Livv
Décisions

CA Paris, 15e ch. B, 26 avril 2007, n° 04-24460

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Axa Bank (SA)

Défendeur :

Baio (Epoux), Rogeau (ès qual.), Cossalter, Samzun (ès qual.), Cabinet Luce (SA), Ferrandes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Henry-Bonniot

Conseillers :

Mmes David, Delbes

Avoués :

SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, Me Huyghe, SCP Regnier, Sevestre Regnier, Regnier-Aubert, Lamarche-Bequet, SCP Bolling-Durand-Lallemant, SCP Arnaudy-Baechlin

Avocats :

Mes Gicqueau, Pauly-Mulot, Fournier La Touraille, Sallaberry

TGI Versailles, du 17 janv. 2000

17 janvier 2000

Par deux actes sous-seing privé souscrits à Paris et Anvers le 1er juin 1989 et réitérés en la forme authentique à Paris le 1er juin 1989, la société de droit beige Caisse hypothécaire Anversoise (ANHYP), devenue Axa Bank, a consenti à M. et Mme Baio et à diverses SCI que ceux-ci représentaient (les consorts Baio), une ouverture de crédit de 3 100 000 francs garantie par les biens situés en France que ce concours allait permettre d'acquérir. Un différend ayant opposé les consorts Baio à l'établissement de crédit belge quant aux conditions de fonctionnement de ce crédit qu'ils estimaient ruineux, les intéressés ont signé le 2 octobre 1992 une " convention transactionnelle " aux termes de laquelle ils convenaient, selon diverses conditions qui étaient énumérées, de résilier le contrat et de fixer la dette des emprunteurs à la somme de 2 888 314 francs outre intérêts à compter du 15 octobre 1992. Toutefois, s'avisant après qu'en raison du défaut d'agrément de la caisse ANHYP pour effectuer en France des opérations de banque, la convention d'ouverture de crédit était susceptible d'être annulée, les consorts Baio ont demandé judiciairement de déclarer la nullité des contrats qu'ils avaient souscrits en 1989 avec la caisse et avec l'intermédiaire de la société cabinet Luce, ainsi que la nullité de la transaction intervenue en exécution d'un titre nul, en condamnant la première à leur restituer les sommes perçues en remboursement du concours litigieux, et en fixant pour la seconde, déclarée entre-temps en liquidation judiciaire, le montant de leur créance afférente à la commission versée à tort.

Par jugement du 17 janvier 2000 le Tribunal de grande instance de Versailles a déclaré nuls les contrats de prêt en date du 1er juin 1989 par acte authentique et sous-seing privé en application des dispositions d'ordre public de l'article 15 de la loi du 24 janvier 1984, nulle la transaction intervenue le 20 octobre 1992 en exécution de ces titres nuls; le tribunal a ordonné la remise des parties en leur état antérieur, soit la restitution à la caisse des sommes prêtées, la restitution par les emprunteurs des sommes versées par prélèvements mensuels et celle versée en exécution de la transaction, avec les intérêts au taux légal à compter du 14 avril 1995 et a ordonné la compensation. Le tribunal a fixé la créance des emprunteurs à l'encontre de la société cabinet Luce à la somme de 257 362 francs outre les intérêts au taux légal à compter du 15 avril 1995.

Infirmant ce jugement par arrêt du 2 mai 2002, la Cour d'appel de Versailles, après avoir rejeté la demande de sursis à statuer jusqu'à l'issue des procédures pénales pendantes en Belgique, a dit que l'absence d'agrément invoquée, étant une erreur de droit, n'était pas susceptible de remettre en cause l'autorité de chose jugée attachée à la transaction intervenue et a décidé que les demandes de M. et Mme Baio étaient irrecevables.

Par arrêt du 16 novembre 2004 la Cour de cassation a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 2 mai 2002, a désigné la Cour d'appel de Paris et condamné la société Axa Bank Belgium à payer la somme de 1 800 euro à M. Baio sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Déclarant non fondés les griefs relatifs au rejet de la demande de sursis à statuer, à l'indétermination du taux d'intérêt, aux clauses qualifiées d'abusives et irrecevable le moyen relatif à une omission de statuer, la Cour de cassation a accueilli, au visa de l'article 2053 du Code civil, le moyen tiré de l'erreur sur l'existence même de la créance invoquée, un établissement de crédit au sens commun des législations beiges et françaises devant, avant l'entrée en vigueur de la directive 89-646 CEE du Conseil du 15 décembre 1989 et par application des articles 10 et 15 de la loi du 24 janvier 1984, obtenir l'agrément imposé par ces textes pour exercer en France son activité, fût-ce à titre occasionnel et sous forme de libre prestation de services.

La déclaration de saisine après renvoi de cassation a été remise au greffe de la cour le 22 décembre 2004.

Une demande d'inscription de faux incidente a été déposée le 20 septembre 2006 par M. Baio contre l'acte authentique du 1er juin 1989 dressé par Me Ferrandes, notaire à Paris.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, déposées le 8 janvier 2007 la société Axa Bank demande de:

- juger non fondée l'inscription de faux

- subsidiairement, dire que le faux n'a aucune incidence sur le fond du litige

- débouter M. Baio de ses demandes et le condamner à une amende civile de 3000 euro en application de l'article 305 du nouveau Code de procédure civile

- sur le fond, infirmer le jugement

- déclarer irrecevables les demandes des consorts Baio, une transaction ayant été signée

- subsidiairement, juger que la banque pouvait consentir un crédit sans solliciter l'agrément prévu par l'article 15 de la loi bancaire française, ce texte étant incompatible avec les dispositions communautaires

- juger que le taux d'intérêt contractuel est déterminé

- subsidiairement en cas de nullité de la stipulation relative à la variabilité du taux, lui substituer le taux d'origine de 8,75 %

- juger que l'acte d'ouverture de crédit ne comporte pas de clause léonine

- subsidiairement si la nullité de l'acte de prêt est prononcée, remettre les parties en leur état antérieur à sa conclusion, dire que les consorts Baio seront tenus de restituer la somme prêtée majorée des intérêts au taux légal à compter de la date de déblocage des fonds

- constater qu'un règlement pour solde de tout compte est intervenu le 2 octobre 1992 et dire en conséquence que la banque ne saurait être tenue de restituer quelque somme que ce soit

Sur la demande reconventionnelle

- juger que M. Baio a violé la clause de confidentialité contenue dans la transaction du 2 octobre 1992, avec mauvaise foi, et le condamner à lui verser la somme de 15 000 euro en réparation du préjudice subi

En tout état de cause

- débouter les consorts Baio de leurs demandes

- condamner les demandeurs à lui payer une somme de 15 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, déposées le 19 janvier 2007, M. Baio demande de:

- déclarer l'appel irrecevable pour défaut de capacité et de qualité à agir

Subsidiairement

- surseoir à statuer dans l'attente de la décision pénale

- confirmer le jugement en ce qu'il a annulé les actes du 1er juin 1989 et la convention transactionnelle du 2 octobre 1992, fixé la créance à l'encontre de la société cabinet Luce, ordonné les restitutions réciproques, mais limiter celle de M. Baio à la somme de 423 173,78 euro, montant effectivement reçu ou, subsidiairement, déduire la somme de 49 418,18 euro (324 162 francs) de celle de 472 591,95 (3 100 000 francs) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la banque et le notaire, solidairement responsables

- juger que l'acte notarié du 1er juin 1989 est un faux

- condamner la société Axa Bank à lui payer la somme de 20 000 euro sur le fondement de l'article 32-1 du nouveau Code de procédure civile

- condamner la société Axa Bank à lui payer la somme de 15 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, déposées le 18 janvier 2007, M. Ferrandes demande de:

- débouter M. Baio de sa demande en inscription de faux

- condamner M. Baio à lui verser la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, déposées le 27 octobre 2006, Me Samzun, mandataire ad'hoc de la société cabinet Luce s'en rapporte à justice, aucune demande n'étant formulée à son encontre.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, déposées le 27 octobre 2006, Me Rogeau, mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de M. Cossalter demande de:

- déclarer irrecevable la demande de société Axa Bank à son encontre

- de condamner tout succombant à lui verser la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Mme Baio n'a pas constitué avoué devant la Cour d'appel de Paris. Elle était représentée devant la Cour de Versailles et avait conclu. En application de l'article 634 du nouveau Code de procédure civile Mme Baio est réputée s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elle avait soumis à la Cour de Versailles. Les moyens visaient à l'annulation des contrats souscrits avec la Caisse ANHYP et avec la société cabinet Luce, intermédiaire. Elle demandait la confirmation du jugement, le rejet des demandes de l'ANHYP et une somme de 100 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

En application de l'article 303 du nouveau Code de procédure civile la procédure a été communiquée au Ministère public qui n'a pas déposé de conclusions.

Cela étant exposé,

LA COUR,

Sur la recevabilité de l'appel de la société Axa Bank

Considérant que M. Baio soulève l'irrecevabilité de l'appel et des conclusions de la société Axa Bank au motif que cette société n'a pas justifié venir aux droits de la société Caisse hypothécaire Anversoise assignée ou être ainsi dénommée.

Mais considérant que la société Axa Bank ne vient pas aux droits de la société ANHYP ; qu'il s'agit de la même personne morale dont la dénomination sociale a changé; que l'appel est recevable;

Sur l'irrecevabilité de demandes à l'encontre de M. Cossalter

Considérant que le mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de M. Cossalter oppose l'irrecevabilité de la demande de la société Axa Bank au motif que le désistement de M. Baio à son encontre devant la Cour de cassation emporte acquiescement à l'arrêt d'appel qui a donc autorité de chose jugée à son encontre;

Considérant que l'arrêt de la Cour de cassation a donné acte à M. Baio de son désistement envers Mme Baio et M. Rogeau, ès qualités ; qu'au demeurant aucune demande de la société Axa Bank n'est dirigée à son encontre; qu'il ne saurait y avoir dans ces conditions d'irrecevabilité de demandes;

Sur l'irrecevabilité des demandes des consorts Baio

Considérant que la société Axa Bank soutient que les demandes des consorts Baio sont irrecevables au motif que la transaction du 2 octobre 1992 intervenue entre les parties a autorité de chose jugée en dernier ressort ; que cette transaction prévoyait en contrepartie d'un abandon de créance de 257 017 francs que les consorts Baio devaient lui verser une somme de 2 888 314 francs ; qu'elle ajoute que l'article 2054 du Code civil relatif à la rescision de la transaction en exécution d'un titre nul n'est pas applicable puisque la nullité du contrat de crédit, fondée sur le défaut d'agrément de la banque, est non fondée et qu'il a été jugé que cette absence d'agrément n'était pas de nature à entraîner la nullité;

Mais considérant, selon cet article 2054 du Code civil, qu'il y a également lieu à l'action en rescision contre une transaction lorsqu'elle a été faite en exécution d'un titre nul, à moins que les parties n'aient expressément traité sur la nullité, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; qu'ainsi la nullité au fond de la convention d'origine doit être examinée ; qu'il n'est pas établi de moyen d'irrecevabilité des demandes;

Sur la demande de sursis à statuer

Considérant que M. Baio invoque les dispositions de l'article 4 du Code de procédure pénale dans leur rédaction antérieure à la loi du 5 mars 2007 et demande de surseoir à statuer dans l'attente de la décision pénale à intervenir;

Mais considérant qu'il n'est pas justifié d'une procédure pénale concernant les consorts Baio ; qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer;

Sur le faux incident visant l'acte notarié d'ouverture de crédit du 1er juin 1989

Considérant que l'action en rescision de la transaction est fondée sur la nullité du contrat de prêt argué de faux ; qu'il convient d'examiner d'abord si l'acte est un faux avant d'examiner les moyens de nullité de cet acte;

Considérant que M. Baio formule de nombreuses critiques et interrogations contre l'acte du notaire relatives à l'absence d'approbation en marge de mentions manuscrites, l'absence d'annexe de procuration ou d'autres documents, de timbrage, sa qualification d'acte confirmatif alors qu'il est constitutif qu'il relevé que des mentions sont manuscrites et non dactylographiées et ajoute des critiques à l'offre de crédit jointe ; qu'il qualifie de faux le nombre de pages du règlement des ouvertures de crédit annexé à l'acte, ce nombre ayant été indiqué dans l'acte notarié après la signature des parties, le taux effectif global annuel de 9,6 % alors que le mécanisme de roll-over sur trois mois rend le taux annuel impossible à calculer, la mention dans l'acte authentique, comme les actes sous seing privés, " fait à Anvers et à Paris " alors que cet acte n'a jamais été signé à Anvers ; que cette fausse mention avait, selon lui, pour but de faire croire que la loi bancaire française était inapplicable;

Considérant que l'acte authentique argué de faux mentionne page 5 le dépôt des " originaux de deux actes sous signatures privées fait à Anvers (Belgique) et Paris (France) le juin 1989 ";

Mais considérant que cette mention figure bien dans l'acte sous seing privé et que l'acte authentique précise avoir été fait à Paris en l'étude du notaire,

Considérant qu'en reproduisant les mentions d'un acte sous seing privé, le notaire n'authentifie pas le contenu de ce qui est écrit mais authentifie que les mentions reproduites sont bien portées à l'acte sous seing privé dans les termes repris;

Considérant qu'aucune disposition n'interdit que des mentions d'un acte notarié soient manuscrites ; qu'il n'est pas exigé d'approbation en marge de ces mentions manuscrites; que les ratures ont été approuvées en marge, les pages et renvois comptés; que les critiques interrogatives sur l'absence d'annexe de procurations ou d'autres documents, la date de la signature de M. Lesage, les personnes réellement présentes le 1er juin 1989, ou sous forme d'observations, relatives au taux effectif global ou à la qualification de l'acte constitutif ou confirmatif ne démontrent pas qu'un faux ait été commis;

Considérant que le notaire justifie de ce que l'étude est autorisée à procéder au paiement sur timbre sans timbrer chaque page;

Considérant que M. Baio est débouté de sa demande en inscription de faux incidente:

Considérant que M. Ferrandes demande la condamnation de M. Baio à lui payer des dommages-intérêts pour procédure abusive;

Mais considérant que les éléments de la cause ne permettent pas de caractériser une faute ayant fait dégénérer en abus le droit de M. Baio d'agir en justice y compris pour cette inscription de faux incidente;

Sur la nullité des contrats de prêt

Considérant, sur le défaut d'agrément en France de l'ANHYP, que M. Baio fait valoir que la jurisprudence, comme la loi, ne peuvent être rétroactives et que l'arrêt de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation du 4 mars 2005, statuant en sens inverse de l'arrêt du 16 novembre 2004, n'est pas applicable ; qu'il ajoute que la notion de procès équitable de l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme interdit d'appliquer un revirement de jurisprudence à une instance en cours sauf impérieux motif d'intérêt général qui en l'espèce n'existe pas ; qu'ainsi, pour M. Baio, l'absence d'agrément de l'ANHYP entraîne la nullité du contrat en application de l'article 15 de la loi du 15 janvier 1984 pris en application de la directive européenne du 12 décembre 1977, cette directive étant bien la seule applicable au contrat du juin 1989 puisque celle du 15 décembre 1989, à laquelle se réfère l'arrêt de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, est postérieure au contrat ; que la Cour de justice des Communautés européennes, interrogée par la Cour de cassation, a jugé dans un arrêt du 9 juillet 1997 que la période précédant l'entrée en vigueur de la deuxième directive du 15 décembre 1989... l'article 59 du traité de Rome doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'un Etat membre impose à un établissement de crédit, déjà agréé dans un autre Etat membre, d'obtenir un agrément pour pouvoir accorder un prêt hypothécaire à une personne résidant sur son territoire, à moins que cet agrément s'impose à toute personne ou à toute société exerçant une telle activité sur le territoire de l'Etat membre de destination, soit justifiée par des raisons liées à l'intérêt général telles que la protection des consommateurs et soit objectivement nécessaire pour assurer le respect des règles applicables dans le secteur considéré et pour protéger les intérêts que ces règles ont pour but de sauvegarder, étant entendu que le même résultat ne pourrait pas être obtenu par des règles moins contraignantes": que la loi française répondait parfaitement à ces conditions et devait conduire la banque à obtenir l'agrément en France et non seulement en Belgique ; qu'en outre le type de contrat proposé par l'ANHYP n'était soumis à aucun contrôle alors qu'il présentait des risques, étant basé sur le mécanisme du " Roll over "; que, de plus, la banque était bien " établie " un France puisque le cabinet Luce était un établissement fixe dépendant d'elle:

Mais considérant d'une part que la seule méconnaissance par un établissement de crédit de l'exigence de l'agrément, au respect de laquelle l'article 15 de la loi du 24 janvier 1984, devenue les articles L. 511-10, L. 511-14 et L. 612-2 du Code monétaire et financier, subordonne l'exercice de son activité, n'est pas de nature à entraîner la nullité des contrats qu'il a conclus;

Considérant, au surplus, qu'il n'est pas avéré que le cabinet Luce soit un établissement de la banque, alors qu'il s'agissait d'une personne morale distincte sans lien structurel démontré avec la banque, tel que la détention du capital; que l'ANHYP, ayant son siège social en Belgique, se trouvait soumise à la surveillance d'une autorité de contrôle bancaire elle-même tenue, conformément à l'article 7 de la directive CEE du 12 décembre 1977 à une obligation de collaboration avec les autorités compétentes des autres Etats membres; que le mécanisme de fixation du taux d'intérêt prévoyait son établissement en fonction de la devise choisie par l'emprunteur selon des règles précisées ; qu'ainsi l'ANHYP n'ayant jamais été établie sur le territoire français, ni l'intérêt des consommateurs ni la sécurité du système bancaire en France lié à la solidarité de place, n'étaient mis en cause par l'opération financière litigieuse ; qu'il en résulte que la législation française, alors applicable, allait au-delà de ce qu'il était objectivement nécessaire pour protéger les intérêts qu'elle avait pour but de sauvegarder ; qu'elle était incompatible avec les dispositions de droit communautaire en vigueur au moment de la délivrance des prêts considérés; que les autres violations de la loi bancaire invoquées par M. Baio relatives à la soumission au contrôle et à l'information des autorités françaises et à l'intervention du cabinet Luce ne sont pas fondées;

Sur le dol

Considérant que M. Baio fait état de manœuvres frauduleuses l'ayant conduit à contracter et cite, parmi ces manœuvres, les violations de la loi bancaire, la rémunération du cabinet Luce, l'absence de remise de l'offre préalable, des opérations de démarchage illicite, l'absence de lecture de l'acte à l'étude du notaire, la tromperie sur la durée de l'emprunt avec la clause de " règlement des ouvertures de crédit " qui prévoit une faculté de résiliation ad nutum avec préavis de 60 jours, une tromperie sur le taux, le TEG indiqué étant faux et même usuraire, une tromperie en raison du mécanisme de taux complexe nécessitant de suivre quotidiennement le cours des monnaies alors que le cabinet Luce s'était engagé à le " conseiller " sur les meilleurs choix possibles ; le défaut d'agrément de l'ANHYP et de ses produits, la participation du notaire qui a inspiré confiance alors que son intervention n'était pas nécessaire, la nullité de cet acte, l'illégalité du crédit en multi-devises du fait de la violation de l'article L. 344-3 du Code monétaire et financier par le cabinet Luce dans ses opérations de démarchage et la spéculation sur l'évolution des monnaies, cette activité portant atteinte au crédit de la monnaie étant interdite par la directive européenne du 22 décembre 1986;

Considérant que la lecture de l'acte par le notaire résulte d'une mention authentifiée par le notaire et la signature des parties à l'acte; que rien ne montre que la confiance que la présence du notaire inspirait à M. Baio ait vicié son consentement;

Considérant, sur l'indétermination du taux d'intérêt, que l'alinéa 2 de l'article 1129 du Code civil dispose que la quotité de la chose peut être incertaine pourvu qu'elle puisse être, déterminée; que la convention litigieuse prévoyait l'ouverture de crédit en multi-devises avec un mécanisme, dit de " roll over ", comportant la fixation du taux d'intérêts en fonction de la devise choisie par les emprunteurs ; que les consorts Baio à chaque période de roll over choisie - 1, 2, 3 ou 6 mois - devaient régler les échéances d'intérêts dans la devise pour laquelle ils optaient; que le taux d'intérêt pratiqué était le taux de base ANHYP dans la devise considérée majoré de 1,50 points ; que le taux effectif global a été calculé au moment où le crédit a été consenti et a varié après en fonction d'éléments extérieurs à la banque, s'agissant du FIBOR et du BIBOR ; qu'il résulte des articles 1907 du Code civil, 4 de la loi n° 66-1010 du 28 décembre 1966 devenu l'article L. 313-2 du Code de la consommation et 2 du décret n° 85-944 du 4 septembre 1985 devenu l'article R. 313-2 du Code de la consommation que, s'agissant d'un prêt à taux d'intérêt variable, autorisé par l'article L. 312-8 du Code de la consommation, le caractère automatique de la variation du taux effectif global en fonction de la modification du taux décidée par la banque ne la dispense pas de faire figurer le taux effectif appliqué sur les relevés reçus par l'emprunteur; que le non-respect de cette règle est sanctionné par la nullité du taux conventionnel auquel doit être substitué le taux légal mais non par la nullité de la convention dans toutes ses dispositions; que la variation du taux d'intérêt en fonction de la variation de devises ne porte pas atteinte au crédit de la monnaie ; qu'il est affirmé sans démonstration que le taux d'intérêt a été usuraire;

Considérant, sur le caractère léonin des conventions, que l'article 5 relatif à la suspension du crédit ou à sa résiliation de plein droit sans préavis ni mise en demeure préalable dans des cas énumérés concernant l'inexécution par le débiteur de l'une de ses obligations contractuelles n'accordait aucun avantage excessif à la banque puisque la faculté de résiliation était offerte à chacune des parties ; que, de même la clause de réévaluation permettant un réajustement automatique des inscriptions hypothécaires en fonction des variations des courbes de change impliquait qu'il pouvait y avoir des gains ou des pertes de change mais seuls les emprunteurs choisissaient les devises ; que la clause du contrat prévoyant la possibilité de convertir en francs belges les sommes dues à la date de la résiliation du contrat, même au cas où les emprunteurs auraient opté pour une autre devise, n'entraînait qu'une conversion dans la monnaie d'origine du contrat; que l'article 19.2 du contrat sur " la survenance de circonstances nouvelles " avait pour but de garantir, à l'ANHYP un bénéfice au moins égal à celui escompté;

Considérant qu'aucune de ces clauses ne démontre que le consentement de M. Baio ait été vicié et ne pourrait entraîner la nullité de la convention ; que, selon l'article L. 132-1 du Code de la consommation les clauses abusives sont réputées non écrites, le contrat restant applicable dans ses dispositions autres que celles jugées abusives ; que M. Baio n'a jamais soutenu que le contrat ne pouvait pas subsister sans les clauses qu'il estimait abusives:

Considérant, ainsi, que la convention transactionnelle conclue entre les parties le 2 octobre 1992 doit être appliquée;

Sur les autres demandes

Considérant, sur les honoraires du cabinet Luce, que ce cabinet, intermédiaire entre les consorts Baio et la banque, est intervenu sans mandat, en violation de la loi bancaire de 1984; que le contrat est nul et le jugement à cet égard confirmé ; que le contrat étant nul, il n'y a pas lieu de statuer sur le défaut de conseil reproché par M. Baio au cabinet Luce;

Considérant, sur les honoraires du notaire, que l'acte est régulier; qu'aucune faute du notaire n'est démontrée quant au prélèvement de la commission pour le cabinet Luce; que les demandes à son encontre ne sont pas fondées;

Considérant que la société Axa Bank fait valoir que l'article 8 de la transaction du 2 octobre 1992 prévoit que " les parties s'engagent à la confidentialité sur ces accords " mais que cet engagement a été violé du fait de l'instance judiciaire, ce qui implique réparation;

Mais considérant qu'une clause de confidentialité ne saurait interdire à une partie d'agir en justice; que la demande de la banque n'est pas fondée;

Considérant qu'il est équitable de laisser à la charge des parties non condamnées aux dépens leurs frais non répétibles ; qu'il n'y a pas lieu de fixer des amendes civiles; que les dépens sont à la charge de M. et Mme Baio;

Par ces motifs, LA COUR, Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 16 novembre 2004, Reçoit la société Axa Bank en son appel, Déclare recevables les demandes de M. Baio, Dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer, Déboute M. Baio de sa demande en inscription de faux incidente, Déboute Me Ferrandes de sa demande de dommages et intérêts, Infirme le jugement sauf en ce qu'il a fixé la créance des consorts Baio dans la liquidation judiciaire de la société Luce, Rejette toutes autres demandes, Condamne M. et Mme Baio aux dépens de première instance, de l'arrêt cassé et de la présente instance d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.