respecter les engagements contractuels souscrits vis-à-vis de GE, mais la poursuite de ce financement menaçait de créer un déséquilibre dans le financement des autres activités du groupe.

(51) Il ressort des explications de la Suède que la politique financière du groupe prévoit que les filiales sont financées par leur caisse opérationnelle ou par le fonds commun du groupe, lui-même financé par les entreprises de celui- ci et par des ressources externes. Volvo Treasury est chargée de gérer le fonds commun du groupe pour garantir qu'il y ait suffisamment de réserves pour assurer le fonctionnement continu de l'activité de Volvo. L'entreprise a pour mission d'évaluer chaque trimestre les besoins globaux et les possibilités dans tous les secteurs d'activité du groupe et de fixer les limitations (en termes de prêts accordés et contractés) du fonds commun du groupe Volvo.

(52) Comme les autorités suédoises l'ont également expliqué, le financement interne du groupe n'est pas destiné au financement de projets. Les filiales endossent elles- mêmes la responsabilité de financer leurs frais de R&D. En outre, le fonds commun du groupe ne peut être utilisé qu'à court terme, selon des conditions strictes de remboursement et en fonction de la participation de l'entreprise au résultat d'exploitation du groupe, de sorte que le financement interne par le groupe ne déborde pas sur d'autres secteurs d'activités de celui-ci. Selon les autorités suédoises, le financement interne du groupe est proposé aux conditions du marché.

(53) La Commission observe que la dépendance de Volvo Aero à l'égard du fonds commun pendant près de quatre ans constitue une exception par rapport à la politique financière du groupe. Selon la Suède, Volvo Aero est la seule société d'exploitation qui a bénéficié constamment d'un important crédit de la part du fonds commun limité négativement à entre [...] et [...] millions de SEK (soit entre [...] et [...] millions d'euro) entre 2004 et 2008. Les limites des crédits accordés par le fonds commun ne sont de surcroît plus fixées annuellement, mais tous les trois mois. Si l'on considère la contribution limitée de l'entreprise au résultat d'exploitation du groupe, qui se chiffrait à 2 %, cette dépendance à l'égard du financement interne du groupe était disproportionnée par rapport à l'importance relative de l'entreprise dans le groupe (13).

(54) La Commission observe également que les autorités suédoises déclarent qu'une telle dépendance exceptionnelle du fonds commun du groupe présente le risque de saper les capacités du groupe de maintenir ses secteurs d'activité. Volvo Aero s'est appuyé sur le fonds commun du groupe dans une mesure qui dépasse le financement d'autres secteurs d'activité dans le groupe, ce qui constitue une menace pour les conditions de continuité et de croissance équilibrée de ces autres secteurs d'activité (14). Cette situation résulte d'un déséquilibre dans la répartition des risques entre les divisions aéronautiques et les autres divisions du groupe Volvo. Une telle évolution pourrait limiter l'aptitude du groupe à financer d'autres projets internes qui sont moins risqués et offrent un meilleur rendement.

(55) La Commission considère que la dépendance permanente à l'égard du fonds commun du groupe n'est pas tenable à long terme, parce que le groupe exerce une forte pression économique sur Volvo Aero pour que celle-ci rembourse le prêt, en dépit du gros problème que représente sa trésorerie négative. Volvo Aero avait, après impôt, une trésorerie négative de [...] millions de SEK (soit [...] millions d'euro) en 2008. Elle a donc été contrainte de prendre une série de mesures internes pour générer une trésorerie suffisante, par exemple [...] (15).

(56) La Commission conclut de ce qui précède que le fonds commun a fourni à Volvo Aero une couverture en liquidités pour permettre à l'entreprise de faire face à ses engagements vis-à-vis de GE. Toutefois, ce type de financement n'a pas permis de supporter le financement à long terme du projet, car il pourrait saper la cohésion du financement interne du groupe et menacer l'équilibre entre ses secteurs d'activité.

(57) Toutefois, comme l'aérospatiale est un des secteurs d'activités du groupe, même s'il ne dépasse pas 2 % de son résultat d'exploitation, le groupe devrait néanmoins contribuer au financement à long terme du projet, même si l'entreprise n'a pas, selon les autorités suédoises, le droit de chercher à obtenir un engagement à long terme plus structuré de Volvo Treasury en ce qui concerne le GEnx. Sur la base des informations recueillies par la Commission, l'ampleur et le caractère de la défaillance du marché par rapport au projet GEnx semblent plutôt limités, ce qui pourrait indiquer que l'aide d'État proposée n'est pas réellement proportionnée à ce projet.

(58) Comme Volvo Aero ne dispose pas d'une autonomie financière suffisante pour rechercher un financement externe pour des investissements tels que celui soutenu par l'aide d'État, la Commission a mis en doute, dans sa décision d'ouvrir une procédure, le fait que le groupe Volvo manquait réellement des moyens de garantir le financement externe du projet GEnx.

(59) Dans leurs observations, les autorités suédoises ont tout d'abord confirmé que les entreprises du groupe Volvo ne sont pas autorisées à souscrire un financement externe directement auprès des banques et autres instituts financiers. Avant de demander une aide d'État, le groupe a étudié en vain d'autres sources possibles de capital à risque externe. Bien que AB Volvo ait une très bonne capacité de se procurer un financement externe, le financement externe disponible pour ce type de projet de R&D à long terme dans le domaine aérospatial est très limité, notamment parce que ces projets sont considérés comme à haut risque.

(60) Les autorités suédoises ont par ailleurs avancé des arguments selon lesquels l'emprunt ne serait pas un moyen approprié pour financer des projets de R&D à haute intensité de capital dans l'aérospatiale, avec d'importants risques techniques et économiques et un délai de remboursement très long.

(61) Les autorités suédoises ont expliqué que le groupe Volvo avait cherché sans succès un financement externe du projet GEnx sur la base du partage des risques. Le groupe a contacté Nordea à ce sujet, mais la banque ne pouvait pas proposer de financement basé sur le partage des risques. Le groupe a également contacté de façon informelle des fournisseurs de capital à risque, mais sans succès. Finalement, Volvo Aero a pu s'assurer d'une petite contribution de la part d'un sous-fournisseur (Carlton ForgeWorks) pour couvrir le montant initial à payer à GE.

(62) La Commission en conclut donc qu'il n'existait pas de financement externe pour le projet GEnx.

(63) En outre, la Commission a observé dans sa décision d'ouvrir une procédure que la politique financière du groupe Volvo semble reposer sur le financement par l'État pour que le groupe puisse assurer le financement de ses filiales. Les autorités suédoises ont déclaré dans leurs observations que le financement public n'était pas une condition pour que le groupe puisse financer ses filiales. Dans la politique financière du groupe, des procédures sont définies pour rechercher des sources de financement alternatives, soit sous forme d'emprunts à l'extérieur du groupe Volvo, soit de crédits commerciaux, soit d'autres types de produits structurés, dont le financement public.

(64) Sur la base des observations déposées, la Commission considère que, même si Volvo Aero a été contrainte d'utiliser dans une large mesure le financement interne du groupe, parce que l'aide n'était pas disponible, il semble que le groupe ne puisse pas assurer ce type de financement à long terme sans risques pour le reste de ses activités. Compte tenu des nouveaux éléments et de la réduction de l'aide des autorités suédoises pour tenir compte de la contribution réelle du groupe au projet au moment de l'approbation formelle de l'aide, la Commission peut en conclure que l'aide est destinée à remédier à une défaillance du marché.

6.2. Effet d'incitation

(65) Dans sa décision d'ouvrir une procédure, la Commission a exprimé des doutes sur l'effet d'incitation de l'aide, parce que le gouvernement suédois a pris la décision formelle d'octroyer l'aide alors que le projet avait déjà été en grande partie mis en œuvre, du moins en ce qui concerne le Boeing B787. La décision ayant été prise alors que le projet était pratiquement terminé, il semble que l'aide était destinée à couvrir des risques qui n'étaient pas liés au contenu du projet de R&D.

(66) Il ressort de la section 6 de l'encadrement communautaire R&D&I que la Commission doit d'abord contrôler si la demande d'aide a été déposée par le bénéficiaire de l'aide avant le lancement du projet de R&D. Comme il ressort déjà de la décision d'ouvrir une procédure, Volvo Aero a introduit sa demande d'aide avant le lancement du projet, ce qui signifie qu'elle s'est conformée aux dispositions de la section 6, deuxième paragraphe, de l'encadrement communautaire R&D&I.

(67) La Commission tient à souligner qu'elle met généralement en doute l'effet d'incitation d'une mesure lorsque la décision formelle d'octroyer l'aide a été prise par l'État à un stade où le projet est déjà en grande partie terminé, et qu'il a été financé de facto par le bénéficiaire. En ce qui concerne la R&D, il est très important que l'aide ait une incidence sur le comportement de l'entreprise et provoque un investissement plus important et plus rapide dans le projet. Sans un tel effet, l'aide n'aurait pas d'effet d'incitation et ne serait donc pas nécessaire.

(68) Pour que l'aide puisse produire un tel effet, l'État doit l'avoir décidé soit de façon formelle, mais sous réserve que la Commission confirme que cette aide est compatible avec le droit communautaire, conformément à l'article 88, paragraphe 3, du traité, soit par une déclaration écrite d'intention non susceptible de susciter des attentes justifiées, mais manifestant de façon suffisamment claire l'intention de l'État de soutenir le projet (16).

(69) La Commission observe également qu'une condition nécessaire pour qu'une aide à un projet de R&D soit compatible avec le droit communautaire est qu'elle soit notifiée à temps, conformément à l'article 88, paragraphe 3, du traité. Une notification d'aide à un projet presque achevé impliquerait que l'État n'est pas convaincu par l'aide qu'il a l'intention d'accorder, ou qu'il ne peut pas donner une assurance concernant une telle aide. Si l'entreprise peut, en dépit de cette incertitude, non seulement exécuter le projet, mais même le mener à terme, il est probable que l'aide n'est en grande partie pas nécessaire pour l'entreprise.

(70) Il ressort de la section 6 de l'encadrement communautaire R&D&I que la Commission doit apprécier dans chaque cas un certain nombre de critères concernant l'effet d'incitation de l'aide, en examinant si l'aide conduit à une augmentation de l'ampleur du projet, de sa portée ou de son intensité, ou si le montant total des dépenses du bénéficiaire pour la R&D a augmenté. Dans son appréciation détaillée de l'effet d'incitation, la Commission s'est fondée sur le point 7.3.3 de l'encadrement communautaire.

(71) Lors de son appréciation de l'effet d'incitation pour provoquer une modification du comportement de l'entreprise, la Commission a mis en question la valeur de l'assurance verbale que le gouvernement a donnée à Volvo Aero en décembre 2004. Dans leurs observations, les autorités suédoises et les parties intéressées ont répété que l'assurance que l'aide serait octroyée a été un facteur décisif dans la décision de Volvo Aero de participer au projet. Les contacts entre Volvo Aero et le ministère de l'économie au cours de l'automne 2004 ont renforcé l'entreprise dans sa conviction que les ressources mises à la disposition du Parlement seraient employées pour soutenir le projet de recherche et de développement du GEnx (17).

(72) Les autorités suédoises ont également fourni des documents internes montrant que l'entreprise s'est fiée à cette assurance d'aide avant de s'engager dans le projet (18). Comme l'a fait savoir l'ancien directeur général de l'entreprise, le contrat avec GE n'aurait pas été signé si Volvo Aero n'avait pas eu cette assurance du gouvernement, parce que le projet aurait alors présenté un niveau de risque inacceptable et un investissement trop important pour l'entreprise et le groupe.

(73) Selon la Suède, l'absence de projet de substitution (c'est-à- dire de projet que l'entreprise aurait réalisé si elle n'obtenait pas l'aide) montre que Volvo Aero s'attendait à bénéficier d'une aide, tout comme dans le cadre du projet Trent 900 (19). GE a également confirmé dans ses observations que la perspective d'obtenir une aide a joué un rôle important dans la décision de Volvo Aero de s'engager comme partenaire de GE avec partage des risques. Le contrat du 15 décembre 2004 entre GE et Volvo Aero mentionne également l'aide de l'État suédois.

(74) La Commission a tenu compte de l'argument économique des autorités suédoises selon lequel le projet GEnx n'aurait pas été réalisé sans aide d'État. Tout d'abord, les coûts initiaux élevés soumettraient la position financière de l'entreprise à une pression inacceptable. Comme il ressort de la documentation financière, Volvo Aero pouvait financer tout au plus 60 % des coûts liés au projet sur sa caisse opérationnelle, tandis que les 40 % restants, dans l'attente de l'aide publique attendue, ont été couverts provisoirement par le fonds commun du groupe.

(75) La Commission observe que l'aide semble avoir joué un rôle limité sur les liquidités (le projet ayant été malgré tout financé à l'aide de la caisse opérationnelle interne de Volvo Aero et du fonds commun du groupe) et qu'elle a visiblement eu un effet limité sur la rentabilité ainsi que sur le taux de rentabilité interne et de valeur actualisée nette. En revanche, cette aide a permis de réduire l'exposition financière de Volvo Aero, ce qui a réduit les risques liés au projet en cas d'échec technique ou économique.

(76) La Commission observe que le projet GEnx a une plus grande ampleur que le projet précédent de R&D de Volvo Aero (Trent 900). De plus, il a permis à l'entreprise d'assumer la responsabilité d'autres tâches de R&D. Le travail de R&D concernant le GEnx comportait d'autres risques qui ne relevaient pas du programme CF6-80, qui était un simple travail de fabrication, sans volet de R&D.

(77) Dans sa décision d'ouvrir une procédure, la Commission a mis en doute l'effet d'incitation que l'aide pouvait avoir alors que le projet était déjà presque terminé et que les risques techniques et économiques avaient changé de caractère. Dans leurs observations, les autorités suédoises ont montré suffisamment clairement que les risques techniques et économiques restaient considérables, même si le projet de R&D se trouvait à un stade relativement avancé. Ces risques s'expliquaient par la nouveauté de la technique et l'expérience limitée de Volvo Aero dans ce type de projets.

(78) Eu égard à ce qui précède, la Commission considère que tant les documents internes ayant fondé la décision que les observations de GEnx montrent que l'aide a été déterminante dans la décision de Volvo Aero de participer au projet, parce que cette aide réduit les risques à un niveau acceptable, ce qui permet à l'entreprise de mettre en œuvre le projet. Sur la base de ces informations, la Commission admet que l'aide a eu un effet d'incitation, car elle a été considérée comme nécessaire pour que Volvo Aero puisse participer au projet GEnx.

6.3. Proportionnalité

(79) Dans sa décision d'ouvrir une procédure, la Commission a déclaré qu'elle n'était pas totalement convaincue que l'aide était proportionnée en ce qui concerne les règles sur le remboursement des avances remboursables. Étant donné que le remboursement de l'avance repose sur le résultat des ventes calculé en couronnes suédoises, alors que les produits des ventes à GE sont comptabilisés en dollars US, la Commission a déclaré qu'elle soupçonnait que c'était l'État, et non l'entreprise, qui supportait les risques de change.

(80) La Commission observe que, selon les autorités suédoises, c'est Volvo Aero et non l'État qui supporte les risques de change, puisque Volvo Aero est payé par GE en dollars US, alors que l'aide doit être remboursée en couronnes suédoises. En outre, comme le remboursement de l'avance repose sur le produit des ventes (quelle que soit la devise) et non sur le nombre d'unités vendues, l'instrument est plus proportionné lorsqu'il couvre également les ventes de pièces détachées.

(81) Les règles sur le remboursement de l'avance remboursable semblent confirmer que l'aide est proportionnée: le taux d'intérêt est fixé à 7,32 %, les remboursements de l'excédent ne sont pas soumis à un délai, et le remboursement a lieu tous les trois mois sur la base des paiements effectués par GE.

(82) La Commission observe que l'entreprise doit supporter les risques de change, mais constate en même temps que le fait que le remboursement se fonde sur toutes les rentrées, et non seulement sur la vente des moteurs, compense l'avantage potentiel de gains de change pour l'entreprise. De plus, le remboursement de l'avance est conforme à l'encadrement communautaire R&D&I et constitue de surcroît un instrument de soutien moins restrictif de concurrence. En outre, du fait du taux d'intérêt relativement élevé exigé par la Suède, l'aide peut être considérée comme proportionnée, également en ce qui concerne les risques de change.

(83) La Commission souligne par ailleurs qu'une avance remboursable est un instrument de partage des risques qui, en cas de succès du projet, conduit à un remboursement plus que proportionnel de la part du bénéficiaire. Si les prévisions des ventes se réalisent, l'aide est entièrement remboursée, intérêts compris. Si les ventes sont inférieures aux prévisions, le remboursement est diminué en proportion (20). Si les ventes dépassent les prévisions, le remboursement est supérieur à l'avance perçue par le bénéficiaire.

(84) Dans son appréciation de la proportionnalité de l'aide par rapport au caractère et à l'ampleur de la défaillance du marché, la Commission doit s'assurer que l'aide est limitée au minimum nécessaire. Dans une lettre du 12 novembre 2008, la Commission a donc mis en question la réelle nécessité du montant de l'aide, en considérant que la décision formelle sur l'aide a été prise alors que le projet se trouvait à un stade relativement avancé et que Volvo Aero avait réussi à financer les coûts par son fonds de caisse susmentionné.

(85) Dans leur réponse aux soucis de la Commission sur le fait que l'aide pourrait ne pas avoir été limitée au minimum nécessaire, les autorités suédoises ont reconnu que la procédure d'approbation de l'aide et la situation financière du groupe permettaient de penser que le montant de l'aide pourrait être réduit par rapport aux intentions initiales. Elles ont proposé de réduire l'aide, en fonction de la situation de Volvo Aero au moment où les autorités ont décidé d'octroyer cette aide, le 14 juin 2007. À cette date, Volvo Aero supportait environ 66,5 % des coûts éligibles dont 60 % provenaient de la caisse opérationnelle interne de Volvo Aero. Les 6,5 % restants, soit 58 millions de SEK (environ 6 millions d'euro) étaient financés par le fonds commun du groupe. Au total, la Suède propose de faire passer le montant total de l'aide du montant initial de 362 millions de SEK (environ 39 millions d'euro) à environ 304 millions de SEK (environ 33 millions d'euro).

(86) La Commission considère qu'une réduction de l'aide à 304 millions de SEK (environ 33 millions d'euro), ce qui correspond à 33,5 % des coûts éligibles du projet, par rapport à 39 % des coûts éligibles dans la proposition initiale, implique que l'aide est limitée au minimum nécessaire. En effet, le montant proposé de l'aide correspond aux besoins réels de financement de Volvo Aero au moment où l'aide est adoptée formellement, et reflète donc plus fidèlement l'ampleur de la défaillance du marché. La Commission en conclut donc qu'ainsi réduite, l'aide reste proportionnée et ne dépasse pas le minimum absolument nécessaire.

(87) La Commission en conclut donc que les règles sur le remboursement de l'aide et la réduction du montant de l'aide à 33,5 % des coûts éligibles sont en proportion avec le niveau et l'ampleur de la défaillance du marché.

6.4. Effet sur la concurrence

(88) Dans sa décision d'ouvrir une procédure, la Commission a considéré que le marché en cause était celui des moteurs pour les grands avions civils. La Commission a considéré à titre préliminaire que l'effet de l'aide sur la concurrence était limité en raison de la part de marché limitée et de l'ampleur de l'investissement. Les concurrents ont toutefois été invités à présenter des observations et à décrire d'éventuels effets significatifs sur la concurrence.

(89) Les autorités suédoises ont confirmé que, sur le marché mondial des pièces pour moteurs d'avion, Volvo Aero est un petit acteur par rapport à ses concurrents en Europe, tels que Rolls-Royce, Snecma, Avio et MTU. Si l'on considère que Volvo Aero ne détient que 2 % des parts de marché des moteurs pour grands avions civils, l'aide devait avoir un effet très limité. Les pièces développées et fabriquées par Volvo sauraient difficilement n'être considérées que comme un sous-marché séparé, notamment parce qu'elles pourraient être développées soit par les grands fabricants d'équipement d'origine, soit par d'autres entreprises.

(90) La Commission relève qu'aucun concurrent n'a présenté d'observations après l'ouverture de la procédure formelle d'examen. Pour cette raison, et vu la publicité faite autour de la décision d'ouvrir une procédure, la part très limitée de Volvo Aero sur le marché des grands moteurs pour avions civils et l'absence apparente de partenaire européen susceptible de fabriquer des pièces semblables, la Commission considère qu'aucun concurrent ne s'est inquiété du fait que cette aide pourrait porter atteinte aux initiatives proactives, créer une forte influence sur le marché ou contribuer à maintenir sur le marché des structures inefficaces. La Commission a également tenu compte des observations de GE Aviation au soutien de Volvo Aero, ainsi que de l'ancien directeur général de Volvo Aero et des syndicats chez Volvo.

(91) L'aide proposée semble, selon toute apparence, ne pas porter atteinte aux initiatives proactives des concurrents (fabricants de pièces pour moteurs d'avion) consistant à investir et faire concurrence. Cela semble principalement découler du fait que de nombreux fabricants sur les marchés secondaires et tertiaires cherchent plutôt à établir des relations à long terme avec un seul fabricant de pièces d'origine, qui devient leur partenaire privilégié. Volvo Aero est une entreprise indépendante qui travaille sur des projets avec différents fabricants d'équipement d'origine, surtout Rolls-Royce et GE.

(92) En ce qui concerne la concurrence sur les marchés des produits, l'aide ne concerne qu'un nombre limité de pièces pour moteurs d'avion, principalement l'enveloppe du compresseur (fan hub frame), le rotor du compresseur basse pression (booster spool) et l'enveloppe de la turbine arrière (turbine rear frame). De plus, ces pièces, spécialement conçues pour le moteur GEnx, ne concernent pas les autres types de moteurs. Enfin, l'ampleur des investissements concernés est modeste comparée à l'investissement nécessaire pour développer un nouveau moteur. L'aide n'a donc pas d'effet significatif sur l'influence de l'entreprise sur le marché, ce qui implique qu'elle a un effet limité sur la concurrence sur le marché des pièces de moteurs d'avion.

(93) Enfin, l'aide n'est pas liée à un intrant donné pour les produits concernés, ou à une localisation donnée des activités de R&D.

(94) Eu égard aux éléments qui précèdent, au fait qu'aucun concurrent ou autre tiers n'a présenté d'observations et au fait que Volvo Aero détient une part de marché très réduite, la Commission conclut que l'effet sur la concurrence est très limité.

6.5. Mise en balance des effets positifs et négatifs

(95) À la lumière des facteurs positifs et négatifs exposés ci- dessus, la Commission doit, conformément au point 7.5 de l'encadrement communautaire R&D&I, procéder à une mise en balance des effets de la mesure d'aide, et déterminer si les effets de distorsion affectent les échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

(96) En l'espèce, la Commission considère que l'aide a un effet positif, dans la mesure où elle a pour but de corriger une défaillance du marché, où elle a un effet d'incitation sur le bénéficiaire et où elle est accordée sous la forme d'un instrument approprié qui fait que l'aide est proportionnée et que l'incidence sur la concurrence est limitée.

(97) La Commission considère en outre que les effets négatifs de la mesure sont limités, parce que la distorsion de concurrence induite par l'aide n'est pas significative, puisqu'elle n'évince pas les investissements des concurrents et ne provoque pas d'influence marquée sur le marché.

(98) Dans le cadre de la mise en balance de ces facteurs, la Commission observe également que les autorités suédoises ont réduit le montant de l'aide pour s'assurer qu'elle reste limitée au minimum nécessaire.

(99) Les autorités suédoises présenteront un rapport annuel sur l'application de l'aide, afin que la Commission puisse assurer un suivi de la mesure.

(100) En résumé, la Commission constate que le résultat de la mise en balance des effets de l'aide examinée est positif.

7. CONCLUSION

(101) Sur la base des éléments qui précèdent, la Commission conclut qu'il y a lieu de statuer positivement en ce qui concerne l'aide de 304 millions de SEK (environ 33 millions d'euro) que la Suède a l'intention d'octroyer à Volvo Aero pour le développement de pièces pour le moteur GEnx que GE a conçu pour les avions Boeing B787 et Boeing B747-8,

A arrêté la présente décision:

Article premier

L'aide d'État de 304 millions de SEK (environ 33 millions d'euro) que la Suède a l'intention d'octroyer à Volvo Aero est compatible avec le marché commun.

La mise à exécution de l'aide est donc autorisée.

Article 2

Le Royaume de Suède est destinataire de la présente décision.

Notes

(1) JO C 253 du 4.10.2008, p. 31.

(2) Voir note de bas de page 1.

(3) Selon la Banque centrale européenne, le cours du change entre la couronne suédoise et l'euro était d'environ 9,3 lorsque cette déclaration a été déposée, le 10 décembre 2007.

(4) Le marché secondaire regroupe, par exemple, les fabricants de structures d'avion: Hamilton (US), Honeywell (US), IHI (JP), MTU (DE), Snecma (FR), Avio (IT) et ITP (ES).

(5) Le groupe fournit également d'autres services tels que: financement, location-vente, assurances, services aux actionnaires, garanties, location, solutions TIC et systèmes logistiques.

(6) Avance remboursable: prêt pour un projet, qui est versé en une ou plusieurs tranches et dont les conditions de remboursement dépendent du résultat du projet de R&D&I.

(7) Produit prévu de la vente de moteurs et de pièces détachées par Volvo Aero.

(*) Couvert par le secret commercial.

(8) Les informations asymétriques résultent de l'ampleur des investissements qui sont payés d'avance, qui est très importante, tandis que le rendement n'est obtenu qu'à plus long terme. L'équilibre économique n'est atteint qu'après 15 à 20 ans. Les risques techniques et économiques jouent en outre un rôle important.

(9) JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.

(10) Voir note de bas de page 1.

(11) JO C 323 du 30.12.2006, p. 1.

(12) Voir, par exemple, la décision de la Commission dans les affaires N 165/03 (Espagne, aide à ITP pour le moteur Trent 900), N 372/05 (France, aide à Snecma pour le moteur SaM 146), N 120/01 (Grande-Bretagne, aide à Rolls-Royce pour le développement des moteurs Trent 600 et Trent 900), et les affaires relativement récentes N 195/07 (Allemagne, aide à Rolls-Royce Deutschland) et N 447/07 (France, aide à Turbomeca) ainsi que, en dernier lieu, C 9-2007 (Espagne, aide à ITP).

(13) Volvo Construction Equipment a obtenu une limite de crédit du fonds commun généreuse, mais uniquement pendant un an, et la contribution de cette entreprise aux résultats du groupe était de 11 %.

(14) Information qui ressort d'une lettre du 27 novembre 2008 du groupe Volvo à Volvo Aero.

(15) On observera que Volvo Aero a fait savoir en janvier 2009 qu'elle ouvrirait des négociations avec les syndicats pour réduire ses effectifs de 250 ouvriers et environ 100 employés. Cela montre clairement devant quelles difficultés Volvo Aero se trouve à l'heure actuelle.

(16) Voir par exemple le point 38 des lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale pour la période 2007-2013 (JO C 54 du 4.3.2006, p. 13).

(17) En 2002, le Parlement a décidé de mettre un budget à la disposition des investissements en R&D pour l'industrie aérospatiale suédoise.

(18) Présentation de l'ancien directeur général devant le conseil d'administration, fin 2004.

(19) Aide d'État No N 301/03.

(20) De plus, la distorsion est plus limitée, puisque le produit n'a pas été couronné de succès.