ADLC, 25 juin 2009, n° 09-A-26
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Avis
Relatif à un accord dérogatoire aux délais de paiement dans le secteur de la tonnellerie
L'Autorité de la concurrence (commission permanente),
Vu la lettre du 17 mars 2009, enregistrée sous le numéro 09/0031 A, par laquelle le ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi a saisi l'Autorité de la concurrence d'une demande d'avis portant sur un accord dérogatoire en matière de délais de paiement dans le secteur de la tonnellerie ; Vu la loi 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence ; Le rapporteur, le rapporteur général adjoint, entendus au cours de la séance du 23 juin 2009 ; Les représentants des organisations professionnelles signataires de l'accord dérogatoire entendus sur le fondement des dispositions de l'article L. 463-7 du Code de commerce. Est d'avis de répondre à la demande présentée dans le sens des observations suivantes :
1. Le ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi a saisi, le 17 mars 2009, l'Autorité de la concurrence d'une demande d'avis portant sur un accord dérogatoire en matière de délais de paiement concernant le secteur de la tonnellerie au titre de l'article 21-III, de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008.
2. Ce dernier texte a instauré un délai de paiement maximal de 45 jours fin de mois ou de 60 jours nets pour les transactions entre entreprises, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2009. L'article L. 441-6 du Code de commerce, neuvième alinéa, dans sa rédaction issue de l'article 21 de la loi de modernisation de l'économie, dispose en effet que, à compter du 1er janvier 2009, " le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d'émission de la facture ". En l'absence de convention, le délai de règlement des sommes dues est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée. Les professionnels qui ne respecteraient pas ces dispositions s'exposent aux sanctions de l'article L. 442-6-III du Code de commerce, et notamment à une amende civile.
3. Toutefois, l'article 21-III de la loi du 4 août 2008 prévoit une possibilité de dérogation temporaire. Un accord interprofessionnel permet en effet de différer l'application du délai légal de paiement dans le secteur économique concerné à la condition que des raisons économiques particulières à ce secteur justifient ce report et qu'une réduction progressive des délais pratiqués soit mise en place par cet accord pour parvenir au délai légal au plus tard le 1er janvier 2012.
4. L'accord doit être approuvé par un décret pris après avis de l'Autorité de la concurrence, qui peut prévoir son extension à l'ensemble des entreprises dont l'activité relève des organisations professionnelles signataires de l'accord.
5. La disposition législative est rédigée dans les termes suivants :
" III. Le 1° du I ne fait pas obstacle à ce que des accords interprofessionnels dans un secteur déterminé définissent un délai de paiement maximum supérieur à celui prévu au neuvième alinéa de l'article L.441-6 du Code de commerce, sous réserve :
1°) Que le dépassement du délai légal soit motivé par des raisons économiques objectives et spécifiques à ce secteur, notamment au regard des délais de paiement constatés dans le secteur en 2007 ou de la situation particulière de rotation des stocks ;
2°) Que l'accord prévoie la réduction progressive du délai dérogatoire vers le délai légal et l'application d'intérêts de retard en cas de non-respect du délai dérogatoire fixé dans l'accord ;
3°) Que l'accord soit limité dans sa durée et que celle-ci ne dépasse pas le 1er janvier 2012.
Ces accords conclus avant le 1er mars 2009, sont reconnus comme satisfaisant à ces conditions par décret pris après avis du Conseil de la concurrence.
Ce décret peut étendre le délai dérogatoire à tous les opérateurs dont l'activité relève des organisations professionnelles signataires de l'accord ".
I. Le cadre économique et juridique des accords dérogatoires en matière de délais de paiement
6. Le crédit que les entreprises s'accordent dans leurs échanges commerciaux, communément dénommé délais de paiement, recouvre des enjeux économiques et concurrentiels.
a) Le contexte économique
7. Le crédit commercial interentreprises représente, selon les données de la centrale des bilans de la Banque de France pour l'année 2005, un montant de 604 milliards d'euro pour l'ensemble de l'économie, qui est à rapprocher de l'encours de 133 milliards d'euro pour le crédit bancaire à court terme.
8. Au plan international, les comparaisons effectuées par la Banque de France pour 6 pays (Allemagne, France, Espagne, Italie, Japon et États-Unis), montrent que la France est, après l'Italie, le pays ayant les règlements les plus tardifs, avec une tendance longue à l'augmentation du poids des dettes fournisseurs dans le total des bilans des entreprises.
9. Les délais de paiement importants accordés aux clients pèsent sur la trésorerie des entreprises, lorsqu'ils ne sont que partiellement compensés par les délais obtenus des fournisseurs. Le besoin de financement ainsi créé par l'exploitation est couvert par l'endettement bancaire, direct (crédits de trésorerie) ou indirect (mobilisation des créances commerciales et affacturage), ce qui pose deux problèmes aux entreprises.
10. En premier lieu, le volume de financement et son coût dépendent de la taille de l'entreprise et de la perception de son secteur d'activité par la banque : autant de critères peu favorables d'une façon générale aux PME et aux entreprises en position de sous-traitance.
11. En second lieu, les ressources mobilisées le sont aux dépens du financement de la croissance de l'activité, de l'innovation et de l'investissement. Une telle situation est préjudiciable au développement de l'entreprise, mais aussi à la pérennité et à la vitalité du tissu industriel de PME, dès lors que le phénomène est généralisé à un secteur d'activité.
12. Les délais excessifs représentent, en conséquence, un risque économique et financier pour le partenaire le plus faible, la filière concernée, voire l'économie locale.
13. L'importance du crédit interentreprises accroît les risques de défaillances en cascade d'entreprises, le défaut de paiement se propageant aux entreprises de la filière ainsi qu'aux autres fournisseurs, avec leurs conséquences économiques et sociales à l'échelle d'une localité ou d'une région.
b) L'enjeu concurrentiel
14. Parallèlement, les délais de paiement représentent un avantage financier pour l'acheteur, qui n'a pas à payer comptant, et viennent réduire le prix de revient effectif de ses achats.
15. Les délais de paiement affectent ainsi les conditions de concurrence. Les délais obtenus de ses fournisseurs par une entreprise et sa capacité à obtenir leur allongement ont un impact direct sur sa compétitivité par rapport à ses concurrents sur le marché, en lui procurant une trésorerie gratuite pour financer son exploitation et son développement.
16. A côté d'autres éléments, comme par exemple le prix unitaire, la politique de remises, le volume acheté, la durée du contrat ou l'achalandage, les délais de paiement doivent être appréciés comme un des éléments de la relation commerciale entre entreprises, qui doit résulter du libre jeu de la concurrence dans le respect des prescriptions légales qui s'imposent aux acteurs économiques.
17. Il est ainsi dans la logique de la concurrence entre les formes de distribution que chacune se distingue quant à certains éléments constitutifs de la relation commerciale.
c) L'extension des accords dérogatoires à l'ensemble des entreprises d'un secteur
18. Un accord dérogatoire a pour effet de donner aux entreprises concernées la possibilité d'obtenir, dans leurs relations avec leurs fournisseurs, des délais de paiement plus favorables que le délai légal de 60 jours nets, pendant la durée de la validité de l'accord. Les entreprises couvertes par l'accord dérogatoire bénéficient ainsi d'un avantage.
19. Une distorsion de concurrence pourrait résulter de ce qu'un accord ne s'applique pas à l'ensemble des entreprises placées dans une situation comparable quant à l'exercice de leur activité.
20. Ce risque potentiel pour le jeu de la concurrence est pris en compte par l'article 21-III de la loi du 4 août 2008, qui ouvre la possibilité pour le décret validant un accord interprofessionnel conclu dans un secteur déterminé " d'étendre le délai dérogatoire à tous les opérateurs dont l'activité relève des organisations professionnelles signataires de l'accord ".
21. L'extension par décret d'un accord dérogatoire a ainsi pour effet pratique d'appliquer le dispositif de cet accord à la totalité des entreprises relevant des organisations professionnelles signataires, que ces entreprises soient adhérentes ou non à l'une de ces organisations.
22. A titre général, l'Autorité de la concurrence considère donc que l'extension est souhaitable pour toutes les demandes d'accord dérogatoire en matière de délais de paiement.
23. Ce principe posé, plusieurs questions peuvent être soulevées au regard de l'objectif d'assurer la plus grande neutralité possible des accords dérogatoires au regard de la concurrence.
24. En premier lieu, le champ retenu par le décret d'extension devra être traité. Les accords déjà conclus donnent en effet lieu à des demandes d'adhésion de la part d'organisations professionnelles qui n'étaient pas parties aux négociations. Il semble peu conciliable avec le jeu de la concurrence de laisser aux seules organisations signataires de l'accord initial la décision d'accepter ou de refuser ces nouvelles demandes, sans qu'ait lieu un contrôle minimal de la part du pouvoir réglementaire.
25. L'Autorité recommande en ce sens au ministre de préciser le champ d'application de l'extension dans le décret, afin de faciliter l'application et le contrôle des règles en matière de délais de paiement et du pouvoir réglementaire.
26. L'autre question concerne le cas des entreprises présentes sur différents secteurs ou activités, dont une activité, sans constituer l'activité principale, est couverte par un accord dérogatoire existant. Cette situation concerne les cas de figure distincts de la grande distribution généraliste et des industriels multi-activités.
27. Premier cas de figure, la grande distribution généraliste (hypermarchés et supermarchés) est en concurrence, au moins sur une partie de l'offre, avec les distributeurs spécialisés. Elle pourrait ainsi souhaiter bénéficier des accords dérogatoires en matière de délais de paiement conclus par des distributeurs spécialisés avec leurs fournisseurs.
28. Pour se prononcer sur ce point, l'Autorité procèdera, dans chaque cas d'espèce, à une analyse et à une comparaison des caractéristiques de l'offre commerciale de chaque circuit de distribution.
29. Toutefois, deux remarques générales peuvent être avancées. D'une part, les délais de paiement ne constituent qu'un élément parmi d'autres définissant la relation commerciale entre un acheteur et son fournisseur. Comme il a déjà été dit, il est dans la logique de la concurrence entre les différentes formes de distribution que chacune se singularise sur tel ou tel élément de la relation commerciale.
30. D'autre part, le droit de la concurrence reconnaît que les conditions et les modalités de concurrence entre les opérateurs n'ont pas à être identiques, dans la mesure où les différenciations relèvent de considérations objectives.
31. Le second cas de figure porte sur les fournisseurs présents, non pas à titre principal mais pour une partie moins importante de leur activité, dans un secteur couvert par un accord dérogatoire.
32. Dans cette hypothèse, l'accord dérogatoire peut créer une distorsion de concurrence entre les fournisseurs relevant des organisations signataires, qui pourront appliquer des délais plus longs jusqu'à fin 2011, et ceux non couverts par l'accord, qui sont face à l'alternative de se placer dans l'illégalité ou de risquer de perdre un client si celui-ci leur demande d'appliquer le délai dérogatoire.
33. Ces risques de distorsion, qui n'appellent pas de réponse évidente à la lecture des dispositions législatives précitées, devront être traités au cas par cas, en gardant à l'esprit qu'ils n'auront qu'une durée limitée, compte tenu de la portée seulement transitoire des accords dérogatoires.
II. L'accord dérogatoire présenté
a) Organisations professionnelles signataires
34. L'accord dérogatoire concernant le secteur de la tonnellerie a été conclu entre les deux organisations professionnelles suivantes :
- La Fédération Française de la Tonnellerie (FFT) qui regroupe 43 entreprises de tonnellerie, soit 95 % de l'activité de ce secteur. Les principales entreprises de la tonnellerie sont : Chêne et Compagnie (tonnelleries Taransaud et Jacques Garnier) et les groupes François Frères et Oenéo (tonnelleries Seguin Moreau et Radoux) ;
- La Fédération Nationale du Bois (FNB) représente 1 400 entreprises, soit 85 % de la production de bois pour un chiffre d'affaires de 3 milliards d'euro HT. Ces entreprises produisent du bois pour de nombreux secteurs : traverses, parquet, palettes, bois de construction et bois de décoration. La FNB représente également les exploitants forestiers dont le métier est de commercialiser le bois acheté auprès de propriétaires publics ou privés de forêts.
b) L'activité concernée par l'accord
35. Le chiffre d'affaires global du secteur de la tonnellerie était pour l'année 2007 de 333 millions d'euro dont 237 millions d'euro réalisés à l'export. Ce chiffre d'affaires représente une production de 580 000 barriques. Cette forte part de produits destinée à l'exportation s'explique par un marché du vin qui s'étend à de nombreux pays (États-Unis, Italie, Espagne, Australie et Chili). Les entreprises du secteur sont composées majoritairement de PME, une seule de ces entreprises emploie plus de 250 salariés.
36. L'activité concernée est la production de bois (chêne) pour la tonnellerie. Ces bois sont destinés exclusivement à la fabrication de tonneaux et de plots (cuves en bois de grande capacité). Les tonneaux ont pour seule finalité de servir aux producteurs de vins et spiritueux. Au niveau de la relation commerciale concernée, l'accord porte sur la vente de bois entre les scieurs et les tonneliers. Toutefois, certains tonneliers ont intégré l'activité de merranderie afin de maîtriser leur approvisionnement et achètent le bois directement à des exploitants forestiers. Le merrandier est l'ouvrier se situant entre le forestier et le tonnelier et dont le métier est de fendre le bois pour en faire du merrain (planche fendue dans une bille de bois). L'accord comprend également ce type de relations commerciales bien qu'il s'agisse de situations marginales.
37. Les achats de chêne sont réalisés directement sur pied auprès de l'Office National des Forêts (ONF) qui est le principal fournisseur de bois pour la tonnellerie en France (95 % du bois pour merrains), mais peuvent également être effectués auprès de quelques coopératives et propriétaires de forêts privées ainsi qu'auprès d'opérateurs étrangers. Les ventes des bois des forêts domaniales gérées par l'ONF se font par adjudication annuelle ou semi-annuelle. Les bois ainsi achetés sont laissés sur pied et doivent être abattus, débités en grumes et retirés par le merrandier en fonction des conditions climatiques.
38. Le chêne nécessaire à la fabrication de tonneaux est un bois de haute qualité qui ne représente qu'entre 2 et 4 % de la forêt française. Il s'agit d'un marché réduit en terme de volume mais à forte valeur pour les scieurs puisqu'il peut représenter jusqu'à 25 % de leur chiffre d'affaires.
39. Les grumes à merrains sont ensuite travaillées de manière traditionnelle, fendues selon le fil du bois afin d'éviter toute fuite de liquide, et sciées selon les dimensions caractéristiques des barriques dont elles seront l'élément constitutif.
40. La très grande majorité des merrandiers vendent leur production de merrains en " vert " c'est-à-dire non séchés.
41. Après livraison chez les tonneliers, les merrains sont triés, vérifiés et entreposés sur parc en plein air entre 18 et 36 mois (en règle générale plus de 24 mois) afin de permettre le vieillissement du bois.
42. Les merrains secs sont alors entrés en fabrication pour subir plusieurs opérations (évidage, dolage, jointage), dans le but de les transformer en douelles, et assemblés afin de constituer une barrique.
III. L'analyse de l'Autorité de la concurrence
43. La reconnaissance par décret d'un accord dérogatoire est soumise à une double condition.
44. En premier lieu, le secteur concerné doit présenter une ou plusieurs raisons économiques objectives et spécifiques, celles-ci pouvant notamment expliquer des niveaux élevés de délais de paiement et de stocks constatés en 2007 dans cette activité.
45. En second lieu, l'accord doit mettre en place une réduction progressive des délais de paiement dérogatoires afin de parvenir au délai légal de 45 jours fin de mois ou 60 jours nets date de facturation, au plus tard le 1er janvier 2012.
46. En complément de ces critères posés par l'article 21-III de la loi du 4 août 2008, l'accord dérogatoire ne doit pas comporter de clauses contraires aux règles de concurrence. L'exercice du contrôle sur ce point va de soi, dès lors que le législateur a prévu l'avis de l'Autorité de la concurrence préalablement à l'adoption du décret validant un accord.
47. Ces différentes questions seront abordées successivement.
a) Le niveau des stocks et des délais de paiement de l'activité en 2007
48. La FFT a communiqué le délai de paiement moyen pour l'année 2008 avec ses fournisseurs qui était de 91 jours pour cinq entreprises qui représentent environ 77 % de la production française.
49. Concernant le niveau des stocks dans le secteur de la tonnellerie, les entreprises sont tenues de financer en moyenne deux années de stock de matière première avant transformation. Il s'agit d'un impératif lié à l'évolution des propriétés organoleptiques du bois destiné à être au contact des vins et spiritueux. Pour certaines productions destinées au segment du haut de gamme, le stockage du bois peut durer plus de 36 mois.
50. La prise en considération de ces données permet de présumer que les délais de paiement dans le secteur de la tonnellerie sont élevés au sens de l'article 21-III de la loi du 2008.
b) L'existence de raisons économiques spécifiques au secteur
51. Les organisations signataires font état des deux caractéristiques spécifiques du secteur de la tonnellerie pour justifier la signature d'un accord dérogatoire d'une part, l'importance des exportations dans le chiffre d'affaires du secteur et d'autre part, l'obligation de financer en moyenne deux années de stock.
52. Le secteur de la tonnellerie réalise une part prépondérante de son chiffre d'affaires à l'exportation (60 à 80 % suivant les entreprises) où les délais de règlement sont nettement supérieurs à ceux pratiqués en France. La FFT a communiqué à l'Autorité le délai de paiement moyen de ses clients qui sont pour plus des deux tiers situés hors de France. Sur cinq entreprises de tonnellerie représentant 77 % de la production française, ce délai est de 106 jours.
53. L'autre argument invoqué par les signataires de l'accord est que la nature même du métier de tonnelier fait que le bois doit être conservé en moyenne pendant au moins deux ans avant de pouvoir être commercialisé. Certaines techniques permettent de réduire cette durée de stockage à 18 mois mais certains tonneliers conservent les merrains pendant plus de 36 mois avant de les transformer en tonneaux. Ce mode de production est incontournable dans le fonctionnement de cette activité et constitue une charge importante pour les entreprises de tonnellerie puisque le bois représente environ la moitié du prix d'un fût.
54. En conséquence, le secteur a besoin d'un délai de transition pour s'adapter aux nouvelles règles de délais de paiement et envisage d'utiliser en totalité la période d'adaptation ouverte par la loi jusqu'au 1er janvier 2012, afin de mettre en œuvre une dégressivité des délais de paiement.
IV. Les engagements pris dans le cadre de l'accord dérogatoire
55. Les engagements pris par les signataires s'appliquent exclusivement au secteur de la tonnellerie.
a) Le calendrier de réduction des délais de paiement convenu par les parties
56. L'article 21-III de la loi 2008 demande la mise en place par l'accord interprofessionnel d'une réduction progressive des délais de paiement dérogatoires, afin de parvenir au délai légal de 45 jours fin de mois ou de 60 jours nets au plus tard le 1er janvier 2012.
Les organisations professionnelles se sont engagées sur le calendrier suivant :
En jours fin de mois
2009 : 80
2010 : 70
2011 : 60
2012 : 45
57. Le secteur de la tonnellerie prévoit de réduire les délais de paiement de dix jours chaque année, puis de quinze la dernière année afin de se mettre en conformité avec la loi en 2012.
58. L'accord précise que ces délais ne font pas obstacle à la possibilité pour les opérateurs de prévoir des délais de paiement plus courts.
59. La progressivité et la régularité de l'effort de mise en conformité des délais de paiement du secteur avec le délai légal fixé par la loi, apparaissent dès lors effectivement réalisées.
b) Les articles 5 et 7 de l'accord suscitent des réserves rédactionnelles
60. L'article 5 a trait aux moyens de paiement entre entreprises. Il vise à promouvoir l'emploi des moyens de paiement dématérialisés par les entreprises concernées par l'accord.
61. L'objectif est certes louable, mais il n'a pas sa place dans un accord fixant des délais de paiement entre entreprises dérogeant au délai légal. Étant donné le grand nombre potentiel d'accords dérogatoires, le risque existe que se multiplie ce type de clause étrangère à l'objet strict de l'accord prévu par la loi, conduisant à créer une nouvelle source de droit dérivé. L'article 5 ne devrait donc pas trouver sa place dans l'accord proposé.
62. L'article 7, intitulé " suivi de l'accord ", prévoit que : " Si constat était fait que des opérateurs ne respectaient pas les dispositions de l'accord ou mettaient en place des procédés ou des pratiques abusives afin de ne pas appliquer, voire détourner, ces dispositions (notamment via des factures émises à l'étranger), chacune des organisations professionnelles signataires de l'accord pourrait saisir, au nom de leurs adhérents lésés, la commission d'examen des pratiques commerciales, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ainsi que les services du Ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi afin que ces derniers procèdent à une action visant à faire respecter les dispositions de l'accord ".
63. Il ne faudrait pas que cet article donne lieu à une forme de police de la profession pour faire respecter les délais de paiement de leur accord dérogatoire, dont il faut rappeler le caractère de délais maximums, les entreprises pouvant librement décider de délais plus courts pour régir leurs relations bilatérales.
64. L'existence de cet article au sein d'un accord dérogatoire n'est donc pas justifiée au regard de la bonne application des règles de concurrence. La suppression ne remet pas en cause le droit reconnu aux organisations professionnelles de saisir les organes visés par cette disposition.
65. Sollicitées sur ces points, les organisations signataires se sont formellement engagées à supprimer ces deux articles de l'accord dérogatoire.
c) Les distorsions de concurrence éventuelles inhérentes au périmètre de l'accord dérogatoire
66. L'article 21-III de la loi du 4 août 2008 prévoit que le décret validant l'accord de dérogation aux délais de paiement peut étendre le délai dérogatoire à tous les opérateurs dont l'activité relève des organisations professionnelles signataires de l'accord.
67. L'Autorité de la concurrence estime que si les accords sont validés par le pouvoir réglementaire, ils doivent évidemment être étendus à tous les acteurs non adhérents aux syndicats signataires afin de ne pas créer des distorsions de concurrence entre opérateurs concurrents en raison de leur appartenance à une organisation professionnelle.
68. La FNB et la FFT ne s'opposent pas à l'extension de l'accord aux entreprises n'adhérant pas à leur organisation.
69. L'extension est souhaitable afin d'éviter des distorsions de concurrence entre des entreprises placées dans une situation comparable quant à l'exercice de leur activité mais aussi pour ne pas lier le bénéfice de l'accord à la condition d'appartenance aux organisations signataires.
CONCLUSION
L'Autorité de la concurrence émet un avis favorable à la validation de l'accord dérogatoire du secteur de la tonnellerie et propose son extension aux opérateurs non adhérents placés dans une situation comparable quant à l'exercice de leur activité. Elle recommande la suppression des articles 5 et 7 de l'accord.
Délibéré sur le rapport oral de M. Philippe Sauze et l'intervention de M. Pierre Debrock, rapporteur général adjoint, par Mme Françoise Aubert, vice-présidente, présidente de séance, Mme Anne Perrot et M. Patrick Spilliaert, vice-présidents.