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Décisions

ADLC, 25 juin 2009, n° 09-A-23

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Avis

Relatif à un accord dérogatoire aux délais de paiement dans le secteur des armes et des munitions pour la chasse

ADLC n° 09-A-23

25 juin 2009

L'Autorité de la concurrence (commission permanente),

Vu la lettre du 20 mars 2009, enregistrée sous le numéro 09/0052 A par laquelle le ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi a saisi l'Autorité de la concurrence d'une demande d'avis portant sur un accord dérogatoire en matière de délais de paiement dans le secteur des armes et munitions pour la chasse ; Vu la loi 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence ; Le rapporteur, le rapporteur général adjoint et le commissaire du Gouvernement, entendus au cours de la séance du 16 juin 2009 ; Les représentants des organisations professionnelles signataires de l'accord dérogatoire entendus sur le fondement des dispositions de l'article L. 463-7 du Code de commerce ; Est d'avis de répondre à la demande présentée dans le sens des observations suivantes :

1. Le ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi a saisi, le 20 mars 2009, l'Autorité de la concurrence d'une demande d'avis portant sur un accord dérogatoire en matière de délais de paiement concernant le secteur des armes et des munitions pour la chasse, au titre de l'article 21-III, de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008.

2. Ce dernier texte a instauré un délai de paiement maximal de 45 jours fin de mois ou de 60 jours nets pour les transactions entre entreprises, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2009. L'article L. 441-6 du Code de commerce, neuvième alinéa, dans sa rédaction issue de l'article 21 de la loi de modernisation de l'économie, dispose en effet que, à compter du 1er janvier 2009, " le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d'émission de la facture ". En l'absence de convention, le délai de règlement des sommes dues est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée. Les professionnels qui ne respecteraient pas ces dispositions s'exposent aux sanctions de l'article L. 442-6-III du Code de commerce, et notamment à une amende civile.

3. Toutefois, l'article 21-III de la loi du 4 août 2008 prévoit une possibilité de dérogation temporaire. Un accord interprofessionnel permet en effet de différer l'application du délai légal de paiement dans le secteur économique concerné à la condition que des raisons économiques particulières à ce secteur justifient ce report et qu'une réduction progressive des délais pratiqués soit mise en place par cet accord pour parvenir au délai légal au plus tard le 1er janvier 2012.

4. L'accord doit être approuvé par un décret pris après avis de l'Autorité de la concurrence, qui peut prévoir son extension à l'ensemble des entreprises dont l'activité relève des organisations professionnelles signataires de l'accord.

5. La disposition législative est rédigée dans les termes suivants :

" III. Le 1° du I ne fait pas obstacle à ce que des accords interprofessionnels dans un secteur déterminé définissent un délai de paiement maximum supérieur à celui prévu au neuvième alinéa de l'article L.441-6 du Code de commerce, sous réserve :

1°) Que le dépassement du délai légal soit motivé par des raisons économiques objectives et spécifiques à ce secteur, notamment au regard des délais de paiement constatés dans le secteur en 2007 ou de la situation particulière de rotation des stocks ;

2°) Que l'accord prévoie la réduction progressive du délai dérogatoire vers le délai légal et l'application d'intérêts de retard en cas de non-respect du délai dérogatoire fixé dans l'accord ;

3°) Que l'accord soit limité dans sa durée et que celle-ci ne dépasse pas le 1er janvier 2012.

Ces accords conclus avant le 1er mars 2009, sont reconnus comme satisfaisant à ces conditions par décret pris après avis du Conseil de la concurrence.

Ce décret peut étendre le délai dérogatoire à tous les opérateurs dont l'activité relève des organisations professionnelles signataires de l'accord ".

I. Le cadre économique et juridique des accords dérogatoires en matière de délais de paiement

6. Le crédit que les entreprises s'accordent dans leurs échanges commerciaux, communément dénommé délais de paiement, recouvre des enjeux économiques et concurrentiels.

a) Le contexte économique

7. Le crédit commercial interentreprises représente, selon les données de la centrale des bilans de la Banque de France pour l'année 2005, un montant de 604 milliards d'euro pour l'ensemble de l'économie, qui est à rapprocher de l'encours de 133 milliards d'euro pour le crédit bancaire à court terme.

8. Au plan international, les comparaisons effectuées par la Banque de France pour 6 pays (Allemagne, France, Espagne, Italie, Japon et Etats Unis), montrent que la France est, après l'Italie, le pays ayant les règlements les plus tardifs, avec une tendance longue à l'augmentation du poids des dettes fournisseurs dans le total des bilans des entreprises.

9. Les délais de paiement importants accordés aux clients pèsent sur la trésorerie des entreprises, lorsqu'ils ne sont que partiellement compensés par les délais obtenus des fournisseurs. Le besoin de financement ainsi créé par l'exploitation est couvert par l'endettement bancaire, direct (crédits de trésorerie) ou indirect (mobilisation des créances commerciales et affacturage), ce qui pose deux problèmes aux entreprises.

10. En premier lieu, le volume de financement et son coût dépendent de la taille de l'entreprise et de la perception de son secteur d'activité par la banque : autant de critères peu favorables d'une façon générale aux PME et aux entreprises en position de sous-traitance.

11. En second lieu, les ressources mobilisées le sont aux dépens du financement de la croissance de l'activité, de l'innovation et de l'investissement. Une telle situation est préjudiciable au développement de l'entreprise, mais aussi à la pérennité et à la vitalité du tissu industriel de PME, dès lors que le phénomène est généralisé à un secteur d'activité.

12. Les délais excessifs représentent, en conséquence, un risque économique et financier pour le partenaire le plus faible, la filière concernée, voire l'économie locale.

13. L'importance du crédit interentreprises accroît les risques de défaillances en cascade d'entreprises, le défaut de paiement se propageant aux entreprises de la filière ainsi qu'aux autres fournisseurs, avec leurs conséquences économiques et sociales à l'échelle d'une localité ou d'une région.

b) L'enjeu concurrentiel

14. Parallèlement, les délais de paiement représentent un avantage financier pour l'acheteur, qui n'a pas à payer comptant, et viennent réduire le prix de revient effectif de ses achats.

15. Les délais de paiement affectent ainsi les conditions de concurrence. Les délais obtenus de ses fournisseurs par une entreprise et sa capacité à obtenir leur allongement ont un impact direct sur sa compétitivité par rapport à ses concurrents sur le marché, en lui procurant une trésorerie gratuite pour financer son exploitation et son développement.

16. A côté d'autres éléments, comme par exemple le prix unitaire, la politique de remises, le volume acheté, la durée du contrat ou l'achalandage, les délais de paiement doivent être appréciés comme un des éléments de la relation commerciale entre entreprises, qui doit résulter du libre jeu de la concurrence dans le respect des prescriptions légales qui s'imposent aux acteurs économiques.

17. Il est ainsi dans la logique de la concurrence entre les formes de distribution que chacune se distingue quant à certains éléments constitutifs de la relation commerciale.

c) L'extension des accords dérogatoires à l'ensemble des entreprises d'un secteur

18. Un accord dérogatoire a pour effet de donner aux entreprises concernées la possibilité d'obtenir, dans leurs relations avec leurs fournisseurs, des délais de paiement plus favorables que le délai légal de 60 jours nets, pendant la durée de la validité de l'accord. Les entreprises couvertes par l'accord dérogatoire bénéficient ainsi d'un avantage.

19. Une distorsion de concurrence pourrait résulter de ce qu'un accord ne s'applique pas à l'ensemble des entreprises placées dans une situation comparable quant à l'exercice de leur activité.

20. Ce risque potentiel pour le jeu de la concurrence est pris en compte par l'article 21-III de la loi du 4 août 2008, qui ouvre la possibilité pour le décret validant un accord interprofessionnel conclu dans un secteur déterminé " d'étendre le délai dérogatoire à tous les opérateurs dont l'activité relève des organisations professionnelles signataires de l'accord ".

21. L'extension par décret d'un accord dérogatoire a ainsi pour effet pratique d'appliquer le dispositif de cet accord à la totalité des entreprises relevant des organisations professionnelles signataires, que ces entreprises soient adhérentes ou non à l'une de ces organisations.

22. A titre général, l'Autorité de la concurrence considère donc que l'extension est souhaitable pour toutes les demandes d'accord dérogatoire en matière de délais de paiement.

23. Ce principe posé, plusieurs questions peuvent être soulevées au regard de l'objectif d'assurer la plus grande neutralité possible des accords dérogatoires au regard de la concurrence.

24. En premier lieu, le champ retenu par le décret d'extension devra être traité. Les accords déjà conclus donnent en effet lieu à des demandes d'adhésion de la part d'organisations professionnelles qui n'étaient pas parties aux négociations. Il semble peu conciliable avec le jeu de la concurrence de laisser aux seules organisations signataires de l'accord initial la décision d'accepter ou de refuser ces nouvelles demandes, sans qu'ait lieu un contrôle minimal de la part du pouvoir réglementaire.

25. L'Autorité recommande en ce sens au ministre de préciser le champ d'application de l'extension dans le décret, afin de faciliter l'application et le contrôle des règles en matière de délais de paiement et du pouvoir réglementaire.

26. L'autre question concerne le cas des entreprises présentes sur différents secteurs ou activités, dont une activité, sans constituer l'activité principale, est couverte par un accord dérogatoire existant. Cette situation concerne les cas de figure distincts de la grande distribution généraliste et des industriels multi-activités.

27. Premier cas de figure, la grande distribution généraliste (hypermarchés et supermarchés) est en concurrence, au moins sur une partie de l'offre, avec les distributeurs spécialisés. Elle pourrait ainsi souhaiter bénéficier des accords dérogatoires en matière de délais de paiement conclus par des distributeurs spécialisés avec leurs fournisseurs.

28. Pour se prononcer sur ce point, l'Autorité procèdera, dans chaque cas d'espèce, à une analyse et à une comparaison des caractéristiques de l'offre commerciale de chaque circuit de distribution.

29. Toutefois, deux remarques générales peuvent être avancées. D'une part, les délais de paiement ne constituent qu'un élément parmi d'autres définissant la relation commerciale entre un acheteur et son fournisseur. Comme il a déjà été dit, il est dans la logique de la concurrence entre les différentes formes de distribution que chacune se singularise sur tel ou tel élément de la relation commerciale.

30. D'autre part, le droit de la concurrence reconnaît que les conditions et les modalités de concurrence entre les opérateurs n'ont pas à être identiques, dans la mesure où les différenciations relèvent de considérations objectives.

31. Le second cas de figure porte sur les fournisseurs présents, non pas à titre principal mais pour une partie moins importante de leur activité, dans un secteur couvert par un accord dérogatoire.

32. Dans cette hypothèse, l'accord dérogatoire peut créer une distorsion de concurrence entre les fournisseurs relevant des organisations signataires, qui pourront appliquer des délais plus longs jusqu'à fin 2011, et ceux non couverts par l'accord, qui sont face à l'alternative de se placer dans l'illégalité ou de risquer de perdre un client si celui-ci leur demande d'appliquer le délai dérogatoire.

33. Ces risques de distorsion, qui n'appellent pas de réponse évidente à la lecture des dispositions législatives précitées, devront être traités au cas par cas, en gardant à l'esprit qu'ils n'auront qu'une durée limitée, compte tenu de la portée seulement transitoire des accords dérogatoires.

II. L'accord dérogatoire présenté

a) Organisations professionnelles signataires

34. L'accord dérogatoire concernant le secteur des armes et munitions pour la chasse a été conclu entre les deux organisations professionnelles suivantes :

* La Chambre syndicale nationale des fabricants et distributeurs d'armes, munitions, équipements et accessoires pour la chasse et le tir sportif (SNAFAM), est le seul syndicat représentant les artisans armuriers, les distributeurs-importateurs et les fabricants d'armes, de munitions et d'équipements de chasse. Ses adhérents regroupent 80 % des entreprises exerçant une de ces activités, dont les principales sociétés (Verney-Carron, Manufrance et Nobel Sport) ;

* La Chambre syndicale nationale des armuriers (CSNA) représente la profession des magasins d'armurerie de détail. Le CSNA estime que ses membres représentent près de 70 % du chiffre d'affaires généré par les armuriers détaillants.

b) Le périmètre de l'accord dérogatoire

35. L'accord dérogatoire concerne la vente des seuls articles de chasse (armes, munitions et équipements de chasse) en magasins spécialisés, et pour les seuls délais de paiement des commandes dites de saison, c'est-à-dire en préparation de la période légale d'ouverture de la chasse.

36. En revanche, le marché du tir sportif ne relève pas de l'accord. Dans le cas de commandes d'articles pour le tir, l'armurier s'approvisionne en fonction de chaque client et en dehors du cadre des commandes de saison qui sont les seules visées par cet accord dérogatoire.

37. Les commandes de saison sont définies comme correspondant à la nécessité de prise de commandes groupées et de livraisons anticipées aux magasins armuriers au 1er semestre pour des ventes réalisées chez l'armurier au cours du 2e semestre.

38. L'accord stipule à son point 4.4 qu'il s'applique " à tous les niveaux d'échanges commerciaux aussi bien entre fournisseurs, que clients/fournisseurs, et clients. " En effet, un fabricant peut être amené à vendre ses produits à un autre fournisseur chargé de les distribuer. Ce cas de figure peut être transposé à des relations entre clients, car des armuriers détaillants fabriquent des cartouches qui sont destinées à être vendues par d'autres armuriers. Les chiffres fournis par les organisations professionnelles tiennent compte de ces relations commerciales.

c) L'activité concernée par l'accord

39. Le chiffre d'affaires annuel de la vente au détail des armes, munitions et équipements de chasse est estimé par les organisations signataires à 350 millions d'euro HT.

40. Selon les organisations professionnelles, les ventes des armuriers sont constituées à hauteur de près de 90 % par les armes, les munitions et les équipements de chasse. Certains d'entre eux distribuent également des articles d'archerie, de tir ou d'autodéfense.

41. Les armes représenteraient 50 % du chiffre d'affaires du secteur et les munitions 20 %. Elles se définissent par des spécificités qui ne permettent pas une utilisation à d'autres fins que celles de la chasse.

42. Le marché tel que défini dans l'accord comprend également les équipements de chasse (lunettes de tir, vestes de chasse, étuis, cartouchières), qui viennent compléter les achats d'armes et de munitions. La saisonnalité des équipements de chasse est identique à celle des armes et munitions, puisqu'ils sont intégrés aux commandes de saison d'armes et de munitions. Ils font également partie de l'accord afin de ne pas multiplier les livraisons et facturations et ainsi générer des frais supplémentaires.

43. Les équipements de chasse sont spécifiques à cette activité et ils se caractérisent par des aspects et une conception adaptés aux chasseurs. Lorsqu'un client recherche un produit non spécifique à la chasse (par exemple des chaussures), il s'oriente généralement vers une grande surface de sport, dont les prix sont inférieurs à ceux que peuvent offrir les magasins de chasse indépendants.

44. Les magasins détaillants de ce secteur sont spécialisés dans la vente d'articles de chasse et leur clientèle est composée en grande majorité de chasseurs. Sur un total de 450 armuriers détaillants, environ 60 % d'entre eux seraient constitués de structures unipersonnelles. Ces entreprises sont constituées dans leur grande majorité de commerçants indépendants.

45. La société Décathlon est la seule enseigne de la grande distribution à commercialiser des munitions et des équipements de chasse. Cette enseigne ne s'approvisionne que de manière exceptionnelle pour des commandes de saison auprès des adhérents du SNAFAM.

46. Par ailleurs, il ressort de l'instruction de l'accord dérogatoire relatif aux articles de sport que les articles de chasse en sont exclus.

47. Le circuit de distribution des articles de chasse possède donc des caractéristiques d'offre commerciale qui lui sont propres. Il est également soumis à des obligations particulières en termes de sécurité, qui font que ces magasins ne peuvent pas être assimilés à d'autres.

48. Les armuriers relevant de l'accord dérogatoire sont ceux qui distribuent des armes et des munitions de 5e et 7e catégories telles que définies à l'article L. 2331-1 du Code de la défense. Ils doivent être déclarés en tant qu'armuriers auprès de la préfecture et relèvent de textes spécifiques au regard de la dangerosité des articles distribués.

III. L'analyse concurrentielle

49. La reconnaissance par décret d'un accord dérogatoire est soumise à une double condition.

50. En premier lieu, le secteur concerné doit présenter une ou plusieurs raisons économiques objectives et spécifiques, celles-ci pouvant notamment expliquer des niveaux élevés de délais de paiement et de stocks constatés en 2007 dans cette activité.

51. En second lieu, l'accord doit mettre en place une réduction progressive des délais de paiement dérogatoires afin de parvenir au délai légal de 45 jours fin de mois ou 60 jours nets date de facturation, au plus tard le 1er janvier 2012.

52. En complément de ces critères posés par l'article 21-III de la loi du 4 août 2008, l'accord dérogatoire ne doit pas comporter de clauses contraires aux règles de concurrence. L'exercice du contrôle sur ce point va de soi, dès lors que le législateur a prévu l'avis de l'Autorité de la concurrence préalablement à l'adoption du décret validant un accord.

53. Ces différentes questions seront abordées successivement.

a) Le niveau des stocks et des délais de paiement de l'activité en 2007

54. Les organisations signataires ont communiqué des données à caractère succinct relatives aux niveaux des délais de paiement et des stocks dans leur activité à l'appui de leur accord dérogatoire, sans en préciser le mode de calcul ou la source de référence. Sollicitées afin de fournir des précisions sur les chiffres avancés, les organisations signataires ont indiqué qu'elles ne disposaient pas de données économiques autres que celles mentionnées dans l'accord.

55. Les parties évaluent leurs délais de paiement actuels de 60 à 220 jours, cette pratique de délais de paiement longs répondant à plusieurs raisons.

56. La saisonnalité de l'activité chasse impose que les commandes soient faites entre janvier et juin, avec des règlements aux mois d'octobre et novembre. Parallèlement, la grande variété des chargements de cartouches de chasse dans chaque programme de marque oblige les fabricants et les distributeurs d'armes et de munitions à produire et à stocker pendant le premier trimestre, très en amont de leurs ventes.

57. Concernant le niveau des stocks, la profession estime le taux de rotation des stocks d'armes, de munitions et d'équipements de chasse à 200 jours en moyenne.

58. Les détaillants disposent de 500 à 6 000 références selon la taille du magasin et le degré de spécialisation dans le secteur de la chasse. Par ailleurs, un article, qui n'est pas vendu lors d'une saison de chasse peut rester en stock jusqu'à la saison suivante.

59. Les distributeurs spécialisés dans le secteur de la chasse doivent en effet proposer une offre suffisamment étendue tout au long de l'année et constituer des stocks susceptibles de répondre à la demande saisonnière d'une partie des produits proposés. Leur dépendance à l'égard du crédit fournisseur est donc significative.

60. L'observatoire des délais de paiement de la Banque de France ne dispose de résultats détaillés pour l'activité en cause qu'au stade de la fabrication des armes et munitions (compte NAF 25.40Z) et ceux-ci sont calculés à partir d'un échantillon de 15 fabricants. A titre d'indication des pratiques de l'activité en matière de règlement, le crédit accordé par ces fabricants à leurs distributeurs et acheteurs directs peut être retenu. Il fait apparaître un délai moyen égal à 84 jours en 2007, pour des valeurs extrêmes variant de 58,5 jours (1er quartile) à 112,3 jours (3ème quartile). Ces résultats sont compatibles avec les informations transmises par la profession.

61. L'activité de vente d'armes et de munitions destinées à la chasse répond donc au critère de délais de paiement élevés, qui est susceptible au regard de l'article 21-III de la loi du 4 août 2008 de justifier un accord dérogatoire.

b) L'existence de raisons économiques spécifiques au secteur

62. Les organisations signataires font état de deux raisons propres à leur activité pour justifier leur demande de dérogation : d'une part, la saisonnalité de l'activité, et d'autre part, les difficultés d'adapter rapidement les capacités de stockage tant pour les magasins que pour les fabricants.

63. Le secteur de la chasse se caractérise par une forte saisonnalité de l'activité résultant de l'existence de deux périodes précises, étant donné que les périodes durant lesquelles la chasse est autorisée sont fixées par la loi. De plus, la pratique de la chasse se déroule essentiellement de septembre à décembre.

64. La saisonnalité de l'activité génère donc des commandes dites de saison, qui correspondent à la préparation de la saison de la chasse. Durant le 1er semestre, l'armurier commande des articles de chasse, avec une échéance pouvant aller jusqu'à 180 jours selon la date de livraison, qui ne seront effectivement vendus qu'au cours du 2ème semestre.

65. Les organisations professionnelles estiment que les commandes de saison représentaient 44 % du chiffre d'affaires du secteur pour l'année 2008 et 46 % pour l'année 2007.

66. La saisonnalité de l'activité de chasse a plusieurs conséquences :

- sur l'activité des magasins armuriers : les magasins rencontrent des difficultés récurrentes pour obtenir des facilités de trésorerie auprès des établissements financiers. Les commandes de saison, avec le crédit fournisseur associé, permettaient jusqu'à maintenant aux magasins de mieux supporter l'achalandage progressif pour la préparation de la saison de chasse et d'alléger les frais de logistique ;

- pour les fabricants ou importateurs-distributeurs : la diminution des délais de paiement pour les commandes de saison va engendrer une plus grande prudence dans les achats prévisionnels de leurs clients armuriers. Les commerciaux devront se déplacer plus fréquemment et la programmation des mises en fabrication ou des approvisionnements chez les importateurs seront rendus plus aléatoires.

67. Selon les représentants du secteur, la modification des flux commerciaux a des conséquences importantes en termes d'investissement supplémentaire et de réorganisation, s'agissant d'un domaine d'activité dont l'exercice est soumis à un encadrement réglementaire très strict.

68. La modification de la fréquence et du volume des commandes par les détaillants obligera les fabricants et les importateurs à revoir leurs autorisations administratives pour la mise en marché et l'importation des armes et munitions, ainsi qu'à adapter les conditions de stockage (par exemple, les fabricants et les importateurs de munitions sont soumis à la réglementation " Seveso 2 " lorsque leur stock de cartouches est supérieur à 4 millions d'unités).

69. Pour les magasins, les capacités de stockage nécessaires à l'entreposage des armes, des munitions et des équipements de chasse devront être augmentées. Ces aménagements soulèvent des difficultés pratiques tenant à la sécurisation des lieux de stockage et représentent un investissement important pour des entreprises principalement implantées dans les centres-villes.

70. En conséquence, le secteur a besoin d'un délai de transition pour s'adapter aux nouvelles règles de délais de paiement et envisage d'utiliser en totalité la période d'adaptation ouverte par la loi jusqu'au 1er janvier 2012, afin de mettre en œuvre une dégressivité des délais de paiement.

IV. Les engagements pris dans le cadre de l'accord dérogatoire

71. Les engagements pris par les signataires s'appliquent exclusivement au secteur des armes, munitions et équipement de chasse.

a) Le calendrier de réduction des délais de paiement convenu par les parties

72. L'article 21-III de la loi du 4 août 2008 demande la mise en place par l'accord interprofessionnel d'une réduction progressive des délais de paiement dérogatoires, afin de parvenir au délai légal de 45 jours fin de mois ou de 60 jours nets au plus tard le 1er janvier 2012.

Les organisations professionnelles se sont engagées sur le calendrier ci-dessous, qui distingue les commandes selon trois périodes dans l'année :

<emplacement tableau>

73. Les organisations professionnelles ont précisé que la date de la facturation est retenue comme point de départ du délai dans le cadre de cet accord.

74. Les commandes de saison sont limitées à la période du 1er semestre. Le plafond légal de paiement s'applique déjà pour les commandes (dites " normales ") réalisées au second semestre.

75. Pour les commandes de saison, l'accord distingue deux cas : les commandes effectuées entre janvier et mars et celles effectuées entre avril et juin.

76. Dans la première hypothèse, les entreprises ne prévoient d'appliquer le plafond légal de paiement qu'au 1er janvier 2012. De janvier à mars, l'échéancier correspond en effet à une période pour laquelle la vente des produits est très éloignée de la prise de commande.

77. Pour les commandes prises entre avril et juin, les délais dérogatoires sont inférieurs et le délai légal appliqué dès 2011, car ces délais de paiement sont déjà plus courts que ceux de la première période.

78. Cette distinction entre deux délais dérogatoires dans le calendrier introduit une complexité, mais elle permet l'application plus rapide des dispositions de la loi pour la part des livraisons effectuées entre avril et juin. Dans les deux cas, l'exigence de progressivité dans la réduction des délais de paiement est respectée, avec une baisse annuelle de 30 jours des délais de paiement dérogatoires.

79. L'accord précise que ces délais dérogatoires ne font pas obstacle à la possibilité pour les opérateurs de prévoir des délais de paiement plus courts.

b) Les distorsions de concurrence éventuelles inhérentes au périmètre de l'accord dérogatoire

80. Le présent accord comporte deux points (4.3 et 4.5) définissant son périmètre, qui suscitent des réserves quant à leur rédaction.

81. Le point 4.3 exclut les groupements d'armuriers du bénéfice de l'accord. Ces groupements sont définis comme des " structures mandataires de paiement " pour le compte de leurs adhérents armuriers détaillants. Les flux de marchandises (commandes et livraisons) restent établis directement entre le fabricant ou importateur et l'armurier, mais celui-ci règle ses achats au groupement. Le fournisseur ne connaît donc pas les conditions de règlement du groupement par l'armurier, et ce dernier celles pratiquées entre le groupement et le fournisseur.

82. Toutefois, l'accord prévoit que si le groupement exerce conjointement une activité commerciale propre, sous la forme d'une centrale d'achats grossiste, auprès de ses adhérents, et qu'il est membre du SNAFAM, il peut alors bénéficier de l'accord dérogatoire.

83. Cette clause 4.3 est contestée par le groupement Unifrance (coopérative d'armuriers indépendants), qui s'estime ainsi écarté de l'accord. Les organisations signataires justifient cette exclusion des groupements d'achats par l'absence de relations commerciales entre le fournisseur et le groupement d'achat concerné, ce qui ne permettrait pas à l'accord de s'appliquer.

84. L'activité d'Unifrance peut être considérée comme celle d'une centrale de référencement au profit de ses adhérents armuriers. Ceux-ci à la lecture du site internet du groupement représenteraient environ un quart des points de vente d'armes-munitions français. Il semble donc difficile, d'une part d'écarter le risque d'un effet anticoncurrentiel d'une telle disposition de l'accord, et d'autre part, de considérer que Unifrance n'aurait aucune activité commerciale de quelque forme que ce soit. La disposition 4.4 de l'accord dérogatoire peut aussi être rappelée, car elle prévoit l'application des délais dérogatoires " à tous les niveaux d'échanges commerciaux " dans la filière.

85. Le point 4.5 réserve le bénéfice de l'accord aux membres de chacune des organisations signataires. Les signataires n'ont pas sollicité l'extension de l'accord dérogatoire à l'ensemble des opérateurs de leur secteur d'activité. Interrogées sur ce point au cours de la séance les parties signataires ont indiqué qu'elles ne s'opposaient pas à une extension de l'accord aux opérateurs non membres de leur organisation et qu'elles s'engageaient à supprimer cet article. L'article 21-III de la loi du 4 août 2008 prévoit, que le décret validant l'accord peut étendre le délai dérogatoire à tous les opérateurs, dont l'activité relève des organisations professionnelles signataires de l'accord.

86. L'Autorité de la concurrence considère que si les accords sont validés par le pouvoir réglementaire, ils doivent être étendus à tous les acteurs non adhérents aux syndicats signataires, afin de ne pas créer des distorsions de concurrence entre opérateurs concurrents en raison de leur appartenance à une organisation professionnelle.

87. S'agissant des grandes surfaces spécialisées, les conditions d'exercice de l'activité apparaissent différentes de celles des distributeurs spécialisés. Dans le cas des grandes surfaces, on ne retrouve pas les caractéristiques propres aux commerçants spécialisés que sont les détaillants armuriers puisque notamment, elles ne vendent pas d'armes mais seulement des équipements de chasse. Au sein du secteur représenté par le CSNA et le SNAFAM, les spécificités économiques tenant à la diversité de l'offre, au nombre de références en magasin, aux conseils apportés pour l'emploi des produits et la clientèle principale visée, constituent un modèle économique distinct qui n'est pas celui des grandes surfaces.

88. Dans ces conditions, il n'y a pas de raisons économiques objectives et spécifiques permettant d'envisager l'extension de l'accord dérogatoire à la distribution des produits de chasse dans les grandes surfaces.

c) Les dispositions prévues à l'article 5 de l'accord

89. L'article 5 de l'accord détaille les sanctions légales encourues en cas de non respect des délais dérogatoires et du délai légal au terme de la période dérogatoire. L'Autorité estime que cet article n'a pas sa place dans un accord fixant les délais de paiement entre entreprises dérogeant au délai légal. La suppression de cet article est recommandée.

90. Cet article stipule qu'" il est en effet considéré comme étant abusif le fait de soumettre un partenaire à des conditions de règlement qui ne respectent pas le plafond fixé (45 jours fin de mois ou 60 jours nets) et s'écartent au détriment du créancier du délai indiqué supplétif de 30 jours. " " Il est également considéré comme abusif le fait, pour le débiteur, de demander au créancier de différer la date d'émission de facture ".

91. Interrogées en séance sur ce point, les parties se sont engagées à supprimer cet article.

CONCLUSION

L'Autorité de la concurrence émet un avis favorable à la validation de l'accord amendé le 29 mai 2009, comme satisfaisant aux conditions posées par la loi, et propose son extension aux opérateurs placés dans une situation comparable quant à l'exercice de leur activité, sous les deux réserves suivantes :

- la suppression des articles 4.3 et 5 de l'accord ;

- et la suppression de toute condition d'appartenance aux organisations signataires (point 4.5) afin de ne pas faire obstacle à l'extension de l'accord.

Délibéré sur le rapport oral de M. Philippe Sauze et l'intervention de M. Pierre Debrock, rapporteur général adjoint, par Mme Françoise Aubert, vice-présidente, présidente de séance, Mmes Anne Perrot et Élisabeth Flüry-Hérard, vice-présidentes.