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Décisions

CA Rennes, 5e ch. prud'homale, 1 avril 2008, n° 07-01875

RENNES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Foucart

Défendeur :

Distrimusic International (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Ploux

Conseillers :

Mmes Citray, Legeard

Avocats :

Mes Le Goff, Renaud

Cons. prud'h. Brest, du 7 mars 2007

7 mars 2007

Par acte du 21 mars 2007, Monsieur Foucart interjetait appel d'un jugement rendu le 7 mars 2007 par le Conseil de prud'hommes de Brest qui, dans le litige l'opposant à la société SA Distrimusic International, déclarait qu'il ne pouvait prétendre au statut de VRP, que son licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, que la clause de non-concurrence lui est inopposable et le déboutait de toutes ses autres demandes.

Monsieur Foucart fait valoir qu'il remplit toutes les conditions pour se voir reconnaître de statut de VRP et entend en tirer tous les avantages. Il conteste le caractère économique de son licenciement et demande à la cour de constater que l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement. Il réclame également le versement des congés payés à compter du 15 janvier 2002 qui ne lui auraient pas été versés. Il conclut à l'infirmation du jugement dans toutes ses dispositions, au bien-fondé de toutes ses demandes et réclame à son ancien employeur la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Distrimusic International conteste que Monsieur Foucart puisse prétendre au statut de VRP et donc à une indemnité de clientèle. S'agissant de son licenciement, elle maintient qu'il a bien une cause économique en raison des graves difficultés économiques qu'elle rencontrait. Elle sollicite la confirmation du jugement dans toutes ses dispositions et réclame au salarié la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Pour un exposé plus complet de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère au jugement déféré et aux conclusions régulièrement communiquées à l'adversaire qui ont été déposées et développées à l'audience des plaidoiries du 3 décembre 2007 puis versées dans les pièces de procédure à l'issue des débats.

Motifs de la décision

Rappel sommaire des faits :

Monsieur Foucart engagé en qualité de commercial le 15 janvier 2002 par la société Distrimusic International spécialisée dans la diffusion en gros dans les grandes surfaces commerciales de produits audiovisuels (vidéo, CD, DVD, cassettes ...) recevait par lettre du 16 novembre 2005 une proposition de modification du calcul de ses commissions pour des raisons économiques. Ayant refusé cette proposition, il était licencié par lettre du 5 décembre 2005 pour motif économique. Contestant cette décision, il saisissait le Conseil de prud'hommes de Brest qui le déboutait de toutes ses demandes.

Sur le statut de Monsieur Foucart :

Considérant que le contrat de travail de Monsieur Foucart, dont il a accepté tous les termes, indique qu'il est engagé en qualité d'attaché commercial, il lui appartient d'établir qu'en réalité il était VRP; or, il résulte des pièces versées aux débats : que Monsieur Foucart avait pour mission, avec le matériel de l'entreprise, un camion, de livrer dans les grandes et moyennes surfaces commerciales, clients de la société, les produits commandés, de les mettre en rayon dans des présentoirs fournis par Distrimusic et d'assurer immédiatement l'encaissement des marchandises déposées, de suivre et faire assurer le règlement des factures selon les tarifs imposés par la société ;

Que, lors de ses passages dans les surfaces commerciales, Monsieur Foucart n'établissait pas un bon de commande établi selon un catalogue qu'il présentait mais un bon de dépôt-vente, les commandes étant effectuées directement par le client au siège social sans intervention de l'attaché commercial ;

Qu'il encaissait immédiatement pour le compte de son employeur le prix de la vente des produits, opération qui est strictement interdite aux VRP, ce qui permet de constater qu'il s'agissait bien d'un emploi de dépositaire-revendeur chargé de ventes au laissé sur place; sur ce point le jugement sera confirmé.

Sur le licenciement :

Considérant que la société Distrimusic International justifie par la production de ses comptes et l'analyse financière de son commissaire aux comptes qu'elle rencontrait depuis 2004 d'importantes difficultés financières qui imposaient des mesures drastiques pour assurer sa pérennité :

"Les tensions de trésorerie sur l'année (2005) et la dégradation continue de la valeur ajoutée de l'entreprise m'ont amené à mettre en place des diligences complémentaires en terme de suivi de la continuité et des décisions engagées pour sa sauvegarde, diligences qui se poursuivront sur 2006"

analyse confirmée par le cabinet d'expertise comptable Gecorin qui, dès le 9 septembre 2005, mettait en garde la direction de l'entreprise et la mettait en demeure de prendre d'urgence des mesures pour remédier à une situation financière très serrée : emprunts bancaires à court terme, apports en comptes courants ;

Qu'enfin, les résultats sur le secteur confié à Monsieur Foucart, département des Côtes d'Armor et du Finistère, se sont effondrés en 2005 et 2006, diminution de plus de 40 % du chiffre d'affaire en 2005 par rapport à 2004 et de plus de 85 % en 2006, ce qui a amené la société à supprimer ce secteur largement déficitaire en juin 2006.

Considérant que, dans ces conditions, on ne saurait reprocher à la société d'avoir recherché une solution, dont celle de proposer par lettre du 6 novembre 2005 à l'ensemble du personnel commercial une modification du système des commissions destinée à réduire les charges sociales de la société.

Considérant que cette proposition, fondée sur des difficultés économiques qui entrait bien dans les prévisions de l'article L. 321-1-2 du Code du travail, ayant été refusée par Monsieur Foucart le 5 décembre 2005, la société n'avait d'autre choix que de procéder à son licenciement

Sur le reclassement :

Considérant que s'il existait, selon l'annonce publiée fin novembre 2005 dans la presse locale, des emplois disponibles de commerciaux à pourvoir, le reclassement de Monsieur Foucart dans l'entreprise ne pouvait se faire qu'aux nouvelles conditions proposées par Distrimusic International conformément au projet d'avenant n° 8 ; or, ayant refusé ces nouvelles conditions, son reclassement était impossible.

Sur les congés payés :

Considérant que l'employeur, s'agissant de la réclamation du salarié concernant de la première période du contrat de travail du 15 janvier 2002 au 30 janvier 2003, n'a formulé aucune observation et ne produit pas de document permettant de constater que les congés payés ont bien été calculés et versés conformément aux dispositions de l'article L. 223-11 du Code du travail, soit 10 % du montant des salaires versés, il sera fait droit à cette première demande d'un montant de 4 248,76 euro.

Considérant que s'agissant de la période postérieure au 30 janvier 2003 jusqu'au licenciement, la société justifie qu'à cette date un avenant au contrat de travail est intervenu entre les parties, selon lequel l'indemnité de congés payés serait incluse dans la rémunération principale, elle même calculée en fonction du montant des commissions, mais pour être valable, encore faut-il que cette nouvelle convention n'ait pas un résultat moins favorable que la stricte application des dispositions légales ;

Or, la société ne justifie pas que dans le calcul de la nouvelle rémunération, il a été tenu compte de l'augmentation légale de 10 %, les bulletins de salaire n'en font pas mention, il sera fait droit à cette seconde demande pour un montant de 16 732,86 euro.

Sur la clause de non-concurrence :

Considérant que la décision des premiers juges qui ont constaté que cette clause était nulle, faute d'avoir prévu une contrepartie financière, sera confirmée.

Considérant que les parties seront déboutées de leur demande au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et supporteront par moitié les dépens.

Par ces motifs, LA COUR : Statuant publiquement, contradictoirement, Confirme pour partie le jugement du 7 mars 2007 en ce qu'il a été jugé que Monsieur Foucart ne peut prétendre au statut des VRP et que son licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse. L'infirme pour le surplus ; Condamne la société Distrimusic International à verser à Monsieur Foucart au titre des congés payés les sommes de : 4 248,76 euro et de 16 732,86 euro ; Déboute les parties de leurs autres demandes, y compris celles présentées au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Partage les dépens par moitié.