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Décisions

CA Paris, 1re ch. G, 14 juin 2000, n° 1999-02898

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Parodi (SCI)

Défendeur :

Banque H. Albert de Bary et Cie (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Conseillers :

Mmes Bregeon, Jaubert, MM. Garban, Le Dauphin

Avoués :

Mes Huyghe, Bolling

Avocats :

Mes Deslierres, Pecqueur, Davidson

TGI Bonneville, du 12 juin 1991

12 juin 1991

Aux termes d'un acte notarié en date du 29 novembre 1984, la société de droit néerlandais Banque H. Albert de Bary et Cie (ci-après la banque Albert de Bary) a consenti à la société civile immobilière Chalet Parodi (ci-après la société Parodi) un prêt portant sur la somme de 930 000 DM, correspondant alors à 2 348 869 F.

Cette somme était stipulée remboursable dans un délai de deux ans, par l'intermédiaire d'un autre établissement de crédit, l'emprunteur s'obligeant à régler au prêteur des intérêts au taux de 10,25 % l'an payables semestriellement, majoré de 3 % en cas de défaut de paiement des intérêts aux dates convenues.

Le remboursement dudit prêt était garanti par une hypothèque inscrite sur des biens appartenant à l'emprunteur.

La société Parodi n'ayant pas exécuté ses obligations contractuelles, la banque Albert de Bary a engagé une procédure de saisie-immobilière qui a donné lieu à un arrêt de la Cour d'appel de Chambéry en date du 31 mars 1987 fixant le montant de la créance de la boutique laquelle a été payée, en principal et intérêts, le 12 novembre 1987.

Par acte du 13 mars 1990, la société Parodi a assigné la banque Albert de Bary en nullité du prêt, au motif que la banque n'avait pas, lors de l'octroi de celui-ci, reçu l'agrément exigé par la loi bancaire du 24 janvier 1984 et a réclamé le remboursement d'une somme de 1 251 390 F représentant, selon elle, le montant du trop-perçu au titre du prêt litigieux.

Par jugement du 12 juin 1991, le Tribunal de grande instance de Bonneville a débouté la société Parodi de sa demande et l'a condamnée à payer à la banque Albert de Bary la somme de 5 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Parodi a relevé appel de cette décision.

Par arrêt du 15 juin 1993, la Cour d'appel de Chambéry a confirmé le jugement précité.

La société Parodi a formé un pourvoi à l'encontre de cette décision.

Par arrêt du 13 juin 1995, la Cour de cassation a renvoyé à la Cour de justice des Communautés européennes aux fins de dire si :

" Pour la période précédant l'entrée en vigueur de la directive 89-646-CEE du Conseil du 15 décembre 1989, visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice et modifiant la directive 77-780-CEE, les articles 59 et 61, paragraphe 2, du traité CEE doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une législation nationale exigeant un agrément pour prester des services en matière bancaire, notamment pour consentir un prêt hypothécaire, lorsque la banque, établie dans un autre Etat membre, y bénéficie d'un agrément ".

Par arrêt du 9 juillet 1997 (ci-après l'arrêt Parodi), la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit :

"Pour la période précédant l'entrée en vigueur de la deuxième directive 89-646-CEE du Conseil, du 15 décembre 1989, visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice, et modifiant la directive 77-780-CEE, l'article 59 du traité CEE doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'un Etat membre impose à un établissement de crédit, déjà agréé dans un autre Etat membre, d'obtenir un agrément pour pouvoir accorder un prêt hypothécaire à une personne résidant sur son territoire, à moins que cet agrément :

- s'impose à toute personne ou à toute société exerçant une telle activité sur le territoire de l'Etat membre de destination,

- soit justifié par des raisons liées à l'intérêt général telles que la protection des consommateurs, et

- soit objectivement nécessaire pour assurer le respect des règles applicables dans le secteur considéré et pour protéger les intérêts que ces règles ont pour but de sauvegarder, étant entendu que le même résultat ne pourrait pas être obtenu par des règles moins contraignantes".

Par arrêt du 20 octobre 1998, la Cour de cassation a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt de la Cour d'appel de Chambéry du 15 juin 1993 et renvoyé les parties devant la Cour d'appel de Paris.

A l'appui de sa décision, la Cour de cassation a énoncé qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'à l'époque du prêt litigieux l'agrément prévu par l'article 15 de la loi du 24 janvier 1984 était conforme aux trois conditions exigées, pour sa validité, par l'arrêt précité de la Cour de justice des Communautés européennes, notamment en ce qu'il devait être obtenu par toute personne ayant pour activité l'octroi de prêts hypothécaires en France et en ce que, pour l'accorder, le Comité des établissements de crédit devait apprécier l'aptitude de l'entreprise requérante à réaliser ses objectifs de développement, dans des conditions compatibles avec le bon fonctionnement du système bancaire et qui assurent à la clientèle une sécurité satisfaisante, conditions justifiant alors l'implantation de succursales, compte tenu des garanties que celles-ci offraient en l'absence de règles prudentielles suffisamment harmonisées au sein des Etats membres et de relations précisément organisées et effectivement mises en œuvre entre les autorités de contrôle des pays concernés, la cour d'appel avait violé les articles 59 du traité instituant la Communauté européenne et 15 de la loi du 24 janvier 1984.

LA COUR,

Vu la déclaration de la société Parodi en date du 10 février 1999, saisissant la juridiction de renvoi ;

Vu les conclusions en date du 26 avril 2000 par lesquelles ladite société, poursuivant la réformation du jugement déféré, demande à la cour :

- de déclarer entaché d'une nullité absolue l'acte de prêt à elle consenti par la banque Albert de Bary le 29 novembre 1994,

- de condamner la banque Albert de Bary à lui rembourser la somme de 1 251 390 F correspondant "au trop-perçu dudit prêt" avec intérêts au taux légal à compter du 13 mars 1990 et anatocisme,

- de la condamner en outre à lui payer la somme de 13 020 015,80 F à titre de dommages-intérêts,

- de lui allouer la somme de 60 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Vu les conclusions en date du 19 avril 2000 par lesquelles la banque Albert de Bary, intimée, demande à la cour :

- à titre principal, de déclarer la société Parodi irrecevable en sa demande tendant à voir prononcer l'annulation du contrat de prêt, à raison de la prescription, ainsi qu'en sa demande en paiement de dommages-intérêts, formulée pour la première fois à hauteur d'appel,

- à titre subsidiaire, de la débouter de toutes ses demandes,

- à titre plus subsidiaire, dans le cas où la cour prononcerait l'annulation du prêt, de constater que la société Parodi ne fournit aucune justification relativement à la somme de 1 251 390 F dont elle prétend obtenir la répétition,

- en toute hypothèse, de condamner l'appelante à lui payer la somme de 60 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce :

Sur la procédure :

Considérant que l'avoué de la banque Albert de Bary a par lettre parvenue à la cour le 9 mai 2000, déclaré renoncer aux écritures qu'il avait déposées le 3 mai 2000, jour de l'ordonnance de clôture, antérieurement à celle-ci, et tendant à ce que, en cas d'accueil de la demande d'annulation du prêt litigieux, la cour ordonne la réouverture (les débats afin d'assurer le respect du contradictoire eu égard aux conclusions et pièces signifiées le 26 avril 2000 par la société Parodi ;

Considérant que les conclusions déposées et signifiées le 19 avril 2000 par la banque Albert de Bary, comme celles signifiées et déposées le 26 avril 2000 par la société Parodi, qui a été du mesure de répondre à ces conclusions, sont recevables ;

Sur la demande de la société Parodi tendant à l'annulation du prêt litigieux et au remboursement du "trop-perçu"

Sur la recevabilité de la demande

Considérant que l'intimée, faisant valoir que la cause de nullité alléguée par la société Parodi, en tant qu'elle relève de l'ordre public de protection, a un caractère relatif, en déduit que son action en nullité du contrat de prêt, engagée plus de cinq ans après sa conclusion, est atteinte par la prescription édictée par l'article 1304 du Code civil ; qu'elle doute qu'en s'abstenant de quereller cet acte pendant plus de cinq années à compter de la date de sa conclusion, la société Parodi a implicitement mais nécessairement entendu le confirmer;

Mais considérant que la nullité dont se prévaut l'appelante tirée de ce que la banque Albert de Bary n'avait pas, lors de l'octroi du prêt, reçu l'agrément exigé par la loi du 24 janvier 1984, revêt un caractère d'ordre public qui la fait échapper à la prescription quinquennale de l'article 1304 du Code civil et n'est pas susceptible de confirmation ;

Que l'action en nullité est, en conséquence, recevable.

Sur le mérite de la demande :

Considérant que la banque Albert de Bary, société de droit néerlandais, est un établissement de crédit au sens de l'article 1er premier tiret de la directive 77-780 du Conseil des Communautés européennes visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice ; qu'il est constant que les autorités compétentes de l'Etat membre dans lequel ladite banque a son siège lui ont accordé, antérieurement à l'octroi du prêt litigieux, un agrément d'où découle la faculté d'exercer l'activité d'établissement de crédit et, à ce titre d'accorder des prêts hypothécaires, et que cette banque ne disposait, lors de l'octroi du prêt, d'aucune structure en France ;

Considérant que constitue une opération réalisée en libre prestation de services l'opération par laquelle un établissement de crédit fournit dans un Etat membre autre que celui où se trouve son siège social un service bancaire autrement que par une présence permanente dans cet Etat membre;

Considérant que l'opération en cause répond à ces caractéristiques ; qu'en effet l'acte du 29 novembre 1994, reçu par Me Alain Raabe, notaire à Orbey, constate que la banque Albert de Bary consent à la société Parodi un prêt d'un montant de 2 848 869 F payable "entre les mains" du notaire pour le compte de l'emprunteur ;

Considérant que cette prestation de services impliquait un mouvement de capitaux ;

Que selon l'article 51 paragraphe 2 (ex-article 61) du traité instituant la Communauté européenne, la libération des services des banques et des assurances qui sont liés à des mouvements de capitaux doit être réalisée en harmonie avec la libération de la circulation des capitaux ; qu'il en résulte que l'application aux services bancaires des dispositions du traité en matière de services ne peut être exclue qu'en présence d'une restriction à la libre circulation des capitaux afférents à de telles opérations ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de la directive du Conseil du 11 mai 1960 (la "première directive capitaux") telle que modifiée et complétée par la directive 63-21-CEE du 18 décembre 1962, à laquelle il y a lieu de se référer eu égard à la date du prêt litigieux, que l'octroi d'un prêt hypothécaire relevait de la catégorie, en principe libérée, des mouvements de capitaux résultant de l'article 3, paragraphe 1, de la première directive capitaux ; que si le Gouvernement français avait fait usage de la possibilité de dérogation prévue à l'article 3, paragraphe 2, de ladite directive, et ce en conformité avec celle-ci, pour restreindre certaines opérations de change comme les emprunts en devises effectués à l'étranger, il ressortait de la réglementation nationale en matière de contrôle des changes applicable lors des faits litigieux, ainsi que l'a constaté la Cour de justice dans l'arrêt Parodi, que de tels emprunts étaient soumis à autorisation lorsqu'ils étaient supérieurs à un montant équivalent à 50 millions de francs, aucune autorisation n'étant exigée pour les emprunts d'un montant inférieur;

Qu'il s'ensuit que les règles relatives aux mouvements de capitaux n'étaient pas de nature à restreindre la liberté de conclure des contrats de prêts hypothécaires tels que le prêt en cause sous forme de prestations de services en vertu de l'article 49 (ex-article 59) du traité ;

Considérant que selon la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (cf notamment CJCE 25 juillet 1991 Säger c/ Dennemeyer C-76-90 Rec. I- 4221, CJCE 12 décembre 1996, Reisebüro Broede, C-3-95 Rec. I-6511) les articles 49 et 50 (ex-articles 59 et 60) sont devenus d'application directe à l'expiration de la période de transition, sans que leur applicabilité soit subordonnée à l'harmonisation ou à la coordination des législations des Etats membres ; que ces articles exigent l'élimination non seulement de toutes discriminations à l'encontre du prestataire de services établi dans un autre Etat membre en raison de sa nationalité, mais également la suppression de toute restriction, même si elle s'applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres Etats membres, lorsqu'elle est de nature à prohiber, à gêner ou à rendre moins attrayantes les activités du prestataire établi dans un autre Etat membre, dans lequel il fournit légalement des services analogues ;

Considérant que la libre prestation des services, en tant que principe fondamental du traité, ne peut être limitée que par des réglementations justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général et s'appliquant à toute personne ou entreprise exerçant une activité sur le territoire de l'Etat destinataire, dans la mesure où cet intérêt n'est pas sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire est soumis dans l'Etat membre où il est établi ; qu'en outre de telles exigences doivent être objectivement nécessaires pour assurer le respect des règles applicables dans le secteur considéré et pour protéger les intérêts que ces règles ont pour but de sauvegarder ; qu'elles ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs ;

Considérant, encore, que si l'exigence d'un agrément constitue une restriction à la libre prestation des services, celle d'un établissement stable est en fait la négation même de cette liberté dès lors qu'elle a pour conséquence d'enlever tout effet utile à l'article 49 du traité (ex-article 59), dont l'objet est précisément d'éliminer les restrictions à la libre prestation des services de la part de personnes non établies dans l'Etat sur le territoire duquel la prestation doit être fournie ; que, pour qu'une semblable exigence soit admise, il faut, ainsi que l'a rappelé la Cour de justice des Communautés européennes dans les motifs de l'arrêt Parodi (point 31), établir qu'elle constitue une condition indispensable pour atteindre l'objectif recherché ;

Considérant qu'antérieurement à l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1993, de la loi n° 92-655 ayant transposé en droit interne les dispositions de la directive 89-646-CEE du Conseil, visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice, et modifiant la directive 77-780 susvisée, tout établissement de crédit, fût-il agréé en tant que tel dans un autre Etat membre de la Communauté, devait obtenir l'agrément visé à l'article 15 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 préalablement à l'exercice d'une activité en France ; que pour accorder ledit agrément, le Comité des établissements de crédit devait apprécier, notamment, l'aptitude de l'entreprise requérante à réaliser ses objectifs de développement, dans des conditions compatibles avec le bon fonctionnement du système bancaire et qui assurent à la clientèle une sécurité satisfaisante ;

Considérant que la législation française en vigueur lors de l'octroi du prêt litigieux était indistinctement applicable à toute personne ou à toute société effectuant des opérations de banque et fondée sur des raisons liées à l'intérêt général ;

Considérant cependant qu'il résulte de la combinaison des articles 15, 16 et 17 de la loi du 24 janvier 1984 que l'obtention par les établissements de crédit dont le siège social est à l'étranger de l'agrément délivré par le Comité des établissements de crédits est subordonnée à l'implantation d'une succursale en France ;

Qu'il s'ensuit que la législation précitée ne se bornait pas à apporter une entrave à la libre prestation de services en matière bancaire, en imposant aux établissements de crédit établis et agréés dans un autre Etat membre d'obtenir un nouvel agrément de l'autorité de contrôle de l'Etat de destination, mais rendait impossible l'exercice de cette liberté communautaire en liant la délivrance de l'agrément à l'établissement du prestataire sur le territoire national ;

Considérant qu'il y a lieu, en conséquence, de rechercher si une telle exigence est une condition indispensable pour atteindre l'objectif qu'elle vise ; que cette recherche doit être faite concrètement, en considération de la nature de l'activité en cause, à savoir l'octroi de prêts hypothécaires, et des conditions dans lesquelles ladite activité peut être exercée ;

Considérant certes que le secteur bancaire constitue un domaine particulièrement sensible du point de vue de la protection des consommateurs et, plus largement, des cocontractants des établissements de crédit ; qu'il est notamment nécessaire de protéger ces derniers contre le préjudice qu'ils pourraient subir du fait d'opérations de banque qui seraient effectuées par des établissements ne respectant pas les conditions relatives à la solvabilité ou dont les dirigeants ne posséderaient les qualifications professionnelles ou l'honorabilité nécessaires ;

Considérant, toutefois, d'une part, qu'il convient de rappeler que de telles nécessités avaient déjà conduit le Conseil à adopter la première directive 77-780-CEE du 12 décembre 1977, visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice ; qu'en vertu de l'article 3 de ladite directive, les Etats membres étaient tenus d'exiger un agrément de la part de tout établissement de crédit souhaitant commencer à exercer une activité bancaire sur son territoire d'origine ; qu'aux termes du paragraphe 2 dudit article, sans préjudice d'autres conditions générales requises par les réglementations nationales, les autorités compétentes n'accordaient l'agrément que lorsqu'étaient remplies des conditions relatives à l'existence de fonds propres distincts, à celle de fonds propres minimaux suffisants et à la présence d'au moins deux personnes pour déterminer effectivement l'orientation de l'activité de l'établissement de crédit, ces personnes devant posséder l'honorabilité nécessaire et l'expérience adéquate pour exercer ces fonctions que les impératifs ci-dessus rappelés étaient clone pris en compte, à l'époque du prêt litigieux, par la législation néerlandaise laquelle soumettait les établissements de crédit ayant leur siège aux Pays-Bas à la surveillance d'une autorité de contrôle bancaire elle-même soumise, en vertu de l'article 7 de la directive précitée, à une obligation de collaboration étroite avec les autorités compétentes des autres Etats membres ;

Considérant, de deuxième part, qu'ainsi que l'a relevé la Cour de justice des Communautés européennes (arrêt Parodi, point 29), une distinction doit être faite selon la nature de l'activité bancaire en cause et du risque encouru par le destinataire du service; qu'en effet la nécessité de protéger le cocontractant de l'établissement de crédit ne se fait pas ressentir avec la même intensité pour toutes les opérations de banque ;

Qu'il doit, à cet égard, être souligné que la conclusion d'un prêt hypothécaire présente, pour le cocontractant de la banque des risques différents de ceux du dépôt de fonds auprès d'un établissement de crédit ; que le besoin de protection de l'emprunteur se situe moins sur le terrain de la liquidité et de la solvabilité de la banque, que les règles prudentielles mises en œuvre par la loi du 24 janvier 1984 visent, pour l'essentiel, à garantir, que sur celui de l'équilibre des conditions contractuelles ;

Considérant, en outre, que selon l'article 2127 du Code civil, l'hypothèque conventionnelle ne peut être consentie que par un acte passé en forme authentique ; que l'intervention d'un notaire, officier public garant de l'efficacité des stipulations de l'acte qu'il dresse et tenu envers les parties d'un devoir de conseil, implique un contrôle non seulement du respect des dispositions légales impératives, telle la loi n° 66-1010 du 28 décembre 1966 relative à l'usure, aux prêts d'argent et à certaines opérations de démarchage et de publicité, mais encore de l'opportunité juridique et le cas échéant, économique de l'opération ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en tant qu'elle soumettait la réalisation, en régime de libre prestation de services, de prêts hypothécaires par des établissements de crédit ayant leur siège dans un autre Etat membre, où ils bénéficiaient pour cette activité d'un agrément délivré par l'autorité de contrôle, à un établissement sur le territoire de l'Etat d'accueil, privant ainsi de tout effet utile les dispositions de l'article 49 (ex-article 59) du traité instituant la Communauté européenne, d'application directe et inconditionnelle, la législation française allait au-delà de ce qui était objectivement nécessaire pour protéger les intérêts qu'elle avait pour but de sauvegarder et était, dès lors, incompatible avec ledit traité ;

Qu'il y a donc lieu d'en écarter l'application en l'espèce et de débouter la société Parodi de son action en nullité du prêt du 29 novembre 1994 et des prétentions qui en découlent ;

Sur la demande en paiement de dommages-intérêts :

Considérant que la demande soumise aux premiers juges par la société Parodi tendait uniquement à l'annulation du prêt du 29 novembre 1984 et au remboursement de la somme de 1 251 390 F au titre du trop-perçu en vertu d'une obligation nulle ;

Qu'en cause d'appel, cette partie sollicite, pour la première fois, la condamnation de la banque Albert de Bary au paiement de la somme de 13 020 015,80 F à titre de dommages-intérêts ;

Qu'elle soutient, à l'appui de cette prétention, qu'en raison de la procédure de saisie immobilière engagée par la banque Albert de Bary qui a refusé d'admettre la nullité de la convention de prêt, elle a été contrainte de contracter un nouvel emprunt pour la désintéresser, ce qui a conduit à une autre procédure de saisie immobilière et à la perte de son patrimoine ; qu'elle ajoute que son préjudice résulte aussi de la mauvaise foi de la banque Albert de Bary qui, en dépit du règlement intégral de sa créance, a maintenu une hypothèque sur les biens lui appartenant jusqu'à ce que la mainlevée en soit ordonnée par arrêt de la Cour d'appel de Chambéry en date du 12 septembre 1989;

Considérant qu'ainsi que le fait valoir l'intimée, cette demande, qui ne tend pas aux mêmes fins que celle soumise au premier juge, revêt le caractère d'une prétention nouvelle;

Que cette prétention, qui ne tend pas à opposer la compensation ni à faire écarter les prétentions adverses, qui n'est pas née de l'intervention d'un tiers ou de la révélation d'un fait et qui n'entre pas dans les prévisions de l'article 566 du nouveau Code de procédure civile, est irrecevable ;

Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, eu égard à la situation économique des parties, de faire application de ce texte au profit de l'intimée ; que la demande présentée par l'appelante sur le même fondement ne peut qu'être rejetée ;

Par ces motifs, Déclare la société Parodi irrecevable en sa demande tendant à l'allocation de dommages-intérêts ; La déclare recevable en sa demande tendant à l'annulation du prêt du 29 novembre 1994 et à la répétition de la somme de 1 251 390 F; Confirme le jugement rendu entre les parties, le 12 juin 1991, par le Tribunal de grande instance de Bonneville en ce qu'il a déclaré cette demande mal fondée et en ce qu'il a condamné la société Parodi aux dépens; Le réforme en ce qu'il a condamné la société Parodi à payer la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et, statuant à nouveau de ce chef, dit n'y avoir lieu de faire application de ces dispositions ; Condamne la société Parodi aux dépens d'appel, y compris ceux afférents à l'arrêt cassé, et admet Me Bolling, avoué, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code précité.