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Décisions

Cass. com., 30 mai 2000, n° 98-15.327

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Défendeur :

Association des fabricants industriels de rillettes du Mans, Rillettes Bahier, Charcuterie Boussard, Cosme, Rillettes Coudray, Rillettes sarthoises Demont, Fassier, Fresnais Berge, Guérineau, Labelle, L'Hérault, L'Huissier Bordeau-Chesnel, Rillettes Marchand, Mérimont, Prunier, Rillettes Saussereau, Charcuterie du terroir sarthois, Rillettes Sarthoises du Val d'Huisne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

M. Huglo

Avocat général :

M. Jobard

Avocats :

Mes Cossa, Blondel

Paris, du 4 févr. 1998

4 février 1998

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 février 1998), rendu sur renvoi après cassation (Com. 27 février 1996, arrêt n° 449 P), que l'Association des fabricants industriels de rillettes du Mans et de nombreux producteurs du département de la Sarthe ont assigné Mme X, notamment pour concurrence déloyale, devant le Tribunal de commerce du Mans, afin qu'il lui soit interdit de commercialiser sa production, originaire de Sainte-Maure de Touraine, sous les indications " rillettes du Mans " ou " rillettes de la Sarthe " ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches : - Attendu que Mme X fait grief à l'arrêt de lui avoir interdit de commercialiser sa production à compter du 22 octobre 2000 sous les dénominations " rillettes du Mans " ou " rillettes de la Sarthe " alors, selon le pourvoi, d'une part, que seules les dénominations inscrites au registre des indications géographiques protégées, tenu par la Commission des Communautés européennes, constituent des indications géographiques protégées ; que, dès lors, en constatant que les dénominations " rillettes du Mans " et " rillettes de la Sarthe " ne bénéficiaient pas de l'enregistrement communautaire, tout en considérant, pour déclarer Mme X responsable de concurrence déloyale et pour prendre à son encontre la mesure d'interdiction, qu'il y avait lieu de sanctionner un usage indu d'une indication de provenance, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 1382 et 1383 du Code civil, L. 115-23-1 du Code de la consommation et les articles 1er et suivants du règlement n° 2081-92 CE du Conseil du 14 juillet 1992 ; et alors, d'autre part, que s'il résulte de l'article L. 115-23-1 du Code de la consommation que, si l'autorité administrative a demandé l'enregistrement d'une mention géographique comme indication géographique protégée, la certification de conformité peut comporter cette mention, y compris les caractéristiques spécifiques, jusqu'à la date de la décision relative à son enregistrement, la certification de conformité ne peut cependant pas comporter de mention géographique à défaut d'enregistrement comme indication géographique protégée ; qu'en considérant, pour déclarer Mme X responsable de concurrence déloyale et prendre à son encontre la mesure d'interdiction, qu'en vertu de ce texte, la certification de conformité d'un produit alimentaire ou agricole, par l'autorité nationale, en vue de l'enregistrement communautaire d'une dénomination comme indication géographique protégée, avait pour effet d'en assurer la protection, la cour d'appel en a violé les dispositions ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 5, paragraphe 5, du règlement du Conseil n° 2081-92 CE relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires, tel qu'il résulte du règlement modificatif n° 535-97 CE du Conseil du 17 mars 1997, une protection au niveau national ainsi que, le cas échéant, une période d'adaptation ne peuvent être accordées que transitoirement par un Etat membre à la dénomination transmise à la Commission à partir de la date de cette transmission et la protection nationale provisoire cesse d'exister à partir de la date à laquelle une décision sur l'enregistrement en vertu du règlement est prise ; que l'arrêt constate que, par arrêté ministériel publié au Journal officiel du 22 octobre 1997, a été homologué le cahier des charges de certification de conformité pour les rillettes du Mans et les rillettes de la Sarthe, que Mme X a été informée par lettre du ministère de l'Agriculture du 14 novembre 1997 de la transmission à la Commission des Communautés européennes de la demande d'enregistrement d'indication géographique de provenance pour ces produits et a été avisée qu'en application de l'article 5 du règlement n° 2081-92 précité, les autorités compétentes françaises ont décidé d'accorder aux fabricants de ces produits qui ne bénéficieraient pas des conditions de l'indication géographique protégée une période d'utilisation transitoire de trois années à compter du 22 octobre 1997, que l'arrêt retient à bon droit qu'en application de l'article L. 115-23-1 du Code de la consommation, la demande d'enregistrement produit des effets juridiques en ce qu'elle attribue une protection nationale provisoire au sens de l'article 5, paragraphe 5, du règlement n° 2081-92 précité jusqu'à la date de la décision relative à l'enregistrement ; qu'à la date de son arrêt, la cour d'appel en a déduit à juste titre, par ces seuls motifs, qu'à l'expiration de la période d'adaptation accordée à Mme X par les autorités compétentes françaises, celle-ci devait se voir interdire la commercialisation de sa production sous les dénominations litigieuses ; que le premier moyen n'est fondé en aucune de ses deux premières branches ;

Mais sur le moyen soulevé d'office, après avertissement donné aux parties : - Vu l'article 5, paragraphe 5, du règlement du Conseil n° 2081-92 du 14 juillet 1992, dans sa rédaction résultant du règlement du Conseil n° 535-97 du 17 mars 1997, ensemble l'article L. 115-23-1 du Code de la consommation ; - Attendu que, par arrêt du 15 octobre 1999, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêté du 13 octobre 1997 en tant qu'il a homologué le cahier des charges détenu par l'Organisation des producteurs de rillettes du Mans et de la Sarthe et la décision par laquelle les ministres ont transmis à la Commission des Communautés européennes la demande d'enregistrement des indications géographiques protégées " rillettes du Mans " et " rillettes de la Sarthe " telles qu'elles avaient été délimitées ; qu'il en résulte qu'en l'absence de demande d'enregistrement des dénominations litigieuses, aucune protection nationale provisoire ne peut être accordée et qu'il y a lieu dès lors de casser l'arrêt de la cour d'appel ;

Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour de cassation peut, en cassant sans renvoi, mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;

Par ces motifs : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 février 1998, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; Dit n'y avoir lieu à renvoi.