CA Limoges, ch. soc., 14 janvier 2008, n° 07-00847
LIMOGES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Michalet
Défendeur :
Marcel Robbez-Masson Diffusion (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Leflaive
Conseillers :
M. Nerve, Mme Dubillot-Bailly
Avocats :
Mes Gerardin, Laubeuf
LA COUR,
Par contrat à durée indéterminée du 17 mai 1999, Monsieur Laurent Michalet a été engagé par la SARL Marcel Robbez-Masson Diffusion, en qualité de délégué commercial non VRP en articles de bijouterie sur le secteur géographique du Nord-Est de la France.
Par courrier du 10 juin 2004, Monsieur Michalet a informé l'employeur de sa décision de démissionner.
Le 11 octobre 2004, Laurent Michalet a saisi le Conseil de prud'hommes de Beaune pour faire juger que la rupture de son contrat de travail s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec toutes conséquences de droit. Par jugement du 11 avril 2005, le Conseil de prud'hommes de Beaune s'est déclaré territorialement incompétent et à défaut de contredit dans les délais, a transmis le dossier au Conseil de prud'hommes de Limoges.
Monsieur Michalet a présenté au Conseil les demandes suivantes :
- dire que la rupture de son contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la société Marcel Robbez-Masson Diffusion à lui verser les sommes suivantes, assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de la demande :
* rappel de salaire ou dommages-intérêts : 13 448,32 euro
* congés payés afférents : 1 344,84 euro
* indemnité de licenciement : 2 041,75 euro
* dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 25 000 euro
* indemnité de non concurrence : 45 232,68 euro
* congés payés afférents : 4 523,27 euro
* remboursement de frais : 348,54 euro
* indemnité de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile : 1 500 euro
La SARL Marcel Robbez-Masson Diffusion a conclu au débouté de Laurent Michalet et a réclamé les sommes suivantes :
* 1 067,14 euro à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 3 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,
* 2 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par jugement du 21 mai 2007, le Conseil de prud'hommes de Limoges a débouté M. Michalet de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à verser à la société Marcel Robbez-Masson Diffusion les sommes de :
* 1 067,14 euro à titre d'indemnité compensatrice de préavis
* 100 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,
* 100 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par déclaration du 20 juin 2007, Laurent Michalet a relevé appel de ce jugement, dont il sollicite l'infirmation, renouvelant ses demandes de première instance, outre une somme de 3 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'appelant affirme que l'employeur a tout mis en œuvre pour retarder la procédure, que ses résultats commerciaux étaient exemplaires, ajoutant qu'il n'a fait l'objet que d'un avertissement, amnistié depuis. Il dit avoir demandé des explications à plusieurs reprises quant au fait que sa rémunération n'avait rien à voir avec le travail fourni, que les promesses de revalorisation n'avaient pas été tenues et que les méthodes de calcul opaques ne lui permettaient pas de vérifier les primes versées de manière discrétionnaire. Il fait valoir que l'absence de réponse à ces demandes l'a contraint à prendre l'initiative de la rupture, qui s'analyse par conséquent en un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec toutes les conséquences de droit. Le salarié ajoute que l'employeur n'a pas levé la clause de non concurrence dans les délais prévus, ce qui lui a causé un préjudice et que par ailleurs, le délai-congé était de deux mois et non de trois et qu'il a exécuté le contrat jusqu'à son terme, de sorte que l'employeur ne peut prétendre à des dommages-intérêts. Le salarié sollicite le remboursement des frais engagés pour restituer son véhicule de fonction.
La SARL Marcel Robbez-Masson Diffusion (MRMD) conclut à la confirmation de la décision critiquée, sauf quant au montant des dommages-intérêts à lui allouer, réclamant à ce titre une somme de 3 000 euro, outre 2 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'intimée rappelle que tous les éléments de la rémunération étaient déterminés par le contrat de travail et l'avenant régulièrement signé par les parties et qu'elle n'a pas manqué à ses obligations en cette matière, n'ayant pris aucun engagement de revalorisation des salaires. Elle expose qu'à compter de la fin de l'année 2001, le salarié a commencé à se disperser et à négliger son travail, ce qui a occasionné un avertissement non contesté par l'intéressé, dont les résultats commerciaux ne cessaient de baisser et qui a développé une violente polémique à l'égard de sa hiérarchie et qu'il a fini par démissionner de manière claire et non équivoque pour se faire embaucher par une autre société située à Monaco, refusant d'exécuter son troisième mois de préavis et restituant sa voiture de fonction et les biens de l'entreprise par l'intermédiaire d'un huissier de justice, frais qu'il doit assumer. La société ajoute qu'elle a levé la clause de non concurrence dans le délai de deux semaines prévu par le contrat de travail et que Monsieur Michalet n'a pas exécuté son contrat de bonne foi, de sorte que la rupture du contrat de travail doit être considérée comme abusive.
Sur quoi, LA COUR
Le 10 juin 2004, Monsieur Laurent Michalet a adressé à son employeur une lettre recommandée avec accusé de réception ainsi libellée :
" Je vous informe par la présente de ma décision de démission de votre société.
Mon préavis de deux mois (art. L. 122-6) commencera à réception de la présente et je vous invite à me préciser si vous souhaitez ou non que je l'exécute.
Je vous prie de recevoir, Monsieur, mes respectueuses salutations ".
Le salarié affirme que cette démission, où ne figurent ni motifs ni réserves, est due à l'absence de revalorisation de la partie variable de sa rémunération malgré ses excellents résultats et la promesse qui lui en avait été faite, et à un calcul injuste, discriminatoire et opaque des primes versées dans ce cadre. Or, il y a lieu de constater au vu de l'avenant au contrat de travail, que ce calcul est au contraire très explicite et prévoit trois niveaux de primes en fonction des résultats obtenus par le salarié par rapport aux objectifs, minimum et maximum, en matière de chiffre d'affaires, dénommé MTF : montant total " façon ", ce qu'ont observé également les premiers juges. Par ailleurs, M. Michalet n'apporte aucun élément de preuve concernant le prétendu engagement de l'employeur à une revalorisation des salaires, ni aucun élément chiffré pour établir ses propres résultats et ceux de ses collègues, pas plus que les primes perçues par chacun et la discrimination alléguée n'est en rien démontrée. Le salarié, embauché en mai 1999, n'a jamais remis en cause auparavant les primes et salaires perçus conformément à son contrat de travail et à l'avenant et la chronologie des faits permet de constater qu'une semaine avant de démissionner, il avait finalisé son embauche auprès d'une entreprise monégasque concurrente, au sein de laquelle il devait commencer à travailler le 23 août suivant. Il y a lieu par conséquent de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur Michalet de ses demandes de rappel de salaire et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la rupture s'analysant au contraire en une démission claire et non équivoque au vu de ce qui précède.
L'appelant réclame une indemnité de non concurrence et les congés payés afférents en soutenant que l'employeur a levé la clause correspondante, mais hors délais. Il a démissionné par lettre recommandée datée du 10 juin 2004, dont il ne produit pas l'accusé de réception par la société, qui n'a reçu ce courrier que le 14 juin 2004 et avait donc jusqu'au 28 juin suivant pour lever la clause de non concurrence, ce qu'elle justifie avoir fait par courrier daté et posté le 22 juin 2004, dans lequel elle prenait également acte de la démission du salarié, cette lettre a été présentée le lendemain 23 juin à l'adresse de Monsieur Michalet à Vosne Romanee et il a attendu le 2 juillet suivant pour la retirer. Par conséquent, il convient de considérer, comme l'a fait le conseil, que le délai de 15 jours pour lever la clause de non concurrence a été respecté par l'employeur et de confirmer le débouté du salarié de sa demande à ce titre.
Il n'est pas contesté que le 26 juin 2004, Monsieur Michalet a accédé à la demande de l'employeur concernant la restitution des collections mais a gardé par-devers lui le véhicule et le téléphone portable de la société, qu'il a préféré restituer par l'intermédiaire d'un huissier de justice. Ayant pris l'initiative de ce dépôt, il doit en supporter les frais et son débouté à ce titre est également confirmé.
La société Marcel Robbez-Masson Diffusion relève du code APE 511 R " autres intermédiaires spécialisés de commerce ", exerçant une activité d'agence commerciale d'articles de bijouterie, négociation et conclusion de contrats de vente ou dépôt de vente d'articles de bijouterie au nom et pour le compte de producteurs, fabricants ou commerçants, activité de services et non de commerce de gros et n'entre donc pas dans le champ d'application de la convention collective de la bijouterie, comme le soutient Monsieur Michalet pour affirmer qu'il ne devait exécuter que deux mois de préavis et non trois comme le prévoit l'article 13 de son contrat de travail en cas d'ancienneté supérieure à un an, ce qui est son cas. En l'absence de convention collective applicable, il y a lieu de s'en tenir à l'article L. 122-6 du Code du travail et au contrat de travail de l'intéressé et de confirmer la décision critiquée en ce qu'elle a alloué à la société MRMD la somme correspondant au troisième mois de préavis, ainsi qu'une équitable réparation du préjudice issu de la rupture, qui n'a pas lieu d'être revue à la hausse.
Il apparaît équitable d'allouer à la société MRMD la somme de 600 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Laurent Michalet succombe en ses prétentions et doit être condamné aux dépens.
Par ces motifs LA COUR, Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi ; Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 21 mai 2007 par le Conseil de prud'hommes de Limoges, Condamne Laurent Michalet à verser la SARL Marcel Robbez-Masson Diffusion la somme de six cents (600) euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Le condamne aux dépens d'appel.