CE, sect. du contentieux, 10 juillet 1970, n° 76643
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Syndicat national du commerce extérieur des céréales, André, Cie Comptoir Commercial (Sté)
Défendeur :
Office national interprofessionnel des céréales, Ministre de l'Agriculture
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Commissaire du gouvernement :
Mme Questiaux
Rapporteur :
M. Fabre
LE CONSEIL : - Requête du Syndicat national du commerce extérieur des céréales, MM. André et Cie Comptoir Commercial et autres tendant à l'annulation pour excès de pouvoir d'une décision du directeur général de l'Office national interprofessionnel des céréales du 30 août 1968, portant cahier des charges fixant les conditions générales de prise en charge par l'Office national interprofessionnel des céréales ONIC des céréales offertes à l'intervention, pour la campagne 1968/1969, en tant que ladite décision limite aux seuls organismes agréés pour la collecte, la possibilité d'offrir les céréales à l'intervention, ensemble de la décision en date du 30 septembre 1968, par laquelle le ministre de l'Agriculture a rejeté le recours gracieux présenté contre ledit cahier des charges par le Syndicat national du commerce extérieur des céréales ; ce faire attendu qu'aux termes de la réglementation édictée par la Commission des Communautés européennes, obligatoirement et directement applicable dans les Etats membres, "tout détenteur", de lots homogènes et d'un tonnage minimum de céréales récoltées dans la Communauté est habilité à présenter ces céréales à l'organisme d'intervention ; Vu les décisions attaquées ; les observations présentées pour le ministre de l'Agriculture et l'Office national interprofessionnel des céréales, en réponse à la communication qui leur a été donnée du pourvoi, lesdites observations enregistrées comme ci-dessus le 9 juillet 1969, et tendant au rejet de la requête par les motifs que, d'une part, celle-ci est irrecevable en raison du défaut d'intérêt des requérants à contester les décisions en cause ; que, d'autre part, les dispositions critiquées ne sont qu'apparemment contraires à la réglementation communautaire, mais en respectent les principes, compte tenu des particularités de l'organisation française du marché des céréales ; qu'elles ont été reconnues compatibles avec la réglementation communautaire ; enregistré comme ci-dessus le 20 avril 1970, le mémoire en réplique présenté pour le Syndicat national du commerce extérieur des céréales, MM. André et Cie, et autres, et tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; les pièces dont il résulte que communication du pourvoi a été donnée au ministre des Affaires étrangères, lequel n'a pas produit d'observations ; le traité instituant la Communauté économique européenne, signé le 25 mars 1957 et ratifié le 14 septembre 1957, ensemble le décret n° 58-84 en date du 28 janvier 1958 portant publication dudit traité ; le règlement n° 1028-68 de la Commission des Communautés européennes en date du 19 juillet 1968 ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; le Code général des impôts ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'Agriculture et l'Office national interprofessionnel des céréales : - Considérant que la décision du directeur général de l'Office national interprofessionnel des céréales en date du 30 août 1968 portant cahier des charges fixant les conditions générales de prise en charge, par cet office, des céréales offertes à l'intervention pour la campagne 1968/1969, en tant qu'elle n'habilite à présenter des offres à l'intervention que "les organismes agréées pour la collecte" à l'exclusion des autres détenteurs de céréales récoltées dans la Communauté économique européenne, fait grief aux membres du Syndicat national du commerce extérieur des céréales et aux autres requérants qui, dans l'exercice de leur profession d'exportateur-importateur, peuvent détenir des lots de céréales récoltés dans la Communauté ; que le ministre de l'Agriculture et l'Office national interprofessionnel des céréales ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que la requête, dirigée contre la décision précitée du directeur général de l'office et contre la décision en date du 30 septembre 1968 par laquelle le ministre a rejeté la réclamation formée contre cette décision par le Syndicat national du commerce extérieur des céréales, est irrecevable en raison du défaut d'intérêt de ses auteurs ;
Sur la légalité des dispositions attaquées : - Considérant que, si les requérants invoquent à tort, à l'encontre de la décision susvisée du directeur général de l'Office national interprofessionnel des céréales relative à la campagne 1968/1969, les dispositions de l'article 1er du règlement de la Commission des Communautés européennes n° 237-67, ces mêmes dispositions ont été reprises dans le règlement n° 1028-68 de ladite Commission, en date du 19 juillet 1968, fixant les procédures et conditions de prise en charge des céréales par les organismes d'intervention pour la campagne 1968/1969, dont l'article 1er dispose que "tout détenteur" de lots homogènes de quantité minimale de certaines variétés de céréales récoltées dans la Communauté "... est habilité à présenter ces céréales à l'organisme d'intervention" ; qu'il appartiendrait d'ailleurs au juge de l'excès de pouvoir de soulever d'office un moyen tiré de la violation de ces dernières dispositions ;
Considérant que l'argumentation de la requête revient à soutenir que ces dispositions viseraient toute personne détenant, à un titre quelconque, de tels lots de céréales et qu'ainsi, en réservant, par la décision attaquée, aux "organismes agréés pour la collecte" la faculté de recourir à l'intervention de l'Office national interprofessionnel des céréales pour la campagne 1968/1969, le directeur général de l'office aurait méconnu la portée des dispositions de l'article 1er du règlement mentionné ci-dessus ;
Considérant qu'aux termes de l'article 5 de ce même règlement, "les organismes d'intervention arrêtent, en tant que de besoin, les procédures et conditions de prise en charge complémentaires, compatibles avec les dispositions du présent règlement, pour tenir compte des conditions particulières existant dans l'Etat membre dont ils relèvent" ; que les motifs du règlement précisent, qu'en ce qui concerne les conditions d'offre aux organismes d'intervention, il peut paraitre utile que les Etats membres appliquent, parallèlement aux règles communautaires, certaines de leurs dispositions, adaptées, notamment, "aux usages du commerce" ;
Considérant que la solution du litige est subordonnée au point de savoir si, en raison de l'emploi de l'expression "tout détenteur" à l'article 1° du règlement susvisé de la Commission des Communautés européennes, se trouve ou non exclue du champ d'application des mesures complémentaires prévues à l'article 5 dudit règlement, toute condition de prise en charge tenant à la définition du détenteur ou à son habilitation à user utilement du mécanisme de l'intervention, eu égard aux particularités du marché des céréales dans l'Etat membre dont il relève ; que la réponse donnée à cette question, dont la solution n'est pas claire, permettra seule, eu égard aux conditions dans lesquelles les "collecteurs agrées" ont été définis en France, par l'ordonnance n° 67-812 en date du 22 septembre 1967, d'apprécier le bien-fondé des moyens de la requête ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de surseoir à statuer sur la requête susvisée, jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur la question préjudicielle ci-dessus définie ;
Il est sursis à statuer sur la requête du Syndicat national du commerce extérieur des céréales, de "MM. André et Cie", de la société française Bunge, de la Compagnie algérienne de meunerie, de la Compagnie continentale France, de la société J.A. Goldschmidt et Cie, des Etablissements G. et P. Levy et de "MM. Les fils de Félix Saier", jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur l'interprétation des articles 1er et 5 du règlement n° 1028-68 de la Commission des Communautés européennes, en date du 19 juillet 1968. La question posée dans les motifs de la présente décision, laquelle est relative à l'interprétation des articles 1er et 5 du règlement de la Commission des Communautés européennes n° 1028-68 en date du 19 juillet 1968, est renvoyée à la Cour de justice des Communautés européennes siégeant à Luxembourg. Expédition de la présente décision sera transmise au ministre des Affaires étrangères et au ministre de l'Agriculture ainsi qu'au Président de la Cour de justice des Communautés européennes.