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Décisions

ADLC, 25 juin 2009, n° 09-A-27

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Avis

Relatif à un accord dérogatoire aux délais de paiement dans le secteur des compléments alimentaires

ADLC n° 09-A-27

25 juin 2009

L'Autorité de la concurrence (commission permanente),

Vu la lettre du 17 mars 2009, enregistrée sous le numéro 09/0048 A, par laquelle le ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi a saisi l'Autorité de la concurrence d'une demande d'avis portant sur un accord dérogatoire en matière de délais de paiement dans le secteur des compléments alimentaires ; Vu la loi 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence ; Le rapporteur, le rapporteur général adjoint entendus au cours de la séance du 23 juin 2009 ; Les représentants des organisations professionnelles signataires de l'accord dérogatoire entendus sur le fondement des dispositions de l'article L. 463-7 du Code de commerce ; Est d'avis de répondre à la demande présentée dans le sens des observations suivantes :

1. Le ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi a saisi, le 17 mars 2009, l'Autorité de la concurrence d'une demande d'avis portant sur un accord dérogatoire en matière de délais de paiement concernant le secteur des compléments alimentaires, sur le fondement de l'article 21, troisièmement, de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008.

2. Ce dernier texte a instauré un délai de paiement maximal de 45 jours fin de mois ou de 60 jours nets pour les transactions entre entreprises, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2009. L'article L. 441-6 du Code de commerce, neuvième alinéa, dans sa rédaction issue de l'article 21 de la loi de modernisation de l'économie, dispose en effet que, à compter du 1er janvier 2009, " le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d'émission de la facture ". En l'absence de convention, le délai de règlement des sommes dues est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée. Les professionnels qui ne respecteraient pas ces dispositions s'exposent aux sanctions de l'article L. 442-6-III du Code de commerce, et notamment à une amende civile.

3. Toutefois, le III de l'article 21 de la loi du 4 août 2008 prévoit une possibilité de dérogation temporaire. Un accord interprofessionnel permet en effet de différer l'application du délai légal de paiement dans le secteur économique concerné à la condition que des raisons économiques particulières à ce secteur justifient ce report et qu'une réduction progressive des délais pratiqués soit mise en place par cet accord pour parvenir au délai légal au plus tard le 1er janvier 2012.

4. L'accord doit être approuvé par un décret pris après avis de l'Autorité de la concurrence, qui peut prévoir son extension à l'ensemble des entreprises dont l'activité relève des organisations professionnelles signataires de l'accord.

5. La disposition législative est rédigée dans les termes suivants :

" III. Le 1° du I ne fait pas obstacle à ce que des accords interprofessionnels dans un secteur déterminé définissent un délai de paiement maximum supérieur à celui prévu au neuvième alinéa de l'article L.441-6 du Code de commerce, sous réserve :

Que le dépassement du délai légal soit motivé par des raisons économiques objectives et spécifiques à ce secteur, notamment au regard des délais de paiement constatés dans le secteur en 2007 ou de la situation particulière de rotation des stocks ;

Que l'accord prévoie la réduction progressive du délai dérogatoire vers le délai légal et l'application d'intérêts de retard en cas de non-respect du délai dérogatoire fixé dans l'accord ;

Que l'accord soit limité dans sa durée et que celle-ci ne dépasse pas le 1er janvier 2012.

Ces accords conclus avant le 1er mars 2009, sont reconnus comme satisfaisant à ces conditions par décret pris après avis du Conseil de la concurrence.

Ce décret peut étendre le délai dérogatoire à tous les opérateurs dont l'activité relève des organisations professionnelles signataires de l'accord ".

I. Le cadre économique et juridique des accords dérogatoires en matière de délais de paiement

6. Le crédit que les entreprises s'accordent dans leurs échanges commerciaux, communément dénommé délais de paiement, recouvre des enjeux économiques et concurrentiels.

a) Le contexte économique

7. Le crédit commercial interentreprises représente, selon les données de la centrale des bilans de la Banque de France pour l'année 2005, un montant de 604 milliards d'euro pour l'ensemble de l'économie, qui est à rapprocher de l'encours de 133 milliards d'euro pour le crédit bancaire à court terme.

8. Au plan international, les comparaisons effectuées par la Banque de France pour 6 pays (Allemagne, France, Espagne, Italie, Japon et États-Unis), montrent que la France est, après l'Italie, le pays ayant les règlements les plus tardifs, avec une tendance longue à l'augmentation du poids des dettes fournisseurs dans le total des bilans des entreprises.

9. Les délais de paiement importants accordés aux clients pèsent sur la trésorerie des entreprises, lorsqu'ils ne sont que partiellement compensés par les délais obtenus des fournisseurs. Le besoin de financement ainsi créé par l'exploitation est couvert par l'endettement bancaire, direct (crédits de trésorerie) ou indirect (mobilisation des créances commerciales et affacturage), ce qui pose deux problèmes aux entreprises.

10. En premier lieu, le volume de financement et son coût dépendent de la taille de l'entreprise et de la perception de son secteur d'activité par la banque : autant de critères peu favorables d'une façon générale aux PME et aux entreprises en position de sous-traitance.

11. En second lieu, les ressources mobilisées le sont aux dépens du financement de la croissance de l'activité, de l'innovation et de l'investissement. Une telle situation est préjudiciable au développement de l'entreprise, mais aussi à la pérennité et à la vitalité du tissu industriel de PME, dès lors que le phénomène est généralisé à un secteur d'activité.

12. Les délais excessifs représentent, en conséquence, un risque économique et financier pour le partenaire le plus faible, la filière concernée, voire l'économie locale.

13. L'importance du crédit interentreprises accroît les risques de défaillances en cascade d'entreprises, le défaut de paiement se propageant aux entreprises de la filière ainsi qu'aux autres fournisseurs, avec leurs conséquences économiques et sociales à l'échelle d'une localité ou d'une région.

b) L'enjeu concurrentiel

14. Parallèlement, les délais de paiement représentent un avantage financier pour l'acheteur, qui n'a pas à payer comptant, et viennent réduire le prix de revient effectif de ses achats.

15. Les délais de paiement affectent ainsi les conditions de concurrence. Les délais obtenus de ses fournisseurs par une entreprise et sa capacité à obtenir leur allongement ont un impact direct sur sa compétitivité par rapport à ses concurrents sur le marché, en lui procurant une trésorerie gratuite pour financer son exploitation et son développement.

16. A côté d'autres éléments, comme par exemple le prix unitaire, la politique de remises, le volume acheté, la durée du contrat ou l'achalandage, les délais de paiement doivent être appréciés comme un des éléments de la relation commerciale entre entreprises, qui doit résulter du libre jeu de la concurrence dans le respect des prescriptions légales qui s'imposent aux acteurs économiques.

17. Il est ainsi dans la logique de la concurrence entre les formes de distribution que chacune se distingue quant à certains éléments constitutifs de la relation commerciale.

c) L'extension des accords dérogatoires à l'ensemble des entreprises d'un secteur

18. Un accord dérogatoire a pour effet de donner aux entreprises concernées la possibilité d'obtenir, dans leurs relations avec leurs fournisseurs, des délais de paiement plus favorables que le délai légal de 60 jours nets, pendant la durée de la validité de l'accord. Les entreprises couvertes par l'accord dérogatoire bénéficient ainsi d'un avantage.

19. Une distorsion de concurrence pourrait résulter de ce qu'un accord ne s'applique pas à l'ensemble des entreprises placées dans une situation comparable quant à l'exercice de leur activité.

20. Ce risque potentiel pour le jeu de la concurrence est pris en compte par l'article 21-III de la loi du 4 août 2008, qui ouvre la possibilité pour le décret validant un accord interprofessionnel conclu dans un secteur déterminé " d'étendre le délai dérogatoire à tous les opérateurs dont l'activité relève des organisations professionnelles signataires de l'accord ".

21. L'extension par décret d'un accord dérogatoire a ainsi pour effet pratique d'appliquer le dispositif de cet accord à la totalité des entreprises relevant des organisations professionnelles signataires, que ces entreprises soient adhérentes ou non à l'une de ces organisations.

22. A titre général, l'Autorité de la concurrence considère donc que l'extension est souhaitable pour toutes les demandes d'accord dérogatoire en matière de délais de paiement.

23. Ce principe posé, plusieurs questions peuvent être soulevées au regard de l'objectif d'assurer la plus grande neutralité possible des accords dérogatoires au regard de la concurrence.

24. En premier lieu, le champ retenu par le décret d'extension devra être traité. Les accords déjà conclus donnent en effet lieu à des demandes d'adhésion de la part d'organisations professionnelles qui n'étaient pas parties aux négociations. Il semble peu conciliable avec le jeu de la concurrence de laisser aux seules organisations signataires de l'accord initial la décision d'accepter ou de refuser ces nouvelles demandes, sans qu'ait lieu un contrôle minimal de la part du pouvoir réglementaire.

25. L'Autorité recommande en ce sens au ministre de préciser le champ d'application de l'extension dans le décret, afin de faciliter l'application et le contrôle des règles en matière de délais de paiement et du pouvoir réglementaire.

26. L'autre question concerne le cas des entreprises présentes sur différents secteurs ou activités, dont une activité, sans constituer l'activité principale, est couverte par un accord dérogatoire existant. Cette situation concerne les cas de figure distincts de la grande distribution généraliste et des industriels multi-activités.

27. Premier cas de figure, la grande distribution généraliste (hypermarchés et supermarchés) est en concurrence, au moins sur une partie de l'offre, avec les distributeurs spécialisés.

Elle pourrait ainsi souhaiter bénéficier des accords dérogatoires en matière de délais de paiement conclus par des distributeurs spécialisés avec leurs fournisseurs.

28. Pour se prononcer sur ce point, l'Autorité procèdera, dans chaque cas d'espèce, à une analyse et à une comparaison des caractéristiques de l'offre commerciale de chaque circuit de distribution.

29. Toutefois, deux remarques générales peuvent être avancées. D'une part, les délais de paiement ne constituent qu'un élément parmi d'autres définissant la relation commerciale entre un acheteur et son fournisseur. Comme il a déjà été dit, il est dans la logique de la concurrence entre les différentes formes de distribution que chacune se singularise sur tel ou tel élément de la relation commerciale.

30. D'autre part, le droit de la concurrence reconnaît que les conditions et les modalités de concurrence entre les opérateurs n'ont pas à être identiques, dans la mesure où les différenciations relèvent de considérations objectives.

31. Le second cas de figure porte sur les fournisseurs présents, non pas à titre principal mais pour une partie moins importante de leur activité, dans un secteur couvert par un accord dérogatoire.

32. Dans cette hypothèse, l'accord dérogatoire peut créer une distorsion de concurrence entre les fournisseurs relevant des organisations signataires, qui pourront appliquer des délais plus longs jusqu'à fin 2011, et ceux non couverts par l'accord, qui sont face à l'alternative de se placer dans l'illégalité ou de risquer de perdre un client si celui-ci leur demande d'appliquer le délai dérogatoire.

33. Ces risques de distorsion, qui n'appellent pas de réponse évidente à la lecture des dispositions législatives précitées, devront être traités au cas par cas, en gardant à l'esprit qu'ils n'auront qu'une durée limitée, compte tenu de la portée seulement transitoire des accords dérogatoires.

II. Les parties et l'activité concernée par l'accord dérogatoire

a) Organisations professionnelles signataires

34. L'accord dérogatoire concernant le secteur des compléments alimentaires a été conclu entre les organisations professionnelles des fabricants et celles représentant les pharmaciens.

35. Le Syndicat de la diététique et des compléments alimentaires (SDCA) regroupe 55 entreprises produisant des compléments alimentaires, correspondant à environ 80 % des ventes réalisées en officine. Les principales entreprises du secteur sont : Arkopharma, Forté Pharma, Physcience et Oenobiol.

36. Les pharmaciens sont représentés par trois organisations, dont la représentativité respective a fait l'objet d'une enquête du ministère de la santé datant de 2003. Selon l'Ordre des pharmaciens, on dénombre au 1er janvier 2009, 22 462 officines métropolitaines, qui sont la propriété de 28 148 pharmaciens titulaires.

37. La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) comptait 10 878 adhérents en 2001, représentant 46,5 % des officines et 38,2 % des pharmaciens d'officine.

38. L'Union nationale des pharmacies de France (UNPF) regroupe les pharmacies générant les chiffres d'affaires les plus importants, avec 771 adhérents représentant 3,3 % des officines et 2,7 % des pharmaciens d'officine. Le nombre des adhérents de l'UNPF est aujourd'hui proche de 950.

39. L'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO) a 1 975 adhérents, représentant 7,8 % des officines et 6,4 % des pharmaciens d'officine.

40. Au total, seuls 57,6 % des officines et 47,3 % des pharmaciens sont donc membres de l'une des organisations syndicales considérées comme représentative par le ministère de la santé.

b) L'activité concernée par l'accord

41. Les compléments alimentaires sont définis par l'article 2-1 du décret n° 2006-352 du 20 mars 2006 comme les " denrées alimentaires dont le but est de compléter le régime alimentaire normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d'autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique seuls ou combinés, commercialisés sous forme de doses, à savoir les formes de présentation telles que les gélules, les pastilles, les comprimés, les pilules et autres formes similaires, ainsi que les sachets de poudre, les ampoules de liquide, les flacons munis d'un compte-gouttes et les autres formes analogues de préparations liquides ou en poudre destinées à être prises en unités mesurées de faible quantité ".

42. Ces compléments alimentaires couvrent de multiples fonctions : minceur, toniques, ménopause, stress et sédatifs, peau et solaires.

43. Ils sont distincts des produits de diététique, qui sont destinés à une catégorie spécifique de personne (produits sans gluten pour certaines allergies) et qui sont peu distribués en pharmacie. Les compléments alimentaires ont pour vocation de s'ajouter à l'alimentation pour la compléter, alors que les produits diététiques constituent une alimentation en soi. De plus, les laboratoires du secteur des produits diététiques ne commercialisent que de manière marginale des compléments alimentaires. Ces produits peuvent être différenciés des compléments alimentaires sans difficulté par les professionnels.

44. Les principaux laboratoires fournisseurs de compléments alimentaires sont spécialisés sur ce secteur. Certains d'entre eux produisent aussi des médicaments disposant d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) mais qui relèvent alors d'un autre cadre législatif. Leur facturation est donc séparée de celle des compléments alimentaires.

45. Le marché des compléments alimentaires a généré des ventes au consommateur de 1 089 millions d'euro en 2007 (enquête IMS Health sur un échantillon représentatif de 3 600 pharmacies de France métropolitaine).

46. Les laboratoires de ce secteur sont pour la plupart des PME dont l'activité s'est fortement développée depuis quelques années, avec un chiffre d'affaires de ce secteur multiplié par deux depuis 2000.

47. Les pharmacies représentent le principal circuit de distribution des compléments alimentaires avec une part de marché de près de 60 %, loin devant les autres circuits de distribution (VPC, e-commerce, ventes directes c'est-à-dire par démarchage à domicile, GMS et magasins spécialisés).

<emplacement tableau>

48. Selon les organisations signataires de l'accord, les ventes des grandes surfaces, des magasins spécialisés, de la VPC et les ventes directes, portent principalement sur les suppléments alimentaires (produits énergétiques ou pour sportifs) et les articles divers (tisanes, aromathérapie…), plutôt que sur les compléments alimentaires proprement dits. Ces modes de commercialisation font de plus intervenir des grossistes à la différence du mode de suivi en pharmacie.

49. La répartition du marché selon les principaux types de compléments alimentaires distribués en pharmacie, figure dans le tableau ci-dessous :

<emplacement tableau>

III. L'analyse concurrentielle

50. La reconnaissance par décret d'un accord dérogatoire est soumise à une double condition.

51. En premier lieu, le secteur concerné doit présenter une ou plusieurs raisons économiques objectives et spécifiques, celles-ci pouvant notamment expliquer des niveaux élevés de délais de paiement et de stocks constatés en 2007 dans cette activité.

52. En second lieu, l'accord doit mettre en place une réduction progressive des délais de paiement dérogatoires afin de parvenir au délai légal de 45 jours fin de mois ou 60 jours nets date de facturation, au plus tard le 1er janvier 2012.

53. En complément de ces critères posés par l'article 21-III de la loi du 4 août 2008, l'accord dérogatoire ne doit pas comporter de clauses contraires aux règles de concurrence. L'exercice du contrôle sur ce point va de soi, dès lors que le législateur a prévu l'avis de l'Autorité de la concurrence préalablement à l'adoption du décret validant un accord.

54. Ces différentes questions seront abordées successivement.

a) Le niveau des stocks et des délais de paiement de l'activité en 2007

55. Les laboratoires assurent de façon générale le financement de la distribution et de la présence en rayon de leur produit, en accordant des délais de paiement importants aux pharmacies clientes, en particulier pour les produits saisonniers.

56. Selon un sondage réalisé par le SDCA auprès de ses membres, le délai de paiement moyen effectif était en 2007 de 115 jours pour les ventes réalisées avec les pharmacies. Cette moyenne a été calculée sur la base des ventes de six laboratoires, représentant ensemble 70 % du chiffre d'affaires du marché des compléments alimentaires.

57. Parallèlement, la distribution des compléments alimentaires en pharmacie se caractérise par un cycle de commercialisation relativement long.

58. Les pharmacies pratiquent en effet des commandes globales avant la saison de ventes pour une part importante des compléments alimentaires et contractent généralement avec deux ou trois laboratoires différents, dont ils sont les seuls détaillants à distribuer l'intégralité de la gamme, soit entre 50 et 100 références pour chaque laboratoire.

59. Cela se traduit par une situation de stock élevé puisqu'en moyenne une pharmacie détient entre 6 et 10 mois de stock (source : sondage SDCA précité). Cette faible vitesse du taux de rotation des stocks s'explique aussi par les produits invendus d'une saison qui sont conservés en pharmacie jusqu'à la saison suivante et qui participent ainsi à l'augmentation de la durée moyenne.

60. Les parties signataires ont transmis des données relatives à la situation des stocks de compléments alimentaires pour une pharmacie-type, établie à partir des données provenant du panel IMS " Pharma pour le segment beauté " d'août 2008.

61. Ces données mettent en évidence des valeurs extrêmes pour les stocks en officine variant de 180 (6 mois de ventes en stock) à 312 jours (10,4 mois) selon les produits.

<emplacement tableau>

62. Le niveau des stocks pour l'activité concernée n'a pas pu être corroboré, faute d'autres sources d'information disponibles. Néanmoins, les industriels n'ont pas intérêt à surestimer les stocks dans les officines, puisque ceux-ci sont aujourd'hui financés pour l'essentiel par le crédit fournisseur long que ces industriels accordent aux pharmacies. L'argument peut donc être considéré comme crédible.

63. Concernant les délais de paiement, l'Observatoire des délais de paiement de la Banque de France dispose d'un compte NAF 10.89Z " Fabrication d'aliments homogénéisés et diététiques " réalisé sur la base de 61 entreprises personnes morales du secteur, dont le champ recoupe partiellement le secteur d'activité des industriels parties à l'accord dérogatoire. Ce compte intègre en effet également les aliments pour diabétiques, les aliments sans gluten et les préparations homogénéisées pour enfants.

64. Les résultats concernent les fabricants, mais leurs délais clients permettent de disposer d'un ordre de grandeur quant aux délais de règlement des industriels pratiqués par les pharmacies clientes.

<emplacement tableau>

65. Le délai moyen de règlement de 60,8 jours apparaît très en deçà du chiffre de 115 jours avancé par les parties, les différences de périmètres devant néanmoins être prises en compte. Sur ce point, il reste difficile pour l'Autorité de se prononcer en l'absence de données financières ou comptables suffisantes.

66. Au total, l'argument de l'existence de stocks importants de produits de compléments alimentaires en pharmacie, peut seul être relevé sur la base des analyses communiquées par le syndicat des fabricants SDCA.

b) L'existence de raisons économiques spécifiques au secteur

67. Les organisations signataires invoquent le renouvellement rapide et constant des produits dans leur secteur, ainsi qu'une saisonnalité marquée pour une majorité des produits.

68. Le modèle économique des compléments alimentaires repose sur un système de préventes par les fournisseurs aux pharmacies. Les fabricants peuvent ainsi, d'une part, planifier au mieux la mise au point et le lancement des nouveautés, et d'autre part, produire et livrer en grandes quantités en obtenant une gestion des coûts optimale.

69. Parallèlement, la profession considère que la saisonnalité de l'activité concerne 70 % de son chiffre d'affaires. En reprenant les principaux segments composant le marché des compléments alimentaires selon les chiffres des parties, on constate en effet que les seuls produits solaires, minceurs et tonifiants, pour lesquels une saisonnalité des ventes peut être présumée, correspondent à plus de 50 % du marché total. Ces trois types de produits ont aussi les durées de stockage en magasin les plus élevées, toujours selon les chiffres des parties.

70. Pour les produits d'été (solaires, minceurs) qui représentent un tiers du chiffre d'affaires du secteur, le cycle de commercialisation s'étend sur 10 mois. Les commandes sont prises par les représentants des laboratoires auprès des pharmaciens au mois d'octobre, les livraisons aux pharmacies débutent en janvier, tandis que les ventes aux consommateurs n'interviennent qu'à partir de mars et jusqu'en juillet. 75 % des ventes de produits solaires en pharmacie sont réalisées entre avril et juillet, et 54 % de celles des produits minceur entre mars et juillet.

71. Selon les organisations professionnelles, l'application immédiate du plafond légal instauré par la loi du 4 août 2008 entraînerait une modification complète du système des préventes aux pharmacies, avec toutes les conséquences qui s'y rattachent au niveau de la production, des investissements en recherche et développement, et de la composition de l'offre.

72. Ces considérations économiques sont ainsi susceptibles de justifier l'octroi d'un délai de transition pour transmettre l'adaptation aux nouvelles règles en matière de délais de paiement.

IV. Les engagements pris dans le cadre de l'accord dérogatoire

73. Les engagements pris par les signataires s'appliquent exclusivement au secteur des compléments alimentaires distribués en pharmacie.

a) Le calendrier de réduction des délais de paiement convenu par les parties

74. L'article 21/III de la loi du 4 août 2008 demande la mise en place par l'accord interprofessionnel d'une réduction progressive des délais de paiement dérogatoires, afin de parvenir au délai légal de 45 jours fin de mois ou de 60 jours nets au plus tard le 1er janvier 2012.

75. Les organisations professionnelles se sont engagées sur un calendrier dérogatoire portant sur deux années à compter du 1er janvier 2009 :

au 1er janvier 2009 : 90 jours (fin de mois)

1er janvier 2010 : 60 jours

1er janvier 2011 : délai légal de 45 jours

76. Ce calendrier traduit une baisse des délais de paiement de 25 jours au 1er janvier 2009, sur la base du délai moyen de 115 jours déclaré par la profession, suivie d'une réduction de 30 jours au 1er janvier 2010 et enfin de 15 jours au 1er janvier 2011 - date à laquelle la profession appliquera le délai légal de paiement.

77. L'ajustement est donc réparti sur la durée convenue, avec proportionnellement un effort plus important en début de période, ce qui est propice à la crédibilité des engagements pris.

78. En outre, l'accord précise que ces délais dérogatoires ne font pas obstacle à la possibilité pour les opérateurs de prévoir des délais de paiement plus courts.

79. L'accord s'applique aux commandes passées à partir du 1er janvier 2009, date normale d'entrée en vigueur du délai légal fixé par la loi du 4 août 2008, hormis pour les commandes dites " ouvertes " par la profession.

80. L'article 4 prévoit en effet un dispositif spécial pour ce type de commande : " Dans le cas des commandes dites " ouvertes " où le donneur d'ordre ne prend aucun engagement ferme sur la quantité des produits ou sur l'échéancier des livraisons, le plafond légal s'applique aux appels de commande postérieurs au 1er janvier 2011 ". Il s'ensuit que dans l'éventualité où une commande " ouverte " donnerait lieu à un engagement ferme pendant la période d'application de l'accord dérogatoire, le délai de paiement maximum prévu devra être appliqué. Cette règle peut d'ailleurs être déduite de l'article 21-V de la loi de 2008.

b) Les distorsions de concurrence éventuelles inhérentes au périmètre de l'accord dérogatoire

81. Les parties ont choisi de limiter le périmètre de l'accord à la vente en pharmacie. Cette forme de distribution possède selon les organisations signataires des caractéristiques, qui ne se retrouvent pas dans les autres circuits (parapharmacie, GMS, magasins spécialisés et vente à distance).

82. Les pharmaciens sont seuls en mesure de délivrer des conseils médicaux personnalisés aux utilisateurs quant à la spécificité technique des produits. L'activité compléments alimentaires des officines fonctionne sur la base de commandes fermes plusieurs mois avant la saison de vente, d'un nombre élevé de références et, la constitution de stocks en magasin.

83. Au contraire, les autres formes de distribution travaillent en flux tendu avec les laboratoires, ne détiennent que peu de stocks et distribuent un nombre limité de références. Il s'agit le plus souvent d'opérateurs intégrés ou franchisés, dont le fonctionnement s'appuie sur un entrepôt de gros et une centrale d'achat gérés par l'enseigne.

84. Par ailleurs, selon les organisations professionnelles les représentants des autres circuits de distribution ne se sont pas manifestés auprès d'elles, afin de demander d'adhérer à leur accord dérogatoire.

85. Les grossistes-répartiteurs, qui réalisent moins de 5 % du chiffre d'affaires du secteur, ne sont pas non plus visés par l'accord, car ils ne constituent pas de stocks de compléments alimentaires, n'interviennent que dans le cadre de commandes fermes de la part du pharmacien et uniquement pour de petites quantités.

86. Au sein du marché des compléments alimentaires, les spécificités économiques tenant à la diversité de l'offre, au nombre de références, aux conseils apportés pour l'emploi des produits, constituent un modèle économique distinct que l'on ne retrouve pas dans un autre circuit de distribution que celui des pharmacies.

87. Par conséquent, il n'existe pas de raisons économiques objectives et spécifiques permettant d'envisager l'extension de l'accord dérogatoire relatif aux compléments alimentaires à d'autres circuits de distribution que celui de la pharmacie.

88. L'article 21-III de la loi du 4 août 2008 prévoit que le décret validant l'accord de dérogation aux délais de paiement peut étendre le délai dérogatoire à tous les opérateurs dont l'activité relève des organisations professionnelles signataires de l'accord.

89. L'extension aux pharmacies non adhérentes de l'un des trois syndicats représentatifs est souhaitable afin d'éviter des distorsions de concurrence entre des entreprises placées dans une situation comparable quant à l'exercice de leur activité mais aussi pour ne pas lier le bénéfice de l'accord à la condition d'appartenance aux organisations signataires de l'accord.

CONCLUSION

L'Autorité de la concurrence émet un avis favorable à la validation de l'accord dérogatoire du secteur des compléments alimentaires et propose son extension aux opérateurs placés dans une situation comparable quant à l'exercice de leur activité.

Délibéré sur le rapport oral de M. Philippe Sauze et sur l'intervention de M. Pierre Debrock, rapporteur général adjoint, par Mme Françoise Aubert, vice-présidente, présidente de séance, Mme Anne Perrot et M Patrick Spilliaert, vice-présidents.