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Décisions

ADLC, 4 novembre 2009, n° 09-DCC-61

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative aux prises de contrôle exclusif de la mutuelle Altéis et de la mutuelle Releya par la mutuelle Prévadiès

ADLC n° 09-DCC-61

4 novembre 2009

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 5 octobre 2009, relatif à la prise de contrôle exclusif de la mutuelle Altéis par la mutuelle Prévadiès, formalisée par un traité de fusion signé le 26 juin 2009 ; Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 5 octobre 2009, relatif à la prise de contrôle exclusif de la mutuelle Releya par la mutuelle Prévadiès, formalisée par un traité de fusion signé le 26 juin 2009 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. Les mutuelles Prévadiès, Altéis et Releya sont toutes trois des mutuelles régies par les dispositions du Code de la mutualité et notamment son livre II. Elles sont principalement actives dans le domaine de la couverture des risques de dommages corporels liés aux accidents et à la maladie relevant des branches 1 et 2 (1). Prévadiès, Altéis et Releya réalisent également des opérations comportant des engagements dont l'exécution dépend de la durée de la vie humaine et relevant de la branche 20 (2). Plus marginalement, elles sont actives dans le secteur de la distribution de produits d'assurance. Prévadiès réalise, par ailleurs, des opérations de réassurance.

2. Le chiffre d'affaires total hors taxes réalisé par Prévadiès, Altéis et Releya en 2008, dernier exercice clos, s'élève respectivement à 838,3 millions d'euro, 50,1 millions d'euro et 66,2 millions d'euro.

3. En outre, les mutuelles Prévadiès, Altéis et Releya réalisent l'intégralité de leur chiffre d'affaires en France.

4. En l'absence de lien conditionnel entre l'absorption par Prévadiès de la mutuelle Altéis, d'une part, et de la mutuelle Releya, d'autre part, ces deux acquisitions constituent des opérations distinctes au regard du droit du contrôle des concentrations (3). Compte tenu de leur caractère concomitant, elles feront cependant l'objet d'une seule décision de l'Autorité de la concurrence.

5. Par ailleurs, parallèlement aux opérations notifiées mais de manière indépendante, Prévadiès va également absorber les mutuelles CPSAC Mutuelle Action (ci-après " CPSAC ") et CPSF Mutuelle Action (ci-après " CPSF "). Ces opérations ont été formalisées par deux traités de fusion signés le 26 juin 2009 et approuvées par les assemblées générales de la mutuelle absorbante et des mutuelles absorbées. CPSAC et CPSF sont deux mutuelles interprofessionnelles relevant du Livre II du Code de la mutualité. Elles sont toutes les deux actives dans le domaine de la couverture des risques de dommages corporels liés à des aléas de l'existence relevant des branches 1 et 2.

6. Compte tenu des chiffres d'affaires réalisés par la CPSAC et la CPSF en 2008 (respectivement 12,2 millions d'euro et 32 millions d'euro) et de l'absence de lien conditionnel entre chacune des quatre acquisitions réalisées par Prévadiès (3) (i.e. Altéis, Releya, CPSAC et CPSF), ces opérations ne relèvent pas des articles L.430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

7. Néanmoins, ainsi que le Conseil d'État l'a précisé, l'analyse concurrentielle des effets d'une opération s'inscrit dans un contexte global et prend en compte des éléments de nature prospective (4). En l'espèce, les effets de chacune des deux opérations notifiées doivent être appréciés en tenant compte des trois autres acquisitions projetées.

8. En ce qu'elles se traduisent par la prise de contrôle exclusif de la mutuelle Altéis et de la mutuelle Releya par Prévadiès, l'opération notifiée constitue deux concentrations au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, ces opérations ne revêtent pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils mentionnés par l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. Les présentes opérations sont donc soumises aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

9. Les mutuelles Prévadiès, Altéis et Releya sont simultanément présentes sur les marchés de produits d'assurance et, plus marginalement, sur les marchés de la distribution de produits d'assurance pour compte de tiers.

A. LES MARCHÉS DE PRODUITS D'ASSURANCE

10. La pratique décisionnelle, aussi bien communautaire que nationale (5), opère une distinction, au sein des activités d'assurance, entre les marchés de la réassurance, de l'assurance de personnes et de l'assurance dommages. De plus, il est considéré que, pour chacune de ces trois catégories, une segmentation peut être effectuée en fonction des types de risques à assurer (tel que par exemple les risques d'incendie, les risques d'accidents, les risques liés à la responsabilité civile (6)...), ces derniers n'étant pas substituables du point de vue de l'assuré.

11. Sur le marché des assurances de personnes, une segmentation supplémentaire est opérée entre les contrats d'assurance collective, conclus entre un assureur et un souscripteur distinct du bénéficiaire, et les contrats d'assurance individuelle où le souscripteur est également le bénéficiaire (7).

12. En l'espèce, les parties sont principalement actives sur le marché de l'assurance de personnes et plus particulièrement dans le domaine de l'assurance santé complémentaire individuelle et collective et, plus accessoirement, dans celui de la prévoyance individuelle et collective.

13. Par ailleurs, Prévadiès est également présente, de manière très marginale, sur les marchés de la réassurance. Cependant, la présente opération n'emporte pas de chevauchement d'activité sur ces marchés, les mutuelles cibles n'exerçant pas d'activité de réassurance.

B. LES MARCHÉS DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS D'ASSURANCE POUR COMPTE DE TIERS

14. La distribution de produits d'assurance consiste à commercialiser et assurer la gestion administrative des garanties ou contrats d'assurance dont le risque est porté par des assureurs tiers (8). Les autorités de concurrence, tant communautaire que nationale, ont laissé ouverte la question de la délimitation précise des marchés dans ce secteur, plusieurs segmentations étant envisagées (9).

15. Un marché large de la distribution des produits d'assurance par des intermédiaires indépendants, comprenant tous les canaux de distribution : agents, courtiers, et autres intermédiaires (dont les banques), à l'exception toutefois de la distribution directe par les compagnies d'assurance, a ainsi été identifié (10). A l'occasion de l'analyse de certaines opérations, il a également été envisagé l'existence d'un marché limité au courtage d'assurance, comprenant ce seul canal de distribution (11).

16. Les marchés de la distribution de produits d'assurances peuvent également être segmentés en fonction de la catégorie de risques assurés (assurance de dommages et assurance de personnes) (12) et selon la clientèle (entreprises ou particuliers). Au cas d'espèce, les activités de distribution et de gestion pour le compte de tiers des parties concernent principalement les garanties de complémentaire santé et de prévoyance.

17. En tout état de cause, en l'absence de problème concurrentiel, il n'est pas nécessaire de trancher définitivement la question de la délimitation exacte des marchés de la distribution de produits d'assurance.

C. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE DES MARCHÉS

18. Les marchés de produits d'assurance, ainsi que les marchés de la distribution de produits d'assurance pour compte de tiers, sont communément analysés au niveau national.

19. Il n'y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations à l'occasion de l'examen de la présente opération.

III. Analyse concurrentielle

A. LES MARCHÉS DE PRODUITS D'ASSURANCE

20. Sur le marché de l'assurance santé complémentaire individuelle, Prévadiès détient une part de marché de [0-5] %, alors que la part de marché de chacune des cibles, de même que celles de CPSAC et CPSF, est largement inférieure à [0-5] %. Au total, la part de marché de la nouvelle entité sera de l'ordre de [0-5] % sur le marché de l'assurance santé complémentaire individuelle. Elle sera, par ailleurs, confrontée à la concurrence exercée notamment par la MGEN (7,7 % de part de marché), Groupama (6,7 % de part de marché), ou encore Swiss Life (4 % de part de marché).

21. Sur le marché de l'assurance santé complémentaire collective, Prévadiès détient une part de marché de [0-5] %, alors que la part de marché de chacune des cibles, de même que celles de CPSAC et CPSF, est largement inférieure à [0-5]%. La part de marché de Prévadiès sera, à l'issue des présentes opérations, inférieure à [0-5] % sur le marché de l'assurance santé complémentaire collective. La nouvelle entité demeurera confrontée, sur ce marché, à la vive concurrence exercée par Axa (17,51 % de part de marché), le groupe Malakoff-Médéric (8,7 % de part de marché), ou encore l'ensemble AG2R-La Mondiale-Prémalliance (6,9 % de part de marché).

22. Dans le secteur de la prévoyance, après réalisation des opérations notifiées, Prévadiès détiendra des parts de marché extrêmement faibles, largement inférieures à [0-5] %, que ce soit sur le marché de la prévoyance individuelle, ou sur le marché de la prévoyance collective.

23. Compte tenu de ce qui précède, l'opération n'est pas susceptible d'emporter des risques d'atteinte à la concurrence tant sur les marchés de l'assurance santé complémentaire (individuelle et collective) que sur les marchés de la prévoyance (individuelle et collective).

B. LES MARCHÉS DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS D'ASSURANCE POUR COMPTE DE TIERS

24. Sur le marché de la distribution de produits d'assurance, l'addition des parts de marché de Prévadiès, d'Altéis, de Releya, de CPSAC et CPSF reste inférieure à [0-5] %. La présente opération n'est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur ce marché.

Décide

Article unique : L'opération notifiée sur le numéro 09-0081 est autorisée.

Notes :

1 Voir l'article R. 211-2 du Code de la mutualité.

2 Voir l'article précité.

3 Conformément au considérant (20) du règlement (CE) 139-2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, ainsi qu'à la section 1.5.2 de la communication consolidée sur la compétence de la Commission en vertu du règlement (CE) n° 139-2004.

4 Voir l'arrêt du Conseil d'Etat du 6 février 2004 (société Royal Philips), ainsi que l'arrêt du 13 février 2006 (société De Longhi).

5 Voir par exemple les décisions de la Commission européenne n° COMP/M.5083 - Groupama/OTP Garancia du 15 avril 2008, n° COMP/M.4047 - Aviva/Ark Life du 20 janvier 2006, n° COMP/M.3556 - Fortis/BCP du 19 janvier 2005, les décisions du ministre de l'économie n° C2007-49 du 21 août 2007 et n° C2007-118 du 27 août 2007 ainsi que l'avis du Conseil de la concurrence n° 98-A-03 du 24 février 1998 relatif à une demande d'avis de la Commission des finances du Sénat concernant la situation de la concurrence dans le secteur de l'assurance.

6 Voir notamment la décision n° COMP/M.4047 - Aviva/Ark Life précitée.

7 Voir notamment les décisions du ministre de l'économie n° C2007-49 du 21 août 2007 et n° C2008-77 du 28 octobre 2008.

8 Voir notamment la décision du ministre de l'économie n° C2008-77 précitée.

9 Voir notamment les décisions du ministre de l'économie n° C2008-47 du 5 août 2008 et n° C2006-45 du 10 août 2006.

10 Voir notamment les décisions de la Commission européenne n° COMP/M. 4284 - AXA/Winterthur du 28 août 2006 et n° COMP/M. 3395 - Sampo/IF Skadeförsäkring du 28 avril 2004.

11 Voir notamment les décisions de la Commission européenne n° COMP/M. 1280 KKR/Willis Corroon du 24 août 1998 et n° COMP/M. 1307 - Marsch & McLennan/Sedgwick du 23 octobre 1998.

12 Voir notamment la décision de la Commission européenne n° COMP/M. 3196 - Belgium CA - Agricaisse - Lanbokas/Crédit Agricole Belgique du 20 août 2003.