Cass. 1re civ., 19 février 1980, n° 79-10.586
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Technic-Equipement (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pauthe
Rapporteur :
M. Ponsard
Avocat général :
M. Aymond
Avocat :
Me Lemanissier
LA COUR : - Sur le premier moyen : - Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, que la société Technic-Equipement, société à responsabilité limitée dont le siège est à Montreuil (Seine-Saint-Denis), a conclu, le 5 mai 1967, avec X... , fabricant en République fédérale allemande de machines affuteuses-tronçonneuses, un contrat lui concédant pour la France, la distribution exclusive de ces machines ; que ce contrat comportait une clause aux termes de laquelle toutes les contestations éventuelles devaient être réglées à l'amiable et, en cas d'impossibilité, l'affaire devait être plaidée "au lieu de juridiction du plaignant" ; que, des difficultés s'étant élevées entre les parties, le contrat fût dénoncé pour le 5 mai 1973, et que, par acte du 21 janvier 1975 faisant suite à un précédent acte du 28 janvier 1974, la société Technic-Equipement assigna la société X... et les consorts X..., aux droits de X..., devant le Tribunal de commerce de Paris, en réparation du préjudice qu'elle aurait subi dans l'exécution du contrat du 5 mai 1967 ; que la société et les consorts X... ont soulevé l'incompétence de ce tribunal et forme contredit ; que la cour d'appel, statuant sur renvoi après cassation d'un précédent arrêt, a dit le contredit non fondé et déclare le Tribunal de commerce de Paris compétent ;
Attendu qu'il lui est fait grief d'avoir admis la validité de la clause attributive de compétence au regard de l'article 17 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, aux motifs que ce texte interdit seulement de conférer compétence à un tribunal ne ressortissant pas d'un Etat contractant, mais ne fait pas obstacle à ce que, par le jeu de la prorogation conventionnelle de compétence, divers litiges distincts puissent être portés devant les tribunaux relevant de la juridiction de deux ou plusieurs des Etats contractants, alors que, selon le moyen, la prorogation de compétence prévue par ledit article 17 ne peut aboutir à reconnaître la compétence que d'un seul tribunal ou des tribunaux d'un seul Etat, de sorte que la prorogation décidée au profit du tribunal du demandeur, qui peut être, selon les cas, l'un ou l'autre des contractants domiciliés dans deux Etats différents, ne serait pas valable ;
Mais attendu que, contrairement aux prétentions du moyen et ainsi que la Cour de justice des Communautés européennes l'a admis, le 9 novembre 1978, dans une autre espèce, l'article 17 précité ne saurait être interprété comme visant à exclure la possibilité pour les parties de designer deux ou plusieurs juridictions ressortissant d'Etats membres de la Communauté économique européenne en vue du règlement de litiges éventuels ; qu'il en résulte que, même si les deux parties à un contrat ont leur domicile dans deux Etats différents, est valable la clause qui prévoit que le litige doit être porté devant le tribunal du domicile du demandeur ; que le moyen n'est donc pas fondé;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que les consorts X... ayant fait valoir devant la juridiction de renvoi que la demande serait devenue sans objet en raison d'une transaction, entérinée par décision d'une juridiction allemande, en vertu de laquelle les parties mettaient fin à leur litige moyennant paiement, par la société Technic-Equipement, de 24 264 deutschmarks, la cour d'appel a refusé de se prononcer sur ce point, estimant qu'elle outrepasserait ses pouvoirs si, substituant l'examen du fond à celui de la seule compétence, elle se prononçait sur la valeur, l'étendue et les effets de la transaction judiciaire dont se prévalent les consorts X... ;
Attendu qu'il lui est fait grief d'avoir ainsi statué, alors que, d'une part, elle n'aurait pu déclarer compétent le Tribunal de commerce de Paris sans avoir recherché, d'abord, si le Tribunal de Bonn n'avait pas rendu une décision qui privait les juridictions françaises de leur compétence éventuelle et alors que, d'autre part, le "juge d'appel", saisi d'une question de compétence, doit la résoudre à la lumière des documents pertinents, même si ceux-ci impliquent un examen du fond de l'affaire ;
Mais attendu que l'existence d'une transaction judiciaire s'opposant à ce que la demande formée en France fût accueillie constituait une fin de non-recevoir sur laquelle devrait statuer le juge qui serait déclaré compétent sur le fond et dont la compétence ne dépendait pas de la valeur de ce moyen ; que, dès lors, sans violer la règle invoquée par la seconde branche, la cour d'appel, statuant sur le contredit, a refusé, à bon droit, de se prononcer sur ce point ; que le moyen ne peut donc être accueilli en aucune de ses branches ;
Et sur le troisième moyen, pris en ses trois branches : - Attendu qu'il est fait grief à la cour d'appel d'avoir refusé de limiter la compétence du Tribunal de commerce de Paris aux seules commandes passées et aux livraisons intervenues pendant la période d'exécution du contrat et avant sa rupture survenue le 5 mai 1973, alors que, selon le moyen, d'une part, la cour d'appel aurait été tenue de rechercher si le Tribunal de commerce de Paris pouvait être déclaré compétent pour la période postérieure à la fin de l'application du contrat, ce qui n'aurait pas comporter une immixtion dans le fond de l'affaire ; que, d'autre part, en se refusant à examiner cette question, la cour d'appel a privé définitivement le vendeur du droit de discuter la question de compétence et aurait, ainsi, violé les droits de la défense ; et enfin que, de troisième part, il aurait appartenu à la juridiction de renvoi d'apprécier la compétence du Tribunal de commerce au regard des demandes, sans en laisser le soin audit tribunal ;
Mais attendu que la cour d'appel a décidé, à bon droit, que, dans le cadre de la procédure dont elle était saisie par le contredit, il lui appartenait seulement de reconnaître compétence au Tribunal de commerce de Paris en ce qui concerne l'instance engagée par l'acte introductif du 21 janvier 1975, acte qui, selon les énonciations des premiers juges, demandait la réparation du préjudice subi "dans l'exécution" du contrat du 5 mai 1967 ; que, l'étendue de la compétence reconnue au tribunal de commerce étant ainsi précisée, le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Par ces motifs, Rejette le pourvoi forme contre l'arrêt rendu le 4 décembre 1978 par la Cour d'appel d'Amiens.