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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 22 janvier 2010, n° 08-09844

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

UFC Que Choisir

Défendeur :

Bouygues Télécom (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jacomet

Conseillers :

MM. Laurent-Atthalin, Schneider

Avoués :

Me Bodin-Casalis, SCP Monin d'Auriac de Brons

Avocats :

Mes Franck, Vogel

Cons. conc., du 30 nov. 2005

30 novembre 2005

LA COUR est saisie de l'appel, déclaré le 02/04/2008, d'un jugement rendu le 06/12/2007 par le Tribunal de commerce de Paris ;

Sur saisine d'office et à l'initiative de l'association UFC Que Choisir, le Conseil de la concurrence, par sa décision du 30/11/2005 a, d'une part, relevé, un faisceau d'indices graves, précis et concordants, démontrant que les sociétés Orange France, SFR et Bouygues Télécom se sont concertées pour stabiliser leur parts de marché respectives sur la période 2000/2002 autour d'objectifs définis en commun et résidant dans le rapprochement des différents documents faisant référence, de manière non équivoque et même, pour la note manuscrite du 28 mars 2001, de manière particulièrement précise et explicite, à un accord entre les trois opérateurs mobiles, avec en premier lieu, la stabilité des parts de marché observée sur la même période et, en deuxième lieu, les similitudes constatées en ce qui concerne la politique commerciale mise en œuvre par les trois opérateurs, en sorte qu'elles ont par cette pratique concertée qui a un objet et un effet anti-concurrentiels méconnu l'article L. 420-1 du Code de commerce, d'autre part, retenu que de telles pratiques qui ont eu pour objet et pour effet de se répartir le marché de la téléphonie mobile de détail et de limiter le libre accès et le libre exercice de la concurrence sur ledit marché aux entreprises concurrentes, étaient prohibées par les articles 81 du traité CE et L. 420-1 du Code de commerce, devaient être sanctionnées par l'article L. 462-4 du Code de commerce étant observé qu'il y avait lieu de prendre en compte que la concertation en cause a facilité la mise en place par les opérateurs en cause de mesures défavorables aux consommateurs telles que la hausse du prix des communications et l'instauration de la facturation par paliers de 30 secondes après la première minute indivisible, enfin infligé pour ce seul grief une sanction de 442 millions d'euro en tenant compte de l'atteinte au surplus du consommateur ;

Dans sa décision du 29/06/2007, la Cour de cassation a expressément indiqué que c'est à juste titre que la cour d'appel a retenu, parmi d'autres éléments, l'atteinte au surplus du consommateur pour apprécier le dommage à l'économie résultant de l'entente sur les parts de marché ;

Au vu de l'arrêt rendu par la Cour de cassation, la participation de la SA Bouygues Télécom à la pratique anticoncurrentielle est définitivement établie tandis que la Cour d'appel de Paris, par sa décision du 11/03/2009 statuant sur renvoi de l'arrêt de cassation qui avait prononcé une cassation a confirmé la décision du Conseil de la concurrence en ce qu'il avait retenu que l'échange d'informations auquel avait participé la SA Bouygues Télécom, ayant accru artificiellement la transparence du marché et révélé aux opérateurs leur stratégie respective, leur permettant ainsi du fait de cet accord de limiter la concurrence résiduelle du marché ;

Par acte du 29/08/2006, Sébastien Amblard a, au vu de la décision du Conseil de la concurrence du 30/12/2005, assigné la SA Bouygues Télécom devant le Tribunal de commerce de Paris, pour pratique anti-concurrentielle constitutive de faute dolosive à lui payer la somme de 67,20 euro sauf à parfaire à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, outre la somme de 150 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, en se fondant exclusivement pour la détermination de son préjudice sur l'étude effectuée par l'association UFC Que Choisir ;

Par conclusions du 13/10/2006, l'association UFC Que Choisir est intervenue volontairement au visa notamment des articles L. 421-1 et L. 421-7 du Code de la consommation pour pratique anti-concurrentielle constitutive de faute dolosive en sollicitant au vu de la même décision du Conseil de la concurrence du 30 11 2005, la condamnation de la SA Bouygues Télécom à lui payer la somme de 55 559,22 euro à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal compter du jugement à intervenir outre la somme de 7 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Corinne Abate et 3 750 autres particuliers sont intervenus volontairement par conclusions distinctes du 22/12/2006 aux mêmes visas que ceux des conclusions d'intervention volontaire du 13/10/2006 de l'association UFC Que Choisir pour solliciter chacun au titre de leur indemnisation spécifique une somme déterminée avec intérêt au taux légal à compter du jugement à intervenir outre chacun une somme de 150 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Il y a lieu de relever que cette assignation introductive comme les conclusions d'interventions volontaires tant de l'association UFC Que Choisir que des abonnés mentionnent les mêmes avocats comme les représentant et développent une argumentation voisine en utilisant des termes similaires sinon les mêmes ;

Par acte du 29/03/2007, la SA Bouygues Télécom a sommé Sébastien Amblard et les intervenants volontaires de communiquer les sources de l'étude Altex, visée dans leurs écritures ;

Par conclusions du 29/03/2007, la SA Bouygues Télécom a sollicité, outre le sursis à statuer jusqu'à ce qu'une décision définitive intervienne sur les recours formés contre la décision du Conseil de la concurrence à laquelle Sébastien Amblard et les intervenants ne s'opposeront pas, le 24/05/2007, la nullité de l'assignation introductive d'instance et de chacune des interventions volontaires ;

Des incidents de communication de pièces relatifs à l'étude Altex ont été formés ;

Par jugement du 05/10/2007, retenant une infraction à l'interdiction du démarchage juridique et que les actes de procédure ne satisfont pas aux conditions de forme de l'action en représentation conjointe prévue par le Code de la consommation, le tribunal a dit irrecevables l'assignation et les interventions volontaires et condamné l'association UFC Que Choisir à payer à la SA Bouygues Télécom une somme de 6 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à régler les dépens ;

Par conclusions du 25/08/2009, l'association UFC Que Choisir et les autres intervenants volontaires tels que cités à l'acte d'appel comme Sébastien Amlard, appelants, demandent à la cour de constater que les actes de procédure ne sont affectés d'aucune nullité de forme ou de fond, de dire leur action recevable et de condamner la SA Bouygues Télécom à leur payer, pris ensemble, une somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à régler les entiers dépens de première instance et d'appel ;

Par conclusions du 06/10/2009, la SA Bouygues Télécom, intimée, demande à la cour de, prononcer la nullité ou l'irrecevabilité de l'assignation et de chacune des interventions volontaires, débouter les appelants de leurs demandes, confirmer le jugement en ses dispositions relatives à l'article 700 du Code de procédure civile et condamner l'association UFC Que Choisir à lui payer de ce même chef à lui payer la somme de 6 000 euro de ce même chef et à régler les dépens ;

Sur ce

Considérant que pour critiquer le jugement en ce qu'il a dit irrecevables leurs demandes, les appelants prétendent que :

- le Code de consommation ouvre aux associations de consommateurs deux types d'action distincts d'une part, l'action d'intérêt collectif (article L. 421-1) d'autre part, l'action en représentation conjointe (article L. 422-1),

- en l'espèce, le mandat qui lui était confié était de trouver un mandataire ad litem chargé d'engager au nom du mandant seul une action en réparation du préjudice subi ce qui laissait au consommateur la faculté d'agir avec un mandataire ad litem de son choix ou seul tandis que la requalification en action avec représentation conjointe a pour effet d'imposer aux parties le choix d'un représentant dont résulte une dénaturation du mandat donné puisque l'association UFC Que Choisir n'avait pas donné son accord pour représenter les autres intervenants volontaires,

- la requalification d'une action en justice se heurte à la liberté fondamentale d'exercer l'action en justice de valeur constitutionnelle résultant de l'article 6-11 de la CEDH, alors surtout que l'action en représentation conjointe n'a aucun caractère obligatoire et que son existence ne saurait faire obstacle à une intervention volontaire se greffant sur une action principale dans les conditions des articles 66 et 325 du Code de procédure civile, en sorte qu'en déclarant irrecevable l'action exercée par l'association UFC Que Choisir, le tribunal l'a empêché d'exercer une action reconnue par la loi et exercée dans les formes légales,

- le démarchage irrégulier au sens de l'article L. 421- alinéa 2 du Code de la consommation n'est pas caractérisé d'une part, en l'absence de mandat de représentation à l'instance, de sollicitation prohibée, la procédure mise en place s'inscrivant dans la liberté d'expression au sens de l'article 10 de la CEDH et se bornant à fournir, dans le cadre de son objet social, les renseignements essentiels pour faciliter aux victimes d'une pratique anticoncurrentielle sanctionnée, l'accès à la justice,

- il n'a été porté aucune atteinte aux dispositions combinées de la loi du 31/12/1971 et du décret du 25/08/1972 sur le démarchage juridique lequel n'a pas été caractérisé, s'agissant simplement de la mise à disposition d'un calculateur pour calculer le retentissement pour les consommateurs de pratiques anti-concurrentielles qui ne saurait s'analyser en une consultation juridique personnalisée mais en une simple démarche d'information exclusive de toute sollicitation mais impliquant plusieurs démarches personnelles du consommateur intéressé auquel était rappelé sa faculté d'agir distinctement,

- la prétendue irrégularité tirée d'un démarchage interdit qui ne fait l'objet d'aucune sanction et a pour seule fin d'assurer la validité du consentement de la personne sollicitée, ne pourrait faire l'objet que d'une nullité relative qui ne peut être soulevée que par le contractant lésé en application de l'article 1304 du Code civil et ne pouvait donc l'être par la SA Bouygues Télécom qui, dépourvue de droit d'action, n'avait pas qualité à agir au sens de l'article 31 du Code de procédure civile tandis que cette dernière ne peut pas plus discuter la régularité du mandat donné à l'avocat, par application de l'article 416 du Code de procédure civile, puisque l'avocat est dispensé de justifier du mandat reçu et que le défaut de pouvoir d'un mandataire ad litem ne peut profiter qu'à la partie représentée,

- le tribunal ne pouvait pas plus soulever cette irrégularité, puisque par application de l'article 120 du Code de procédure civile, seules peuvent être soulevées d'office les nullités fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public ce qui n'est le cas ni de l'interdiction prévue par l'article L. 422-1 du Code de la consommation ni du défaut de pouvoir de l'avocat, tandis que, par application de l'article 125 du Code de procédure civile, les seules fins de non recevoir qui peuvent être soulevées d'office sont celles tirées du défaut d'intérêt du défaut de qualité ou de chose jugée,

- aucune nullité de fond (article 117 du Code de procédure civile) ou de forme (article 114 du Code de procédure civile) n'a été caractérisée,

- aucun élément de fait ne permet de mettre en cause la validité de l'assignation de Sébastien Amblard qui ne recèle aucune nullité de fond ou de forme et à l'encontre duquel aucune fraude n'a été caractérisée ou la recevabilité des interventions volontaires, aucun des messages personnalisés versés aux débats par la SA Bouygues Télécom ne concernant une partie à l'instance et toutes les parties étant représentées par un avocat dont le mandat est parfaitement régulier,

- les conclusions d'intervention volontaire de l'association UFC Que Choisir dont la régularité formelle est incontestable qui n'a pu se démarcher elle-même et qui a agi sur le fondement des articles L. 421-1 et L. 421-7 du Code de la consommation au regard d'une pratique dont la Cour de cassation a retenu qu'elle avait porté une très grave atteinte à la collectivité des consommateurs sont parfaitement régulières ;

Considérant que la SA Bouygues Télécom réplique que :

- l'association UFC Que Choisir a soigneusement préparé seule l'assignation et incité les consommateurs à se joindre à son action en :

- organisant l'étude Altex avant même la décision du Conseil de la concurrence, dont elle assumait entièrement la charge puis en imaginant un outil informatique,

- en informant les consommateurs, dès cette décision du caractère opérationnel au 01 12 2005 de ce calculateur,

- en proposant au consommateur connecté de remplir son dossier et en adressant aux autres internautes des e-mails de relance insistants en appelant leurs attentions sur des délais de rigueur,

- en se faisant mandater par les consommateurs pour engager l'action en leur nom et pour leur compte ce qui s'évince des termes du contrat d'engagement "l'abonné donne mandat à UFC Que Choisir afin d'engager une action en justice dont l'objet en réparation du préjudice subi du fait des pratiques anticoncurrentielles commises par l'opérateur de téléphone mobile. Dans le cadre du mandat donné l'UFC Que Choisir s'engage à présenter la demande de l'abonné devant la juridiction compétente à suivre le déroulement de celle-ci et (...) l'UFC Que Choisir choisira l'avocat qui engagera l'action devant les tribunaux au nom de l'abonné" et en indiquant avant la délivrance de l'assignation de Sébastien Amblard en, août 2006 "UFC Que Choisir a engagé à l'encontre de chacun des opérateurs à laquelle peut se joindre tout abonné mécontent",

- en outre les assignations et interventions volontaires se fondent sur l'étude Altex ;

L'Association UFC Que Choisir a violé la prohibition du démarchage juridique définie par la loi du 31/12/1971 par :

- la mise en ligne d'un calculateur de préjudice individuel non réservé à ses seuls adhérents ce qui est donner un avis personnalisé sur une question juridique et opérer un démarchage,

- l'offre de se joindre à son action sur son site faite à tous les internautes connectés,

- par des courriels répétés et personnalisés à des internautes ayant laissé leurs coordonnées sur le site "cartelmobile.org",

- ces violations étant concrétisées par le choix du même avocat ;

L'association UFC Que Choisir a violé les dispositions du Code de la consommation relatives à l'appel public (article L. 421-1) dans le cadre de l'action en représentation conjointe en provoquant et en fournissant par son site en utilisant des techniques d'informations de masse les moyens matériels fondant l'action d'un consommateur à laquelle elle feint de se joindre et en organisant les interventions volontaires ;

La nullité des actes est encourue par application de l'article 117 du Code de procédure civile visant le défaut de pouvoir des personnes assurant la représentation des parties dès lors, d'une part, que les personnes physiques ont donné mandat à l'association UFC Que Choisir de choisir un avocat en leur nom et d'autre part, que le mandat a été donné à l'association UFC Que Choisir à la suite d'un démarchage illicite tant au regard de la loi du 31/12/1971 que du Code de la consommation, dont résultent tout à la fois la nullité du mandat et le défaut de pouvoir des personnes assurant la représentation des parties à l'instance ;

Si la nullité n'était pas prononcée, les assignations et interventions volontaires devraient être déclarées irrecevables par application de l'article 122 du Code de procédure civile, les fins de non recevoir n'étant pas limitatives et l'action des associations de consommateurs étant inscrite dans de strictes limites ;

A raison des fraudes commises tous les actes de procédure y compris l'assignation de Sébastien Amblard doivent être atteints par ces nullités et irrecevabilités ;

Contrairement à ce qu'il est prétendu, la SA Bouygues Télécom est recevable à exciper de l'irrégularité de la procédure, les interdictions prévues par la loi du 31/12/1971 comme par le Code de la consommation se rapportant à l'ordre public de direction judiciaire, les nullités de fond et causes d'irrecevabilité des actes de procédure pouvant être invoquées par toutes les parties ce qui s'évince de la circonstance qu'elles n'ont à justifier d'aucun grief, et les mandats donnés à l'avocat n'étant pas critiqués en eux-mêmes mais en ce qu'il résultaient d'une fraude ;

Le juge pouvait parfaitement retenir l'irrégularité de la procédure, la validité des actes à raison du démarchage illicite ayant été expressément débattue et la cour en étant expressément saisie par les écritures des parties du fait de l'effet dévolutif de l'appel ;

Le juge n'a pas dénaturé les termes du litige en requalifiant l'action en représentation conjointe et limité le droit des consommateurs à agir individuellement mais constaté qu'en réalité l'association UFC Que Choisir était l'initiateur de la procédure et qu'elle n'avait pas respecté les textes en vigueur lorsqu'elle agit au nom de plusieurs consommateurs ;

Considérant qu'il résulte des pièces produites et notamment du jugement que la SA Bouygues Télécom a soulevé devant le premier juge la nullité de l'acte introductif d'instance et des interventions volontaires, à raison de la planification et de l'orchestration d'une action par l'association UFC Que Choisir pour lui donner l'apparence d'une licéité formelle mais qui ne respectait pas les règles des interventions volontaires des associations de consommateurs et détournait celle de la représentation conjointe, caractérisant ainsi des irrégularités de fond au sens de l'article 117 du Code de procédure civile affectant tant l'assignation introductive d'instance que les interventions volontaires tandis que, devant la cour, la SA Bouygues Télécom a repris pour l'essentiel ce moyen en soulignant la fraude commise et les violations de la loi du 31/12/1971 comme de l'article L. 421-1 du Code de la consommation relatives à l'interdiction des consultations juridiques et aux limites du mandat pouvant être donné aux organisations de consommateurs ;

Considérant que par application des dispositions des articles 117 et suivants du Code de procédure civile, constitue une nullité de fond affectant les actes de procédure, le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie à l'instance, qu'une telle nullité peut être soulevée en tout état de cause sans que la partie qui l'invoque ait à justifier d'un grief, qu'elle doit être soulevée d'office lorsqu'elle a un caractère d'ordre public tandis que les dispositions de la loi du 31/12/1971 relatives aux personnes pouvant délivrer une consultation juridique personnalisée comme les limites fixées aux conditions d'exercice des actions d'associations de consommateurs et d'obtention du mandat pouvant leur être donné dans le cadre d'une action en représentation conjointe participent d'un ordre public de direction ;

Considérant qu'il s'en suit que la SA Bouygues Télécom est recevable à soulever l'exception de nullité dont s'agit ;

Considérant qu'il n'est pas utilement contredit et résulte tant des pièces produites que de la chronologie de la mise en place des dossiers individuels par l'association UFC Que Choisir et des actes de procédure que :

- avant que n'intervienne la décision du Conseil de la concurrence, cette association avait fait étudier par le cabinet Altex les préjudices individuels liés aux pratiques anti-concurrentielles qu'elle dénonçait, que sur la base de cette étude, avait été élaboré un calculateur informatique opérationnel dès le 1er décembre 2005 ce qu'elle diffusait sur le site mis en place auprès de tout internaute potentiel,

- après une simple connexion lui donnant un numéro d'accès, une seconde connexion permettait à l'internaute de constituer un dossier en ligne en l'informant que la procédure judiciaire serait prise en charge par UFC Que Choisir, des relances étant adressées à des internautes qui n'y donnaient pas suite en insistant sur les délais de rigueur,

- du contrat d'engagement s'évince que l'association UFC Que Choisir se faisait mandater par les consommateurs pour agir en justice en leur nom et pour leur compte,

- ce contrat d'engagements faisait référence à l'abonnement, à la décision du Conseil de la concurrence et aux pratiques anti-concurrentielles dénoncées des trois opérateurs concernés, à la faute contractuelle génératrice d'un préjudice, à la définition et à la limite du préjudice dont la réparation est demandée, à la saisine de la juridiction compétente, au choix de l'avocat, à la prise en charge des frais de procédure, aux frais au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, à l'intervention volontaire de UFC Que Choisir pour la réparation du préjudice collectif, à l'éventualité d'un règlement amiable,

- l'assignation introductive d'instance se réfère manifestement à ce contrat d'engagement tout comme les interventions volontaires des abonnés ;

Considérant que par application des articles 66-4 et 72 de la loi du 31/12/1971 dans sa rédaction issue de la loi du 31/12/1990, sera puni de peines d'amende et/ou d'emprisonnement quiconque se sera livré au démarchage en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique tandis que selon l'article 1er du décret du 25/08/1972 dans sa rédaction issue du décret du 1er janvier 1992 pris pour l'application de cette loi "constitue un acte de démarchage au sens de l'article 66-4 de la loi du 31/12/1971 le fait d'offrir ses services, en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique ou de provoquer à la souscription aux mêmes fins, notamment en se rendant personnellement ou en envoyant un mandataire soit au domicile ou la résidence d'une personne, soit sur les lieux de travail, de repos, de traitement ou dans un lieu public" ;

Considérant que par la généralité de leurs termes ces textes qui ne distinguent ni selon le caractère rémunéré ou non, habituel ou non, hors contentieux ou non, selon les personnes ou organismes, selon le procédé de l'offre, sont applicables à l'offre faite par l'association UFC Que Choisir sur un site Internet adressée à des abonnés indépendamment de leur adhésion de se constituer un dossier individuel de leur préjudice à partir d'un calculateur qu'elle fournissait et de se joindre à une action judiciaire qu'elle déclarait initier, suivie le cas échéant de lettres de relance si l'intéressé n'y recourait pas, cette offre étant suivie d'un contrat d'engagement qui la concrétisait portant mandat de l'abonné d'agir judiciairement en son nom et pour son compte, contenant au demeurant une consultation juridique personnalisée puisqu'il rappelait la décision de condamnation l'opérateur en cause pour pratique anti-concurrentielle, la faute contractuelle en résultant, après qu'ait été constitué un dossier individuel de préjudice, et précisait la limite de la réparation demandée ;

Considérant qu'il s'ensuit que l'infraction à la loi du 31/12/1971 a été caractérisée ;

Considérant que parmi les quatre types d'actions ouvertes aux associations de consommateurs, seules les deux dernières étaient susceptibles d'être exercées dans le cadre du présent litige, savoir :

- l'intervention en justice pour obtenir la réparation du préjudice collectif des consommateurs en présence d'une demande initiale formée par un ou plusieurs consommateurs ayant pour objet la réparation du préjudice subi par le consommateur à raison de faits non constitutifs d'une infraction pénale (article L. 421-7 du Code de la consommation), l'association en cause ne pouvant en ce cas et à cette fin introduire l'instance,

- l'action en représentation conjointe définie par l'article L. 422-1 du Code de la consommation qui énonce :

" lorsque plusieurs consommateurs, personnes physiques, identifiés ont subi des préjudices individuels qui ont été causés par le fait d'un même professionnel et qui ont une origine commune, toute association agréée et reconnue représentative sur le plan national en application du titre 1 peut si elle a été mandatée par au moins deux consommateurs concernés, agir en réparation devant toute juridiction au nom de ces consommateurs, le mandat ne peut être sollicité par voie d'appel public télévisé ou radiophonique ni par voie d'affichage de tract ou de lettre personnalisée ; il doit être donné par écrit par chaque consommateur" ;

Considérant qu'il résulte des circonstances précédemment rappelées que le mandat obtenu par l'association UFC Que Choisir ne l'a pas été dans des conditions prévues par le texte précité dès lors, d'une part, que du sens du texte était exclu tout recours à une technique d'information de masse à laquelle se rattache l'utilisation d'un site internet, d'autre part, ainsi qu'il a été dit, cette association a utilisé à cette même fin des lettres personnalisées ;

Considérant que l'infraction est donc caractérisée, qu'elle l'est, alors même que l'association en cause prétend ne pas agir par voie d'action de représentation conjointe, la prohibition dont s'agit, s'étendant, à raison de son objet, comme celui plus généralement des actions d'association de consommateurs, qui est de les inscrire dans des conditions strictes d'exercice à un quelconque mandat d'agir judiciairement donné à l'association ;

Considérant, au demeurant, dès lors, qu'elle n'entendait pas agir par la voie d'une action avec représentation conjointe, l'association n'avait aucun besoin de justifier d'un mandat ;

Considérant que, au-delà de la régularité formelle de l'assignation introductive d'instance, de l'intervention volontaire de l'association UFC Que Choisir et de celles de plusieurs milliers d'abonnés, il est manifeste, que, depuis l'origine, l'association UFC Que Choisir, qui savait ne pouvoir agir en introduisant l'instance, et qui très rapidement avait pris conscience du caractère très limité du préjudice individuel de chaque abonné, ce qui ne pouvait que les dissuader d'introduire l'instance en indemnisation, s'est efforcée d'organiser et d'orchestrer l'assignation et les interventions volontaires des abonnés, au mépris des interdictions de démarchage et d'appel au public qui y faisaient obstacle tandis qu'il s'évince à l'évidence, spécialement au regard des contrats d'engagement souscrits par les abonnés intervenants volontaires que le mandat donné apparemment à leur conseil n'avait aucune réalité puisque dans ces contrats d'engagements l'association UFC Que Choisir indiquait supporter toute la procédure et la conduire en sorte qu'elle était le véritable mandant de ces conseils ;

Considérant que la même analyse ne peut qu'être faite pour l'assignation délivrée par Sébastien Amblard qui se réfère à l'étude Altex, mentionne les mêmes conseils, développe une argumentation similaire ;

Considérant que par suite, à raison des infractions à l'origine des mandats donnés à ces conseils, du détournement de procédure, de l'absence de réalité des mandats donnés par les abonnés, l'assignation comme les actes d'intervention volontaire sont nuls, pour défaut de pouvoir des personnes assurant la représentation en justice par application de l'article 117 du Code de procédure civile ;

Considérant que l'assignation introductive étant nulle et l'association en cause ne pouvant lorsqu'elle agit sur le fondement de l'article L. 421-7 du Code de la consommation introduire l'instance, l'intervention volontaire de cette association est elle-même nulle ;

Considérant que, par suite, la procédure subséquente est nulle et qu'il y a lieu d'annuler le jugement ;

Considérant que la nullité du jugement étant prononcée à raison de l'irrégularité affectant l'acte introductif d'instance, il n'y a pas lieu à statuer sur le fond ;

Considérant que le surplus de l'argumentation des parties est dénué de portée ;

Considérant que les conditions d'application de l'article 700 du Code de procédure civile ne sont pas réunies, le jugement étant confirmé sur l'application de cet article ;

Considérant que les appelants sont condamnés aux dépens d'appel, le jugement étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens ;

Par ces motifs, Réforme le jugement en ce qu'il a dit irrecevables l'assignation et les interventions volontaires ; Le confirme pour le surplus ; Statuant à nouveau, Dit nulle l'assignation et les interventions volontaires, et la procédure subséquente ; Annule par voie de conséquence le jugement ; Rejette le surplus des demandes ; Condamne l'association UFC Que Choisir aux entiers dépens de première instance et d'appel ; Admet la SCP Monin d'Auriac de Brons au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.