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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 19 novembre 2008, n° 07-17119

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

H. Maheo (SARL), Maheo

Défendeur :

Comptoir de l'optic (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Carré-Pierrat

Conseillers :

Mme Rosenthal-Rolland, Mme Chokron

Avoués :

SCP Guizard, Me teytaud

Avocats :

Me Vernhet, Larlus

TGI Paris, du 19 sept. 2007

19 septembre 2007

Vu l'appel interjeté le 9 octobre 2007, par Hervé Maheo et la société H. Maheo d'un jugement rendu le 19 septembre 2007 par le Tribunal de grande instance de Paris qui a :

* dit qu'Hervé Maheo a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque "Moop Opticien visagiste" n° 043309292 en déposant la marque "Moopy" n° 05225865 au préjudice de la société Comptoir de l'optic,

* dit que la société H. Maheo a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque "Moop Opticien visagiste" n° 043309292 en faisant usage de la marque "Moopy" n° 05225865 au préjudice de la société Comptoir de l'optic,

* dit que la société H. Maheo a porté atteinte à l'enseigne Moop et au nom de domaine www.moop.fr en commercialisant des produits de lunetterie sous la marque Moopy,

* condamné solidairement Hervé Maheo et la société H. Maheo à payer à la société Comptoir de l'optic la somme de 10 000 euro en réparation du préjudice né de l'atteinte à la marque,

* condamné la société H. Maheo à payer à la société Comptoir de l'optic la somme de 15 000 euro en réparation du préjudice né de l'atteinte à l'enseigne et au nom de domaine,

* prononcé la nullité de la marque Moopy n° 05335865 pour l'ensemble des produits et services visés à son enregistrement,

* dit que la décision devenue définitive sera transmise à l'INPI sur réquisition du greffier par la partie la plus diligente, aux fins d'inscription sur le registre national des marques,

* fait interdiction à la société H. Maheo de poursuivre l'importation, la fabrication, l'usage et l'exploitation de tous produits relatifs à la lunetterie revêtus de la dénomination Moopy sous astreinte de 150 euro par infraction constatée, passé le délai de 15 jours à compter de la signification de la décision,

* ordonné la destruction des stocks de tous les produits revêtus de la marque Moopy sur quelque support que ce soit aux frais de la société H. Maheo sous astreinte de 150 euro par jour de retard, passé le délai de 15 jours à compter de la signification de la décision,

* dit se réserver la liquidation des astreintes,

* rejeté le surplus des demandes,

* condamné solidairement Hervé Maheo et la société H. Maheo à payer à la société Comptoir de l'optic la somme de 10 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens dont les frais de saisie contrefaçon;

Vu les dernières écritures en date du 22 février 2008, par lesquelles Hervé Maheo et la société H. Maheo, poursuivant l'infirmation de la décision entreprise, demandent à la cour de:

* dire qu'ils n'ont commis aucun acte de contrefaçon à l'encontre de la société Comptoir de l'optic,

* dire qu'ils n'ont commis aucun acte de concurrence déloyale à l'encontre de la société Comptoir de l'optic ayant porté atteinte à l'enseigne "Moop Opticien visagiste" et au nom de domaine www.moop.fr.

* débouter la société Comptoir de l'optic de l'ensemble de ses demandes

* à titre reconventionnel, condamner la société Comptoir de l'optic à payer à la société Hervé Maheo la somme de 100 000 euro à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi,

* condamner la société Comptoir de l'optic à payer à Hervé Maheo la somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi,

* condamner la société Comptoir de l'optic au paiement de la somme de 10 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance;

Vu les dernières écritures en date du 2 juin 2008, aux termes desquelles la société Comptoir de l'optic prie la cour de:

* confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

* y ajoutant, débouter la société H. Maheo et Hervé Maheo de leurs demandes,

* pour le surplus, condamner solidairement Hervé Maheo et la société H. Maheo au paiement de dommages et intérêts supplémentaires en réparation du préjudice né de l'atteinte à la marque,

* condamner solidairement Hervé Maheo et la société H. Maheo au paiement de dommages et intérêts supplémentaires en réparation du préjudice né de l'atteinte à l'enseigne et au nom de domaine,

* ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois journaux ou revues, aux frais in solidum de la société H. Maheo et de Hervé Maheo sans que le coût de chaque insertion ne puisse être inférieur à la somme de 3 500 euro HT,

* condamner in solidum la société H. Maheo et Hervé Maheo au versement de la somme de 20 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens;

Sur ce, LA COUR,

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il suffit de rappeler que :

* la société Comptoir de l'optic est titulaire de la marque "Moop Opticien visagiste" déposée le 20 août 2004, enregistrée sous le n° 043309292 pour désigner notamment en classe 9, les appareils et instruments scientifiques, nautiques, photographiques, optiques, de contrôle; lunettes optiques, articles de lunetterie, étuis à lunettes (...) ; lentilles de contact,

* elle exploite un fonds de commerce de détail d'optique et de photographie sous l'enseigne Moop à Paris et exploite un site internet www.moop.fr.

* elle a reçu le 10 octobre 2005, un catalogue publicitaire de la société H. Maheo présentant des modèles de paires de lunettes revêtus de la dénomination Moopy,

* elle a découvert que cette société exploitant un fonds de commerce de lunetterie à Béziers faisait usage d'une marque Moopy semi-figurative enregistrée sous le n° 053358365, déposée le 2 mai 2005, par Hervé Maheo pour désigner les appareils et instruments d'optique, articles de lunetterie, lunetterie optique, montures de lunettes, lunette solaire, demi-lune pré-montée, lunette de lecture, étuis à lunettes, lunette de visée, verre de lunettes, loupes optiques, articles de lunetterie, meubles et miroirs pour opticiens, présentoirs de lunettes, en classes 9,20,

* après mises en demeure restées infructueuses, régulièrement autorisée par ordonnance présidentielle, la société Comptoir de l'optic a fait pratiquer une saisie contrefaçon le 1er février 2006, dans les locaux de la société H. Maheo,

* c'est dans ces circonstances, que la société Comptoir de l'optic a assigné Hervé Maheo et la société H. Maheo en contrefaçon de marque et en concurrence déloyale;

Sur la contrefaçon de marque:

Considérant que, pour s'opposer au grief de contrefaçon, Hervé Maheo et la société H. Maheo contestent la similarité des produits visés aux dépôts des signes en présence;

Mais considérant force est de constater que les produits désignés par la marque première en classe 9 appareils et instruments scientifiques, nautiques, photographiques, optiques, de contrôle; lunettes optiques, articles de lunetterie, étuis à lunettes; lentilles de contact, qui sont relatifs à la lunetterie, sont identiques ou similaires aux produits visés par la marque seconde en classes 9 et 20 : appareils et instruments d'optique, articles de lunetterie, lunetterie optique, montures de lunettes, lunette solaire, demi-lune pré-montée, lunette de lecture, étuis à lunettes, lunette de visée, verre de lunettes, loupes optiques, articles de lunetterie, meubles et miroirs pour opticiens, présentoirs de lunettes, produits tous relatifs à la lunetterie;

Considérant que le signe semi-figuratif critiqué "Moopy" n'étant pas identique à la marque verbale "Moop Opticien visagiste" opposée faute de reproduire sans modification ni ajout tous les éléments la constituant, il convient de rechercher s'il existe entre les deux dénominations un risque de confusion au terme d'une appréciation globale fondée sur l'impression d'ensemble produite, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants; que cette comparaison doit, au surplus, s'effectuer entre les signes tels qu'ils sont déposés, indépendamment de l'exploitation qui en est faite;

Considérant que le vocable de fantaisie Moop, qui n'a aucune signification particulière, est arbitraire et exerce à lui seul la fonction distinctive de la marque revendiquée, indépendamment des termes "opticien visagiste" qui sont descriptifs des produits désignés au dépôt;

Considérant que la marque seconde est composée de la dénomination Moopy, les deux lettres "O" reliées entre elles, formant une paire de lunettes posée sur deux traits arrondis dessinant un nez et un sourire;

Que phonétiquement et visuellement, le signe incriminé reprend l'élément verbal Moop déterminant de la marque première;

Que la différence, liée à la représentation graphique d'une paire de lunettes, présente un caractère secondaire dès lors qu'elle est d'une utilisation largement répandue dans le domaine de l'optique et de la lunetterie, de sorte qu'elle n'affecte pas la parenté forte qui se dégage des deux signes en présence;

Que conceptuellement, les deux signes Moop et Moopy sont dépourvus de signification propre et peuvent être confondus, la lettre finale Y conférant simplement à la dénomination seconde une connotation enfantine;

Qu'il s'ensuit un risque de confusion dans l'esprit du consommateur moyen de la catégorie des produits concernés, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, qui peut voir dans le signe second une déclinaison de la marque première et leur attribuer une origine commune;

Que dès lors, la décision déférée, qui a retenu des actes de contrefaçon de marque à l'encontre de Hervé Maheo et de la société H. Maheo, doit être confirmée, la circonstance alléguée de leur bonne foi étant inopérante en cette matière;

Sur la concurrence déloyale :

Considérant que la société Comptoir de l'optic reproche à la société H. Maheo d'avoir commis des actes de concurrence déloyale en portant atteinte aux droits qu'elle détient sur son enseigne et sur le nom de domaine qu'elle a enregistré;

Considérant que la société Comptoir de l'optic démontre par les documents versés aux débats (devis, facture, extrait d'un site internet, publication dans les Pages jaunes) exploiter, sur la devanture de son magasin, l'enseigne Moop depuis le début de son activité en septembre 2004; que cette enseigne est constituée du terme Moop, les deux voyelles O étant reliées entre elles pour figurer une paire de lunettes;

Qu'elle justifie exploiter un site internet à l'adresse www.moop.fr, accessible sur tout le territoire national, où, sous l'enseigne Moop, elle présente ses activités;

Considérant que la société H. Maheo, qui exploite à Béziers une activité de commerce de lunetterie, ne saurait prétendre avoir ignoré les droits antérieurs de la société Comptoir de l'optic alors qu'elle lui a envoyé le 10 octobre 2005, un courrier et un catalogue présentant sa gamme de lunettes, à l'adresse Moop opticiens visagiste, 14 rue du Faubourg Poissonnière à Paris;

Que dans ces circonstances, en commercialisant des produits revêtus du signe Moopy, la société H. Maheo, par le risque de confusion engendré, a eu un comportement fautif attentatoire aux droits de la société Comptoir de l'optic sur son enseigne et son nom de domaine, engageant sa responsabilité, sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code civil;

Sur les mesures réparatrices:

Considérant que pour mettre un terme aux agissements illicites, les premiers juges ont justement prononcé d'une part, la nullité de l'enregistrement de la marque Moopy et d'autre part, prononcé des mesures d'interdiction d'usage et de destruction des stocks;

Considérant que les opérations de saisie contrefaçon ont dénombré l'importation par la société H. Maheo de 700 paires de lunettes marquées Moopy;

Qu'au vu ces éléments, l'atteinte portée au droit de propriété de la société Comptoir de l'optic, liée à l'affaiblissement et la dilution du pouvoir attractif de sa marque, a été exactement réparée par le tribunal par l'allocation de la somme de 10 000 euro;

Que le préjudice s'inférant des actes déloyaux a été justement indemnisé par l'octroi de la somme de 15 000 euro;

Que la demande de publication rejetée par le tribunal, n'apparaît pas davantage nécessaire en cause d'appel, de sorte qu'il n'y sera pas fait droit;

Sur les autres demandes:

Considérant que la solution du litige commande de rejeter les demandes reconventionnelles en dommages et intérêts formées par Hervé Maheo et la société H. Maheo pour procédure abusive;

Considérant que les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile doivent bénéficier à la société Comptoir de l'optic ; qu'il lui sera alloué à ce titre la somme complémentaire de 10 000 euro mise à la charge in solidum de Hervé Maheo et de la société H. Maheo; que ceux-ci qui succombent en leurs prétentions doivent être déboutés de leur demande formée sur ce même fondement;

Par ces motifs, Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, Y ajoutant, Condamne in solidum Hervé Maheo et la société H. Maheo à payer à la société Comptoir de l'optic la somme complémentaire de 10 000 euro au titre des frais irrépétibles d'appel, Rejette toutes autres demandes, Condamne in solidum Hervé Maheo et la société H. Maheo aux dépens et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.