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Décisions

CA Paris, 18e ch. D, 17 juin 2008, n° 06-14135

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Mathieu

Défendeur :

Roger Mondelin (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Panthou-Renard

Conseillers :

Mmes Martinez, Oppelt-Reveneau

Avocats :

Mes Jeronimo, Poncet

Cons. prud'h. Meaux, sect. encadr., du 2…

23 octobre 2006

Faits et procédure

M. Olivier Mathieu a été engagé à compter du 29 février 2000 en qualité de VRP exclusif par la société Roger Mondelin, société ayant pour activité la fabrication et la vente d'outils destinés au bâtiment. Sa rémunération est composée d'une partie mensuelle fixe, de commissions et de primes.

Le contrat de travail est soumis au statut des VRP résultant des articles L. 751-1 et suivants du Code du travail et de l'accord interprofessionnel du 3 octobre 1975.

Par courrier du 5 octobre 2000, se référant à un entretien téléphonique du même jour, la société Roger Mondelin a confirmé à M. Mathieu que pour l'instant le client La Plateforme du Bâtiment ne voulait pas recevoir de visites des commerciaux pour prendre des commandes ou faire du relationnel avec les responsables de rayon et que ce client restait donc " client usine ".

Le 21 janvier 2004, M. Mathieu a saisi le Conseil de prud'hommes de Meaux de demandes tendant en dernier lieu à la désignation d'un expert, au paiement de rappels de commissions et de commissions sur objectifs, des congés payés afférents, de dommages et intérêts pour discrimination syndicale, des intérêts au taux légal et d'une allocation de procédure.

Par jugement du 6 juin 2005, le conseil de prud'hommes a désigné, aux frais avancés par moitié par chacune des parties, M. Grosjean en qualité d'expert afin de déterminer l'incidence du client La Plateforme du Bâtiment sur les commissions perçues par M. Mathieu.

L'expert a déposé son rapport le 25 avril 2006.

Par jugement du 23 octobre 2006, le conseil de prud'hommes a débouté M. Mathieu de toutes ses demandes et la société Roger Mondelin de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile.

M. Mathieu a fait appel. Il demande à la cour d'infirmer le jugement et de condamner la société Roger Mondelin:

- à lui payer:

- 102 346 euro à titre de rappel de commissions pour la période de mars 2000 à décembre 2007 sur le chiffre d'affaires réalisé sur les clients usine de son secteur,

- 10 234 euro au titre des congés payés afférents,

- 23 629,79 euro au titre des primes d'objectifs non versées,

- 2 362,98 euro au titre des congés payés afférents,

- 46 353,71 euro au titre du dé-commissionnement injustifié,

- 4 635,71 euro au titre des congés payés afférents,

- 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- les intérêts au taux légal depuis la saisine du conseil de prud'hommes,

- à lui remettre sous peine d'astreinte des bulletins de salaire rectifiés depuis 2001.

La société Roger Mondelin conclut à la confirmation du jugement, au débouté intégral de M. Mathieu et à la condamnation de celui-ci à lui payer 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 30 janvier 2008, reprises et complétées lors de l'audience.

Motifs de la décision

Sur le rappel de commissions et les congés payés afférents

A l'appui de sa demande de rappel de commissions, M. Mathieu fait valoir, d'abord que son contrat n'exclut aucune clientèle sur son secteur géographique et ne prévoit pas l'existence de " clients usine ", spécialement la société La Plateforme du Bâtiment, réservés à l'employeur. Elle soutient ensuite que la société Roger Mondelin exécute de mauvaise foi le contrat de travail en lui imposant sur son secteur la concurrence déloyale de La Plateforme du Bâtiment, laquelle a pratiquement vingt points de vente en région parisienne dans son secteur géographique et revend moins cher qu'il peut lui-même le proposer des produits de la société Roger Mondelin sur l'achat desquels elle bénéficie de conditions très favorables.

Le salarié réclame en conséquence un rappel de commissions pour les années 2000 à 2007 sur l'ensemble des ventes directement effectuées par l'employeur sur son secteur (" clients usine ") y compris, et essentiellement, sur les ventes à La Plateforme du Bâtiment.

Le contrat de travail attribue à M. Mathieu un secteur géographique d'activité formé par les départements du Loir-et-Cher, du Loiret, de Paris, de la Seine-et-Marne, des Yvelines, de l'Essonne, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et du Val-d'Oise et prévoit, en ce qui concerne la rémunération (article 6) :

" Votre rémunération sera composée de trois éléments:

6.1 Rémunération mensuelle brute fixe

Votre rémunération mensuelle brute fixe sera de 5 600 F.

6.2 Commissions

Vous percevrez une commission sur le montant hors taxe net de tous frais, des ordres directs ou indirects, facturés et encaissés pour les produits et le secteur définis ci-dessus. Aucune commission ne sera due pour les ordres n'ayant pas abouti, pour quelque cause que ce soit. Jusqu'au 30 juin 2000, le taux de commission sera de 3,40 % du chiffre d'affaires hors taxe, net de tout frais. Ce taux de commission sera révisé en fonction de l'évolution du CA. Le taux de commission habituellement retenu pour le secteur dont le CA est à 4 500 000 F est de 1,50 %. Vous ne serez rémunéré sur les ordres indirects que si vous avez visité le client depuis moins de 3 mois.

6.3 Intéressement sur objectif individuel

Un objectif mensuel sera fixé d'un commun accord avec vous, en fonction notamment de l'état du marché, de l'augmentation des prix moyens de nos produits, de l'état de la concurrence sur votre secteur, du potentiel de la clientèle confiée et des résultats de l'année précédente (...) ".

M. Mathieu étant seul VRP de la société Roger Mondelin sur le secteur géographique qui lui a été confié, on doit en déduire que, par opposition à l'ordre direct, qui correspond à la commande passée par le client par l'intermédiaire du représentant, l'ordre indirect s'entend, en l'absence de définition contractuelle différente, comme la commande effectuée par un client dépendant du secteur géographique du VRP directement auprès de la société employeur sans passer par le représentant.

Le contrat stipule clairement que, sur ce type de commandes, le commissionnement n'est dû que si le VRP a visité le client depuis moins de trois mois. Il en résulte que les commissions sur les ordres indirects ne sont pas versées uniquement sur le critère de la provenance géographique de la commande mais qu'il faut en outre que le représentant ait démarché le client et que sa dernière intervention auprès de lui date de moins de trois mois.

Il est acquis aux débats que la demande de rappel de commissions porte sur des commandes passées directement par un certain nombre de clients, essentiellement La Plateforme du Bâtiment, dits "clients usine" auprès de la société Roger Mondelin sans le concours de M. Mathieu mais sur le secteur géographique de celui-ci. Bien plus, il ressort des pièces du dossier que La Plateforme du Bâtiment refasse les interventions des VRP et négocie directement avec la société employeur.

M. Mathieu ne peut donc, aux termes clairs de son contrat, prétendre à ces commissions.

Il ne peut à cet égard tirer argument du fait que sur les nouveaux contrats de VRP conclus par la société Roger Mondelin il figure désormais une exclusion expresse des clients usine ou de La Plateforme du Bâtiment, l'employeur pouvant légitimement vouloir éviter toute difficulté à l'avenir à ce sujet sans que cela constitue un aveu quelconque de sa part.

Outre le fait que ses seules affirmations et celles d'un ancien salarié de la société sont insuffisantes pour démontrer la constance et la généralité d'une pratique indispensables pour caractériser un usage, de surcroît contraire aux dispositions contractuelles, la tolérance manifestée par l'employeur, qui n'aurait pas exigé dans les faits la preuve d'une visite du VRP dans les trois mois précédant la commande directe du client, ne vaut pas renonciation à la clause correspondante, et ce d'autant qu'il n'est pas justifié que les commandes en question émanaient de clients qui n'avaient jamais été démarchés par le VRP, tels les clients usine.

La Plateforme du Bâtiment distribue des produits pour lesquels elle se fournit directement auprès de la société Roger Mondelin avec laquelle elle négocie directement les conditions de vente et notamment le prix. M. Mathieu est chargé de vendre aux professionnels qu'il démarche sur le même secteur les mêmes produits. Il existe ainsi une situation objective de concurrence, les clients pouvant s'adresser soit à La Plateforme du Bâtiment soit à M. Mathieu pour acquérir le même matériel. La concurrence n'est pas illicite en elle-même et elle n'est sanctionnée que si elle devient déloyale, c'est-à-dire fautive.

M. Mathieu, qui ne peut utilement faire grief à la société Roger Mondelin des agissements commis par La Plateforme du Bâtiment dont elle ne répond pas, reproche à l'employeur une exécution déloyale du contrat de travail à l'origine, selon lui, de la concurrence déloyale qu'il subit de la part de La Plateforme du Bâtiment.

Toutefois, il ressort de l'expertise, non discutée à cet égard, et des pièces produites que le taux de commissionnement consenti à M. Mathieu, qui a varié dans le temps entre 3 % et 3,50 %, est nettement supérieur à ceux des autres VRP de l'entreprise qui vont de 1,5 % à 2,8 %, la grande majorité (sept sur dix) ayant 1,5 %. Ce taux a en outre été relevé pour M. Mathieu de 3 % à 3,5 % à partir de mai 2003 pour tenir compte du nombre important de points de vente de La Plateforme du Bâtiment dans le secteur de M. Mathieu.

Il en ressort également que le chiffre d'affaires réalisé par M. Mathieu et, par conséquent, sa rémunération, sont en augmentation constante depuis 2001, qu'ils sont stables sur les deux départements dans lesquels La Plateforme du Bâtiment n'est pas implantée et que pour l'exercice 2004/2005, dernier examiné par l'expert, le chiffre d'affaires de M. Mathieu a progressé de 15,33 % alors que l'augmentation sur la force de vente France entière pendant la même période a été de 2,30 %, ce qui s'explique par le taux de commission nettement supérieur consenti à M. Mathieu.

Ainsi, la société Roger Mondelin a tenu compte dans le taux de rémunération variable consenti à M. Mathieu de l'incidence d'une forte présence de La Plateforme du Bâtiment sur son secteur. Il n'est pas établi en outre que, si M. Mathieu avait été commissionné également sur le chiffre d'affaires, inférieur à celui obtenu sur les autres clients du secteur, généré par La Plateforme du Bâtiment mais au taux de 1,5 % attribué à quasi-totalité des autres VRP de l'entreprise, sa rémunération aurait été supérieure à celle qu'il a reçue.

Dans ces conditions l'exécution contractuelle déloyale reprochée à la société Roger Mondelin n'est pas démontrée et, sans qu'il y ait lieu à nouvelle expertise, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. Mathieu relative au rappel de commissions et aux congés payés afférents.

Sur les primes d'objectif et les congés payés afférents

Les demandes relatives aux primes d'objectif supposent que celle concernant le rappel de commissions soit admise, ce qui n'est pas le cas.

Le jugement, qui a rejeté ce chef de demande sera confirmé.

Sur le dé-commissionnement et les congés payés afférents

Pour étayer sa demande relative au " dé-commissionnement ", M. Mathieu se réfère à des sommes apparaissant en débit sur le décompte des commissions figurant sur ses bulletins de salaire sous la rubrique " impact stocks centraux ".

Il résulte des pièces produites que, lorsque la société Roger Mondelin livre des produits au stock central d'un de ses clients, elle crédite le VRP sur le secteur duquel ce stock est implanté de la totalité des commissions sur le chiffre d'affaires généré par la commande livrée. Elle opère ensuite une régularisation lorsqu'elle reçoit du client le détail de la répartition géographique de la commande entre ses différents points de vente sur la France afin de répartir les commissions entre les différents VRP dont les secteurs sont concernés.

M. Mathieu ne peut donc de bonne foi soutenir que ces régularisations sont injustifiées et réclamer le paiement des sommes correspondantes.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.

Sur les autres demandes

M. Mathieu ne forme aucune critique à l'encontre de la décision des premiers juges qui l'a débouté de sa demande relative à la discrimination, demande qu'il ne reprend pas en cause d'appel. Le jugement sera confirmé à cet égard.

Les conditions d'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ne sont pas réunies. Les demandes de ce chef seront rejetées.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions; Ajoutant, Déboute M. Mathieu de toutes ses demandes en ce qu'elles portent actualisation des montants en cause d'appel; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile; Condamne M. Mathieu aux dépens de première instance et d'appel, qui incluront les frais d'expertise.