Cass. 1re civ., 24 mars 1987, n° 85-13.961
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Fabre
Rapporteur :
M. Massip
Avocat général :
M. Charbonnier
Avocats :
SCP Vier, Barthélémy, Me Brouchot, SCP Nicolas, Masse-Dessen, Georges
LA COUR : - Attendu, selon les énonciations des juges du fond, qu'une collision s'est produite le 13 juin 1977 en Italie entre le véhicule automobile de M. Jean Z, de nationalité française et domicilié en France, et un autocar appartenant à M. Y, conduit par M. X, tous deux de nationalité italienne et domiciliés en Italie ; que Mlle B, de nationalité française et domiciliée en France, passagère transportée bénévolement par M. Z, a été blessée dans l'accident ; que, les 6 et 7 mai 1980, elle a assigné ce dernier et sa compagnie d'assurances, la Mutuelle parisienne de garantie, devant le tribunal de grande instance du domicile, en France, du conducteur de l'automobile qui la transportait, sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil pour les faire condamner à réparer les dommages qu'elle avait subis ; que les 16 décembre 1980 et 10 octobre 1981, M. Z a assigné M. Y et son assureur, la compagnie Lloyd A, ainsi que M. X, afin d'être garanti des condamnations qui pourraient être prononcées contre lui au profit de Mlle B et afin d'être indemnisé de son propre préjudice ; que l'arrêt attaqué a accueilli la demande de Mlle B dirigée contre M. Z et a condamné ce dernier et sa compagnie d'assurances à l'indemniser du préjudice qu'elle avait subi ; qu'il a en revanche débouté M. Z de son appel en garantie contre le propriétaire, le conducteur et l'assureur de l'autocar impliqué dans l'accident au motif que, selon la loi italienne, applicable à ce recours, les victimes devaient agir à l'encontre des responsables, en cas d'infraction pénale, dans un délai de deux ans à compter de la loi d'amnistie du 5 août 1978, de sorte que son action était tardive ; qu'enfin, la cour d'appel s'est déclarée incompétente, en application de l'article 5 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, pour connaître de la demande faite par M. Z pour obtenir réparation de son propre préjudice ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches : - Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la juridiction française incompétente pour statuer sur l'action formée par M. Z contre MM. Y, X et la Lloyd A afin d'obtenir réparation du préjudice qu'il avait subi, alors que, d'une part, il résulte de l'article 6 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 que le défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat contractant peut, lorsqu'il s'agit d'une demande en intervention forcée, être attrait devant la juridiction d'un autre Etat contractant, saisie de la demande originaire ; et alors que, d'autre part, aux termes de l'article 333 du nouveau Code de procédure civile, le tiers mis en cause par voie d'intervention forcée est tenu de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire sans qu'il puisse décliner la compétence territoriale de cette juridiction ;
Mais attendu que la demande en intervention est celle dont l'objet est de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires ; que la demande formée par M. Z contre MM. Y, X et la Lloyd A, en ce qu'elle avait pour but la réparation du préjudice personnel subi par M. Z, ne tendait pas à rendre les appelés en cause parties au procès opposant ce dernier à Mlle B et ne s'analysait donc pas en une demande en intervention forcée ; que les deux branches du moyen sont dépourvues de fondement ;
Rejette le deuxième moyen : - Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Vu les articles 3 et 4 de la Convention de La Haye du 4 mai 1971 relative à la loi applicable en matière d'accidents de la circulation routière ; - Attendu que, selon le premier de ces textes, la loi applicable à la responsabilité civile extracontractuelle découlant d'un accident de la circulation est la loi interne de l'Etat sur le territoire duquel l'accident est survenu ; qu'il résulte du second qu'il est dérogé à cette règle, dans le cas où plusieurs véhicules sont impliqués dans l'accident, si tous ces véhicules sont immatriculés dans un même Etat, auquel cas la loi interne de l'Etat d'immatriculation est applicable en ce qui concerne les dommages subis par le passager de l'un des véhicules, lorsque ce passager a sa résidence habituelle dans un Etat autre que celui sur le territoire duquel est survenu l'accident ;
Attendu que l'arrêt attaqué a accueilli l'action formée par Mlle B contre M. Z sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil français au motif que la demanderesse invoquait à juste titre la présomption de responsabilité pesant sur un citoyen français, domicilié en France et que celui-ci ne faisait pas valoir l'existence d'une cause d'exonération revêtant les caractères de la force majeure ;
Attendu, cependant, que l'application de la loi italienne, loi de l'Etat sur le territoire duquel l'accident s'était produit, ne pouvait être écartée, au profit de la loi française, en application de l'article 4 de la convention précitée que si tous les véhicules impliqués dans l'accident étaient immatriculés en France, ce que l'arrêt attaqué n'a pas recherché ; que, dès lors, en se déterminant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche : - Attendu que pour déclarer que l'action en garantie formée par M. Z contre MM. Y, X et la compagnie Lloyd A était prescrite en application de la loi italienne du 5 août 1978 qui accorde aux victimes d'une infraction pénale un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi pour agir en réparation, la cour d'appel énonce que si, selon cette loi, une assignation contre un coauteur interrompt la prescription contre les autres coauteurs, cette disposition ne peut trouver application en l'espèce, l'action formée par Mlle B contre M. Z, sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil français étant une action particulière obéissant à un autre fondement que le fondement délictuel ou quasidélictuel, seul envisagé par la loi du 5 août 1978 ;
Attendu cependant que, comme il vient d'être dit, c'est à tort que la cour d'appel a décidé que la loi française et plus spécialement l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil français était applicable à l'action formée par Mlle B contre M. Z ; qu'il s'ensuit que la disposition de l'arrêt attaqué qui en a déduit que l'assignation du mois de mai 1980 n'avait pas interrompu la prescription à l'égard de MM. Y et X doit être annulée par voie de conséquence ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième branches du premier moyen : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a déclaré M. Z responsable en application de la loi française des conséquences de l'accident dont Mlle B a été victime le 13 mai 1977 en Italie et en ce qu'il a déclaré prescrite l'action en garantie formée par M. Z contre MM. Y, X et la compagnie Lloyd A, l'arrêt rendu le 15 mars 1985 entre les parties, par la Cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Grenoble.