Cass. com., 19 janvier 2010, n° 09-10.980
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Groupe Expert (SA), Ex & Co (Sté)
Défendeur :
Corre (Epoux), Chavane de Dalmassy (ès qual.), Lavallart (ès qual.), LCEC (Sté), Langlois (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
Mme Michel-Amsellem
Avocat général :
Mme Petit
Avocats :
Mes Le Prado, Hémery
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 27 novembre 2008), que la Banque régionale de l'Ouest (la BRO), aux droits de laquelle se trouve le Crédit industriel de l'Ouest, a consenti à la société LCEC, avec le cautionnement solidaire des époux Corre et de la société HCCL, société holding appartenant à ceux-ci, un prêt ayant pour objet le financement de travaux d'aménagement et des besoins en fonds de roulement d'un magasin de matériel électroménager, audiovisuel et informatique, créé sous l'enseigne Expert, laquelle est exploitée par un groupement coopératif de commerçants indépendants qui, par l'adhésion au réseau, bénéficient d'une centrale de référencement ; que la société LCEC ayant été mise en liquidation judiciaire, l'établissement de crédit a déclaré sa créance et assigné les cautions en exécution de leurs engagements ; que les époux Corre ont alors appelé en garantie les sociétés Groupe Expert et Expert France, devenue la société Ex & Co (les sociétés Expert), en leur reprochant d'avoir établi une étude de marché fautive à l'origine de la défaillance de la société LCEC ; que M. Chavane de Dalmassy, mandataire liquidateur de la société LCEC, et la société Langlois, maison mère de cette société, sont intervenus volontairement à l'instance ;
Attendu que les sociétés Expert font grief à l'arrêt de les avoir condamnées solidairement à garantir les époux Corre au titre des sommes dues à la BRO ainsi qu'à payer à M. Corre la somme de 73 700 euro et à M. Lavallart, liquidateur des sociétés Langlois et HCCL, la somme de 76 300 euro à titre de dommages-intérêts, alors selon le moyen : 1°) que "Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause " ne s'applique qu'en présence d'une exclusivité d'activité imposée au distributeur ; qu'en relevant que les sociétés Langlois et LCEC avaient la possibilité d'exploiter d'autres activités non concurrentes et donc n'étaient pas tenues à l'égard des sociétés Expert d'une exclusivité d'activité, et en appliquant néanmoins les dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce relatives à l'information préalable, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article L. 330-3 du Code de commerce ; 2°) que la pièce n° 10 intitulée "Etude de marché" indiquait dans la rubrique "Estimation du marché potentiel" un simple "CA (chiffre d'affaires) théorique objectif" (Etude de marché, p. 38) pour trois années et non de véritables "comptes prévisionnels" ; qu'en considérant néanmoins que les sociétés Expert avaient établi des "comptes prévisionnels", et, partant, commis une faute à l'origine des préjudices subis par les époux Corre et les sociétés LCEC et Langlois, la cour d'appel a dénaturé l'"Etude de marché" et violé l'article 1134 du Code civil ; 3°) que l'article L. 330-3 du Code de commerce ne met pas à la charge du bénéficiaire de l'exclusivité l'obligation de réaliser une étude de marché local ou un état des comptes prévisionnels ; que si de tels documents sont néanmoins établis et communiqués au distributeur, ils ne le sont pas en application de cette disposition ; qu'en considérant néanmoins que, dans le cas où de telles informations sont données, l'article L. 330-3 du Code de commerce impose à l'animateur du réseau une présentation sincère du marché local ainsi que l'établissement de budgets raisonnables sur la base de chiffres non contestables, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 330-3 du Code de commerce ainsi que l'article 1382 du Code civil ; 4°) que la bonne foi est toujours présumée et que c'est à celui qui allègue la mauvaise foi de la prouver ; qu'en considérant que les sociétés Expert avaient méconnu leur obligation de contracter de bonne foi en délivrant une étude de marché local ainsi que des comptes prévisionnels trop optimistes, sans pour autant caractériser leur mauvaise foi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2274 du Code civil ; 5°) que seul le dommage directement causé par une faute est réparable ; que la cour d'appel n'a pas recherché si la faute reprochée consistant dans la réalisation d'une étude du marché local insuffisante ainsi que dans l'établissement de comptes prévisionnels trop optimistes, était à l'origine du préjudice et n'a pas vérifié si les époux Corre n'auraient pas conclu, en toute hypothèse, le contrat ; qu'en mettant néanmoins à la charge des sociétés Expert la réparation de l'entier dommage découlant de la conclusion du contrat avec les époux Corre, sans vérifier si les fautes reprochées aux sociétés Expert dans leur obligation précontractuelle d'étude et de renseignement à l'égard du futur adhérent avaient directement causé la liquidation judiciaire de la société LCEC et donc la mise en œuvre des cautionnements par la BRO, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé que s'il existe pour les adhérents au réseau Expert une possibilité d'exploiter des activités non concurrentes, ils sont, pour les produits couverts par la convention, tenus à une quasi-exclusivité, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que l'obligation d'information précontractuelle prévue par l'article L. 330-3 du Code de commerce s'imposait aux sociétés Expert ;
Attendu, en deuxième lieu, que si la loi ne met pas à la charge de l'animateur d'un réseau une étude du marché local et qu'il appartient au candidat à l'adhésion à ce réseau de procéder lui-même à une analyse d'implantation précise, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que dans le cas où une telle information était donnée, ce texte met à la charge du franchiseur une présentation sincère du marché local ;
Attendu, en troisième lieu, que l'arrêt précise que la charte de partenariat Expert est donnée avec calcul d'un chiffre d'affaires prévisionnel figurant dans une étude de marché de quarante huit pages dont il détaille le contenu et les défauts de méthode ; qu'il relève que le chiffre d'affaires réalisé par la société LCEC a été inférieur de plus de 36 % au chiffre d'affaires prévisionnel et retient que l'ampleur des différences entre prévisions et résultats traduit la légèreté avec laquelle cette étude a été entreprise alors qu'aucune faute de gestion expliquant les déboires du fonds de commerce n'est démontrée ; que la cour d'appel qui n'a pas dénaturé l'"Etude de marché" et n'avait pas à procéder à la recherche invoquée par la quatrième branche, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, enfin, que l'arrêt relève que les fautes commises par les sociétés Expert dans leur obligation précontractuelle d'étude et de renseignement à l'égard du futur adhérent, qui ont privé celui-ci des éléments d'appréciation lui permettant de se former valablement une opinion sur l'opportunité de son investissement, ont un lien de causalité directe avec la liquidation judiciaire de la société LCEC et donc les préjudices subis par les époux Corre du fait de la mise en œuvre de leur cautionnement par la BRO ; qu'ayant ainsi procédé à la recherche qu'il lui est reproché d'avoir négligée, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.