CA Grenoble, ch. soc., 27 février 2008, n° 06-04601
GRENOBLE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Issarny
Défendeur :
Dijon Céréales Meunerie Grandes Minoteries Dijonnaises (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Delpeuch
Conseillers :
MM. Séguy, Ivgny
Avocats :
Mes Clément-Cuzin, Gerbeau
M. Pierre Issarny a été embauché en qualité de VRP statutaire le 31/07/1986 par la société Minoterie Armaud. Son employeur deviendra la société Dijon Céréales Meunerie (DCM).
Le secteur de M. Issarny a évolué tout comme son activité puisqu'il est devenu boulanger conseil à temps partiel et a assuré le relationnel entre la société et la profession.
M. Issarny a été mis à la retraite le 30/09/2005 avec un préavis de 2 mois, sans indemnité d'échantillonnage ni d'indemnité de clientèle.
Saisi le 26/04/2006, le Conseil de prud'hommes de Grenoble a jugé le 30/11/2006 que la demande au titre du 3e mois de préavis et des congés payés afférents est fondée, a condamné la société DCM à payer à M. Issarny les sommes de 3 711 euro et 371,10 euro à ce titre outre la somme de 1 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, a jugé que les autres demandes ne sont pas fondées et en a débouté M. Issarny et a condamné la société DCM aux dépens.
La cour est saisie par l'appel interjeté le 14/12/2006 par M. Issarny le jugement lui ayant été notifié le 05/12/2006.
Demandes et moyens des parties
M. Issarny, appelant, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qui concerne les préavis et les congés payés afférents, de le réformer d'abord en constatant que VRP, il a droit aux commissions de retour sur échantillonnage et ceci d'autant plus qu'il a effectué deux mois de préavis et de lui allouer de ce chef la somme de 11 133 euro, ensuite de le réformer en constatant qu'il a développé la clientèle et qu'au titre du statut de VRP il a droit à une indemnité de clientèle et de lui allouer la somme de 80 000 euro de ce chef dont il pourra être déduit l'indemnité de mise à la retraite déjà versée et de lui allouer la somme de 3 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, de condamner la société DCM aux dépens.
M. Issarny expose en ses conclusions régulièrement déposées, visées et développées oralement à l'audience que:
1) il rappelle que le préavis auquel la loi lui ouvre droit est de 3 mois, la convention collective ne pouvant être moins favorable,
2) le préavis a été travaillé de sorte que les commissions de retour sur échantillonnage sont dues, son statut de VRP n'ayant jamais été remis en cause et l'usage étant de payer 3 mois de commissions,
2-2) la société DCM ne démontre pas que les clients ont cessé de commander après son départ,
3) l'indemnité de clientèle est due et doit être calculée en fonction de l'accroissement de la clientèle étant précisé qu'il a doublé le montant des ventes en volume et que dès lors le montant de l'indemnité de clientèle doit être évalué à 3 ans de commissions,
3-3) certains clients sont en fait des groupements de boulangeries,
3-4) ses commissions ne comprenaient pas de remboursements de frais.
La société DCM, intimée, demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur la durée du préavis, de condamner M. Issarny à rembourser un trop-versé de 2 516,11 euro au titre de l'indemnité de mise à la retraite, de confirmer le jugement pour le surplus et de débouter M. Issarny de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, de le condamner aux dépens.
La société DCM expose en des conclusions régulièrement déposées, visées et développées oralement à l'audience que :
1) sur les préavis seule la convention collective est applicable,
2) sur l'indemnité de clientèle il appartient à M. Issarny de démontrer qu'il a augmenté celle-ci en nombre et en valeur or le nombre a diminué, 2-2) ce sont les clauses d'approvisionnement préférentielles et les facilités accordées par l'employeur qui fidélisent la clientèle et seule la part prise par le VRP doit être prise en compte,
3) M. Issarny a été dispensé d'exécuter son préavis et dans son domaine, les commandes sont immédiates de sorte que son secteur ayant été prospecté par un autre salarié dès la cessation de son activité, aucune suite directe des échantillonnages et des prix qu'il a fait avant l'expiration de son contrat de travail n'existe et n'est démontré par lui.
Motifs de la décision:
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience;
Attendu s'agissant du préavis suite à la rupture du contrat de travail de M. Issarny à l'initiative de la société DCM que c'est par des motifs pertinents que les premiers juges lui ont alloué un 3e mois dès lors que l'article L. 751-5 du Code du travail plus favorable que la convention collective doit recevoir application à partir du moment où ses conditions d'application à savoir une ancienneté supérieure à 2 années sont remplies ; que le jugement doit être confirmé de ce chef;
Attendu s'agissant de la commission de retour sur échantillonnage que L. 751-8 du Code du travail dispose que l'employé a toujours droit, quelles que soient la cause et la date de la cessation de ses services, à titre de salaire, aux commissions et remises sur les ordres non encore transmis à la date de son départ de l'établissement, mais qui sont la suite directe des échantillonnages et des prix faits antérieurs à l'expiration du contrat;
Attendu que la durée normale consacrée par les usages de la profession est de 3 mois ; que non seulement la société DCM n'a pas critiqué le travail effectué par M. Issarny mais elle a vanté sa loyauté, son dévouement et sa grande disponibilité dans la lettre lui confirmant sa mise à la retraite ; que la réalisation par le salarié du chiffre d'affaire de son secteur lui ouvre droit à une commission de retour sur échantillonnage conforme aux usages, ces usages étant la résultante du lien direct entre l'action du représentant de commerce sur son secteur et la poursuite des commandes après son départ;
Qu'il appartient à l'employeur de démontrer que la totalité des commandes postérieures doivent être imputées au successeur du salarié ; que la société DCM, qui pouvait aisément le faire en produisant les bons de commande pour la période en cause, soutient sans en rapporter la preuve;
Que la moyenne des commissions perçues par M. Issarny au cours des 11 mois précédents sa mise à la retraite a été de 1 755,14 euro ; qu'il convient de condamner la société DCM à lui payer la somme de 5 265,42 euro au titre du retour sur échantillonnage outre les congés payés afférents soit 526,54 euro;
Attendu qu'une indemnité de clientèle est due dès lors que le contrat de travail est rompu par le fait de l'employeur notamment par mise à la retraite et que le salarié justifie avoir apporté, créé ou développé une clientèle dont il est privé à l'avenir du fait de la rupture du contrat;
Attendu que lors de son embauche, le portefeuille qui a été confié à M. Issarny représentait 34 clients pour 630 quintaux mensuels ; que son secteur a connu deux transformations avec en 1995 l'adjonction du secteur de M. Badin et ensuite la perte de la Haute-Savoie ; qu'au moment de la rupture les ventes réalisées étaient de 1 441 quintaux par mois ; que ce chiffre n'est pas discuté par la société DCM ; que par ailleurs si le chiffre des clients s'est peu modifié, la structure de cette clientèle a changé de sorte qu'il convient de tenir compte principalement des quantités vendues et non du nombre de clients puisque certains clients représentent en fait des groupements d'achat ou de boulangeries et traduit au total une augmentation de la clientèle ; que la preuve que la clientèle a été développée par M. Issarny est rapportée;
Attendu qu'il convient de considérer que M. Issarny a maintenu le nombre de client mais a doublé le chiffre d'affaires ; que certaines facilités notamment en terme de financement ou de cautionnement accordées aux clients par la société DCM doivent être prises en compte et minorent l'indemnité de clientèle dans une proportion qui doit être fixée à 20 % ; qu'il convient enfin de déduire 30 % au titre des frais professionnels que M. Issarny ne conteste pas avoir déduit de ses déclarations de revenus ;
Attendu que les commissions des années précédentes de M. Issarny telles qu'il les a énoncées ne sont pas discutées par la société DCM ; qu'il ne peut être sérieusement soutenu que le maintien ou le développement de la clientèle n'est pas du aux efforts du salarié, ni que M. Issarny ne remplissait pas les fonctions de VRP au sens strict dès lors que son statut n'est ni discuté ni discutable ;
Qu'il convient en conséquence de réformer le jugement sur ce point et d'allouer à M. Issarny la somme de 41 763,07 euro, somme dont il convient de déduire le montant de l'indemnité versée au titre de son départ à la retraite ;
Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, contradictoirement, Infirme le jugement sauf en ce qu'il a alloué à M. Issarny un troisième mois au titre du préavis, Et statuant à nouveau, Condamne la société DCM à payer à M. Issarny les sommes suivantes :* au titre des commissions sur retour : 5 265,42 euro outre les congés payés afférents soit 526,54 euro * au titre de l'indemnité de clientèle : 41 763,07,44 euro, dit qu'il faut déduire de la somme allouée au titre de l'indemnité de clientèle la somme de 10 182,07 euro, Condamne la société DCM à payer à M. Issarny la somme de 1 500 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel, Condamne la société DCM aux dépens de première instance et d'appel. Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.