Cass. com., 6 juillet 1999, n° 97-15.946
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Ivoirpêche (SA)
Défendeur :
Groupe Assurance Européenne (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bezard
Rapporteur :
M. Rémery
Avocat général :
Mme Piniot
Avocats :
SCP Tiffreau, SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin
LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses trois branches : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 5 mai 1997) , rendu sur renvoi après cassation, que le chalutier "Korhogo" , armé par la société Ivoirpêche et assuré sur corps par la société Rhône-Méditerranée, aux droits de qui est venue la société Groupe Assurance Européenne (l'assureur) , a sombré au large de Jacqueville, dans le voisinage d'Abidjan (Côte-d'Ivoire) ; que l'assureur ayant refusé de l'indemniser des conséquences du naufrage au motif, notamment, qu'il aurait été volontaire, la société Ivoirpêche l'a assigné en paiement de la valeur assurée du navire ;
Attendu que la société Ivoirpêche reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la faute intentionnelle qui exclut la garantie de l'assureur est celle qui suppose la volonté de causer le dommage et pas seulement d'en créer le risque ; que la charge en incombe à l'assureur ; qu'en l'espèce, après avoir estimé insuffisamment probant le rapport de la commission administrative d'enquête et envisagé une hypothèse exclusive de faute intentionnelle, la cour d'appel a cru pouvoir fonder celle-ci sur les déclarations de deux préposés qui ne se trouvaient pas sur le navire au moment du naufrage ; que, dès lors, en retenant à la charge de l'assurée une faute intentionnelle exclusive de garantie, par des motifs qui ne caractérisent pas la volonté de l'assurée de provoquer le dommage dont il était demandé réparation à l'assureur, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 113-1, alinéa 2, du Code des assurances ; alors, d'autre part, que dans ses conclusions d'appel, la société Ivoirpêche soutenait que ces "déclarations sont versées aux débats sans la moindre justification de l'identité de leurs auteurs et de leurs attributions. Il ne s'agit pas d'attestations au sens du Code de procédure civile (...). Ces dépositions (...) ont été obtenues par l'expert du CEM dans des conditions pour le moins curieuses puisque cet expert précise que, assisté du capitaine au long cours C..., inspecteur de la navigation, il a pu obtenir ces déclarations... . En d'autres termes, ces déclarations ont été sollicitées et obtenues par le débiteur de l'indemnité d'assurance, évidemment dans son propre intérêt (...) " ; qu'il s'agissait là d'un moyen pertinent, en ce qu'il tendait à écarter les deux attestations qui ont déterminé la décision ; qu'en omettant d'y répondre, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que, dans les mêmes conclusions, la société Ivoirpêche faisait valoir, au sujet de M. B..., que "si un armateur peut obtenir la complicité de l'un de ses préposés pour perdre un navire, il est peu probable qu'il s'adresse à un préposé embauché récemment à l'essai" et, concernant M. A..., que "sa déclaration est purement et simplement mensongère (...) il est établi par les pièces versées aux débats qu'il avait fait l'objet de plusieurs avertissements dans le courant de l'année 1987 et si l'armateur avait voulu perdre son navire avec le concours de l'un de ses préposés, il est évident qu'il devait le faire avec un préposé de confiance et non avec un préposé qui avait déjà failli être licencié en 1987 pour motif disciplinaire et qui était déjà licencié depuis deux mois et demi à la date à laquelle la proposition de perdre le navire aurait été faite" ; qu'il s'agissait là d'un moyen pertinent, en ce qu'il tendait à écarter les deux attestations qui ont déterminé la décision ; qu'en omettant d'y répondre, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, par une décision motivée, qui répond, en les écartant, aux conclusions invoquées, la cour d'appel a retenu, au vu des circonstances du naufrage et de témoignages, dont elle a souverainement apprécié la sincérité et la portée, que "le navire a été volontairement naufragé par le chef mécanicien à la demande de l'armateur" et en a exactement déduit que ce dernier a commis une faute intentionnelle dont l'assureur n'a pas à répondre par application des dispositions de l'article L. 172-13, alinéa 2, du Code des assurances ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.