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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 2 avril 2008, n° 04-11973

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Avenir Telecom (SA)

Défendeur :

Les Cuirs Saint-Denis (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cabat

Conseillers :

MM. Roche, Byk

Avoués :

SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Fanet-Serra

Avocats :

Mes Mimran, Joly

T. com. Paris, du 15 avr. 2004

15 avril 2004

Vu le jugement du 15 avril 2004 par lequel le Tribunal de commerce de Paris a, notamment :

- dit valable le contrat du 5 décembre 1997,

- constaté que celui-ci est bien un contrat d'agent commercial,

- prononcé sa résolution,

- condamné la société Avenir Telecom à payer à la société Les Cuirs Saint-Denis les sommes de 27 647,30 euro et 221 178,04 euro au titre respectivement d'indemnité de préavis et d'indemnité de cessation de mandat avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement,

- condamné la société Les Cuirs Saint-Denis à rembourser 100 591 euro la société Avenir Telecom avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement,

- condamné la société Avenir Telecom à payer à la société Les Cuirs Saint-Denis la somme de 360 293,86 euro au titre des factures impayées, avec intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2001 pour la somme de 283 562, euro et à compter du 8 janvier 2002 pour la somme de 76 731,28 euro,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement nonobstant toute voie de recours sans constitution de garantie,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires aux présentes dispositions, y compris celles fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné les parties aux dépens par moitié ;

Vu l'appel interjeté par la société Avenir Telecom et ses conclusions enregistrées le 29 janvier 2008 ;

Vu enregistrées le 5 février 2008 les conclusions présentées par la société française de réseau de vente Les Cuirs Saint-Denis ;

Sur ce

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Diafax, laquelle a pour activité la vente de lignes téléphoniques " SFR " et " Orange " par l'intermédiaire d'un réseau de revendeurs et qui reçoit directement des opérateurs les rémunérations correspondantes, a confié, par un contrat du 5 décembre 1997, conclu pour une durée indéterminée, à la société française de réseau de vente Les Cuirs Saint-Denis le mandat de proposer les abonnements téléphoniques considérés auprès d'une clientèle composée de revendeurs de téléphones GSM, de collectivités ainsi que de petites et moyennes entreprises ; que, cependant, la société Avenir Telecom qui avait absorbé la société Diafax le 6 août 1999, a cessé, au début de l'année 2001, de verser les commissions réclamées par la société Les Cuirs De Saint-Denis ; qu'aucun règlement n'étant intervenu malgré différentes mises en demeure, outre une action en référé en date du 8 janvier 2002, la société française de réseau de vente Les Cuirs Saint-Denis a, par acte du 15 octobre 2002, assigné la société Avenir Telecom devant le Tribunal de commerce de Paris, d'une part, en paiement d'un arriéré de commissions s'élevant à 360 767 euro ainsi que d'indemnités compensatrices de préavis et de cessation de contrat, d'autre part, aux fins de résiliation judiciaire de l'engagement souscrit; que la société Avenir Telecom a reconventionnellement sollicité la résolution du mandat aux torts exclusifs du mandataire et la condamnation de la demanderesse au versement de la somme de 218 553,62 euro " au titre de la répétition de l'indu " ; que c'est dans ces conditions de fait et de droit qu'est intervenu le jugement susvisé présentement déféré ;

Sur la demande formée par l'appelante aux fins de " nullité " du jugement entrepris

Considérant que si la société Avenir Telecom excipe, tout d'abord, de la prétendue " nullité " dudit jugement faute d'avoir été signé par le président de la formation ainsi que par le juge rapporteur et si l'article 456 du Code de procédure civile dispose " le jugement est signé par le président et par le secrétaire. En cas d'empêchement du président mention en est faite sur la minute qui est signée par l'un des juges qui en ont délibéré ", la copie du jugement versée aux débats mentionne expressément que la minute de la décision a été signée par le président du délibéré et le greffier ; que l'appelant n'apporte aucun élément de nature à mettre en cause ces énonciations, lesquelles font foi jusqu'à inscription de faux ;

Au fond

Sur la validité du contrat conclu le 5 décembre 1997

Considérant que si l'appelante soutient que " ce document qui se voudrait pourtant essentiel n'est pas paraphé par les parties, n'est pas formellement daté et surtout est signé par Diafax à deux reprises tant en qualité de mandant qu'en qualité d'agent commercial - son tampon commercial est apposé pour chacun des cocontractants " et si elle en conclut que " ce document ne permet pas de remplir les conditions nécessaires à sa validité comme fondement des prétentions actuelles " de la société française de réseau de vente Cuirs Saint-Denis, il échet de relever que ce contrat porte effectivement la signature et le tampon de la société Diafax et, en bas, à la rubrique spécialement réservée à l'agent, le tampon de l'intimée ainsi que la signature de sa gérante statutaire ; que ce contrat, qui mentionne ainsi sans ambiguïté aucune la qualité de chaque partie, s'est exécuté sans incident entre décembre 1997 et septembre 2000 et les commissions conventionnellement prévues ont été régulièrement versées et perçues, établissant ainsi la réalité concrète et effective de l'engagement au travers de son exécution même ; qu'enfin la fusion-absorption de la société Diafax par la société Avenir Telecom, laquelle a eu pour effet obligé de transmettre à la société absorbante la totalité des actifs et passifs de la société absorbée, n'imposait nullement la conclusion d'un quelconque avenant de régularisation compte tenu de la poursuite par les parties de leurs relations contractuelles jusqu'en 2001, poursuite valant nécessairement acceptation par le cessionnaire de l'engagement considéré ;

Sur la qualification juridique du contrat litigieux

Considérant que si la société Avenir Telecom conteste la nature même de contrat d'agence commerciale donné à l'engagement en cause et si elle fait valoir à cette fin que l'intimée n'était pas immatriculée au registre spécial des agents commerciaux et que son objet social était sans aucun rapport avec l'activité exercée par la société Diafax, il sera rappelé que la validité d'un contrat d'agence commerciale ne peut être subordonnée à la formalité de police que constitue l'immatriculation au registre spécial des agents commerciaux, formalité, au demeurant, effectuée le 13 juillet 2000, ou au fait que ce n'est que le 22 mai 2000 que le nouvel objet social de la société française de réseau de vente Les Cuirs Saint-Denis qui, jusqu'alors, était simplement, " la vente, réparation, fabrication de chaussures et accessoires " est devenu " commerce sous toutes ses formes y compris en qualité d'agent commercial " ; qu'en revanche si le contrat du 5 décembre 1997 fait lui-même expressément référence, en son article 1er à la loi du 25 juin 1991 relatif aux agents commerciaux il sera souligné que l'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont entendu donner à leur convention mais des conditions concrètes dans lesquelles l'activité est effectivement exercée ; qu'il appartient, ainsi, au juge de rechercher si l'agent concerné exerce sa mission de manière indépendante et s'il a le pouvoir, si ce n'est de conclure, tout au moins de négocier, c'est-à-dire de discuter et d'arrêter les conditions d'un éventuel contrat ; qu'en l'espèce la société française de réseau de vente Les Cuirs Saint-Denis se bornait à proposer aux clients potentiels les formules d'abonnements offertes par la société Diafax pour le compte des opérateurs téléphoniques sans pour autant disposer d'un quelconque pouvoir de négocier un seul aspect des produits ainsi présentés et, notamment, leur conditions tarifaires ; que, par suite, le contrat en cause ne peut être qualifié d'agence commerciale mais sera considéré comme une simple convention d'apport d'affaires ;

Sur la résiliation du contrat et les demandes indemnitaires présentées de ce chef par la société française de réseau de vente Les Cuirs Saint-Denis

Considérant que s'il est constant que la société Avenir Telecom a cessé, à compter du mois de septembre 2000, de verser à l'intimée les commissions qu'elle lui allouait en fonction du nombre d'abonnements souscrits et s'il y a lieu, ainsi que lui demande cette dernière, de prononcer, à compter du 15 avril 2004 et de ce fait même, la résiliation de l'engagement souscrit, il ne saurait, néanmoins, être fait droit aux demandes indemnitaires formées à ce titre par l'intéressée sur le fondement des dispositions, inapplicables en l'espèce, des articles L. 134-11 et L. 134-12 du Code de commerce exclusivement afférents aux droits et devoirs des agents commerciaux ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de rechercher la réalité et l'imputabilité des reproches que se font chacune des parties, la société française de réseau de vente Les Cuirs Saint-Denis ne peut qu'être déboutée de ses demandes aux fins d'indemnité de préavis ainsi que de cessation de mandat; que, de même, si la prétention relative à " l'indemnité de remploi ", également présentée par l'intimée sera déclarée recevable car simplement " accessoire " au sens de l'article 566 du Code de procédure civile à la demande d'indemnité de cessation de mandat elle sera, cependant, écartée car relative au seul calcul d'une indemnité non due en l'espèce ainsi qu'il a été ci-dessus démontré ;

Sur l'arriéré des commissions dues à la société française de réseau de vente Les Cuirs Saint-Denis

Considérant qu'il ressort de l'examen des pièces du dossier que les factures de commissions dont la société réclame le paiement se présentent ainsi :

Facture n° 24190 du 28 février 2001 pour 322 800 F TTC, soit 49 210,54 euro TTC,

Facture n° 24191 du 30 mars 2001 pour 970 647 F TTC, soit 148 279 euro TTC,

Facture n° 24199 du 31 octobre 2001 pour 564 601 F TTC, soit 86 072,97 euro TTC,

Facture n° 24200 du 1er mars 2002 pour 73 731,28 euro TTC ;

Que, compte tenu des justificatifs les assortissant ainsi que des explications fournies, il y a lieu de condamner la société Avenir Telecom au paiement de leur montant, soit la somme globale de 360 293,86 euro, laquelle sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2001 à hauteur de 283 362,51 euro eu égard à la date de la mise en demeure adressée à la société Avenir Telecom à l'effet de régler les trois factures numérotées 24190, 24191 et 24199, et à compter du 8 janvier 2002, date de l'assignation en référé à hauteur de la montant restant de 76 731,28 euro ;

Sur le montant des " dérémunérations " sollicitées par la société Avenir Telecom

Considérant que le contrat conclu entre les parties prévoit expressément que sont exclues de la rémunération consentie à l'apporteur d'affaires les factures qui n'auront pas été réglées par le client; que si la société intimée soutient, cependant, que les ouvertures de lignes sont directement traitées par l'opérateur, le client et le distributeur final et qu'elles ne donnent lieu à aucune facturation de sa part, il n'en demeure pas moins que la rémunération de l'intéressée est directement assise sur la commercialisation de lignes téléphoniques et que, dès lors que le client résilie son abonnement et que le grossiste, la société Avenir Telecom, n'est plus rémunérée, la cause même de la commission allouée disparaît ; que, d'ailleurs, les conditions générales de vente de l'appelante prévoient clairement la dérémunération des agents et distributeurs ; que la circonstance que certains grossistes aient pu renoncer, dans le cadre de leur politique commerciale spécifique, aux clauses prévoyant les modalités de la dérémunération des distributeurs est sans influence sur la présente mise en œuvre par les parties au litige du contrat les liant ;

Que le procès-verbal de constat établi le 10 juin 2003 par Me Pessam, huissier de justice à Marseille, démontre que la société Avenir Telecom n'a pas reçu de rémunérations pour 45 467 ouvertures de lignes téléphoniques dès lors que celles-ci ont été ultérieurement résiliées dans l'année de leur ouverture ou même avant la réception du contrat par l'opérateur ; que la société française de réseau de vente Les Cuirs Saint-Denis doit, dès lors, être regardée comme ayant indûment perçu les commissionnements correspondants s'élevant à la somme de 208 069,32 euro TTC ; que, toutefois, les factures susmentionnées réclamées par l'intimée ne portant que sur une période de 26 mois s'achevant en février 2002 alors que le constat de l'huissier prend en compte la période de 41 mois allant du 1er janvier 2000 à juin 2003, il y a ainsi lieu de réduire à due proportion, soit 26/41, le montant des commissions relatives à des clients par la suite désabonnés ; que l'intimée sera, donc, condamnée à rembourser à cette dernière la somme de 208 069,32 x 26/41 131 946 euro ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il échet de confirmer le jugement en ce qu'il a dit valable le contrat du 5 décembre 1997, en ce qu'il a condamné la société Avenir Telecom à payer à la société Les Cuirs Saint-Denis la somme de 360 293,86 euro au titre des factures impayées, avec intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2001 pour la somme de 283 562 euro et à compter du 8 janvier 2002 pour la somme de 76 731,28 euro, en ce qu'il a condamné les parties aux dépens par moitié et débouté celles-ci de leurs demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile, de l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau, de dire que le contrat dont s'agit n'est pas un contrat d'agence commerciale mais d'apport d'affaires, de constater sa résiliation à la date du 15 avril 2004 et de condamner la société française de réseau de vente Les Cuirs Saint-Denis à rembourser à la société Avenir Telecom la somme de 131 946 euro, outre les intérêts à compter de la signification du jugement de première instance, les parties étant déboutées du surplus de leurs prétentions réciproques ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, confirme le jugement en ce qu'il a condamné la société Avenir Telecom à payer à la société française de réseau de vente Les Cuirs Saint-Denis la somme de 360 293,86 euro au titre des factures impayées, avec intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2001 pour la somme de 283 562 euro et à compter du 8 janvier 2002 pour la somme de 76 731,28 euro, en ce qu'il a condamné les parties aux dépens par moitié et débouté celles-ci de leurs demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile ; l'infirme pour le surplus ; et statuant à nouveau, dit que le contrat susvisé n'est pas un contrat d'agence commerciale mais d'apport d'affaires ; prononce sa résiliation à la date du 15 avril 2004 ; condamne la société française de réseau de vente Les Cuirs Saint-Denis à rembourser à la société Avenir Telecom la somme de 131 946 euro, outre les intérêts à compter de la signification du jugement de première instance ; déboute les parties du surplus de leurs demandes réciproques ; dit n'y avoir lieu, au regard de l'équité, de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties ; laisse à chaque partie la charge des dépens exposés par ses soins en appel avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause.