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CCE, 21 octobre 2008, n° 2010-38

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Relative à l'aide d'État C 20-08 (ex N 62-08) que l'Italie entend mettre à exécution en modifiant le régime N 59-04 relatif à un mécanisme de défense temporaire en faveur de la construction navale

CCE n° 2010-38

21 octobre 2008

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir invité les parties intéressées à présenter leurs observations conformément aux articles précités (1), considérant ce qui suit:

I. PROCÉDURE

(1) Par lettre du 1 er février 2008, enregistrée à la Commission à la même date, l'Italie a notifié à la Commission l'aide d'État C 20-08 (ex N 62-08). Par lettre enregistrée à la Commission le 18 mars 2008, l'Italie lui a fourni des informations complémentaires.

(2) Par sa lettre du 30 avril 2008, la Commission a informé l'Italie de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE à l'encontre de la mesure susmentionnée. Cette décision a été notifiée à l'Italie le 7 mai 2008.

(3) Cette décision de la Commission a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne (2). La Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur l'aide en cause.

(4) Par courrier électronique du 4 juin 2008, enregistré à la Commission à cette même date (donc dans le délai fixé par la décision d'ouvrir la procédure pour l'envoi des observations par l'Italie), l'Italie a demandé que ce délai soit prolongé d'un mois. Par sa lettre du 9 juin 2008, la Commission a porté ce délai au 7 juillet 2008. Enfin, l'Italie a communiqué ses observations par lettre datée du 7 juillet 2008, enregistrée à la Commission à cette même date (c'est-à-dire le délai ultime de la prorogation).

(5) Par lettre du 12 septembre 2008, enregistrée à la Commission le 17 septembre 2008, Cantiere Navale De Poli SpA (ci-après "De Poli"), qui affirmait être une partie intéressée, a fait connaître ses observations. De Poli est un chantier naval italien situé à Venezia-Pellestrina. D'après les informations fournies dans la notification, il s'agit d'un des deux chantiers qui pourraient éventuellement bénéficier d'aides d'État au titre du régime cité ci-après au point 6, à condition que ce dernier soit autorisé. Il se fait que le délai fixé pour la présentation des observations par les parties intéressées avait expiré un mois après la publication au Journal officiel de l'Union européenne de la décision d'ouvrir la procédure visée à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE, à savoir le 7 juillet 2008. De Poli a présenté ses observations après la date butoir, affirmant n'avoir eu connaissance que tardivement de la décision de la Commission d'ouvrir la procédure et des observations présentées par l'Italie.

(6) En application de l'article 88, paragraphe 2, du traité CE, la Commission invite les parties intéressées à présenter leurs observations. Elle n'est pas tenue pour autant d'informer individuellement chaque partie intéressée, mais bien de veiller à ce que toutes les personnes susceptibles d'être intéressées puissent présenter leurs observations. La publication de la communication au Journal officiel constitue un moyen approprié d'informer toutes les parties intéressées de l'ouverture d'une procédure (3). On peut donc en déduire que De Poli a été dûment informé de la décision d'ouverture de la procédure et du délai fixé pour la présentation des observations par la publication. De Poli n'a cependant pas respecté le délai fixé pour la présentation d'observations prévu à l'article 6, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE (4) (ci-après "règlement de procédure"). La Commission constate que De Poli n'a pas demandé de report du délai fixé pour la présentation de ses observations ni donné de raison particulière pour laquelle celles-ci devraient être prises en considération alors qu'elles ont été présentées après le délai prescrit. La Commission ne tiendra donc pas compte des observations formulées tardivement par De Poli.

II. DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE L'AIDE

(7) Par lettre C(2004) 1807 final du 19 mai 2004, la Commission avait décidé de n'émettre aucune objection à propos du régime d'aides d'État relatif au mécanisme de défense temporaire en faveur de la construction navale (5) (ci-après "le régime"). Elle avait jugé que le régime était compatible avec le marché commun puisqu'il était conforme aux dispositions du règlement (CE) n° 1177-2002 du Conseil du 27 juin 2002 concernant un mécanisme de défense temporaire en faveur de la construction navale (6), modifié par le règlement (CE) n° 502-2004 du Conseil du 11 mars 2004 (7) (ci-après "le règlement MDT").

(8) Le régime susmentionné, autorisé par la Commission après notification, disposait d'un budget de 10 millions d'EUR.

(9) L'Italie a notifié à la Commission son intention d'allouer 10 millions d'EUR supplémentaires au régime.

III. DESCRIPTION DES MOTIFS DE L'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE FORMELLE D'EXAMEN

(10) La Commission a ouvert la procédure formelle d'examen conformément à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE parce qu'elle nourrissait des doutes quant à la compatibilité de l'aide notifiée avec le marché commun, pour les raisons exposées ci-après.

(11) Compte tenu de l'article 1 er , point c), du règlement de procédure et de l'article 4 du règlement (CE) n° 794-2004 de la Commission du 21 avril 2004 concernant la mise en œuvre du règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE (8) (ci-après "le règlement d'application"), la Commission a considéré que l'augmentation du budget qui lui avait été notifiée constituait une modification du régime et, partant, une aide nouvelle à notifier à la Commission conformément aux dispositions de l'article 88, paragraphe 3, du traité CE. Elle a estimé, en outre, que la compatibilité de l'aide notifiée avec le marché commun devait être appréciée à la lumière des dispositions actuellement en vigueur. Le règlement MDT a expiré le 31 mars 2005 et ne constitue donc pas une base juridique pour l'autorisation de l'aide.

(12) La Commission a par ailleurs observé qu'aucune autre disposition applicable en matière d'aides d'État ne semble établir la compatibilité de l'aide avec le marché commun.

IV. OBSERVATIONS DES AUTORITÉS ITALIENNES

(13) L'Italie a réfuté les doutes exprimés par la Commission et a formulé les remarques suivantes.

(14) Tout d'abord, l'Italie conteste la position de la Commission selon laquelle la mesure notifiée constitue une aide nouvelle. Elle affirme que, suivant une interprétation correcte de l'article 4 du règlement d'application, la qualification d'aide nouvelle devrait être réservée aux majorations du budget de régimes d'aides autorisés, assorties d'une réouverture des délais pour l'accès des entreprises aux avantages qui en résultent et entraînant des effets de distorsion de la concurrence. L'Italie soutient que tel n'est pas le cas puisqu'il s'agit de mener à bien des opérations pour lesquelles une demande officielle avait été présentée conformément au règlement MDT. Elle soutient encore que l'article 4 du règlement d'application est une disposition procédurale qui établit les modalités de notification de certaines modifications d'aides existantes, sans pour autant intervenir dans l'appréciation de la compatibilité et que la Commission ne peut donc invoquer la règle de l'article 4 pour exprimer un jugement sur la compatibilité ou non de l'aide d'État proposée.

(15) L'Italie commente ensuite la position de la Commission selon laquelle le règlement MDT ne constitue plus une base juridique aux fins de l'appréciation de la compatibilité de l'aide notifiée. Elle affirme principalement qu'il y a incohérence entre cette argumentation et la position adoptée dans le règlement MDT lequel, tout en étant en vigueur jusqu'au 31 mars 2004 (délai reporté ultérieurement au 31 mars 2005) adoptait comme base juridique le règlement (CE) n° 1540-98 du Conseil du 29 juin 1998 qui établissait de nouvelles règles pour la construction navale (9) (ci-après le "règlement concernant la construction navale") et qui devait venir à échéance le 31 décembre 2003 déjà.

(16) En outre, l'Italie ne voit pas bien pourquoi le règlement MDT ne peut justifier l'actualisation du budget du régime d'aides, puisque celle-ci se résume à une simple opération financière visant à accorder un même traitement aux chantiers qui ont déjà bénéficié du régime et à ceux qui ont présenté une demande conformément aux dispositions du règlement MDT et qui n'ont pas encore bénéficié de l'aide faute de crédits (principe général d'égalité de traitement). L'Italie argue que l'actualisation des ressources affectées aux interventions publiques visant à corriger les effets du temps ou de prévisions de dépenses s'avérant insuffisantes ne constitue pas une aide nouvelle, malgré l'augmentation du montant de la subvention initiale, ou est compatible au regard de la base juridique qui justifiait l'aide première. En résumé, il s'agit pour l'Italie de régulariser des situations en suspens concernant des demandes d'aide relatives à des contrats conclus avant le 31 mars 2005, sans que cela constitue une extension du régime, un élargissement de sa portée ou une modification de sa structure fondamentale. À l'appui de son argumentation, l'Italie invoque les principes généraux d'égalité de traitement, la nécessité de tenir dûment compte de la confiance légitime des bénéficiaires ainsi que de la jurisprudence constante de la Cour de justice (les arrêts rendus dans l'affaire 223-85 10 (10) et dans l'affaire C-364-90 (11)).

(17) Enfin, l'Italie prétend que l'aide notifiée ne serait pas en conflit avec une décision de l'OMC établissant que le règlement MDT n'est pas conforme aux règles de l'OMC.

V. APPRÉCIATION DE L'AIDE

Qualification d'aide d'État

(18) La mesure étant de nature purement financière, sa compatibilité avec le marché commun doit être appréciée au regard des mesures qu'elle est destinée à financer, à savoir apporter une aide dans le cadre du régime. Pour les raisons exposées dans la lettre de la Commission du 19 mai 2004, le régime constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.

Aide nouvelle

(19) En vertu de l'article 1 er , point c), du règlement de procédure et de l'article 4 du règlement d'application, les augmentations du budget d'un régime d'aide autorisé constituent des aides nouvelles si elles sont supérieures à 20 % de la dotation initiale. En l'occurrence, l'augmentation notifiée correspond à 100 % de la dotation initiale et doit, par conséquent, être considérée comme une aide nouvelle au sens de l'article 87 du traité CE.

(20) Les objections que l'Italie a formulées à ce propos ne modifient pas l'appréciation de la Commission.

(21) La Commission observe que, en ce qui concerne la notion d'aide nouvelle, soumise à l'obligation de notification au sens de l'article 88, paragraphe 3, du traité CE, elle applique les définitions figurant à l'article 1 er, point c), du règlement (CE) n° 659-1999. L'article 1 er , point c), dudit règlement définit notamment comme aide nouvelle "toute modification d'une aide existante".

(22) L'article 4 du règlement d'application précise en outre qu'"on entend par modification d'une aide existante tout changement autre que les modifications de caractère purement formel ou administratif qui ne sont pas de nature à influencer l'évaluation de la compatibilité de la mesure d'aide avec le marché commun" y compris les augmentations de plus de 20 % du budget d'un régime d'aides autorisé. À cet égard, la Commission constate que l'article 4 du règlement d'application ne constitue pas la base juridique pour l'appréciation de la compatibilité de l'aide nouvelle, et que la Commission, contrairement à ce qu'a suggéré l'Italie (voir le point 13), ne s'est pas basée sur cet article à cette fin; cet article confirme plutôt que la Commission applique l'article 1 er , point c), du règlement de procédure concernant la notion d'"aide nouvelle". La Commission observe en outre que la thèse de l'Italie (à savoir que la mesure n'est qu'une simple actualisation des dépenses qui se seraient révélées inadéquates sans modifications suffisantes de la structure fondamentale du régime) ne modifie en rien le fait que l'augmentation en question s'apparente à une modification de l'aide existante et, partant, à une aide nouvelle, au sens de l'article 1 er , point c), du règlement de procédure et de l'article 4 du règlement d'application.

(23) La Commission ne peut pas accepter non plus la thèse de l'Italie selon laquelle, sur la base d'une interprétation correcte de l'article 4 du règlement d'application, la qualité d'aide nouvelle devrait être réservée aux augmentations des crédits des régimes d'aides autorisés assorties d'une réouverture des délais pour l'accès des entreprises aux avantages y afférents avec, pour effet, une distorsion de la concurrence. La Commission observe que les augmentations du budget d'un régime autorisé (autres que des augmentations marginales inférieures à 20 %) ont inévitablement une incidence sur la concurrence puisqu'elles permettent à l'État membre d'accorder une aide plus importante que celle approuvée initialement. Cette situation conduit la Commission à procéder à une nouvelle appréciation de la compatibilité de l'aide avec le marché commun. Il en résulte qu'une augmentation telle que celle notifiée par l'Italie ne peut être considérée comme étant purement formelle ou administrative ou n'ayant aucune influence sur l'appréciation de la compatibilité de l'aide avec le marché commun.

(24) Par conséquent, compte tenu de ce qui précède, la Commission confirme que la mesure notifiée doit être appréciée comme une aide nouvelle au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.

Le règlement MDT ne constitue plus une base juridique valide

(25) En ce qui concerne la première observation formulée par l'Italie en la matière, la Commission souligne tout d'abord que la base juridique pour l'adoption du règlement MDT n'était pas le règlement sur la construction navale, mais bien le traité CE, et en particulier l'article 87, paragraphe 3, point e), l'article 93 et l'article 133. Par ailleurs, la Commission ne voit aucune incohérence entre sa position dans le cas présent et le fait que le règlement MDT se référait, pour certaines de ses dispositions, au règlement sur la construction navale. Il s'agit d'une simple question de technique législative; en effet, pour éviter les répétitions, le règlement MDT ne répétait pas certaines définitions ou règles déjà énoncées dans le règlement sur la construction navale, mais en intégrait simplement la substance au moyen d'une référence. De ce fait, l'application du règlement MDT dans ces circonstances n'était pas subordonnée à la validité continue du règlement sur la construction navale, mais introduisait en revanche de nouvelles dispositions autonomes dans le règlement MDT, fondamentalement analogues aux dispositions du règlement sur la construction navale auxquelles elles faisaient référence. Cela n'est nullement en contradiction avec la position de la Commission dans le cas présent, selon laquelle un acte des institutions communautaires doit se fonder sur une base juridique valide lors de son adoption.

(26) Comme indiqué dans la décision de la Commission du 30 avril 2008 portant ouverture de la procédure formelle d'examen, le règlement MDT n'est plus en vigueur et ne peut donc servir de base juridique pour l'appréciation de l'aide nouvelle. Pour les raisons évoquées dans la décision d'ouverture de la procédure (points 9 et 10), l'aide notifiée n'est pas compatible avec le marché commun sur la base de l'encadrement des aides d'État à la construction navale (12), et ne semble pas compatible non plus sur la base de toute autre disposition applicable en matière d'aides d'État. La Commission observe encore que l'Italie n'a proposé aucune autre base juridique pour l'appréciation de la compatibilité de l'aide, soutenant plutôt qu'il ne s'agit pas d'une "aide nouvelle", argument que la Commission ne peut accepter, comme expliqué aux points 18 à 22.

(27) De même, la Commission ne peut accepter les arguments avancés par l'Italie sur les principes juridiques généraux de confiance légitime et d'égalité de traitement.

(28) L'Italie argue que les constructeurs navals qui ont présenté une demande d'aide sur la base du régime quand le règlement MDT était encore en vigueur et qui ont respecté les délais fixés pour bénéficier de cette aide, mais n'ont pas réussi à l'obtenir faute de moyens ont un droit légitime à la recevoir; elle prétend par ailleurs que, sur la base du principe général de protection de la confiance légitime (ainsi que pour des raisons d'égalité de traitement avec les constructeurs navals qui ont effectivement reçu une aide prélevée sur des fonds disponibles), ils ont le droit de recevoir l'aide, indépendamment du fait que le règlement MDT soit ou non encore en vigueur.

(29) D'après la jurisprudence constante, le droit d'invoquer le principe de protection de la confiance légitime s'étend à tout individu qui se trouve dans une situation dans laquelle il est clair que les autorités communautaires lui ont permis, en lui donnant des assurances précises, de nourrir des attentes légitimes. Une personne ne peut toutefois invoquer la violation de ce principe que si des assurances précises lui ont été données par les autorités (13).

(30) En l'occurrence, la Commission estime que les bénéficiaires potentiels du régime peuvent invoquer des attentes légitimes concernant la légitimité de toute aide accordée sur la base du régime tel qu'autorisé par la Commission, y compris la restriction du budget à 10 millions d'EUR. Ce que l'Italie soutient en réalité équivaut à une attente de pouvoir bénéficier d'une aide au-delà du délai fixé et, en particulier, de pouvoir bénéficier de subventions supérieures au budget approuvé, soit un espoir de recevoir une nouvelle aide d'État. En principe, une entreprise ne peut invoquer une attente légitime à recevoir une aide qui n'a pas été autorisée par la Commission conformément à la procédure prévue par le traité CE (14). Elle ne peut, pour la même raison, invoquer un principe général d'égalité de traitement afin de bénéficier du même traitement que les bénéficiaires d'une aide autorisée.

(31) L'Italie cite en outre une jurisprudence constante qui reflète, à son avis, l'application du régime "accessorium sequitur principale" et permet de déduire que l'actualisation des ressources affectées à des interventions publiques destinées à corriger les effets du temps ou de prévisions de dépenses se révélant insuffisantes, même si elle comporte l'augmentation du montant de la subvention initiale, ne constitue pas une aide nouvelle ou s'avère compatible sur la même base juridique que celle qui a justifié l'aide initiale.

(32) Il n'en reste pas moins que la jurisprudence citée ne corrobore pas la thèse de l'Italie.

(33) Dans l'arrêt rendu dans l'affaire C 223-85, la Cour a constaté que l'absence d'intervention de la Commission dans un délai raisonnable, s'ajoutant au fait que l'aide était destinée à couvrir des coûts supplémentaires d'une opération qui avait bénéficié d'une aide autorisée, avait légitimement laissé croire au bénéficiaire que l'aide ne susciterait aucune objection. La Commission ne voit cependant pas comment ce précédent corrobore la thèse de l'Italie selon laquelle l'actualisation du budget du régime ne constituerait pas une aide nouvelle ou, si elle devait être considérée comme telle, serait compatible au regard de la base juridique ayant justifié l'aide initiale, à savoir le règlement MDT. La Commission observe en revanche que, dans l'arrêt susmentionné, la Cour n'a nullement contesté que "l'aide destinée à faire face à des dépenses supplémentaires pour une opération qui avait [...] bénéficié d'une subvention autorisée" nécessitait l'approbation de la Commission au sens de l'article 87, paragraphe 1, (à l'époque 93) du traité CE.

(34) Qui plus est, l'Italie n'a pas démontré que, dans le cas d'espèce, la Commission ne serait pas intervenue dans un délai raisonnable. Au contraire, c'est plutôt l'Italie qui n'a pas notifié l'augmentation du régime alors que le règlement MDT était encore en vigueur.

(35) L'affaire C-364-90 ne confirme pas non plus la thèse défendue par l'Italie. Dans la partie de l'arrêt à laquelle l'Italie fait référence, la Cour constate simplement que la Commission n'a pas réussi à motiver correctement une décision négative relative à une aide d'État, précisant par ailleurs que certains documents présentés au cours de la phase précontentieuse établissaient suffisamment clairement la recevabilité des arguments invoqués au cours de la procédure devant la Cour. La Commission ne voit pas comment ces points essentiellement procéduraux pourraient étayer la thèse de l'Italie selon laquelle l'augmentation du budget du régime devrait, en tant que question de droit matériel, être autorisée sur la base du règlement MDT. Enfin, en ce qui concerne la remarque formulée par l'Italie, à savoir que l'aide notifiée ne serait pas contraire à une décision de l'OMC (Organisation mondiale du commerce) qui a déclaré que les dispositions du règlement MDT n'étaient pas conformes aux règles de l'OMC, la Commission a déjà observé dans de précédentes décisions que la jurisprudence de la Cour de justice établit que les règles communautaires doivent être interprétées, dans la mesure du possible, à la lumière du droit international, en ce compris les obligations de la CE dans le cadre de l'OMC (15). Il en découle que le règlement MDT doit aussi être interprété en tenant compte des obligations internationales de la Communauté (16).

(36) À cet égard, la Commission fait remarquer que la Corée a contesté la compatibilité du règlement MDT avec les règles de l'OMC. Un groupe d'experts a publié (le 22 avril 2005) un rapport concluant que le règlement MDT et divers régimes nationaux MDT (existant à l'époque où la Corée a porté le différend devant l'OMC) violaient l'article 23, paragraphe 1, du mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends (17). Le 20 juin 2005, l'organe de règlement des différends de l'OMC a adopté le rapport du groupe d'experts qui recommandait à la Communauté de mettre le règlement MDT et les régimes nationaux MDT en conformité avec les obligations qui lui incombent en vertu des accords OMC (18). Le 20 juillet 2005, la Communauté a informé l'organe de règlement des différends que ses règles étaient désormais conformes à la décision et aux recommandations dudit organe étant donné que le règlement MDT était venu à échéance le 31 mars 2005 et que les États membres ne pouvaient plus accorder d'aides au fonctionnement en s'appuyant sur ce règlement.

(37) Le rapport du groupe d'experts et la décision de l'organe de règlement des différends portant adoption de ce rapport ont condamné le règlement MDT en soi parce qu'il était contraire aux règles de l'OMC; la Communauté est par conséquent tenue de ne plus l'appliquer. L'obligation imposée à la Communauté d'appliquer la décision de l'organe de règlement des différends vaut également pour les décisions à venir d'accorder de nouvelles aides en vertu du règlement MDT (19). En informant l'organe de règlement des différends que ses règles étaient désormais conformes à la décision et à la recommandation dudit organe puisque le règlement avait expiré le 31 mars 2005 et que les États membres ne pouvaient donc plus accorder d'aides au fonctionnement sur cette base, la Communauté s'est engagée à ne plus appliquer ledit règlement pour accorder des aides nouvelles. L'autorisation de la présente aide constituerait par conséquent une violation d'engagements internationaux par la Communauté.

VI. CONCLUSION

(38) Pour les raisons invoquées ci-avant, la Commission constate que l'aide d'État notifiée est incompatible avec le marché commun.

A arrêté la présente décision:

Article premier

L'aide d'État que l'Italie entend mettre à exécution en modifiant le régime N 59-04 relatif à un mécanisme de défense temporaire en faveur de la construction navale qui comporte une augmentation du budget du régime de l'ordre de 10 millions d'EUR n'est pas compatible avec le marché commun.

Cette aide ne peut, par conséquent, être mise à exécution.

Article 2

L'Italie informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures prises pour s'y conformer.

Article 3

La République italienne est destinataire de la présente décision.

Notes :

(1) JO C 140 du 6.6.2008, p. 20.

(2) Voir note 1 de bas de page.

(3) Arrêt de la Cour du 14 novembre 1984 dans l'affaire SA Intermills/ Commission, point 17, Recueil 1984, p. 3809.

(4) JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.

(5) Aide d'État N 59-04 (JO C 100 du 26.4.2005, p. 27). La décision peut être consultée dans la langue faisant foi à l'adresse internet:

http://ec.europa.eu/comm/competition/state_aid/register/ii/by_case_ nr_n2004_0030.html#59

(6) JO L 172 du 2.7.2002, p. 1.

(7) JO L 81 du 19.3.2004, p. 6.

(8) JO L 140 du 30.4.2004, p. 1.

(9) JO L 202 du 18.7.1998, p. 1.

(10) Arrêt de la Cour de justice du 24 novembre 1987 dans l'affaire 223-85, RSV/Commission, Recueil 1987, p. 4617.

(11) Arrêt de la Cour de justice du 28 avril 1993 dans l'affaire C- 364-90, Italie/Commission, Recueil 1993, p. I-2097.

(12) JO C 317 du 30.12.2003, p. 11.

(13) Voir notamment l'arrêt du Tribunal de première instance du 24 septembre 2008 dans l'affaire T-20-03, Kahla/Thüringen Porzellan, point 146, non encore publiée.

(14) Voir par exemple l'arrêt de la Cour de justice dans l'affaire C-5-89, Commission/Allemagne, point 14, Recueil 1990, p. I-3437.

(15) Affaire C-53-96, Hermes, point 28, Recueil 1998, p. I-3603; affaire C-76-00 P, Petrotub, point 57, Recueil 2003, p. I-79.

(16) Affaires C 26-06 (ex N110-06) (JO L 219 du 24.8.2007, p. 25) et C 32-07 (ex N 389-06) (JO L 108 du 18.4.2008, p. 23).

(17) Voir CE - Measures affecting trade in commercial vessels, WT/DS301/R, points 7184-7222 & 8.1(d).

(18) Voir document OMC WT/DS301/6.

(19) Voir CE - Measures affecting trade in commercial vessels, WT/DS301/R, point 7.21.