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Décisions

CA Paris, 1re ch. C, 22 février 1990, n° 89-8860

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Office de prévoyance pour la jeunesse du Bodenseekreis

Défendeur :

Grand

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ancel

Conseillers :

Mme Gautier, M. Brissier

Avoué :

SCP Verdun-Gastou

Avocat :

Me Hennequin

TGI Meaux, ord., du 16 mars 1987

16 mars 1987

L'Office de prévoyance pour la jeunesse du Bodenseekreis ayant son siège à Friedrichshafen (République fédéral d'Allemagne), déclarant agir en qualité de "curacteur d'office" et de représentant de l'enfant mineur Célia Schelkle-Badowsky, née le 8 septembre 1981 à Friedrichshafen, a demandé que soient déclarés exécutoires en France, conformément aux disposition de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 :

- un acte reçu le 26 février 1982 par l'inspecteur de l'Office de prévoyance pour la Jeunesse du Kreis de Friedrichshafen par lequel Dominique Pascal Grand, de nationalité française, a reconnu être le père de l'enfant, et s'est engagé à verser la pension alimentaire forfaitaire fixée selon la procédure locale, avec exécution forcée immédiate pour les montants définis à l'acte ;

- un jugement prononcé par le Tribunal d'instance d'Uberlingen, portant condamnation de N. Grand au paiement de la pension alimentaire, décision en date du 21 février 1985 ;

Aux termes d'une ordonnance du 16 mars 1987, le Président du Tribunal de grande instance de Meaux, territorialement compétent, a déclaré le jugement précité exécutoire en France, mais a refusé l'exécution de l'acte de reconnaissance de paternité du 18 mars 1982, au motif que cet acte ne constitue pas une décision soumise à exequatur au sens de l'article 31 de la Convention de Bruxelles.

L'Office de Prévoyance pour la Jeunesse a formé contre cette décision le recours prévu par l'article 40 de la Convention précitée, en invoquant les dispositions de son article 50, concernant l'exécution des actes authentiques, et en faisant valoir que cette exécution n'est pas contraire à l'ordre public et doit être ordonnée, tant pour la reconnaissance de paternité que pour l'engagement de verser des aliments.

La réassignation de M. Grand par acte du 11 août 1989 a donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal de recherches infructueuses, en l'absence de domicile ou de résidence connus, l'intéressé ayant quitté son dernier domicile sans laisser d'adresse.

LA COUR,

Considérant qu'aux termes de l'article 50 de la Convention de Bruxelles, du 27 septembre 1968, l'acte authentique reçu et exécutoire dans un Etat contractant peut être revêtu de la formule exécutoire dans un autre Etat contractant, à la seule condition de fond que cette exécution ne heurte pas l'ordre public de l'Etat requis :

Considérant qu'en vertu de l'article 1er de le convention, la disposition précitée ne peut s'appliquer qu'aux actes authentiques entrant dans son champ d'application, duquel est exclue la matière de l'état et de la capacité des personnes physiques, alors qu'y sont inclues, par l'article 5, les obligations alimentaires, même accessoires à une question d'état des personnes ;

Considérant que l'acte litigieux, qui a le caractère authentique et exécutoire dans son pays d'origine, ainsi qu'il résulte de sa production aux débats, comporte à la fois une reconnaissance de paternité qui, relative à l'état des personnes, est comme telle exclue du champ d'application de la convention, et un engagement de payer la pension alimentaire, déterminée forfaitairement selon les règles applicable, localement, engagement concernant une obligation alimentaire et donc soumis aux dispositions de la convention ;

Considérant que dans ces conditions, l'exécution de l'acte en France ne peut être accordée sur le fondement de la convention précitée que pour la reconnaissance de l'obligation alimentaire et non pour la reconnaissance de paternité ;

Considérant que l'engagement de payer une pension alimentaire selon les modalités de la procédure en vigueur en Allemagne fédérale n'est pas contraire à l'ordre public international français - dont les exigences en la matière concernent précisément des aliments dus à l'enfant - et doit, en conséquence, recevoir exécution en France ;

Considérant, en ce qui concerne la reconnaissance de paternité, que l'acte authentique reçu par un officier étranger, au sens de l'article 509 du nouveau Code de procédure civile, peut-être reconnu en France et y recevoir exécution, s'il satisfait aux conditions requises par le droit international privé français en la matière ;

Considérant que l'acte soumis à exequatur a été reçu en République fédérale d'Allemagne par l'officier public compétent selon la loi locale, dans les formes prescrites par cette loi, de sorte que l'exécution en France de cet acte, en ce qu'il comporte une reconnaissance volontaire de paternité, n'est pas contraire à la conception française de l'ordre public international ;

Par ces motifs, Statuant par défaut et réformant partiellement l'ordonnance attaquée ; Déclare exécutoire en France l'acte reçu le 26 février 1982 par l'inspecteur de l'Office de prévoyance pour la jeunesse de Kreis de Friedrichshafen (République fédérale d'Allemagne) ; Met les dépens à la charge de M. Grand et dit qu'ils seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide judiciaire.