Livv
Décisions

CCE, 17 juin 2008, n° M.5068

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

L'Oréal/YSL Beauté

CCE n° M.5068

17 juin 2008

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPÉENNES,

A la partie notifiante:

Messieurs, Mesdames,

Objet : Affaire n° COMP/M.5068 - L'Oréal/YSLB

Votre notification du 13.05.2008 conformément à l'article 4 du règlement du Conseil n° 139-2004 (1).

1. Le 13.05.2008, la Commission a reçu notification, conformément à l'article 4 du règlement du Conseil n° 139-2004 (ci-après " le Règlement Concentration "), d'un projet de concentration par lequel le groupe français L'Oréal SA, (" L'Oréal ") acquiert le contrôle exclusif de l'ensemble de la société française Yves-Saint-Laurent Beauté SAS (" YSLB "), actuellement contrôlée par le groupe français PPR.

I. LES PARTIES

2. L'Oréal est présent dans la recherche, le développement, la production, le marketing et la distribution de produits cosmétiques, y inclus les parfums, les produits de soin et le maquillage. L'Oréal propose une gamme de produits comprenant les produits de luxe, notamment sous les marques Lancôme, Biotherm et Helena Rubinstein, les produits grand public, notamment sous les marques L'Oréal Paris et Maybelline, les produits professionnels, notamment sous les marques L'Oréal Professionnel et Kérastase, les produits dermo-cosmétiques, notamment sous les marques Vichy et La Roche-Posay et les produits vendus sous la marque The Body Shop.

3. YSLB est présent dans le secteur des produits cosmétiques, y inclus les parfums, les produits de soin et le maquillage. YSLB dispose d'une marque, Yves-Saint-Laurent, présente dans l'ensemble des produits cosmétiques (parfums, soins et maquillage) de luxe exclusivement distribués dans les réseaux de distribution sélective. YSLB commercialise également des parfums sous les marques Boucheron, Oscar de la Renta et Ermenegildo Zegna, ainsi que des parfums et des produits de soins femme sous la marque Stella McCartney. Enfin, YSLB distribue en pharmacie et parapharmacie des produits sous la marque Roger & Gallet.

II. L.OPERATION ET LA CONCENTRATION

4. Conformément au contrat de cession et d'acquisition d'actions signé le 30.04.2008, L'Oréal va acquérir l'intégralité des actions, et par conséquent le contrôle exclusif, d'YSLB.

5. L'opération notifiée constitue une concentration par laquelle l'entreprise L'Oréal acquiert, au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement concentration, le contrôle de l'ensemble de l'entreprise YSLB par achat d'actions.

III. DIMENSION COMMUNAUTAIRE

6. Les entreprises concernées réalisent un chiffre d'affaires total sur le plan mondial de plus de 5 000 millions d'euro (2) (L'Oréal : 17 100 millions d'euro ; YSLB : 647 millions d'euro). Chacune d'entre elles réalise un chiffre d'affaires dans la Communauté de plus de 250 millions d'euro (L'Oréal : 8 100 millions d'euro; YSLB : 382 millions d'euro), mais aucune d'entre elles ne réalise plus des deux tiers de son chiffre d'affaires dans un seul et même Etat membre. L'opération a donc une dimension communautaire.

IV. ANALYSE CONCURRENTIELLE

7. Les parties à la concentration sont toutes deux actives dans le secteur des cosmétiques. YSLB étant active uniquement dans les marchés des cosmétiques de luxe vendus en distribution sélective et dans le circuit du travel retail ainsi que ceux des cosmétiques vendus en pharmacies, seuls ces marchés seront analysés dans la suite de la décision.

A. Les marchés de produits

1. Distinction entre les produits cosmétiques de luxe et les produits grand public

8. Dans des décisions antérieures (3), la Commission a identifié un marché distinct des produits cosmétiques de luxe qui regroupe, parmi les produits cosmétiques, les "articles de haute qualité, au prix relativement élevé, commercialisés sous une marque de prestige".

9. Les parties estiment que cette définition est toujours pertinente en se basant principalement sur les différences en termes d'offre et de distribution (prix, marques, packaging, stratégie publicitaire et caractéristiques des points de vente) entre les produits de luxe et les produits grand public.

10. L'enquête menée par la Commission a confirmé qu'il y a lieu de distinguer le marché des produits de cosmétique de luxe du marché des cosmétiques grand public. En effet, même si pour certains produits cosmétiques, notamment les produits de maquillage, les consommateurs finaux achètent à la fois des produits des deux catégories, les opérateurs de la distribution sélective ont indiqué dans leur très grande majorité déterminer les prix des produits de luxe sans tenir compte des prix des produits grand public. De plus, si certains distributeurs appartenant au circuit sélectif proposent également des produits grand public dans le même magasin, ceux-ci sont toujours vendus dans des espaces séparés, les produits de luxe étant le plus souvent accompagnés de services spécifiques tels que le conseil au client ou les opérations de promotion.

2. Distinction par catégorie de produits cosmétiques

11. Au sein des produits de cosmétiques de luxe, la Commission a précédemment identifié 10 catégories distinctes (4). Les parties soutiennent que les parfums (parfums homme, parfums femme), le maquillage (maquillage du visage, des yeux, des ongles et des lèvres) et les soins (soins visage, soins corps et soins mains (5)) constituent des marchés de produits globaux sans qu'une sous-segmentation par produit au sein de chacun de ces marchés ne soit nécessaire. L'enquête de marché a partiellement confirmé la définition proposée par les parties. En effet l'enquête a révélé d'une part que les distributeurs achètent les produits cosmétiques par marque ou par fournisseur et non par catégorie de produit isolé et d'autre part que les principaux fournisseurs sont en mesure de fournir toute la gamme de produits en cause.

12. L'enquête a montré qu'il n'est pas pertinent de retenir une délimitation plus fine du marché pour les produits de maquillage, chaque fournisseur étant actif à tout le moins sur l'ensemble de la catégorie et les clients, distributeurs, négociant et achetant l'ensemble des catégories et non par sous-catégorie. Certains distributeurs soulignent en outre qu'il est difficile, voire impossible, pour une marque de s'imposer sans être en mesure de proposer une gamme complète de produits de maquillage.

13. Dans la mesure où l'opération ne soulève pas de problème de concurrence pour les marchés des parfums et des soins quelle que soit la définition retenue, la question de la pertinence d'une segmentation plus fine de ces marchés peut être laissée ouverte.

3. Distinction par canal de distribution

14. Dans sa pratique décisionnelle (6), la Commission a analysé les marchés de produits cosmétiques de luxe en fonction d'une part des catégories de cosmétiques comme ci-dessus et d'autre part du circuit de distribution.

15. Les produits de luxe peuvent être vendus par le biais d'un réseau de distribution sélective et dans le circuit travel retail. Ce dernier canal de distribution - qui regroupe les magasins situés dans les aéroports, les aéronefs et les navires - peut être considéré comme un marché distinct pour les raisons suivantes : conditions de négociation et de vente différentes de celles de la distribution sélective, gammes de produits plus restreintes proposées en travel retail et packaging spécifique destinées à une clientèle majoritairement composée de voyageurs internationaux fréquents. De plus l'enquête a indiqué que les cosmétiques de luxe achetés dans le réseau des aéroports étaient très souvent destinés à être offerts en cadeau et se trouvaient alors en concurrence avec d'autres produits (alcools par exemple). Cependant, aux fins de la présente affaire, la définition exacte du marché peut être laissée ouverte, les parties étant uniquement actives dans la vente de produits cosmétiques.

16. Enfin, suivant des décisions des autorités françaises de la concurrence (7), les parties considèrent que les produits cosmétiques vendus en pharmacies constituent un marché distinct des produits cosmétiques de luxe et soumettent les données sur les marchés par catégories de produits cosmétiques vendus en pharmacie où les activités des parties se chevauchent (8). En tout état de cause, la définition peut cependant rester ouverte dans la mesure où, quelle que soit la définition retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle sont identiques.

B. Les marchés géographiques

1. Les cosmétiques de luxe et les cosmétiques vendus sur conseil d'un pharmacien

17. Les parties soutiennent que le marché des cosmétiques de luxe est de dimension européenne en fonction de critères relatifs au nombre limité de sites d'approvisionnement, à l'existence de grands groupes de cosmétiques présents dans l'ensemble des Etats Membres et aux coûts de transport relativement faibles. Cependant, dans sa décision Body Shop (9), la Commission a laissé cette question ouverte et a également analysé les effets de la concentration au niveau national.

18. L'existence d'écarts de prix, de différences de goût des consommateurs et de coûteuses politiques marketing spécifiques à chaque pays - notamment les stratégies publicitaires - au sein d'une même entreprise selon les Etats membres tendent à suggérer une dimension nationale du marché des cosmétiques de luxe. Par ailleurs, les négociations entre marques de cosmétiques et distributeurs s'effectuent à l'échelle nationale. En tout état de cause, la définition géographique exacte peut rester ouverte dans la mesure où, quelle que soit la définition retenue, les conclusions de l'analyse restent inchangées.

19. S'agissant du marché des cosmétiques vendus sur conseil d'un pharmacien, les autorités de concurrence françaises ont considéré qu'il convenait d'adopter une délimitation nationale pour ce segment (10). En tout état de cause, les activités d'YSLB étant limitées sur ce segment hors de France, les effets de la concentration seront limités à ce pays.

2. Le segment des cosmétiques de luxe vendus dans le circuit du travel retail

20. Dans une décision Swissair/Allders International (11), la Commission a considéré que le marché de la vente au détail de produits de luxe dans les magasins travel retail couvre au moins l'EEE.

21. Dans leur notification, les parties soutiennent que ce marché est très vraisemblablement de dimension mondiale mais fournissent des informations au niveau de l'EEE, qui reflète également leur propre organisation commerciale interne. L'enquête de marché a confirmé qu'il n'y avait pas lieu d'analyser la transaction sur des marchés géographiques plus étroits que l'EEE.

C. Analyse concurrentielle

22. Sur la base des définitions de marché ci-dessus, l'opération mène à l'affectation des marchés suivants:

(1) Produits cosmétiques de luxe (parfums, soins et maquillage) vendus dans les réseaux de distribution sélective dans plusieurs Etats Membres;

(2) Produits cosmétiques de luxe (parfums, soins et maquillage) vendus dans le circuit du travel retail dans l'EEE;

(3) Produits cosmétiques vendus sur le conseil d'un pharmacien en France.

1. Produits cosmétiques de luxe vendus dans le circuit de distribution sélective

a. Parfums

23. L'Oréal et YSLB sont tous les deux actifs dans le secteur des parfums, L'Oréal principalement sous les marques Lancôme et Giorgio Armani. L'Oréal vend une vaste gamme de parfums tandis que YSLB est plutôt positionné sur le très haut de gamme. De manière générale, les marchés de parfums sont fragmentés, au niveau national comme au niveau européen, avec toutefois quelques grands groupes présents dans toute l'Europe et des marques fortes. Par exemple, au niveau européen (12), l'opération va donner à L'Oréal une part de marché limitée (nouvelle entité, [10-20%] - L'Oréal [10- 20%] ; YSLB [0-5%]), devant LVMH (13) ([10-20%]), Procter & Gamble (14) ([10-20%]) et Coty (15) ([10-20%]).

24. Au niveau national, la part de marché combinée des parties reste en dessous de [20- 30%] (cf. tableau en annexe), sauf en Grèce ([30-40%] sur les marchés des parfums et des parfums femmes avec un chevauchement de [0-5%] et [30-40%] sur un marché des parfums hommes avec un chevauchement de [5-10%]). Toutefois, l'enquête de marché a montré que les différents opérateurs, concurrents comme clients, considèrent que l'opération ne changera pas les conditions de concurrence sur les marchés des parfums.

25. En effet, en Grèce, L'Oréal, qui verra sa position actuelle de leader sur les marchés des parfums, parfums femmes et parfums hommes, renforcée par l'ajout des marques d'YSLB, fait face à de grands concurrents tels que Estée Lauder ([10-20%]) et LVMH ([10-20%]) ainsi que Notos ([10-20%]) et Gerolymatos ([5-10%]), acteurs locaux représentant des marques internationales (Chanel et Givenchy pour Notos, Dolce&Gabbana, Boss et Gucci pour Gerolymatos). Par ailleurs, rien n'indique que L'Oréal est particulièrement contraint dans sa politique de prix et d'innovation-produit par YSLB.

26. Ainsi, au vu des résultats de l'enquête de marché et du changement limité des conditions de concurrence, l'opération en cause ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun sur les marchés des parfums au niveau national ou de l'EEE.

b. Maquillage

27. L'Oréal est actif dans le secteur du maquillage essentiellement avec ses marques Lancôme et Helena Rubinstein, et YSLB avec la marque Yves-Saint-Laurent.

28. Bien que l'enquête de marché ait révélé des éléments en faveur d'une définition géographique nationale, il convient d'examiner la dynamique compétitive au niveau européen, celle-ci étant très similaire dans de nombreux états membres.

29. Au niveau européen donc, sur le marché du maquillage, la concentration fera de L'Oréal le premier acteur du marché (nouvelle entité [20-30%] - L'Oréal [10-20%] ; YSLB [5-10%]). La nouvelle entité fera face à la concurrence de trois grands acteurs mondiaux, Estée Lauder avec les marques Estée Lauder et Clinique ([20-30%]), LVMH avec les marques Dior et Guerlain ([10-20%]) et Chanel avec la marque éponyme ([0- 10%]).

30. Du côté de la demande, les parties soulignent la concentration croissante de la distribution au niveau national, avec la présence d'acteurs locaux importants, et l'émergence de 3 grands groupes actifs à l'échelle européenne: Séphora, filiale de LVMH qui détient 471 magasins en Europe (France, Italie, Pologne, Grèce, Espagne, Portugal, République Tchèque et Roumanie), de Douglas qui détient 1 062 magasins dans le monde (EEE sauf Royaume-Uni/Irlande, Belgique, Pays Nordiques) et Marionnaud qui détient 1 231 magasins en Europe (France, Italie, Autriche, Espagne, Portugal, Pologne, République Tchèque, Slovaquie, Hongrie et Roumanie).

31. De manière générale, les marchés nationaux (et européen) restent fragmentés, avec une abondance de marques qui réalisent individuellement des ventes moins importantes (24% du marché européen) mais sont également reconnues des consommateurs de cosmétiques de luxe (Clarins, Shiseido, Sisley, Kanebo et Elisabeth Arden) et présentes dans la plupart des Etats Membres.

32. Le marché du maquillage est un marché globalement en croissance dans l'EEE, de [5-10%] en moyenne entre 2004 et 2006 dans les pays couverts par European Forecasts. Cette croissance provient principalement de l'entrée sur de nouveaux marchés géographiques de marques existantes. Ainsi la première marque traditionnellement lancée par L'Oréal sur un nouveau marché est Lancôme, puis dans un second temps, Biotherm, cet ordre pouvant varier en fonction du marché concerné. Les parties indiquent que de nombreuses marques ont ainsi été lancées dans l'EEE au cours de ces dernières années, telles que MAC et Bobbi Brown par Estée Lauder ou Benefit par LVMH.

33. En ce qui concerne la "force" des marques des parties, L'Oréal a fourni une étude (16) sur la perception des marques de cosmétiques par les consommateurs et leur association au luxe qui révèle que les deux premières marques sont Chanel et Dior. Yves-Saint-Laurent et Lancôme n'arrivent respectivement qu'en [5-10] et [10-20] position.

34. Il peut donc être conclu que la nouvelle entité ne disposera pas à elle seule de marques incontournables qui lui donneraient un pouvoir de marché supplémentaire. Cela est également confirmé par l'enquête de marché montre qu'il n'existe pas une seule marque incontournable pour les distributeurs mais plusieurs marques parmi lesquelles Lancôme, Chanel et Dior sont systématiquement citées par l'ensemble des tiers interrogés. Sont également citées par un grand nombre de répondants les marques Estée Lauder, Yves-Saint-Laurent, Clinique et Clarins. A la question de la marque de maquillage considérée comme la plus proche de Lancôme d'une part et d'Yves-Saint-Laurent d'autre part, les répondants ont également en majorité cité Dior, Chanel et Estée Lauder. Il apparaît donc que par l'acquisition d'YSLB, L'Oréal renforcera son portefeuille avec une marque forte mais fera toujours face à des concurrents qui détiennent des marques fortes dans le maquillage et avec une présence bien établie dans d'autres catégories de produits cosmétiques.

35. Il est donc clair que la concentration n'aura pas d'effet sur la concurrence sur un hypothétique marché européen.

36. L'analyse générale ci-dessus, et en particulier les arguments concernant la présence de grands groupes de cosmétiques actifs sur l'ensemble des produits de maquillage, ainsi que le grand nombre de marques incontournables, reste valide au niveau national. En effet, au niveau national (cf. tableau en annexe), les parts de marché des parties se déclinent, à quelques exceptions près qui seront analysées plus en détail ci-dessous, à l'image de leur position au niveau européen. Dans chacun de ces Etats Membres (17), le projet de concentration en cause ne changera que faiblement les conditions de concurrence sur les marchés du maquillage, soit du fait de la position limitée de la nouvelle entité, soit, et en tout état de cause, de la présence de concurrents significatifs aux marques reconnues. Cette analyse est confirmée par l'enquête de marché: les concurrents et clients dans leur grande majorité ont indiqué que la transaction n'aura pas d'impact sur le niveau des prix ou de la qualité des produits pour le consommateur final

Marchés du maquillage au Danemark, Suède et Finlande

37. Dans ces trois pays, L'Oréal est déjà avant l'opération en cause le leader sur les marchés du maquillage avec une part de marché respectivement de [30-40%], [30-40%] et [20-30%] au Danemark, en Suède et en Finlande. L'acquisition d'YSLB permettra à L'Oréal de renforcer cette position avec l'ajout de la part de marché d'YSLB ([0-5%] au Danemark et en Suède et [5-10%] en Finlande).

38. Dans ces pays, la demande est concentrée: au Danemark, un client, Matas, représente une part très importante dans la distribution sélective et près de [50-80] des ventes de L'Oréal dans ce pays. En Suède, le groupe Ahlens/Kick's représente plus de la moitié des ventes de produits cosmétiques en distribution sélective et [50-80] des ventes de L'Oréal. En Finlande, [70-80%] de la distribution des cosmétiques est concentrée entre les mains de deux grands groupes de distribution, Stockmann et Sokos.

39. L'existence de problèmes concurrentiels peut être exclue. En premier lieu, il convient de noter que L'Oréal perd chaque année dans chacun de ces pays des parts de marché (18). Cela est dû à l'introduction de nouvelles marques sur le marché qui érodent la position historique de L'Oréal.

40. Ensuite, la nouvelle entité continuera à faire face à une concurrence de groupes importants avec des marques fortes. Ainsi, Estée Lauder est le principal concurrent au Danemark ([20-30%]) et en Suède ([20-30%]) et, tandis que L'Oréal perdait du terrain, a réussi à garder des parts de marché stables. LVMH est également directement actif dans ces trois pays ([10-20%] au Danemark et en Suède et [10-20%] en Finlande). Les principaux autres concurrents, y compris YSLB, sont le plus souvent actifs au travers de distributeurs indépendants, notamment Saether ([10-20%]), qui distribue YSLB et réalise au Danemark un chiffre d'affaires dans la parfumerie sélective (toutes catégories confondues) équivalent à celui de L'Oréal et est également présent en Suède et Berner Oy, qui distribue YSLB en Finlande et détient une part de marché du maquillage de [20- 30%].

41. Enfin, les caractéristiques décrites ci-dessus au niveau européen restent valables au niveau national et l'enquête de marché n'a pas révélé de problèmes particuliers de concurrence qui seraient liés à la concentration proposée.

Marchés du maquillage en Pologne

42. En Pologne, le projet de concentration combinera la position de leader de L'Oréal ([20-30%]) avec YSLB, 5e acteur sur le marché ([5-10%]).

43. Ce chevauchement d'activités ne devrait pas avoir d'effets anticoncurrentiels. En effet, la nouvelle entité fera face à la concurrence des groupes Estée Lauder ([10-20%]), LVMH ([10-20%]) et de Chanel ([5-10%]).

44. Ensuite, [80-90%] de la distribution propose une offre en libre service assisté, sans vendeurs dédiés à une marque et où l'espace alloué aux marques n'est pas proportionnel aux parts de marché, toutes les grandes marques ayant le même espace et le même matériel. Cela favorise la concurrence entre les marques et le développement de nouvelles marques. Ainsi, la partie notifiante cite à titre d'exemple la marque Benefit (LVMH) qui vient de s'implanter chez Sephora et a obtenu le même espace que la marque Lancôme.

45. Enfin, comme sur les autres marchés nationaux, L'Oréal ne semble pas particulièrement contraint par YSLB sur le marché polonais.

Marchés du maquillage en République Tchèque et Slovaquie

46. Sur la base des estimations des parties la nouvelle entité détiendrait à l'issue de l'opération une part de marché combinée de [30-40%] au plus en République Tchèque et de [30-40%] en Slovaquie avec un chevauchement (venant d'YSLB) de l'ordre de [5-10%].

47. Toutefois, comme dans les autres états membres, L'Oréal et YSLB ne sont pas des concurrents particulièrement proches et la combinaison des deux entités ne devraient pas avoir d'effets anticoncurrentiels. Cela est confirmé par l'absence de commentaires négatifs de concurrents et de clients consultés pendant l'enquête sur les effets de la transaction en République Tchèque et en Slovaquie confirmant ainsi que la transaction n'est pas susceptible de changer significativement les conditions de concurrence dans les marchés du maquillage dans ces pays, où la plupart des marques internationales de maquillage sont actives.

Conclusion

48. Ainsi, au vu des résultats de l'enquête de marché, de la présence de nombreux concurrents significatifs aux marques fortes dans le maquillage, l'opération en cause ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun sur les marchés du maquillage au niveau national ou de l'EEE.

c. Soins

49. L'Oréal vend ses produits de soin essentiellement sous les marques Lancôme et Helena Rubinstein. Les ventes de Lancôme se concentrent sur la gamme Absolue, qui jouit d'une très bonne réputation grâce au lancement régulier de produits innovants. De même Helena Rubinstein possède dans sa gamme quelques produits-phares. YSLB est moins présent, en raison de son image "couture" moins propice à la création d'une réputation forte sur un secteur où la R&D joue un rôle prépondérant. Au niveau européen, L'Oréal restera après la fusion le n°2 pour les soins du corps, avec un incrément faible (nouvelle entité [20-30%] - L'Oréal [20-30%] ; YSLB [0-5%]), loin derrière Clarins ([30-40%]). De même, l'acquisition d'YSLB ne consolidera que marginalement la position de L'Oréal pour les soins du visage (nouvelle entité [10-20%] - L'Oréal [10-20%] ; YSLB [0-5%]), n° 2 derrière Estée Lauder ([20-30%]).

50. Au niveau national (cf. tableau en annexe), les structures de marché sont dans l'ensemble similaires ; la part de marché d'YSLB reste faible, à l'exception de la Slovénie et de la Slovaquie où la part de marché combinée de la nouvelle entité restera cependant inférieure à [20-30%].

51. Les marchés de soin sont fragmentés, en particulier le secteur des soins du visage. Les parties soulignent l'importance des petites marques et du dynamisme du secteur, caractérisé par des effets de mode portant sur de nouveaux produits/de nouvelles marques.

52. Au vu de la position relativement modeste d'YSLB sur ces marchés et de l'absence de commentaires négatifs de concurrents et de clients consultés pendant l'enquête, l'opération ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun sur les marchés des produits de soin au niveau national ou de l'EEE.

2. Produits cosmétiques de luxe vendus dans le circuit travel retail

53. L'Oréal a été l.une des premières sociétés de cosmétiques à vendre ses produits dans le circuit travel retail et a gardé la première position sur la plupart des segments de produits considérés. De manière générale, les parts de marché des parties sont proches de celles du circuit classique à l'exception du maquillage, sur lequel YSLB est un acteur plus important en raison du succès de son produit Touche Eclat - à même d'être offert en cadeau et qui se prête donc bien à ce circuit de distribution (voir ci-dessous) - et les soins du corps, sur lesquels L'Oréal a gardé une position plus forte pour des raisons historiques.

54. Sur la base d'une délimitation géographique européenne, l'opération conduirait à l'affectation de 6 marchés de produits, sur la base de la segmentation la plus fine envisagée.

<emplacement tableau>

55. Les parties indiquent que le circuit travel retail diffère fortement de la distribution sélective en ce que les magasins sont en libre accès assisté, i.e. les grandes marques n.ont pas de stands ou de personnel dédié à la vente de leurs produits. Par ailleurs, les achats en travel retail seraient en majorité des achats d'impulsion et, pour partie, pour des cadeaux. Par conséquent, les distributeurs travel retail seraient moins tenus que les distributeurs classiques d'avoir les grandes marques ou les produits phares dans leurs rayons.

56. En ce qui concerne les parfums, YSLB est un acteur de taille modeste (parts de marché inférieures à [0-5%]). Après la fusion, L'Oréal/YSLB (parfums femme : [10-20%] ; parfums homme [10-20%]) aura toujours à faire face à la concurrence de grands groupes qui possèdent un portefeuille de marques bien établies tels que LVMH, Procter & Gamble, Coty, Chanel ou Estée Lauder.

57. En ce qui concerne les produits de maquillage vendus dans le circuit travel retail, l'opération rassemblera les activités du n°1 (L'Oréal) et du n°[.] (YSLB). Cependant les parties devront toujours faire face à la concurrence de grands groupes (Estée Lauder, LVMH, Chanel). Les opérateurs du travel retail ont notamment fourni la liste des marques incontournables pour les produits de maquillage, dans laquelle figurent un grand nombre de marques: Lancôme pour L'Oréal, Yves-Saint-Laurent pour YSLB, Estée Lauder et Clinique pour Estée Lauder, Christian Dior et Guerlain pour LVMH, Chanel et Clarins.

58. Pour les produits de soin, vu la faiblesse des parts de marché d'YSLB, il est improbable que l'opération conduise à des problèmes concurrence.

59. Au vu de ce qui précède, l'opération en cause ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun sur les marchés des produits cosmétiques vendus dans le réseau du travel retail dans l'EEE.

3. Produits cosmétiques vendus sur le conseil d'un pharmacien

60. L'Oréal est actif sur ce secteur sous les marques La Roche Posay, Vichy, Innéov, Galderma, Sanoflore, Skinceuticals et, en France, Biotherm, essentiellement dans les produits de soin. YSLB réalise l'intégralité de ses ventes en pharmacies et parapharmacies sous la marque Roger & Gallet, et est spécialisé dans les eaux de Cologne et eaux parfumantes et les produits pour le bain et la douche.

61. Sur ce segment, les ventes d'YSLB sont concentrées en France (plus de deux-tiers du chiffre d'affaires). Dans les autres Etats Membres, ces marchés ne sont pas affectés.

62. Deux marchés sont affectés par l'opération : les produits de soin pour hommes en France, et les déodorants en France. Dans les deux cas, l'incrément est faible (inférieur à [0-5%]) ; L'Oréal a perdu des parts de marché dans les deux dernières années (soins hommes : -[0-10%] en deux ans, déodorants : -[0-10%]), les parts de marché d'YSLB sont également sur le déclin. Les parties indiquent en outre que plusieurs sociétés sont entrées récemment sur le marché des soins pour hommes.

<emplacement tableau>

63. Sur un marché global des ventes en pharmacies et parapharmacies en France, l'opération consolidera marginalement la position de L'Oréal (incrément inférieur à [0-5%]), deuxième acteur sur ce marché après Pierre Fabre ([10-20%]). Ce marché n'est pas affecté.

64. Pour les raisons exposées ci-dessus, et particulier vue la faible position d'YSLB, ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun sur les marchés des produits cosmétiques vendus sur le conseil d'un pharmacien.

V. CONCLUSION

65. Pour les raisons exposées ci-dessus, la Commission a décidé de ne pas s'opposer à l'opération notifiée et de la déclarer compatible avec le marché commun et avec l'accord EEE. Cette décision est prise sur la base de l'article 6, paragraphe 1, point b, du règlement du Conseil n° 139-2004.

Notes :

1 JO L 24, 29.1.2004 p. 1.

2 Chiffre d'affaires calculé conformément à l'article 5(1) du règlement relatif au contrôle des opérations de concentrations et à la communication de la Commission sur le calcul du chiffre d'affaire (JO C 66, du 2.3.1999, p. 25).

3 IV-33.242, Yves-Saint-Laurent Parfums, 16 décembre 1991 et M.312, Sanofi/ Yves-Saint-Laurent, 15 mars 1993

4 Produits capillaires, maquillage, soins solaires, soins du visage, soins du corps, soins des mains, produits pour le bain et la douche, soins homme, déodorants, parfums. YSLB n'est pas actif sur les soins capillaires et les soins solaires.

5 YSLB n'est actif dans la catégorie "soins mains" qu'à travers sa marque Roger & Gallet vendue sur conseil d'un pharmacien.

6 Affaires No COMP/M.3716 - AS Watson/ Marionnaud et No COMP/M.3643 - Sephora/El Corte Inglés/JV

7 Affaire C2006-40/Lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie du 27 avril 2006, au conseil de la société Johnson & Johnson, relative à une concentration dans le secteur des produits cosmétiques et Décision n° 07-D-07 du 8 mars 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des produits cosmétiques et d'hygiène corporelle

8 Soins hommes, soins du corps, soins des mains, soins des lèvres, déodorants, hygiène et capillaire.

9 COMP/M.4193 précitée

10 Affaire C 2006-40, lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie du 27 avril 2006, Johnson & Johnson

11 COMP/M.782, 17 juillet 1996

12 Données European Forecasts, base de données de référence dans le secteur des cosmétiques de luxe disponible pour onze Etats (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suisse) qui représentent plus de 90% de la valeur totale du marché européen. Pour les autres Etats de l'EEE, les parties ont fourni leurs meilleures estimations, sur la base de données disponibles auprès d'organismes locaux ou de ses propres données.

13 Groupe actif dans le secteur des cosmétiques de luxe notamment sous les marques Christian Dior, Guerlain et Givenchy et dans la distribution sélective (Séphora), le travel retail (Duty Free Shoppers) et les grands magasins en France (Le Bon Marché).

14 Procter & Gamble détient une vaste gamme de parfums vendus en distribution sélective, notamment Hugo Boss, Gucci, Valentino, Dolce & Gabbana, Rochas et Lacoste.

15 Coty est le leader mondial dans la vente de parfums et a racheté la division parfums haut de gamme du groupe Unilever.

16 Etude réalisée par l'institut Ipsos ("[...]") sur la perception que les consommateurs ont du degré de " luxuosité " des marques. Cinq mille personnes, hommes et femmes, âgées de 18 à 70 ans, situés dans la moitié supérieure de la population en terme de revenus, ont été interrogées en Europe (1000 sur chacun des pays suivants : France, Italie, GB, Allemagne, Espagne) en juin 2007.

17 Allemagne, Autriche, Belgique, Luxembourg, Bulgarie, Chypre, Espagne, France, Grèce, Hongrie, Italie, Malte, Norvège, Estonie, Lettonie, Lituanie, Pays-Bas, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni, Irlande et Slovénie.

18 Au Danemark: de [40-50%] en 2004, à [30-40%] en 2005 et [30-40%] en 2006. En Suède, baisse de [0- 5%] entre 2005 et 2006 et en Finlande, baisse de [0-5%] entre 2004 et 2006.

ANNEXE

1. MARCHES DES PARFUMS

Table 1: marchés affectés - parfums vendus dans le circuit de distribution sélective Parfums Parfums femmes Parfums hommes

<emplacement tableau>

2. MARCHES DU MAQUILLAGE

<emplacement tableau>

Table 2: marchés affectés - maquillage vendu dans le circuit de distribution sélective

3. MARCHES DES PRODUITS DE SOIN

<emplacement tableau>

Table 3: marchés affectés - maquillage vendu dans le circuit de distribution sélective