ADLC, 26 juin 2009, n° 09-A-39
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Avis
Relatif à un accord dérogatoire aux délais de paiement dans le secteur des bois ronds façonnés et des bois sur pied vendus à la mesure
L'Autorité de la concurrence (commission permanente),
Vu la lettre du 17 mars 2009, enregistrée sous le numéro 09/0049 A, par laquelle le ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi a saisi l'Autorité de la concurrence d'une demande d'avis portant sur un accord dérogatoire en matière de délais de paiement dans le secteur des bois ronds façonnés et des bois sur pied vendus à la mesure ; Vu la loi 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence ;
Le rapporteur, le rapporteur général adjoint et le commissaire du Gouvernement entendus au cours de la séance du 23 juin 2009 ; Les représentants des organisations professionnelles signataires de l'accord dérogatoire entendus sur le fondement des dispositions de l'article L. 463-7 du Code de commerce.
Est d'avis de répondre à la demande présentée dans le sens des observations suivantes :
1. Le ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi a saisi, le 17 mars 2009, l'Autorité de la concurrence d'une demande d'avis portant sur un accord dérogatoire en matière de délais de paiement concernant le secteur des bois ronds façonnés et des bois sur pied vendus à la mesure au titre de l'article 21-III, de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008.
2. Ce dernier texte a instauré un délai de paiement maximal de 45 jours fin de mois ou de 60 jours nets pour les transactions entre entreprises, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2009. L'article L. 441-6 du Code de commerce, neuvième alinéa, dans sa rédaction issue de l'article 21 de la loi de modernisation de l'économie, dispose en effet que, à compter du 1er janvier 2009, " le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d'émission de la facture ". En l'absence de convention, le délai de règlement des sommes dues est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée. Les professionnels qui ne respecteraient pas ces dispositions s'exposent aux sanctions de l'article L. 442-6-III du Code de commerce, et notamment à une amende civile.
3. Toutefois, l'article 21-III de la loi du 4 août 2008 prévoit une possibilité de dérogation temporaire. Un accord interprofessionnel permet en effet de différer l'application du délai légal de paiement dans le secteur économique concerné à la condition que des raisons économiques particulières à ce secteur justifient ce report et qu'une réduction progressive des délais pratiqués soit mise en place par cet accord pour parvenir au délai légal au plus tard le 1er janvier 2012.
4. L'accord doit être approuvé par un décret pris après avis de l'Autorité de la concurrence, qui peut prévoir son extension à l'ensemble des entreprises dont l'activité relève des organisations professionnelles signataires de l'accord.
5. La disposition législative est rédigée dans les termes suivants :
" III. Le 1° du I ne fait pas obstacle à ce que des accords interprofessionnels dans un secteur déterminé définissent un délai de paiement maximum supérieur à celui prévu au neuvième alinéa de l'article L.441-6 du Code de commerce, sous réserve :
1°) Que le dépassement du délai légal soit motivé par des raisons économiques objectives et spécifiques à ce secteur, notamment au regard des délais de paiement constatés dans le secteur en 2007 ou de la situation particulière de rotation des stocks ;
2°) Que l'accord prévoie la réduction progressive du délai dérogatoire vers le délai légal et l'application d'intérêts de retard en cas de non-respect du délai dérogatoire fixé dans l'accord ;
3°) Que l'accord soit limité dans sa durée et que celle-ci ne dépasse pas le 1er janvier 2012.
Ces accords conclus avant le 1er mars 2009, sont reconnus comme satisfaisant à ces conditions par décret pris après avis du Conseil de la concurrence.
Ce décret peut étendre le délai dérogatoire à tous les opérateurs dont l'activité relève des organisations professionnelles signataires de l'accord ".
I. Le cadre économique et juridique des accords dérogatoires en matière de délais de paiement
6. Le crédit que les entreprises s'accordent dans leurs échanges commerciaux, communément dénommé délais de paiement, recouvre des enjeux économiques et concurrentiels.
a) Le contexte économique
7. Le crédit commercial interentreprises représente, selon les données de la centrale des bilans de la Banque de France pour l'année 2005, un montant de 604 milliards d'euro pour l'ensemble de l'économie, qui est à rapprocher de l'encours de 133 milliards d'euro pour le crédit bancaire à court terme.
8. Au plan international, les comparaisons effectuées par la Banque de France pour 6 pays (Allemagne, France, Espagne, Italie, Japon et Etats-Unis), montrent que la France est, après l'Italie, le pays ayant les règlements les plus tardifs, avec une tendance longue à l'augmentation du poids des dettes fournisseurs dans le total des bilans des entreprises.
9. Les délais de paiement importants accordés aux clients pèsent sur la trésorerie des entreprises, lorsqu'ils ne sont que partiellement compensés par les délais obtenus des fournisseurs. Le besoin de financement ainsi créé par l'exploitation est couvert par l'endettement bancaire, direct (crédits de trésorerie) ou indirect (mobilisation des créances commerciales et affacturage), ce qui pose deux problèmes aux entreprises.
10. En premier lieu, le volume de financement et son coût dépendent de la taille de l'entreprise et de la perception de son secteur d'activité par la banque : autant de critères peu favorables d'une façon générale aux PME et aux entreprises en position de sous-traitance.
11. En second lieu, les ressources mobilisées le sont aux dépens du financement de la croissance de l'activité, de l'innovation et de l'investissement. Une telle situation est préjudiciable au développement de l'entreprise, mais aussi à la pérennité et à la vitalité du tissu industriel de PME, dès lors que le phénomène est généralisé à un secteur d'activité.
12. Les délais excessifs représentent, en conséquence, un risque économique et financier pour le partenaire le plus faible, la filière concernée, voire l'économie locale.
13. L'importance du crédit interentreprises accroît les risques de défaillances en cascade d'entreprises, le défaut de paiement se propageant aux entreprises de la filière ainsi qu'aux autres fournisseurs, avec leurs conséquences économiques et sociales à l'échelle d'une localité ou d'une région.
b) L'enjeu concurrentiel
14. Parallèlement, les délais de paiement représentent un avantage financier pour l'acheteur, qui n'a pas à payer comptant, et viennent réduire le prix de revient effectif de ses achats.
15. Les délais de paiement affectent ainsi les conditions de concurrence. Les délais obtenus de ses fournisseurs par une entreprise et sa capacité à obtenir leur allongement ont un impact direct sur sa compétitivité par rapport à ses concurrents sur le marché, en lui procurant une trésorerie gratuite pour financer son exploitation et son développement.
16. A côté d'autres éléments, comme par exemple le prix unitaire, la politique de remises, le volume acheté, la durée du contrat ou l'achalandage, les délais de paiement doivent être appréciés comme un des éléments de la relation commerciale entre entreprises, qui doit résulter du libre jeu de la concurrence dans le respect des prescriptions légales qui s'imposent aux acteurs économiques.
17. Il est ainsi dans la logique de la concurrence entre les formes de distribution que chacune se distingue quant à certains éléments constitutifs de la relation commerciale.
c) L'extension des accords dérogatoires à l'ensemble des entreprises d'un secteur
18. Un accord dérogatoire a pour effet de donner aux entreprises concernées la possibilité d'obtenir, dans leurs relations avec leurs fournisseurs, des délais de paiement plus favorables que le délai légal de 60 jours nets, pendant la durée de la validité de l'accord. Les entreprises couvertes par l'accord dérogatoire bénéficient ainsi d'un avantage.
19. Une distorsion de concurrence pourrait résulter de ce qu'un accord ne s'applique pas à l'ensemble des entreprises placées dans une situation comparable quant à l'exercice de leur activité.
20. Ce risque potentiel pour le jeu de la concurrence est pris en compte par l'article 21-III de la loi du 4 août 2008, qui ouvre la possibilité pour le décret validant un accord interprofessionnel conclu dans un secteur déterminé " d'étendre le délai dérogatoire à tous les opérateurs dont l'activité relève des organisations professionnelles signataires de l'accord ".
21. L'extension par décret d'un accord dérogatoire a ainsi pour effet pratique d'appliquer le dispositif de cet accord à la totalité des entreprises relevant des organisations professionnelles signataires, que ces entreprises soient adhérentes ou non à l'une de ces organisations.
22. A titre général, l'Autorité de la concurrence considère donc que l'extension est souhaitable pour toutes les demandes d'accord dérogatoire en matière de délais de paiement.
23. Ce principe posé, plusieurs questions peuvent être soulevées au regard de l'objectif d'assurer la plus grande neutralité possible des accords dérogatoires au regard de la concurrence.
24. En premier lieu, le champ retenu par le décret d'extension devra être traité. Les accords déjà conclus donnent en effet lieu à des demandes d'adhésion de la part d'organisations professionnelles qui n'étaient pas parties aux négociations. Il semble peu conciliable avec le jeu de la concurrence de laisser aux seules organisations signataires de l'accord initial la décision d'accepter ou de refuser ces nouvelles demandes, sans qu'ait lieu un contrôle minimal de la part du pouvoir réglementaire.
25. L'Autorité recommande en ce sens au ministre de préciser le champ d'application de l'extension dans le décret, afin de faciliter l'application et le contrôle des règles en matière de délais de paiement et du pouvoir réglementaire.
26. L'autre question concerne le cas des entreprises présentes sur différents secteurs ou activités, dont une activité, sans constituer l'activité principale, est couverte par un accord dérogatoire existant. Cette situation concerne les cas de figure distincts de la grande distribution généraliste et des industriels multi-activités.
27. Premier cas de figure, la grande distribution généraliste (hypermarchés et supermarchés) est en concurrence, au moins sur une partie de l'offre, avec les distributeurs spécialisés. Elle pourrait ainsi souhaiter bénéficier des accords dérogatoires en matière de délais de paiement conclus par des distributeurs spécialisés avec leurs fournisseurs.
28. Pour se prononcer sur ce point, l'Autorité procèdera, dans chaque cas d'espèce, à une analyse et à une comparaison des caractéristiques de l'offre commerciale de chaque circuit de distribution.
29. Toutefois, deux remarques générales peuvent être avancées. D'une part, les délais de paiement ne constituent qu'un élément parmi d'autres définissant la relation commerciale entre un acheteur et son fournisseur. Comme il a déjà été dit, il est dans la logique de la concurrence entre les différentes formes de distribution que chacune se singularise sur tel ou tel élément de la relation commerciale.
30. D'autre part, le droit de la concurrence reconnaît que les conditions et les modalités de concurrence entre les opérateurs n'ont pas à être identiques, dans la mesure où les différenciations relèvent de considérations objectives.
31. Le second cas de figure porte sur les fournisseurs présents, non pas à titre principal mais pour une partie moins importante de leur activité, dans un secteur couvert par un accord dérogatoire.
32. Dans cette hypothèse, l'accord dérogatoire peut créer une distorsion de concurrence entre les fournisseurs relevant des organisations signataires, qui pourront appliquer des délais plus longs jusqu'à fin 2011, et ceux non couverts par l'accord, qui sont face à l'alternative de se placer dans l'illégalité ou de risquer de perdre un client si celui-ci leur demande d'appliquer le délai dérogatoire.
33. Ces risques de distorsion, qui n'appellent pas de réponse évidente à la lecture des dispositions législatives précitées, devront être traités au cas par cas, en gardant à l'esprit qu'ils n'auront qu'une durée limitée, compte tenu de la portée seulement transitoire des accords dérogatoires.
II. Les parties et l'activité concernées par l'accord dérogatoire
a) Organisations professionnelles signataires
34. L'accord dérogatoire a été conclu entre les organisations représentatives des vendeurs de bois et celles des entreprises d'exploitation forestière et de première transformation du bois : pour les vendeurs, par l'Office National des Forêts (ONF), par Forestiers Privés de France (FPF), par la Compagnie Nationale des Ingénieurs et Experts Forestiers et Experts en Bois (CNIEFEB) et par la Société Forestière de la Caisse des Dépôts et Consignation (SFCDC) ; pour les entreprises d'exploitation forestière et de première transformation du bois, par la Fédération Nationale du Bois (FNB).
35. L'accord mentionne aussi pour les vendeurs, des organismes non signataires de l'accord du 24 février 2009, la Fédération Nationale des Communes Forestières de France (FNCofor) et l'Union Nationale de la Coopération Forestière Française (UNCFF).
36. Au cours de l'instruction, le représentant de l'ONF a confirmé (1) que la FNCofor était bien partie à l'accord, mais que la signature de son président n'avait pu être recueillie avant le dépôt officiel. Il fournit à l'appui un exemplaire de l'accord daté du 24 février revêtu du fac-similé de la seule signature de M. X , président de la FNCofor, recueillie postérieurement.
37. Il appartiendra au ministre d'apprécier si cette régularisation suffit à intégrer la FNCofor dans le périmètre des parties signataires.
38. L'UNCFF, qui a négocié l'accord, n'a pas souhaité être signataire, dans la mesure où l'intégration d'un calendrier dérogatoire des délais de paiement pour les bois issus des forêts privées n'a pas été retenue dans sa version définitive. Elle fait valoir qu'au niveau de la coopération forestière, les délais de paiement étant en moyenne à 70 jours, elle ne pouvait accepter un accord dont le calendrier démarrait à 90 jours.
Pour les vendeurs ou leurs mandataires :
L'ONF est un établissement public industriel et commercial qui assure la gestion des forêts publiques (En 2007, 4,7 Mha de forêts et espaces boisés en métropole dont 1,8 Mha de forêts domaniales et 2,9 Mha relevant du régime forestier applicable à 11 500 collectivités ; 6 Mha dans les DOM) et mobilise du bois pour la filière (6,6 Mm3 de bois en forêts domaniales, soit un chiffre d'affaires de 252 M ; 8,2 Mm3 en forêts des collectivités, soit 264 M) ;
FPF est une fédération de syndicats locaux représentant les propriétaires forestiers privés, notamment auprès des partenaires de la filière forêt bois. Elle recense 30 000 adhérents sur 3,5 millions de propriétaires forestiers privés, qui représentent 2 millions d'hectares parmi les 11,1 millions de la forêt privée. Il est fait observer que 3 millions de propriétaires possèdent moins de 4ha et que la superficie moyenne des exploitations des adhérents de la FPF est de 67 ha. En 2007, 12 millions de m3 de bois ont été commercialisés directement par les propriétaires privés ;
La CNIEFEB regroupe 118 experts forestiers titulaires et 81 experts bois. Les experts forestiers interviennent comme intermédiaires dans la commercialisation du bois. En 2007, environ 3,8 millions de m3 de bois des forêts privées ont été commercialisés par ces experts ;
La SFCDC intervient également comme intermédiaire dans la commercialisation du bois (0,8 millions de m3 en 2007) et gère le parc forestier de la CDC ;
La coopération forestière représentée par l'UCFF (non signataire de l'accord du 24 février) regroupe 96 000 adhérents et assure la gestion de 2 millions d'hectares. En 2007, 5,6 millions de m3 ont été commercialisés par l'intermédiaire des coopératives forestières. Les organismes coopératifs ont pour mission de mettre en commun les moyens matériels et humains nécessaires à la gestion de la forêt et d'améliorer les conditions d'approvisionnement du secteur de la première transformation ;
La FNCofor (non signataire de l'accord du 24 février) représente parmi 11 500 collectivités relevant du Régime forestier, les communes propriétaires de forêts relevant du régime forestier.
Pour les entreprises d'exploitation forestière et de première transformation du bois
39. La Fédération Nationale du Bois (FNB) représente 1 400 entreprises soit 85 % de la production de bois pour un chiffre d'affaires de 3 milliards d'euro HT. Ces entreprises produisent du bois pour de nombreux secteurs : traverses, parquet, palettes, bois de construction et bois de décoration. La FNB représente également les exploitants forestiers dont le métier est de commercialiser le bois acheté auprès de propriétaires publics ou privés de forêts. Deux tiers des scieries font de l'exploitation forestière. Les exploitants forestiers mobilisent le bois à des fins énergétiques ou de pâte à papier.
40. Le principal débouché des exploitants forestiers et scieries est constitué par le BTP qui représente 50 % des sorties (charpentes, ossatures, coffrage pour une utilisation directe). Les autres débouchés concernent l'emballage (palettes, caisses) et l'ameublement-aménagement-décoration (2). Ce dernier débouché ainsi que celui de la tonnellerie sont associés à des marchés de niches, orientés vers la recherche de bois de qualité.
a) Le secteur d'activité concerné par l'accord
Les activités éligibles
41. Le secteur d'activité concerné par l'accord dérogatoire est celui de la vente de bois ronds façonnés et de bois sur pied vendus à la mesure aux entreprises d'exploitation forestière et de première transformation du bois.
42. Les bois ronds façonnés recouvrent les bois vendus en bloc et façonnés et les ventes de bois façonnés à la mesure (3).
43. La vente en bloc et la vente à la mesure sont distinguées par le Code forestier, conformément au Code civil. En cas de vente en bloc, le prix est fixé pour l'ensemble du lot, l'acheteur ayant pris connaissance de son contenu. La vente est faite dès qu'il y a accord sur la chose et sur le prix. S'agissant de la vente à la mesure, le prix est déterminé par un prix unitaire appliqué à une quantité de produit réceptionnée. La vente intervient lors de la réception contradictoire.
44. Les bois façonnés et en blocs sont exploités et préparés à la diligence du vendeur, livrés en grumes de toute longueur, en billons ou en plaquettes forestières. Ils peuvent être mis à disposition sur place ou sur parc à grumes. Ils sont vendus en l'état, à charge pour l'acheteur de les enlever en totalité.
45. Les bois façonnés à la mesure sont exploités et préparés à la diligence du vendeur, livrés en grumes de toute longueur, en billons ou en plaquettes forestières, à charge pour l'acheteur d'en payer le prix après dénombrement, de les retirer et de remettre en état la coupe.
46. Les bois sur pied vendus à la mesure sont préalablement marqués, situés sur une surface de la forêt dont les limites ont été matérialisées, à charge pour l'acheteur de les exploiter, de les façonner conformément aux clauses contractuelles, d'en payer le prix après dénombrement, de les retirer et de remettre en état la coupe.
47. En 2008, pour les forêts publiques, il a été vendu par l'ONF pour 183,5 millions d'euro de bois ronds façonnés (2,7 millions de m3) et 25,2 millions d'euro de bois sur pied à la mesure (1,6 millions de m3).
48. Le champ de l'accord relatif aux produits exclut en conséquence les ventes de bois en bloc et sur pied, qui représentent en 2008, 234,4 millions d'euro (6,9 millions de m3) pour la forêt publique ainsi qu'une part prépondérante, de l'ordre de 90 à 95 % selon FPF, des 600 millions d'euro de ventes de bois issus de la forêt privée.
Éléments d'économie et de régime juridique du secteur forestier (4)
49. La forêt française représente avec 15 millions d'hectares, environ 28 % de la superficie du territoire.
50. Elle est détenue par 3,5 millions de propriétaires (ou groupements) privés, qui se partagent 12 Mha, soit 75 % de la forêt.
51. La forêt publique comprend la forêt domaniale, détenue par l'État (1,8 Mha soit 10 % de la forêt) et la forêt appartenant à d'autres collectivités publiques (11 500 dont principalement les communes), qui couvre 2,9 Mha soit 15 % des superficies forestières.
52. La valeur de la récolte de bois était en 2005 de 1 milliard d'euro dont 600 millions d'euro en forêt privée. A titre indicatif, la filière bois dans son ensemble génère environ 60 milliards d'euro par an.
53. Les propriétaires privés commercialisent 21,4 millions de m3 soit 60 % de la récolte commercialisée. La commercialisation est assurée directement par les propriétaires à raison de 56 % des ventes. Dans les autres cas, les ventes sont assurées par des intermédiaires : coopératives (26 % des ventes) ou experts (18 %).
54. Le Code forestier confère à l'ONF la mission de mettre en vente l'ensemble des bois issus des forêts publiques, qu'il s'agisse des forêts domaniales ou des communes forestières et autres collectivités territoriales, soit 40 % des bois mis en marché sur le territoire national.
55. Le Code forestier fixe les conditions légales et réglementaires des ventes de bois des forêts publiques qui relèvent du régime forestier.
56. Les règlements des ventes, arrêtés par le conseil d'administration de l'ONF, fixent les modalités de l'accès aux ventes de bois et du déroulement des ventes de bois. Ils portent donc sur toutes les étapes intervenant avant le contrat de vente. Ils s'imposent à toutes les collectivités propriétaires dont les bois sont mis en vente par l'ONF, mais aussi à tous les acheteurs de bois professionnels. Il existe un règlement par mode de vente (adjudication, appel d'offres, gré à gré).
57. Les cahiers des clauses générales des ventes de bois, arrêtés par le conseil d'administration de l'ONF, fixent les dispositions communes à tous les contrats de vente de bois issus des seules forêts publiques (notamment : modalités de paiement). Il existe un cahier pour chacun des 4 modes de mise à disposition du bois : vente en bloc et sur pied, vente sur pied et à la mesure, vente en bloc façonné et vente de bois façonné à la mesure. Les clauses générales de vente actuelles sont en vigueur depuis le 1er juillet 2008.
58. Enfin, un règlement national d'exploitation forestière constitue le cahier des charges techniques des travaux d'exploitation forestière. Il s'impose à tous les intervenants en forêts publiques pour des travaux d'exploitation et notamment aux acheteurs de bois sur pied.
59. Si ce cadre réglementaire ne lie que partiellement les propriétaires privés, il sert néanmoins de référence au secteur privé forestier.
III. L'analyse concurrentielle
60. La règle fixée par l'article 21-III, de la loi du 4 août 2008 consiste à justifier l'application temporaire de délais de paiement dérogatoires par des raisons économiques objectives et spécifiques à l'activité concernée. La loi donne comme raison possible, mais non exclusive l'existence de délais de paiement et de stocks importants constatée en 2007.
a) L'existence de délais de paiement particulièrement importants
Les ratios d'exploitation communiqués par les signataires de l'accord
61. S'agissant des délais de paiement, il convient de distinguer ceux applicables aux forêts publiques qui sont encadrés par les clauses générales de ventes de l'ONF, de ceux en vigueur pour les ventes de bois issus des forêts privées, qui ne sont pas liés par cette réglementation.
62. Dans leur accord, les parties mentionnent le délai de paiement appliqué à la forêt publique pour les seuls bois façonnés. Il s'agit du délai de 120 jours fin de mois en vigueur jusqu'au 31 décembre 2008, auquel s'est substitué à compter du 1er janvier 2009, un délai de 90 jours.
63. Les délais de paiement réglementés issus des cahiers des clauses générales (5) de ventes adoptés par l'ONF, sont déterminés par nature de bois vendus. Les clauses actuelles sont entrées en vigueur le 1er juillet 2008, mais leur application a été différée au 1er janvier 2009, s'agissant de certains délais de paiement, par la résolution du conseil d'administration de l'ONF, n°2007-10 du 28 novembre 2007. Aux termes de l'article 24-2-2 des clauses générales de vente (6), relatif aux paiements avec encaissement différé, il est prévu que " le règlement intervient dans un délai de 90 jours fin de mois ", à compter de la date de conclusion du contrat, pour les ventes de bois en bloc façonnés ou de la date du procès-verbal de dénombrement, pour le bois façonné à la mesure et les bois sur pied à la mesure. La résolution du 28 novembre 2007, dispose que " pour les contrats de vente de bois en bloc façonnés, conclus entre juillet 2008 et le 31 décembre 2008, l'échéance du paiement est maintenue à la fin du 4e mois suivant celui de la vente ".
64. Par ailleurs, quelles que soient les ventes de bois concernées, les cahiers des clauses de ventes prévoient, le paiement comptant des contrats d'un montant inférieur à 3 000 euro HT et les contrats d'un montant supérieur pour lesquels une option de paiement comptant a été effectuée par l'acheteur.
65. En conséquence, pour les ventes du bois des forêts publiques visés par l'accord, les délais de 120 jours ou 90 jours mentionnés par les parties ne retracent que très partiellement la différenciation des délais de paiement règlementaires.
66. Au cours de l'instruction, les représentants de la forêt privée ont indiqué que les ventes groupées de bois abattus et débardés, effectuées par l'intermédiaire des coopératives ou d'experts donnent lieu à des délais de paiement de 70 jours fin de mois. Les ventes directes par les propriétaires forestiers aux scieurs ou aux exploitants forestiers, font l'objet de délais de paiement très variables, allant du paiement comptant jusqu'à des délais parfois supérieurs à 90 jours. La FPF ne dispose d'aucune enquête établissant cette volatilité des délais.
67. Aucune donnée n'a été fournie concernant la rotation des stocks de bois chez les utilisateurs.
Les ratios de l'Observatoire des délais de paiement
68. Le rapport de l'Observatoire des délais de paiement (établi à partir du fichier interbancaire de la Banque de France portant sur 220 000 entreprises personnes morales) permet de mettre en perspective les chiffres mentionnés par les signataires et de disposer d'une appréciation extérieure.
69. Les moyennes nationales pour le secteur du commerce pris dans son ensemble peuvent être rappelées :
<emplacement tableau>
70. Les résultats de l'Observatoire et ceux communiqués par les signataires en matière de délais de paiement peuvent être comparés sous certaines réserves. L'Observatoire a établi pour 2007 un compte NAF 02.20Z " Exploitation forestière", à partir de 248 entreprises personnes morales du secteur, dont le champ recoupe partiellement le secteur d'activité objet de l'accord. Les données de l'accord en matière de délais de paiement ne restituent que la situation du segment des bois façonnés issus des forêts publiques, alors que la nomenclature INSEE envisage un champ plus large, ne distinguant pas l'exploitation du bois selon le propriétaire forestier et incluant outre la production de bois brut pour les industries forestières de transformation, la production de bois à des fins énergétiques et la production de bois utilisé sous une forme brute :
<emplacement tableau>
71. Sous ces réserves, le niveau moyen des délais de paiement fournisseurs du compte (63 jours) se situe en deçà des délais figurant dans l'accord, mais à un niveau proche de celui mentionné pour le règlement des ventes par les forestiers privés (60 jours le 10 ou le 15). Seul, le niveau des délais constatés pour le 3ème quartile (85 jours) est cohérent avec le délai réglementaire de 90 jours au 1er janvier 2009.
72. Le niveau des stocks calculé par l'Observatoire témoigne par ailleurs d'une rotation lente, cohérente avec les délais de paiement constatés.
73. Ce constat, qui traduit une tendance générale à des délais de règlement plus longs que ceux constatés pour l'ensemble du commerce, conduit à ne pas limiter l'appréciation de la pertinence de l'accord dérogatoire aux seules valeurs du cycle d'exploitation et à prendre aussi en considération les raisons économiques propres au secteur.
11 b) L'existence de raisons économiques objectives et spécifiques au secteur
74. Les organisations signataires de l'accord font état de la spécificité des modes de vente et du matériau bois, pour justifier de délais de paiement en vigueur, " élevés au regard des pratiques habituelles du commerce et de l'industrie ". Elles se réfèrent d'une part à la répartition irrégulière des mises en vente au cours d'une année et d'autre part à la nécessité de stocks importants chez les utilisateurs, liée à la nature du matériau.
Une spécificité des modes de vente générant une répartition irrégulière des mises en vente
75. L'accord fait référence à la répartition irrégulière des mises en vente au cours de l'année. Cette spécificité, qui affecte plus particulièrement les ventes de bois issus des forêts publiques, résulte des modes de vente en vigueur et de leur évolution récente. Elle tient également à leur saisonnalité qui est concentrée au printemps et à l'automne.
76. Jusque dans les années 1920, les vendeurs publics disposaient d'un mode de vente unique, par adjudication publique. Le Code forestier a assoupli ce régime en introduisant, à la fin des années 1960, les ventes par appels d'offre, plus souples que celles des adjudications et les ventes amiables " pour motifs impérieux d'ordre technique et commercial ", soumises à l'autorisation du ministre de l'agriculture. Au cours des années récentes, les ventes amiables ont été transformées en ventes de gré à gré, sans autorisation ministérielle. Par ailleurs sont consacrés par la loi les contrats d'approvisionnement pluriannuels (7), le principe du libre choix entre vente de gré à gré et appel à la concurrence ainsi que la vente groupée de bois issus de diverses propriétés publiques. La substitution de la notion de produit à celle de coupe favorise enfin les contrats d'approvisionnement.
77. Coexistent donc actuellement trois modes de ventes des bois des forêts publiques (appels à la concurrence, gré à gré et contrats d'approvisionnement) qui contribuent à une répartition irrégulière des mises en ventes au cours d'une année civile.
78. S'agissant des forêts privées, les modes de ventes sont moins différenciés et se répartissent entre ventes de gré à gré (40 %) et ventes groupées par l'intermédiaire des coopératives (60 %). L'observation relative à la spécificité des modes de vente vaut aussi, dans une moindre mesure, pour ce secteur.
79. Le lien de causalité entre ces modes de vente spécifiques et l'allongement des délais de paiement n'est en revanche pas établi, sinon par les délais de paiement réglementés qui s'attachent aux ventes publiques (cf. infra à propos de l'article 24-2-2 des clauses de ventes). En l'absence de délais administrés, le lien de causalité ne semble pas devoir être davantage établi pour les ventes de bois issus de la forêt privée.
Le niveau des stocks utilisateurs
80. L'accord ne fournit aucune donnée objective justifiant d'une nécessité de stocks importants chez les utilisateurs, directement liée au matériau bois.
81. Lors de l'instruction, il a été toutefois indiqué au rapporteur que les délais de mobilisation, de mise en œuvre puis d'enlèvement des bois étaient longs et qu'il s'écoulait beaucoup de temps par rapport à leur commercialisation. Le stockage des bois de feuillus en scierie (au moins un an) serait plus courant que celui des résineux.
82. En définitive, le mode de développement de la vente des bois visés par l'accord destinés à l'approvisionnement des entreprises d'exploitation forestière et de première transformation du bois semble correspondre à la spécificité économique exigée par la loi.
83. En conséquence, le secteur a besoin d'un délai de transition pour s'adapter aux nouvelles règles de délais de paiement et envisage d'utiliser en totalité la période d'adaptation ouverte par la loi du 4 août 2008, jusqu'au 1er janvier 2012, afin de mettre en œuvre une dégressivité des délais de paiement.
IV. Les engagements pris dans le cadre de l'accord dérogatoire du 24 février 2009
a) Champ d'application
84. Aucune disposition explicite concernant le champ d'application de l'accord ne figure dans le dispositif soumis à l'Autorité.
85. Le champ de l'accord relatif au produit découle seulement du titre de l'accord et devrait être précisé par référence à la nomenclature des bois vendus figurant dans les clauses générales de ventes de l'ONF.
86. Il doit aussi être indiqué que le champ couvre, d'une part, les bois vendus en bloc et façonnés, d'autre part, les bois façonnés à la mesure (dénommés " bois ronds façonnés " dans l'accord) et enfin les bois vendus sur pied à la mesure. L'exclusion des bois en bloc et sur pied qui ressort du libellé de l'accord doit être expresse.
87. Il convient d'exclure du champ de l'accord les contrats de ventes de bois visés par l'accord, d'un montant inférieur ou égal à 3 000 euro hors taxes et les contrats supérieurs à ce montant, ayant fait l'objet d'une option de paiement comptant par l'acheteur.
88. Les dispositions et constats de l'accord, plus adaptés aux ventes de bois issus des forêts publiques qu'aux conditions spécifiques d'exercice de l'activité par les opérateurs privés, traduisent le caractère restrictif d'un accord, qui exclut potentiellement 90 à 95 % des ventes de bois issus de la forêt privée.
89. La subordination de l'application de l'accord à la position de l'autorité de tutelle relative aux achats cautionnés ou présentant une garantie de paiement bancaire (cf. avertissement), vise expressément les achats auprès d'opérateurs publics. Il conviendra par la voie interministérielle d'obtenir de l'autorité de tutelle, le ministère de l'agriculture et de la pêche, l'arbitrage du champ de l'accord relativement aux garanties financières exigées des acheteurs publics. Cet arbitrage devra préciser si les achats effectués auprès d'un opérateur public au moyen d'un cautionnement ou d'une garantie sont ou non dans le champ de l'accord. Cette précision conditionne dans la négative, la viabilité de l'accord, dès lors que, selon la FNB, 95 % des achats font l'objet d'un cautionnement (100 % en cas de ventes groupées).
90. L'exclusion implicite des bois en bloc et sur pied vise les forestiers privés dont les ventes sont constituées par ce type de bois à raison de 90 à 95 % des ventes totales. En définitive ceux-ci ne sont concernés par le champ de l'accord que pour une part résiduelle de l'activité, comprise entre 5 et 10 % des ventes totales (entre 30 et 60 millions d'euro).
91. La référence dans les motifs de l'accord aux seuls délais de paiement administrés appliqués en forêt publique constitue un indice supplémentaire de la marque publique de l'accord.
92. S'agissant du calendrier de réduction des délais de paiement (cf. ci-dessous), le premier palier fixé par référence au seuil réglementaire, outre qu'il traduit un accord marqué par les caractéristiques des délais publics, est inapproprié aux délais constatés pour les ventes privées, qui se situent en deçà, s'agissant des ventes par les coopératives et d'une partie de celles réalisées par les propriétaires privés.
93. La majoration des délais fin de mois de l'échelle de réduction, par un délai technique de 15 jours, s'accorde avec la spécificité des vendeurs publics mais ne concerne pas les forestiers privés.
94. L'absence de participation du secteur coopératif à l'accord, qui intervient comme intermédiaire dans la commercialisation de 5,6 millions de m3 (24 % des ventes privées) contribue à la faible représentation du secteur privé.
95. Le défaut de participation des communes forestières et des autres collectivités publiques à l'accord limite significativement son champ d'application. La part des forêts communales est en effet majoritaire (52,6 %) au sein de la forêt publique, la forêt domaniale n'en représentant que 38,2 % et la forêt détenue par les autres collectivités publiques, 9,2 %.
96. La participation de la FNCofor à l'accord, au vu d'un document transmis par l'ONF, signé a posteriori par son président, ne semble pas devoir être validée en raison du traitement différencié de l'UNCFF qu'elle suppose. Cette position formaliste est d'autant plus justifiée que la FNCofor n'a jamais manifesté son souhait de régulariser l'accord en cours d'instruction. On observera que les autres collectivités publiques ne sont pas représentées.
97. Enfin, le périmètre de l'accord bois ne recoupe pas celui de l'accord du 9 décembre 2008 relatif à la filière des produits, bois, matériaux et services pour la construction et la décoration dans le secteur du BTP. Cet accord, dont la FNB est un des signataires, a fait l'objet d'un avis favorable de l'Autorité de la concurrence (n°09-A-06 du 19 mars 2009) et du décret n°2009-488 du 29 avril 2009 et se situe en aval du secteur visé par le présent accord.
98. En définitive, il pourra être recommandé aux parties et le cas échéant à l'administration :
* de préciser le champ de l'accord relatif aux produits en référence aux intitulés des clauses générales de ventes de l'ONF ;
* d'exclure du champ d'application, les contrats relevant d'un paiement comptant soit en raison de leur montant soit du fait d'une option de l'acheteur ;
* de solliciter l'autorité de tutelle de l'ONF, afin de préciser si les achats effectués auprès d'un opérateur public au moyen d'un cautionnement ou d'une garantie sont ou non dans le champ de l'accord ;
* d'apprécier la représentativité des propriétaires privés par la FPF ;
* d'intégrer à l'accord, sous une forme juridique adaptée (par exemple représentation es qualité par l'ONF), la FNCofor et les organismes représentatifs des autres collectivités publiques forestières.
b) Le calendrier de réduction des délais de paiement convenu par les parties
99. L'article 21-III de la loi du 4 août 2008 demande la mise en place par l'accord interprofessionnel d'une réduction progressive des délais de paiement dérogatoires, afin de parvenir au délai légal de 45 jours fin de mois ou de 60 jours nets au plus tard le 1er janvier 2012.
100. Les organisations signataires se sont engagées sur un calendrier de réduction des délais de paiement dérogatoires en quatre étapes, calculé en délais maximum fin de mois, à partir de la disponibilité des produits concernés.
101. L'accord invoque la spécificité sectorielle pour retenir la disponibilité des produits et fixer comme point de départ des délais de paiement, la date de transfert de propriété ou la facturation, selon les clauses contractuelles.
102. S'agissant des ventes en bloc, le transfert de propriété des bois au profit de l'acheteur s'effectue lors de la formation du contrat (selon le cas, prononcé de l'adjudication ou notification de l'acceptation de l'offre ou à l'échange des consentements pour les ventes de gré à gré). S'agissant des ventes à la mesure, la vente intervient lors du dénombrement contradictoire des bois, matérialisé par un procès-verbal de l'ONF.
103. Il est précisé, s'agissant des ventes de bois issus des forêts publiques, qu'aucun bois n'est mis à disposition d'un acheteur tant que ce dernier n'a pas fourni une garantie de paiement (caution bancaire en cas de paiement comptant ou billets à ordre avalisés en cas de paiement différé).
104. Dans le cas où les bois ne sont pas disponibles au jour du transfert de propriété, un délai technique est accordé en sus à l'acheteur, correspondant au temps qui lui est nécessaire pour remettre les moyens de paiement et obtenir le permis d'enlever (ou d'exploiter) la marchandise.
105. Au final, l'accord envisage deux échelles de réduction des délais de paiement fin de mois, incluant ou non ce délai technique, d'une durée forfaitaire de 15 jours :
<emplacement tableau>
106. S'agissant du point de départ du délai fin de mois, l'accord envisage avec la disponibilité du produit à la date du transfert de propriété, une alternative à la facturation. Cette alternative est incompatible avec les dispositions de la loi, qui envisage exclusivement un décompte à compter de la date d'émission de la facture.
107. Le dispositif général traduit au premier palier une absence d'effort consenti par les acheteurs de bois des forêts soumis au régime forestier, qui est au délai de 90 jours depuis le 1er juillet 2008. L'effort de 30 jours est en revanche significatif en ce qui concerne les ventes de bois en bloc façonné de la même provenance, dont le délai a été maintenu à 120 jours par la résolution de l'ONF du 28 novembre 2007. S'agissant des bois vendus par les forestiers privés, le calendrier traduit généralement une augmentation des délais par rapport à ceux constatés et se révèle inapproprié à la situation des ventes par les coopératives et d'une partie des ventes réalisées directement par les propriétaires privés. Sous ces réserves, la cadence de réduction est équilibrée sur la période avec une réduction annuelle de 15 jours et assure le respect du délai légal au 1er janvier 2012.
108. La mise en œuvre d'un délai technique supplémentaire de 15 jours pour assurer le retour des moyens de paiement, outre qu'elle n'est pas formellement prévue par le régime forestier, ne conduit pas au délai cible au 1er janvier 2012 (60 jours fin de mois au lieu de 45), diffère l'ajustement à la dernière année de la période transitoire et amplifie les constats effectués pour le dispositif général.
109. En conséquence, il sera recommandé aux signataires :
* de supprimer la date du transfert de propriété comme alternative à la date de facturation pour la fixation du point de départ des délais de paiement ;
* de prévoir un premier palier de réduction traduisant un effort plus marqué au 1er janvier 2009 pour les forestiers publics et prenant en compte la spécificité des forestiers privés ;
* de supprimer l'allongement du délai dérogatoire par un délai technique ;
* de retenir l'échéancier suivant :
<emplacement tableau>
c) Suivi de l'accord
110. L'article 7 de l'accord envisage, dans l'hypothèse où des opérateurs ne respecteraient pas ses dispositions, la possibilité pour les signataires de saisir au nom de leurs adhérents, les organismes ad hoc (DGCCRF, commission d'examen des pratiques commerciales et ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi), afin d'en assurer le respect. L'article 2 prévoit également que " les parties signataires du présent accord conviennent de se réunir au cours du deuxième semestre 2010 ".
111. Ces dispositifs organisant le suivi de l'accord peuvent être assimilés à une forme de police économique et sont de nature à favoriser le rapprochement des parties signataires, à des fins potentiellement anticoncurrentielles, sans rapport avec l'objet des réunions.
112. Pour ces motifs, il est préconisé de retirer les articles 2 et 7 de l'accord.
d) Les distorsions de concurrence éventuelles inhérentes au périmètre de l'accord dérogatoire
113. L'article 6 de l'accord, en envisageant son application aux opérateurs dont l'activité relève des organisations signataires, laisse ouvert l'opportunité d'une extension, par voie de décret ministériel pris après avis de l'Autorité de la concurrence.
114. A titre général, l'extension est souhaitable afin d'éviter des distorsions de concurrence entre des entreprises placées dans une situation comparable quant à l'exercice de leur activité mais aussi pour ne pas lier le bénéfice de l'accord à la condition d'appartenance aux organisations signataires.
115. Du côté des vendeurs, il est souhaitable, pour éviter toute distorsion de concurrence, d'étendre l'accord à l'ensemble des opérateurs relevant du régime forestier ainsi qu'aux coopératives. L'extension à la coopération forestière se justifie d'autant plus que l'accord BTP (cf. infra) auquel elle est partie, vise un secteur situé en aval de celui objet de l'accord. L'Union de la Coopération Forestière Française pourrait être invitée à rejoindre les signataires de l'accord.
116. S'agissant des entreprises d'exploitation forestière et de première transformation du bois, il est également proposé d'étendre le bénéfice de l'accord aux entreprises non adhérentes à la Fédération Nationale du Bois (FNB), relevant à titre principal de l'activité couverte par l'accord.
CONCLUSION
L'Autorité émet des réserves vis-à-vis de l'accord dérogatoire du 24 février 2009. Les réserves qu'il convient de lever concernent :
1) la précision concernant les produits relevant du champ de l'accord ;
2) l'exclusion des contrats relevant règlementairement du paiement comptant ;
3) l'arbitrage de l'autorité de tutelle en ce qui concerne les achats cautionnés ou présentant une garantie de paiement bancaire ;
4) l'intégration à l'accord de tous les acteurs relevant du régime forestier et de la coopération forestière ;
5) la prise en compte exclusive de la date de facturation comme point de départ des délais de paiement dérogatoires ;
6) la suppression de l'allongement du délai dérogatoire par un délai technique ;
7) l'adoption d'un échéancier traduisant un effort d'adaptation plus marqué en début de période transitoire et une meilleure prise en compte des délais de paiement de tous les opérateurs vendeurs.
117. Dans l'hypothèse ou ces réserves seraient levées, il est préconisé, pour les vendeurs, l'extension de l'accord aux opérateurs relevant du régime forestier et de la coopération forestière (via l'UCFF) et pour les acheteurs, l'extension aux entreprises non adhérentes à la Fédération Nationale du Bois (FNB), relevant à titre principal de l'activité couverte par l'accord.
Notes
1 Courriel au rapporteur du 11 juin.
2 Non concerné par l'accord BTP et par le présent accord.
3 Par référence à la nomenclature des bois vendus figurant dans les " clauses générales des ventes " de l'ONF.
4 Sources : ONF et FPF.
5 Quatre cahiers de clauses générales des ventes sont en vigueur : bois en bloc et sur pied, bois sur pied à la mesure, bois en bloc et façonnés, bois façonné à la mesure. Seuls les trois derniers sont concernés par l'accord.
6 Référence d'article commune à chacun des 4 cahiers.
7 Le contrat d'approvisionnement s'inscrit dans la perspective d'une relation commerciale durable destinée à sécuriser l'approvisionnement d'un industriel de transformation. Il est conclu de gré à gré avec une livraison de bois échelonnée dans le temps, sur une durée d'au moins 6 mois.
Délibéré sur le rapport oral de M. Gilles Vaury et l'intervention de M. Pierre Debrock, rapporteur général adjoint, par Mme Françoise Aubert, vice-présidente, présidente de séance, Mme Anne Perrot et M. Patrick Spilliaert, vice-présidents.