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Décisions

ADLC, 26 octobre 2009, n° 09-DCC-58

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Stalaven par la société Euralis Gastronomie Holding

ADLC n° 09-DCC-58

26 octobre 2009

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 12 octobre 2009, relatif à la prise de contrôle exclusif du groupe Stalaven par la société Euralis Gastronomie Holding, formalisé par un protocole d'accord signé le 22 mai 2009 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. Euralis Gastronomie Holding est une holding financière qui détient la totalité du capital et des droits de vote de la société Euralis Gastronomie SAS. Euralis Gastronomie Holding est elle-même indirectement contrôlée par la société coopérative agricole Euralis Coop. L'ensemble de ces sociétés, ainsi que leurs filiales, constituent le groupe coopératif Euralis (ci-après " Euralis "). Le groupe Euralis est actif dans différents secteurs de l'agroalimentaire, aussi bien en France qu'à l'étranger, avec notamment la production et la commercialisation de semences et de divers produits issus de l'agriculture et de l'élevage (céréales, légumes, volailles...), ainsi que la transformation de produits alimentaires (foie gras, plats cuisinés). L'activité du groupe Euralis est organisée autour de quatre grands pôles : productions agricoles et distribution, gastronomie, traiteur et semences.

2. Le chiffre d'affaires total mondial hors taxes réalisé par le groupe Euralis en 2008, dernier exercice clos, s'élève à 1 289 millions d'euro, dont [>50 millions d'euro] en France.

3. La société Groupe Stalaven, holding de tête du groupe Stalaven (ci-après " Stalaven "), est conjointement contrôlée par la société Armorique Développement et la société Euralis Gastronomie Holding qui détiennent respectivement 50,09 % et 46,12 % de son capital (1), le reste étant détenu par des salariés. Stalaven est actif dans le secteur de l'agroalimentaire et plus précisément dans le secteur de la production et commercialisation de produits traiteur frais. Les activités du groupe Stalaven sont organisées autour de deux grands pôles : grande consommation et commerce de proximité, d'une part, et restauration, d'autre part.

4. Le chiffre d'affaires total mondial hors taxes réalisé par le groupe Stalaven en 2008, dernier exercice clos, s'élève à 233 millions d'euro, dont [>50 millions d'euro] en France.

5. Le protocole d'accord du 22 mai 2009 organise la montée au capital d'Euralis Gastronomie Holding dans la société Groupe Stalaven à hauteur de 65 %. A l'issue de l'opération, le groupe Euralis, en tant qu'actionnaire majoritaire, sera libre de composer le conseil de surveillance de la société Groupe Stalaven, qui lui-même désigne les membres du directoire. Par conséquent, le groupe Euralis détiendra le contrôle exclusif de la société Groupe Stalaven.

6. En ce qu'elle se traduit par le passage d'un contrôle conjoint à un contrôle exclusif du groupe Euralis sur la société Groupe Stalaven, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, l'opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils mentionnés par l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

7. Les parties sont simultanément actives dans le secteur de la production et distribution de produits traiteurs frais et plus particulièrement sur le marché des plats cuisinés frais.

A. LES MARCHÉS DES PRODUITS TRAITEUR

8. Dans le secteur des produits traiteur, la pratique décisionnelle tant communautaire que nationale (2) segmente les marchés en fonction de la technologie de fabrication employée (produits appertisés, surgelés et frais). Une distinction est également faite entre les canaux de distribution. Les produits traiteur peuvent être vendus aux grandes et moyennes surfaces (ci-après " GMS "), à la restauration hors foyer (ci-après " RHF ") et aux industries agro- alimentaires. Une segmentation additionnelle a ensuite été opérée selon les catégories de produits (entrées, plats, etc.). Enfin, la question a aussi été posée de l'éventuelle subdivision de ces marchés en fonction de leur positionnement commercial (marques de fabricants (ci- après MDF) ou marques de distributeurs (ci-après MDD)) (3), des modes de distribution (libre service ou à la coupe) et de l'origine des recettes proposées (traditionnelles, régionales, étrangères, etc.).

9. Au cas d'espèce, les activités des parties se chevauchent sur les marchés des produits traiteur frais commercialisés auprès des GMS et en RHF.

1. LES MARCHÉS DES PRODUITS TRAITEUR FRAIS COMMERCIALISÉS EN GMS

a) Distinction en fonction des catégories de produits

10. Au sein des produits traiteur frais vendus en GMS, la pratique décisionnelle antérieure (4) opère une segmentation en fonction des catégories de produits ou de recette, en distinguant les " entrées ", " plats cuisinés ", " tartes salées ", " pâtes ménagères ", " pâtes et sauces ", " salades ", " panés ", " snacks ", " autres ".

11. Au cas d'espèce, au sein des produits traiteur commercialisés en GMS, les activités des parties se chevauchent uniquement sur le marché des " plats cuisinés ".

b) Distinction en fonction du positionnement commercial des produits (MDD ou MDF)

12. La pratique décisionnelle a aussi été amenée à considérer une éventuelle segmentation des marchés selon que les produits sont achetés par les GMS pour être vendus sous la marque du distributeur ou sous la marque du fabricant. En effet, les fabricants de produits vendus sous MDD n'interviennent qu'en application d'un cahier des charges défini par l'enseigne et n'ont aucun rôle dans la définition des stratégies commerciales de ces marques (décisions de lancer de nouveaux produits, politique de communication etc.). L'identité de l'opérateur qui approvisionne une enseigne pour ses MDD reste inconnue du consommateur final. De plus, les achats auprès des fabricants des produits vendus sous MDD se font quasiment toujours par la voie d'appels d'offres, et les contrats sont conclus soit pour une durée indéterminée (avec possibilité d'y mettre un terme, sous réserve de préavis, à tout moment), soit pour la durée d'écoulement du volume de produits couvert par l'appel d'offres. Plusieurs fournisseurs sont souvent sélectionnés pour les mêmes types de produits.

13. Toutefois, d'autres éléments semblent indiquer que les MDD exercent sur les MDF une pression concurrentielle non négligeable pour les produits traiteur. Du côté de la demande, les consommateurs opèrent un choix entre l'ensemble des produits proposés, qu'ils soient sous MDD ou sous MDF, comme en atteste la progression régulière de la part des MDD dans chaque catégorie de produit. L'intensité de cette concurrence peut différer selon les catégories de produits en fonction de la notoriété des marques de fabricants, celle-ci restant en tout état de cause plus faible dans le secteur des produits traiteur que dans d'autres secteurs.

14. Du côté de l'offre, les mêmes fabricants fournissent souvent la grande distribution en produits sous MDD et en produits à leur marque. Leurs positions sur les deux segments de produits sont donc interdépendantes puisqu'elles déterminent l'utilisation de leurs capacités et leurs perspectives de développement.

15. Au cas d'espèce, seul le groupe Stalaven commercialise des plats cuisinés frais sous MDF (la marque " Stalaven "). La présente opération emporte donc uniquement un chevauchement d'activité sur le marché mettant en présence les GMS et l'ensemble des fournisseurs de plats cuisinés frais par la suite vendus sous MDD.

c) Distinction en fonction du mode de commercialisation des produits (libre-service ou à la coupe)

16. De plus, la pratique décisionnelle a été amenée à considérer une éventuelle segmentation entre produits vendus en libre-service et produits vendus à la coupe. Dans sa décision 09-DCC-48 relative à l'opération LDC Traiteur/Marie, l'Autorité de la concurrence a noté qu'il était nécessaire, pour les produits à la coupe, de disposer de rayons dédiés avec mise en place de personnels spécifiques et que le consommateur final attachait une relative importance aux services apportés (conseils, possibilité d'obtenir un volume de produit particulier etc.), ce qui limite la substituabilité entre produits en libre-service et produits à la coupe, du côté de la demande. L'Autorité a cependant noté que les processus de fabrication des produits libre- service et des produits à la coupe ne différaient que marginalement, leurs principales différences étant leur conditionnement ainsi que leur date limite de consommation et leur prix moyen d'achat. L'Autorité a conclu qu'il n'est pas exclu que ces produits soient significativement substituables, du côté de l'offre et que, par conséquent, ils constituent un même marché pertinent.

17. En l'espèce, l'opération entraîne un chevauchement d'activité sur le seul marché des plats cuisinés frais vendus en libre-service.

2. LES MARCHÉS DES PRODUITS TRAITEUR COMMERCIALISÉS EN RHF

18. S'agissant des marchés des produits traiteur vendus à la RHF, l'analyse concurrentielle est menée par les autorités de concurrence en fonction des modes de fabrication des produits mais également selon les catégories de produits exposées ci-avant.

B. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE DES MARCHÉS

19. Les autorités de concurrence ont constaté à diverses reprises la dimension nationale des marchés des produits traiteur. En effet, les préférences, les goûts et les habitudes de consommation diffèrent fortement d'un pays à l'autre et les échanges intracommunautaires de ces produits restent faibles.

20. Aussi, pour l'analyse de l'espèce, des marchés de dimension nationale seront examinés.

III. Analyse concurrentielle

21. Dans le prolongement de la pratique aussi bien communautaire que nationale (5), les parts de marché présentées par les parties ont été évaluées à partir des ventes au consommateur final.

A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX

22. L'activité des parties se chevauche sur le marché des plats cuisinés frais vendus en RHF ainsi que sur le marché mettant en présence les GMS et l'ensemble des fournisseurs s'agissant des plats cuisinés frais vendus en libre-service sous MDD.

23. A titre surabondant, la position des parties sur le marché plus global des plats cuisinés frais vendus en GMS sera également étudiée.

1. LES MARCHÉS DES PLATS CUISINÉS FRAIS VENDUS EN GMS

24. Sur le marché mettant en présence les GMS et les fournisseurs de produits MDD, les parties détiennent, s'agissant des plats cuisinés frais vendus en libre-service, une part de marché cumulée estimée à [5-10] % (soit [0-5] % pour Euralis et [0-5] % pour Stalaven).

25. Sur le marché plus global des plats cuisinés frais vendus en GMS, les volumes produits et commercialisés par l'entité fusionnée représenteront [0-5] % (soit [0-5] % pour Euralis et [0-5] % pour Stalaven) de l'ensemble des volumes vendus en GMS au consommateur final, estimé en 2008 à 98 392 tonnes (6).

26. A l'issue de l'opération, la nouvelle entité demeurera confrontée à la concurrence exercée par des acteurs importants de ce secteur tels que Fleury Michon (27,1 % des volumes de plats cuisinés frais vendus en GMS) ou encore le groupe LDC Traiteur/Marie (18,2 %).

2. LES MARCHÉS DES PLATS CUISINÉS FRAIS VENDUS EN RHF

27. Pour l'année 2008, les ventes de plats cuisinés frais destinés à la restauration hors foyer ont représenté un volume de [50-100] tonnes (7). Par le biais de ce canal de distribution, Euralis a vendu 85 tonnes de plats cuisinés frais et le groupe Stalaven [1 000-2 000] tonnes. A l'issue de l'opération notifiée, la nouvelle entité détiendra donc une part de marché de [5-10] % (soit [0-5] % pour Euralis et [5-10] % pour Stalaven). Elle restera par ailleurs soumise à la concurrence de grands groupes tel LDC Traiteur/Marie.

28. Au vu de ce qui précède, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés des plats cuisinés frais vendus en GMS et en RHF.

B. ANALYSE DES EFFETS CONGLOMERAUX

29. La présente opération permettra au groupe Euralis de renforcer sa présence sur le marché des plats cuisinés frais et d'élargir sa gamme avec d'autres produits traiteur frais. Stalaven produit en effet un ensemble de produits traiteur qui ne font pas partie du catalogue d'Euralis à savoir des " salades traiteurs ", des " entrées et snacks " et des " tartes salées ". Cependant, la nouvelle entité ne disposera pas, à l'issue de la présente opération, d'une position suffisamment importante sur l'un des marchés concernés pour pouvoir exploiter un éventuel effet de levier ([10-20] % de part de marché pour les salades traiteurs, [0-5] % pour les entrées et snacks et moins de [0-5] % pour les tartes salées). De plus, les acteurs concurrents précités disposent également d'une gamme étoffée.

30. Par ailleurs, à l'issue de l'opération, la marque " Stalaven " viendra rejoindre le portefeuille de marque détenu par Euralis. Cependant, sans préjuger de la notoriété de la marque " Stalaven ", il convient d'observer que les concurrents précités dans le secteur des produits traiteurs disposent de marques bénéficiant d'une forte notoriété telles " Fleury Michon ", " Herta " ou encore " Marie ".

31. Au vu de ce qui précède, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d'effet congloméraux.

Décide

Article unique : L'opération notifiée sur le numéro 09-0092 est autorisée.

Notes :

1 Cette opération a été autorisée par lettre du ministre de l'économie le 21 juillet 2006.

2 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence 09-DCC-048 LDC Traiteur/Marie, du ministre de l'économie C2008-28 CA Traiteur et salaisons/Holding Tradi du 23 avril 2008, C2007-153 Pierre Schmidt/Stoeffler du 15 février 2008, C2006-73 Euralis/Stalaven du 21 juillet 2006, C2004-05 Bonduelle/Caugant du 24 février 2003, C2008-27, Gastronome/Unicopa du 19 mai 2008 ou la décision de la Commission européenne n° M. 445 BSN/Euralim du 7 juin 1994.

3 Voir par exemple les décisions C2006-73 et C2007-152 précitées.

4 Voir par exemple les décisions C2006-73 et C2007-152 précitées.

5 Voir notamment la décision du ministre de l'économie C2006-73 Euralis/Stalaven précitée et la décision de la Commission européenne COMP/M.1802 Unilever/Amora-Maille.

6 Les données utilisées sont issues des statistiques du Synafap, organisation professionnelle regroupant environ 75 % des entreprises fabricant des produits traiteurs frais et réfrigérés. Il peut être souligné que ces statistiques surestiment les parts de marché des parties dans la mesure où, certains fabricants n'étant pas membres du Synafap, leurs volumes de vente ne sont pas pris en compte.

7 Données Synafap.