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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 24 septembre 2008, n° 06-04420

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Valfinances (SA)

Défendeur :

Malteste, Esatys (Sté), Selarl Archibald (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cabat

Conseillers :

MM. Roche, Byk

Avoués :

SCP Baufume-Galland-Vignes, SCP Duboscq-Pellerin

Avocats :

Mes de Balmann, Meyer

T. com. Paris, du 10 févr. 2006

10 février 2006

Vu le jugement du 10 février 2006 par lequel le Tribunal de commerce de Paris a :

- prononcé la résolution du contrat de concession Rivalis conclu le 22 mai entre M. Malteste et la société Valfinances aux torts de cette dernière,

- condamné la société Valfinances à payer à M. Malteste la somme de 40 500 euro,

- débouté la société Esatys et M. Malteste de leurs demandes de dommages et intérêts,

- condamné la société Valfinances à payer à la société Esatys et à M. Malteste la somme totale de 3 000 euro en vertu des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie,

- débouté respectivement les parties de leurs demandes plus amples, autres ou contraires au présent dispositif ;

Vu l'appel interjeté par la société Valfinances et ses conclusions enregistrées le 9 juin 2008 ;

Vu, enregistrées le 11 juin 2008, les conclusions présentées par M. Malteste et la société Archibald ès qualités de liquidateur de la société Esatys ;

Sur ce,

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 22 mai 2003, la société Valfinances, laquelle avait développé au travers d'un réseau de concessionnaires à l'enseigne Rivalis, un logiciel spécifique d'aide et d'assistance à la gestion des entreprises, a signé avec M. Malteste, qui avait créé à cet effet la société Esatys Conseil, dont il était le gérant majoritaire, un contrat de concession lui conférant, pour une durée de cinq ans, le droit non-exclusif d'utiliser le progiciel Rivalis, de l'installer chez ses clients et d'effectuer toute prestation de services y afférents ; que, contestant la rentabilité du réseau et de la concession qui était la sienne, M. Malteste et la société Esatys ont, par acte du 23 septembre2004, assigné la société Valfinances devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de voir constater la nullité du contrat de concession et solliciter la restitution des sommes indûment versées en exécution du contrat, outre l'octroi de dommages-intérêts ; que c'est dans ces conditions de fait et de droit qu'est intervenu le jugement présentement déféré ;

Sur la validité du contrat de franchise

Considérant que si, en cause d'appel, M. Malteste et la société Archibald, agissant ès qualités de liquidateur de la société Esatys, soutiennent que leur consentement aurait été " vicié par le dol et l'erreur au stade précontractuel " et que " la présentation faite par l'enseigne de la rentabilité du concept et des modalités d'organisation du réseau " n'a pas permis un engagement de leur part effectué " en connaissance de cause ", il convient, tout d'abord, de rappeler que, pour prononcer la nullité de tout contrat conclu en violation à l'article L. 330-3 du Code de commerce auquel la convention litigieuse se référait, il appartient au juge de rechercher si le défaut d'information allégué a eu pour effet de vicier le consentement du cocontractant ; qu'en effet, le non-respect pas le franchiseur de son obligation d'information ne peut entrainer l'annulation du contrat pour dol, sur le fondement de l'article 1116 du Code civil, que si le comportement du franchiseur a conduit le franchisé à être abusé sur les conditions dans lesquelles il était amené à contracter; qu'en l'occurrence, et alors que M. Malteste se présente, lui-même dans ses écritures, comme ayant " développé... une activité de consultant qui l'a conduit à intervenir auprès de compagnies d'assurances et de banques " et fait état à cet effet de " son expérience et des modalités d'exercice de ses activités personnelles ", les insuffisances ponctuelles dans la documentation dont il excipe et tirées de l'inexactitude du nombre des concessionnaires du réseau, de celui des concessionnaires l'ayant quitté l'année précédente ou de celui des clients par concessions, ne peuvent être regardées, à les supposer établies, comme un élément essentiel dont la révélation eût été susceptible de conduire l'intéressé à ne pas conclure le contrat litigieux ; que, par ailleurs, si les intimés reprochent également, à la société Valfinances " une perspective de rentabilité alléchante " et ultérieurement non démarchée, ainsi que le caractère " contestable " du " potentiel de marge " prévu à l'issue des deux premières années d'exploitation, M. Malteste, en sa qualité sus rappelée de professionnel averti du commerce, se devait d'apprécier la valeur et la faisabilité des promesses de rentabilité qui lui étaient faites dans la mesure où celles-ci ne comportaient de la part du promettant aucune obligation de résultat ; qu'il échet, en tout état de cause, de rappeler que le franchiseur n'est aucunement tenu de remettre un compte d'exploitation prévisionnel au candidat à la franchise ; que, plus précisément, le seul fait qu'un écart soit effectivement apparu entre les prévisions de chiffre d'affaires telles qu'indiquées au franchiseur et les résultats concrets nés de l'exploitation poursuivie par les intimés ne saurait, en aucune façon, être démonstratif à lui seul, de l'insincérité ou du manque de crédibilité des chiffres et documents fournis par l'appelante, laquelle n'avait pas à garantir la réalisation de quelconques prévisions comptables sauf à méconnaitre directement le principe même de l'autonomie juridique et financière du commerçant indépendant qu'est tout franchisé ; que, par suite, en se bornant à contester la rapidité promise du " retour sur investissement " ou l'existence des " synergies " alléguées par la société Valfinances de même que le montant des marges annoncées, M. Malteste et la société Archibald, ès qualités, ne rapportent la preuve d'aucun dol ni d'aucune erreur de nature à justifier leur demande d'annulation de l'engagement sus mentionné les liant à l'intimée ; qu'ils ne peuvent, dès lors, qu'être déboutés de leurs prétentions tant en restitution des sommes déjà versées au titre des droits d'entrée et des frais de formation qu'en octroi de dommages-intérêts ;

Sur la demande en résiliation du contrat formé par l'appelante

Considérant qu'il est constant que M. Malteste a repris les termes d'une enquête sur les risques de la franchise, laquelle avait été publiée dans le magazine Défis de juillet/août 2004, et l'a diffusée par mail au sein du réseau ; que, surtout, il ressort de l'instruction que l'intéressé a pris l'initiative d'informer l'ensemble du réseau du différend l'opposant au concédant et a, de ce fait, transmis à tous les concessionnaires les messages virulents qu'il avait adressés à ce titre à l'appelante ; qu'un tel comportement, lequel révèle un manquement direct à l'obligation de loyauté contractuelle, celle-ci prenant un relief particulier entre les parties à un contrat de franchise, exclut toute possibilité de poursuite, dans la confiance exigée pour sa pleine mise en œuvre, de l'engagement considéré et justifie la résiliation de la convention litigieuse aux torts exclusifs des intimés et ce, à compter du 25 août 2004, date de la mise en demeure adressée à ceux-ci et restée sans effet ; qu'à ce sujet la cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour condamner M. Malteste à verser à la société Valfinances la somme de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts à la suite des actes sus rappelés de dénigrement du réseau auxquels il s'est livré ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de débouter les intimés de l'ensemble de leurs prétentions, de prononcer la résiliation à compter du 25 août 2004 du contrat de concession conclu le 23 mai 2003 aux torts exclusifs de ces derniers et de condamner M. Malteste à verser à la société Valfinances la somme de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts, le surplus des prétentions de l'appelante étant rejeté ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement en toutes ses dispositions, Et, statuant à nouveau, Déboute les intimés de l'ensemble de leurs prétentions, Prononce la résiliation à compter du 25 août 2004 du contrat de concession conclu le 23 mai 2003 aux torts exclusifs de la société Esatys et de M. Malteste, Condamne M. Malteste à verser à la société Valfinances la somme de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts, Déboute l'appelante du surplus de ses demandes, Condamne M. Malteste et la société Esatys à verser à la société Valfinances la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Les condamne également aux dépens de première instance et d'appel avec, pour ces derniers, droit de recouvrement direct au profit de la SCP Baufume-Galland-Vignes, avoués.