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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 29 janvier 2008, n° 05-02969

COLMAR

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Strasbourg Evènement (SAEML)

Défendeur :

Haddad

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Hoffbeck

Conseillers :

M. Cuenot, Mme Conte

Avocats :

Me Heichelbech, Selarl Arthus Conseil

TGI Strasbourg, du 27 mai 2005

27 mai 2005

Attendu que se plaignant de ne pas avoir été admis à exposer à la Foire européenne de Strasbourg en 2003, M. Elvis Haddad négociant en cuir et fourrure sous l'enseigne Etablissements Maréchal, a assigné le 22 décembre 2003 la société Strasbourg Expo-Congrès en paiement de dommages et intérêts ;

Attendu que par jugement du 27 mai 2005, le Tribunal de grande instance de Strasbourg a condamné la SA Strasbourg Expo-Congrès à payer à M. Elvis Haddad 5 000 euro de dommages et intérêts pour rupture abusive d'une relation commerciale établie ;

Attendu que la société Strasbourg Evènement, venant aux droits de la SA Strasbourg Expo-Congrès par suite d'une fusion-acquisition, a relevé appel de ce jugement le 16 juin 2005, dans des conditions de recevabilité non contestées ;

Attendu qu'au soutien de son recours, la société Strasbourg Evènement indique essentiellement qu'elle a refusé normalement de reprendre M. Haddad comme exposant pour la foire européenne de 2003, parce qu'elle lui reprochait une fermeture irrégulière de son stand l'année précédente ;

Qu'elle estime qu'il n'y a ni rupture abusive d'une relation commerciale établie, ni attitude discriminatoire résultant d'un abus de position dominante ;

Qu'elle souligne d'ailleurs que M. Haddad ne justifie d'aucun préjudice ;

Qu'elle conclut à l'infirmation du jugement entrepris, au rejet des demandes de M. Haddad, et à sa condamnation à lui payer une compensation de 3 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que M. Elvis Haddad indique au contraire que le motif de rupture, tiré d'une absence fortuite et momentanée le 16 septembre 2002, était fallacieux, en sorte que cette rupture est constitutive d'une discrimination prohibée au résultat d'un abus de position dominante, et d'une faute réprimée par l'article L. 442-6 du Code de commerce, par interruption brutale de relations commerciales établies sans préavis suffisant ;

Qu'il indique que de 1999 à 2002, il a réalisé une moyenne de 30 000 euro de chiffre d'affaires sur la Foire européenne de Strasbourg, et que son préjudice doit être estimé à la somme de 150 000 euro ;

Qu'il se porte appelant à titre incident pour solliciter le paiement d'une indemnité de 150 000 euro, ainsi que d'une somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte des explications concordantes des parties que M. Elvis Haddad, négociant en articles de cuir et de fourrure en région parisienne, a participé comme exposant à la Foire européenne de Strasbourg de 1999 à 2002 ;

Attendu que le 16 septembre 2002, jour final de la foire, un huissier a constaté à la demande de la société organisatrice que le stand des Etablissements Maréchal était fermé à 11 heures le matin ;

Attendu que le 15 novembre 2002, la société organisatrice de cette foire a indiqué à M. Haddad qu'elle se réservait les mesures à prendre dans une telle situation ;

Que M. Haddad a expliqué qu'il s'agissait d'une absence fortuite et occasionnelle, mais que l'on voit dans un courrier du 26 mai 2003 une autre version de la part de la société organisatrice ;

Que celle-ci y prétend en effet que M. Haddad avait sollicité une autorisation d'absence, qui avait été refusée, et que celui-ci l'avait mise devant le fait accompli ;

Attendu qu'en avril 2003, M. Elvis Haddad s'est étonné de ne pas avoir reçu le dossier d'inscription pour l'exposition organisée en 2003 ;

Qu'il lui a été répondu verbalement que sa participation n'était pas admise en raison du manquement constaté en 2002 ;

Attendu que par courrier du 26 mai 2003 cette décision lui a été confirmée malgré ses protestations écrites, et qu'il lui a été expliqué qu'elle résultait également d'une perte de surface récupérée par la Ville de Strasbourg ;

Attendu que M. Elvis Haddad a tenté d'obtenir en référé l'autorisation de participer à la foire malgré le refus de la société organisatrice, mais qu'il a été débouté des fins de sa demande ;

Attendu qu'il a repris celle-ci au fond sur le double fondement précédemment mentionné, celui d'une discrimination prohibée et celui d'une rupture brutale de relations commerciales établies ;

Attendu que la cour estime que le refus de la société organisatrice n'est pas constitutif d'une discrimination prohibée, résultant d'un abus de position dominante ;

Attendu que la société organisatrice de la Foire de Strasbourg n'a évidemment pas de position dominante sur le marché français, et qu'il résulte d'un guide produit par M. Haddad que de nombreuses autres foires sont organisées en France au mois de septembre ;

Attendu qu'il n'y a pas eu non plus de discrimination de la part de la société organisatrice ;

Que celle-ci n'avait aucun intérêt établi à préférer telle ou telle candidature à celle de M. Haddad, à qui il n'a pas été demandé par exemple de sacrifice financier particulier pour être autorisé à participer à la foire de 2003 ;

Attendu qu'il n'y a pas eu non plus de brusque rupture de relations commerciales établie, susceptible d'engager la responsabilité de la société organisatrice sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce ;

Attendu qu'il n'y avait pas véritablement de relation commerciale établie, ce qui s'entend en principe d'un flux continu et permanent d'affaires, dont l'interruption trop brutale est susceptible de rendre difficile la recherche assez rapide d'un partenaire de remplacement ;

Attendu qu'il n'existait en l'espèce que des contrats à durée déterminée pour une participation annuelle d'une dizaine de jours, et que les stipulations contractuelles permettaient à l'organisateur de la foire de ne pas renouveler l'inscription sans avoir de motif particulier à donner ;

Attendu que malgré tout, il faut relever que des motifs ont bien été donnés à M. Elvis Haddad ;

Que même si l'incident de septembre 2002 était effectivement mineur, il reste que confronté à une réduction de la surface d'exposition, le choix d'éviction opéré par la société organisatrice s'est assez normalement reporté sur les exposants qui n'étaient pas à l'abri de toute critique ;

Attendu d'autre part que la notification du refus de renouveler la participation des Etablissements Maréchal à la foire exposition n'a pas été tardive et brusquement invoquée dans les jours précédents cette manifestation ;

Que M. Haddad en a été informé verbalement au mois d'avril, avec confirmation écrite à la fin du mois de mai ;

Qu'il a donc disposé de trois ou quatre mois pour rechercher une autre exposition, et que rien n'établit précisément que cela ait été impossible ;

Attendu que la société organisatrice indique que d'autres foires étaient organisées à la même époque dans d'autres villes de France ;

Attendu enfin que M. Elvis Haddad ne fournit aucun commencement de preuve d'un préjudice financier quelconque ;

Attendu qu'au total, il n'est pas possible d'imputer à la société organisatrice de la Foire de Strasbourg une brusque rupture de relations commerciales établie ;

Attendu que M. Elvis Haddad n'avait pas davantage de droit à participer aux manifestations ultérieures, auxquelles d'ailleurs il ne justifie même pas s'être porté candidat ;

Attendu donc que réformant le jugement entrepris, la cour rejette l'ensemble des demandes présentées par M. Elvis Haddad ;

Que celui-ci doit être condamné à payer à la société Strasbourg Evènement une compensation de 1 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, Reçoit l'appel de la société Strasbourg Evènement contre le jugement du 27 mai 2005 du Tribunal de grande instance de Strasbourg ; Au fond, Réforme le jugement entrepris, et statuant à nouveau, Déboute M. Elvis Haddad de l'ensemble de ses demandes; Le condamne à payer à la société Strasbourg Evènement une compensation de 1 000 euro (mille euro) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Le condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel.