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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5-7, 26 janvier 2010, n° ECEC1004484X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Adecco France (SAS), Adia (SAS), Manpower France Holding (SAS), Manpower France (SAS)

Défendeur :

Randstad (SAS), EDF (SA), Ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi, Président de l'Autorité de la concurrence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fossier

Conseillers :

M. Remenieras, Mme Jourdier

Avoués :

SCP Fisselier Chiloux Boulay, SCP Bernabe Chardin Cheviller, Me Teytaud, Buret

Avocats :

Me Wachsmann, Brunet, Hubert

CA Paris n° ECEC1004484X

26 janvier 2010

La saisine du Conseil de la concurrence trouve son origine dans la transmission le 30 juillet 2003 par la Commission européenne aux autorités françaises d'une plainte déposée par un ancien dirigeant d'une filiale du groupe Vedior au Luxembourg, dénonçant des pratiques anticoncurrentielles qui auraient été commises par les sociétés Adecco Travail Temporaire, ci-après Adecco, Manpower et par Vedior Bis.

Ces pratiques lui avaient été révélées lorsque les responsables du groupe Vedior Bis France lui avaient demandé de limiter son action commerciale, jugée trop agressive, depuis le Luxembourg vers la France.

Les services d'enquête du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie ont procédé le 30 novembre 2004 à des opérations de visite et saisie dans les locaux des entreprises visées. Les éléments recueillis ont conduit le ministre à saisir le Conseil le 13 décembre 2005.

Le travail temporaire ou intérimaire permet aux employeurs de recourir, pour des missions provisoires dont la nature et les conditions sont limitativement énoncées dans le Code du travail, à des travailleurs qu'ils n'emploient pas directement, mais qui sont employés par des entreprises spécialisées dites de travail temporaire. La prestation de travail temporaire est ainsi une relation tripartite réunissant l' entreprise utilisatrice (EU) qui exprime un besoin provisoire de personnel, l'entreprise de travail temporaire (ETT) qui recrute un intérimaire en le rémunérant pour effectuer une mission momentanée dans l'entreprise utilisatrice et le travailleur intérimaire lui-même.

Chaque mission fait l'objet d'un double contrat : un contrat de travail dit de mission entre l'ETT et l'intérimaire et un contrat commercial de mise à disposition entre l'ETT et l'EU. Ce dernier précise les caractéristiques de la mission : motif, durée, qualification, nature du poste, lieu de travail, risques liés au poste, équipements de protection, rémunération, caisse de retraite complémentaire, organisme de prévoyance. La rémunération du salarié temporaire ne peut être inférieure à celle que percevrait, à l'embauche, après période d'essai, un salarié de même qualification pour le poste à pourvoir, augmentée des primes éventuelles. A cela s'ajoutent une indemnité de fin de mission (IFM) égale à 10 % de la rémunération totale brute due pendant la durée de son contrat et une indemnité de congés payés (ICP) égale à 10 % de la rémunération totale incluant l'IFM.

Les ETT facturent aux EU la main d'œuvre qu'elles missionnent par application d'un coefficient multiplicateur sur le salaire brut du travailleur intérimaire. Ce coefficient multiplicateur représente le coût de la main d'œuvre, toutes charges incluses, augmenté de la marge propre à l'ETT. Pour les "grands comptes", entre 2001 et 2004, ce coefficient était de l'ordre de 1,90. Les ETT distinguent néanmoins le coefficient de "recrutement/délégation" de celui de "simple gestion": le premier s'applique lorsque c'est l'ETT qui assure le recrutement du travailleur intérimaire ; le second - moins élevé - s'applique lorsque intérimaire a déjà été sélectionné par l'EU (autour de 2 contre 1,90 par exemple). Le coefficient de "recrutement/délégation" est souvent transformé en coefficient de gestion après quelques mois de mission.

Les EU supportant in fine la charge du coût du travail effectué par l'intérimaire, l'article L. 1251-43,6° du Code du travail prévoit que le contrat de mise à disposition conclu entre les ETT et les EU comporte "le montant de la rémunération avec ses différentes composantes". En outre, l'ETT fournit à l'EU qui en fait la demande une attestation des organismes de sécurité sociale précisant sa situation au regard du recouvrement des cotisations dues à ces organismes (article L. 1251-51 du même Code). En cas de défaillance de l'ETT, les entreprises sont en effet tenues au paiement direct des salariés temporaires et des organismes de sécurité sociale (article L. 1251-52 du Code du travail). Ces dispositions suivent la logique de l'organisation du travail temporaire selon laquelle les ETT sont des intermédiaires entre offre et demande de travail. En effet, les travailleurs temporaires fournissent un service aux entreprises de travail temporaire, qui les rémunèrent pour ce service et le commercialisent auprès des entreprises utilisatrices.

Si les ETT sont les employeurs directs des salariés, le coût de la rémunération et des charges sociales reposent sur les EU. Celles-ci contractent donc deux types d'obligations à l'égard de l'ETT : d'une part, une obligation de rémunération correspondant à la marge négociable de l'ETT, d'autre part, une obligation de remboursement correspondant au coût de la main d'œuvre, toutes charges incluses.

On distingue deux grand types d'entreprises utilisatrices : d'une part les entreprises de dimension locale, qui relèvent du "diffus", selon l'expression en usage dans la profession, et d'autre part les entreprises de plus grande envergure qui constituent des "grands comptes" et dont les besoins en intérim nécessitent le recours fréquent à plusieurs ETT.

De plus en plus, de grands comptes centralisent leurs "achats" de travail temporaire afin de réduire les coûts. La négociation des contrats avec les ETT est en général gérée par les services "achats" de ces grands groupes, qui mettent en place de véritables procédures d'appel d'offres, dont les termes sont définis par des cahiers des charges précis et exigeants, le prix étant le critère de choix privilégié.

En 2005, l'emploi intérimaire représentait en France 585 687 équivalents emploi temps plein (ETP), soit 2,1 % de la population active (27millions de personnes) et 3,3 % de l'emploi salarié marchand (17,8 millions de personnes). Le groupe Adecco, le groupe Manpower et le groupe Vedior, les trois leaders mondiaux, couvraient à eux seuls 70 % de l'activité en France (31% pour Adecco, 22,9 % pour Manpower et 15,7 % pour Vedior), suivis par diverses autres entreprises, telles que Crit Intérim, Synergie Randstad - désormais uni à Vedior - Creyf s Intérim, Kelly Intérim, Hays Travail Temporaire. Le reste du marché est atomisé entre des sociétés très spécialisées ou à fort ancrage local. Les intérimaires sont généralement référencés, sans aucune exclusivité, auprès de plusieurs agences situées dans leur bassin d'emploi. Ils passent d'une ETT à une autre, notamment quand l'EU auprès de laquelle ils sont missionnés décide de cesser de travailler avec cette entreprise.

Les trois grandes ETT font face à une demande plutôt peu concentrée puisque les vingt premiers clients ne représentent qu'entre 17,2 % et 25,3 % de leur chiffre d'affaires. Cependant la part des grands comptes est significative puisqu'elle couvre entre 50 et 60 % de leurs débouchés. Un grand compte peut ne recourir qu'à une ou deux ETT parmi les trois grandes et la mobilité de la clientèle n'est pas négligeable, avec une part de chiffres d'affaires comprise entre 6,9 % et 15 % réalisée auprès de clients nouvellement facturés en 2006 sans l'avoir été au cours de l'exercice précédent.

Au vu d'une série d'éléments matériels recueillis au cour de l'enquête, les griefs suivants ont été notifiés, le 9 novembre 2007 :

- "Il est fait grief à la société Adecco Travail Temporaire, à l'ancienne société Manpower France SAS désormais dénommée Manpower France Holding SAS pour la période antérieure au 30 avril 2004 et pour la période à compter du 30 avril 2004 à la nouvelle société Manpower France SAS, anciennement dénommée Manpower Entreprise, ensemble les sociétés Groupe Vedior Bis France SAS et Vedior Bis d'avoir commis, entre mars 2003 au moins et novembre 2004, sur le marché national du travail temporaire, une pratique concertée ayant un caractère complexe et continu, qui a eu pour objet et effet anticoncurrentiels d'éviter une compétition sur les prix en procédant à des échanges entre elles portant sur des informations sur le niveau des prix de vente ou sur les remises de fin d'année ou sur les rétrocessions des allégements sociaux. Ces pratiques ayant eu pour objet et/ou pour effet anticoncurrentiels d'éviter une compétition sur les prix sur le marché national du travail temporaire sont contraires aux dispositions de l'article L.420-1, notamment 2° du Code de commerce, prohibant les ententes anticoncurrentielles ainsi qu'aux dispositions de l'article 81, paragraphe 1, notamment sous a, du traité CE" ;

- "Il est fait grief aux quatre sociétés Adia, Adecco Travail Temporaire, à la nouvelle société Manpower SAS anciennement dénommée Manpower Entreprise et à la société Vedior Bis SAS d'avoir commis, en mai 2004, sur le marché spécifique de l'appel d'offres du donneur d'ordre Alcan France SAS pour 2004-2005, une pratique concertée qui a eu pour objet et effet anticoncurrentiels d'éviter une compétition sur les prix par l'échange d'informations sur les prix de vente de leurs coefficients de base, lors de la phase de négociation des prix avec le donneur d'ordre, pratique contraire aux dispositions de l'article L. 420-1, notamment 2° du Code de commerce, prohibant les ententes anticoncurrentielles".

Les sociétés Adecco et Adia, d'une part, Groupe Vedior France et VediorBis, d'autre part, ont sollicité le bénéfice des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce selon lesquelles : "Lorsqu'un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés et s'engage à modifier ses comportements pour l'avenir, le rapporteur général peut proposer au Conseil de la concurrence qui entend les parties et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d'un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I en tenant compte de l'absence de contestation. Dans ce cas, le montant maximum de la sanction est réduit de moitié".

Ces sociétés ont signé, respectivement le 1er février et le 7 février 2008, un procès-verbal par lequel elles ont renoncé à contester les griefs qui leur avaient été notifiés.

Par une décision du 9 février 2009 le Conseil :

- a décidé qu'il n'est pas établi que la société Groupe Vedior France a enfreint les dispositions de l'article 8l CE et de l'article L. 420-1 du Code de commerce ;

- a décidé qu'il est établi que les sociétés Manpower France Holding (anciennement Manpower France), Manpower France (anciennement Manpower Entreprise), Adecco France (anciennement Adecco Travail Temporaire), Adia et Vedior Bis ont enfreint les dispositions de l'article 81 du Code CE et de l'article L. 420-1 du Code de commerce ;

- a pris acte des engagements souscrits par les sociétés Adecco France, Adia et les autres entités du groupe Adia ainsi que les engagements souscrits par les sociétés Groupe Vedior France et Vedior Bis et enjoint à ces entreprises de s'y conformer en tous points.

- a infligé les sanctions pécuniaires suivantes:

• à la société Manpower France Holding une sanction de 28 000 000 euro ;

• à la société Manpower France une sanction de 14 000 000 euro ;

• à la société Adecco France une sanction de 32 500 000 euro ;

• à la société Adia une sanction de 1700 000 euro ;

• à la société VediorBis une sanction de 18 200 000 euro ;

- a ordonné la publication de la décision ;

LA COUR,

Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation déposé au greffe de la cour le 4 mars 2009 par la société Manpower France Holding et par la société Manpower France ;

Vu le mémoire déposé le 3 avril 2009 par la société Manpower France Holding et la société Manpower France à l'appui de leur recours, soutenu par leur mémoire récapitulatif, déposé le 9 octobre 2009 ;

Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation déposé au greffe de la cour le 4 mars 2009 par la société Adia ;

Vu le mémoire déposé le 3 avril 2009 par la société Adia à l'appui de son recours, soutenu par son mémoire récapitulatif, déposé le 9 octobre 2009 ;

Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation déposé au greffe de la cour le 4 mars 2009 par la société Adecco ;

Vu le mémoire déposé le 3 avril 2009 par la société Adecco à l'appui de son recours, soutenu par son mémoire récapitulatif, déposé le 9 octobre 2009 ;

Vu le recours incident en réformation déposé au greffe de la cour le 3 avril 2009 par la société Randstad, anciennement dénommée Vedior Bis ;

Vu le mémoire déposé le 3 avril 2009 par la société Randstad à l'appui de son recours, soutenu par son mémoire en réplique, déposé le 9 octobre 2009 ;

Vu les conclusions d'intervention volontaire déposées au greffe le 8 juillet 2009 par Electricité de France (EDF) ;

Vu les observations écrites du 18 juin 2009 de l'Autorité de la concurrence ;

Vu les observations écrites du ministre chargé de l'Economie du 30 juin 2009 ;

Vu les observations écrites du Ministère public du 30 octobre 2009 mises à la disposition des parties à l'audience ;

Les conseils des requérantes, les représentants de l'Autorité de la concurrence et du ministre chargé de l'Economie ainsi que le Ministère public ayant été entendus lors de l'audience publique du 10 novembre 2009 et les requérantes ayant été mises en mesure de répliquer.

Sur ce,

Sur la procédure

En ce qui concerne l'absence d'accès aux messageries saisies dans le cadre des perquisitions :

Considérant que les sociétés Manpower France Holding et Manpower France, ci-après les sociétés Manpower, demandent à la cour de prononcer l'annulation de la décision du Conseil pour violation du principe d'égalité des armes en exposant que, en dépit du classement des messageries saisies dans des locaux de Adecco et de Vedior Bis dans une annexe confidentielle, leur contenu a cependant été analysé par le rapporteur qui a extrait celles qu'il considérait comme des éléments à charge et a obtenu leur déclassement en documents non-confidentiels ; qu'ainsi, des éléments à charge ont pu être sélectionnés et retenus au soutien des griefs notifiés aux sociétés Manpower qui, de leur côté, étaient privées de la possibilité de prendre connaissance du contenu des messageries et de se prévaloir de documents utiles à leur défense ; qu'à titre d'exemple, il est très probable que, parmi les nombreux messages figuraient des échanges susceptibles de démontrer l'existence d'une véritable concurrence par les prix entre les trois principaux acteurs du travail temporaire ;

Considérant que les requérantes poursuivent que, contrairement à ce qu'a décidé le Conseil, rien ne justifie un classement global de la messagerie ; qu'en effet, si la saisie informatique individualisée de certains courriels peut poser des difficultés pratiques aux agents de la DGCCRF au cours d'une opération de visite et saisie, l'individualisation des messages en cours de procédure peut ensuite être facilement réalisée, comme le démontre le fait que le rapporteur a lui-même sélectionné les courriels qu'il entendait utiliser contre les entreprises en cause et a obtenu le déclassement de ceux qu'il jugeait utiles à sa démonstration ; que le principe du classement en annexe confidentielle est d'autant plus critiquable qu'il n'a jamais été demandé par Vedior Bis et Adecco au titre du secret des affaires et qu'au surplus ces entreprises ont réalisé elles-mêmes une version non confidentielle de ces documents après avoir procédé à une sélection : le conseil de Vedior Bis avait en effet formulé auprès du rapporteur une demande d'occultation au titre du secret des affaires portant sur 156 documents et, au lieu de ne classer que les documents sélectionnés par cette entreprise, le président du Conseil a procédé à un classement global des messageries ;

Que, selon les requérantes, l'avantage dont a bénéficié le Conseil constitue ainsi une rupture flagrante de l'égalité des armes, dès lors que ses services puis le rapporteur ont eu librement accès aux documents confidentiels dans lesquels ils ont puisé à leur guise des éléments à charge, tandis que l'accès à ces mêmes documents leur a été refusé, ce qui les a placées dans l'impossibilité d'en extraire des éléments à décharge ;

Qu'enfin, alors qu'elles n'ont pourtant cessé, pendant le déroulement de la procédure, de contester le sort réservé aux messageries, il ne peut leur être reproché de ne pas avoir demandé un déclassement des messageries en question, puisque elles ignoraient la teneur des messages et, qu'au surplus, une demande portant sur l'ensemble des messageries aurait été vouée à l'échec puisque certains courriels étaient couverts par le secret des affaires ;

Mais considérant que l'article L. 463-1 du Code de commerce, dans sa rédaction alors applicable, dispose que "l'instruction et la procédure devant le Conseil de la concurrence sont pleinement contradictoires sous réserve des dispositions prévues à l'article L. 463-4" ;

Considérant qu'aux termes de L. 463-4 [ancien] du Code de commerce, "Sauf dans les cas où la communication ou la consultation de ces documents est nécessaire à la procédure ou ai 'exercice de leurs droits par la ou les parties mises en cause, le président du Conseil de la concurrence (...) peut refuser la communication ou la consultation de pièces ou de certains éléments contenus dans ces pièces mettant en jeu le secret des affaires. Les pièces considérées sont retirées du dossier ou certaines de leurs mentions sont occultées.

Dans les cas où la communication ou la consultation de ces documents, bien que mettant enjeu le secret des affaires, est nécessaire à la procédure ou à l'exercice des droits d'une ou plusieurs des parties, ils sont versés en annexe confidentielle au dossier et ne sont communiqués qu'au commissaire du gouvernement et à la ou aux parties mises en cause pour lesquelles ces pièces ou éléments sont nécessaires à l'exercice de leurs droits. (...)

Considérant que, selon article R. 463-15 [ancien] du Code de commerce, "Lorsque le rapporteur considère qu'une pièce classée en annexe confidentielle est nécessaire à la procédure, il en informe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception la personne qui a demandé le classement. Si cette personne s'oppose, dans le délai qui lui a été imparti par le rapporteur, à ce que la pièce soit utilisée dans la procédure, elle saisit le président du Conseil de la concurrence. Si celui-ci ou le vice-président délégué donne suite à son opposition, la pièce est maintenue dans l'annexe confidentielle. Dans le cas contraire, il autorise l'utilisation de la pièce par le rapporteur et à sa communication à la ou les parties mises en cause, ainsi qu'au commissaire du gouvernement.

Lorsqu'une partie mise en cause considère qu'une pièce classée en annexe confidentielle est nécessaire à l'exercice de ses droits, elle peut en demander la communication ou la consultation en présentant une requête motivée au rapporteur. Le rapporteur informe la personne qui a demandé le classement de cette pièce par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Si cette personne s'oppose, dans le délai qui lui a été imparti par le rapporteur, à ce que la pièce soit communiquée à la partie qui en fait la demande, elle saisit le président du Conseil de la concurrence. Si celui-ci ou le vice-président délégué donne suite à son opposition, la pièce est maintenue dans l'annexe confidentielle. Dans le cas contraire, il autorise la communication ou la consultation de la pièce à la partie qui en a fait la demande ainsi que, le cas échéant, aux autres parties mises en cause pour lesquelles la pièce est nécessaire à l'exercice de leurs droits ainsi qu'au commissaire du gouvernement " ;

Considérant que, dans le cadre des opérations de visite et de saisie qui ont été réalisées le 30 novembre 2004 dans les locaux des sociétés des groupes Adecco et Vedior Bis, les agents de la DGCCRF ont saisi les messageries électroniques de certains leurs salariés ; que statuant sur le recours de ces entreprises qui contestaient la validité de ces opérations, le juge des libertés et de la détention a décidé, par ordonnance du 12 juillet 2005, qu'au regard des procédures de recherche des infractions aux règles de concurrence, une boîte de messagerie constitue une pièce unique, même si elle n'est que partiellement utile au dossier ;

Considérant qu'au rebours de ce que soutiennent les requérantes, s'il est vrai que Vedior Bis a préparé une version non confidentielle de 150 documents qui a été versée au dossier ouvert à la consultation des parties, il n'en demeure pas moins qu'elle a formellement sollicité pour le surplus des messageries de ses employés une demande de protection au titre du secret des affaires, qui a été suivie par une demande identique d'Adecco ; que c'est dans ces conditions qu'en vertu de décisions du président du Conseil de la concurrence du 31 janvier 2007, les messageries des deux entreprises concernées ont été régulièrement retirées du dossier et classées globalement, dès lors qu'elles étaient assimilées à des pièces uniques, dans une annexe confidentielle ;

Considérant que le rapporteur a obtenu ensuite la communication de certaines pièces, classées dans cette annexe, après avoir mis en œuvre la procédure prévue par le premier alinéa l'article R. 463-15 du Code de commerce, dans la mesure où il les estimait nécessaires à la procédure ; qu'il est constant que ces pièces, dont il a été dressé inventaire, ont été citées, versées au dossier, proposées à la consultation et soumises à la contradiction des requérantes qui, après le notification des griefs, ont disposé de la faculté de présenter elles-mêmes les moyens et de produire les pièces qu'elles estimaient utiles à la défense de leurs intérêts ;

Considérant que force est de constater que, de leur côté, les sociétés Manpower, qui, affirment avoir contesté le traitement réservé aux messageries, n' ont cependant pas usé de la faculté qui leur était offerte par le second alinéa de l'article R. 463-15 [ancien] du Code de commerce, équivalente à celle qui est ouverte au rapporteur, de demander le déclassement des messageries ainsi classées en annexe confidentielle, en arguant de ce que ces documents étaient nécessaires à l'exercice de leurs droits ;

Considérant que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir qu'une demande de communication visant l'ensemble des messageries était nécessairement voué à l'échec en raison de la protection apportée par le secret des affaires, puisque la procédure prévue par le second alinéa de l'article R. 463-15 [ancien] du Code de commerce avait précisément pour objet de permettre au président du Conseil de la concurrence d'apprécier, en cas d'opposition de la partie bénéficiant du classement en annexe confidentielle, si une autorisation de consultation ou de communication de la pièce doit être accordée ponctuellement ;

Qu'en l'absence d'atteinte au principe d'égalité des armes, le moyen sera rejeté ;

En ce qui concerne l'accès aux bases de données utilisées par le Conseil pour évaluer le dommage à l'économie :

Considérant que les requérantes prétendent encore qu'elles n'ont pas été mises en mesure de fournir au cours de l'instruction des données aussi précises que leurs concurrents et que le Conseil a "extrapolée partir des données fournies par Vedior Bis pour estimer le surprix prétendument perçu par Manpower ; que n'ayant cependant jamais pu avoir accès à ces données, classées confidentielles à la demande de Vedior Bis, la décision déférée encourt également l'annulation pour violation du principe du contradictoire ;

Mais considérant que, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Manpower, le Conseil n'a pas utilisé les données de Vedior Bis pour évaluer le dommage à l'économie en estimant : "Une extrapolation à Manpower des résultats obtenus à partir des données de ses concurrents demanderait de supposer que les effets de l'entente sur les coefficients de vente des trois grandes ETT sont comparables. Une telle extrapolation aurait une valeur très limitée" ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le fond

Considérant que les sociétés Manpower poursuivent l'annulation de la décision déférée en soutenant :

• que la procédure de non-contestation des griefs ne permettant pas d'établir la matérialité d'une infraction au droit de la concurrence, le Conseil a commis une erreur de droit en considérant que la non-contestation par certaines entreprises des griefs qui leur avaient été notifiés suffisait à caractériser l'existence de la pratique concertée alléguée et en s'abstenant ainsi de caractériser son existence dans la décision ;

• que le Conseil n'a pas démontré l'existence de la pratique dénoncée, dès lors que le grief de pratique concertée visant à limiter la compétition par les prix repose :

• soit sur des pièces qui n'ont aucun rapport direct ou indirect avec la formation des prix sur le marché concerné (compte-rendu d'un déjeuner entre les directeurs financiers de Vedior Bis et Adecco, courriel interne à Manpower du 18 juin 2004 de M. Bastian à M. Lemonnier, cahier de M. Rosa, courriel interne à Vedior Bis du 8 août 2003 relatif à Areva) ;

• soit sur des pièces qui n'établissent pas la participation des sociétés Manpower à des échanges anticoncurrentiels (courriels internes à Adecco du 27 septembre 2004, note manuscrite du directeur général de Adecco concernant un appel d'offres Alcan-Pêchiney de mai 2004) ;

• soit sur des pièces qui, si elles suggèrent l'existence de quelques échanges d'informations intervenus ponctuellement au sujet de quelques clients, sont cependant insuffisantes pour caractériser l'existence d'une pratique concertée (courriel interne à Vedior Bis en date du 4 juillet 2003 relatif à plusieurs clients, note saisie au sein de Vedior Bis portant notamment sur CNP et EDF, document interne à Vedior Bis en date du 3 octobre 2003 sur l'activité commerciale de la branche logistique et commerce et courriel interne à Adecco en date du 18 mars 2004) ; qu'il faudrait, en effet, que ces contacts s'inscrivent dans un ensemble de comportements structurés et de même nature et soient susceptibles d'affecter les conditions de concurrence sur le marché des services de travail temporaire aux clients grands comptes, comme auraient pu le faire des échanges d'informations sur une augmentation générale des coefficients de prix facturés ou une limitation du montant des rétrocessions d'allégement de charges sociales ;

- que le Conseil n'a pas non plus caractérisé l'effet anticoncurrentiel de la pratique concertée alléguée sur le niveau des prix facturés par les entreprises de travail temporaire aux clients grands comptes ou, plus généralement sur le marché de l'offre de services de travail temporaire aux clients grands comptes ; que de surcroît, le Conseil ne démontre jamais qu'un client grand compte de Manpower ou d'une autre entreprise de travail temporaire aurait, pendant la période considérée, payé un prix supérieur au prix du marché ou subi une hausse de prix injustifiée ;

Mais considérant que Adia, Adecco, Groupe Vedior France et Vedior Bis n'ayant pas contesté pas les griefs qui leur ont été notifiés et n'ayant ainsi remis en cause ni la matérialité des faits, ni leur qualification juridique au regard du droit de la concurrence, ni leur imputabilité, le Conseil a justement décidé que c'est la seule question de la participation des sociétés Manpower aux pratiques anticoncurrentielles reprochées qui doit être discutée et que cette situation est identique devant la cour, à qui les autres entreprises requérantes soumettent exclusivement des moyens tendant à la réformation de la décision du Conseil du chef des sanctions qui leur ont été infligées ;

Considérant, sur le bien fondé des griefs, que c'est par des appréciations pertinentes, que la cour fait siennes, que le Conseil, a constaté que les sociétés Manpower avaient participé avec les autres entreprises mises en cause à l'exception de la société Groupe Vedior Bis France, sur le seul marché des "grands comptes", à l'exclusion de la clientèle des "diffus", à une pratique concertée ayant pour objet ou pour effet d'éviter une compétition par les prix, par des discussions et une coordination plus ou moins poussées selon les cas et portant sur divers paramètres de la relation commerciale entre EU et ETT, à éviter la compétition sur les prix en ce qui concerne la clientèle des "grands comptes ", peu important que cette pratique concertée n'ait pas toujours été mise en œuvre ;

Considérant qu'à défaut de preuves matérielles se suffisant à elles-mêmes, une pratique anticoncurrentielle peut être établie par un faisceau d'indices précis et concordants constitués par le rapprochement de divers éléments recueillis au cours de l'instruction ;

Considérant que tel est le cas en l'espèce, où, sans se référer comme il lui en est fait vainement le reproche, à l'absence de contestation des griefs par certaines entreprises, le Conseil a justement estimé qu'une série de pièces dont il a fait une exacte analyse (points 92 à 104 de la décision), prises dans leur ensemble, constituent un faisceau d'indices précis et concordants de la participation des sociétés Manpower à une pratique concertée avec Adecco et Vedior Bis;

Considérant que les indices pertinents retenus sont les suivants :

- en ce qui concerne les clients La Poste, Mory, FM Logistics, Sodexho, un courriel du 4 juillet 2003 du directeur commercial de la branche logistique et commerce de Vedior Bis au directeur-général adjoint de cette entreprise relatif à ces clients (points 35, 36 et 92 de la décision) ; que ce message atteste :

• que cette entreprise est informée que Manpower doit, dans un délai relativement bref, "approcher" le client La Poste pour lui expliquer qu'une baisse des réductions de charges sur les bas salaires va entraîner une hausse du prix en septembre ;

• que les mentions concernant Mory ("nos confrères ont suivi cette même démarche [stopper la remise de fin d'année] pour les mêmes raisons") révèlent à la fois une coordination des comportements commerciaux et l'existence d'échanges d'informations entre ETT nécessaires à celles-ci, le Conseil observant ajuste titre qu'il n' était certainement pas de l'intérêt de Mory de signaler aux ETT dont il était le client que l'un ou l'autre avait stoppé le versement de la remise de fin d'année et que l'explication qui avait été fournie par Manpower, selon laquelle Mory en aurait elle-même averti Vedior Bis à titre dissuasif pour montrer que la démarche était vaine, est directement contredite par le texte du message en cause, qui indique qu'il n'y a pas eu de réaction de l'interlocutrice de Mory ;

• que les mentions concernant FM Logistics ("nous devons être solidaires sur cette renégociation à la rentrée"), GEFCO ("là encore le discours doit être harmonisé") et a fortiori Sodexho (pièce citée au point 36 de la décision : "je n'ai pas d'infos de nos concurrents qui a priori ne sont pas très fiables sur ce dossier"), démontrent la recherche et l'habitude fréquentes de coordination entre Vedior Bis et ses concurrents vis-à-vis de tel ou tel grand compte ; que le Conseil a exactement observé que le message en cause montre que cette concertation pouvait notamment porter sur la manière de répercuter les variations d'allégements de charges sociales, sur les prix, ainsi que sur un autre élément tarifaire, la remise de fin d'année ;

- en ce qui concerne Areva, un courriel interne de Vedior Bis (Points 37 et 93 de la décision) qui comporte l'indication des parts de marché de Manpower, d'Adecco et de Vedior Bis chez Areva et qui montre que, face au souhait annoncé de cette dernière de réduire le nombre de ses fournisseurs, Vedior Bis a contacté Manpower ("les bleus") ; que le Conseil ajustement observé que, même s'il n'est pas exclu que des parts de marché aient été estimées par Vedior Bis ou fournies par le client, et quelles que soient par ailleurs les explications données devant la cour par les requérantes sur la méthode employée par cette entreprise pour lancer son appel d'offres, il n'en demeure pas moins que le contact pris avec Manpower et l'annonce d'un nouveau rendez-vous téléphonique avec celle-ci peu de temps avant une réunion avec le client révèlent que Vedior Bis et Manpower ont l'habitude de discuter les offres faites à un client précis ;

- en ce qui concerne les allégements de la Loi Fillon et Alstom, un compte-rendu du directeur financier de Vedior Bis d'une rencontre qui s'est déroulée avec son Homologue d'Adecco (point 38 et point 94 de la décision) ; qu'il ressort de cette pièce, qui a été exactement analysée par le Conseil :

- un accord de Manpower pour mettre en commun certains travaux afin d'éviter une rétrocession rapide à la clientèle d'avantages découlant d'une variation d'allégements de charges sociales ;

- une coordination des trois grandes ETT concernant l'encours à accorder à Alstom ; que même si, comme le soutiennent les sociétés Manpower, une telle coordination s'inscrivait dans un contexte d'incertitudes entourant l'activité et la santé financière de cette entreprise, cette coordination.; qui s'opérait alors qu'aucune procédure collective n'avait été ouverte, a porté sur un élément de concurrence important : l'encours autorisé influe en effet directement sur la part de marché du fournisseur et l'appréciation du risque-client est également un élément de la compétition entre opérateurs ;

- en ce qui concerne la CNP et EDF, une note saisie chez Vedior Bis (points 39 et 95 de la décision), qui donne des informations sur la politique de Manpower à l'égard de plusieurs clients, qui révèle qu'elle a une approche commune avec Manpower pour réduire la remise de fin d'année accordée à la CNP et que la coordination porte directement sur des éléments de prix;

- un courriel interne (points 40 et 96 de la décision) adressé 18 mars 2004 au directeur général d'Adecco par une employée de cette entreprise, Mme Géraldine D,à qui il avait demandé un compte rendu aux différentes directions régionales sur les relations avec Manpower et Vedior Bis ; que cette pièce, indique tout d'abord que Vedior Bis et Manpower ont exprimé un "ressenti" et qu'en réponse, la responsable commerciale d'Adecco indique, s'agissant du client Essilor, que Manpower a chaque année appuyé la volonté de limiter la baisse et mentionne le nom de la responsable commerciale de Manpower, ce qui constitue à tout le moins l'indice d'un échange d'informations sur la stratégie de prix suivie ; que, s'agissant du client Servair, le message évoque ensuite une solidarité entre Vedior Bis et Manpower, le premier ayant manifestement accepté de ne pas "casser les prix", la phrase "aucune négo où j 'ai dû baisser sans concertation", qui figurait au début du message en question, évoquant manifestement des concertations avec Vedior Bis et Manpower et non le fait, comme le soutenait Manpower devant le Conseil, que Adecco aurait "bataillé" avec les clients lorsque ceux-ci demandaient des baisses de prix ;

- un autre courriel interne d'Adecco du 18 mars 1994 (points 41 et 97 de la décision) de Mme Maryse H. répondant à la même demande du directeur général d'Adecco qui confirme les concertations entre des responsables d'Adecco et, notamment, ceux de Manpower ;

- un dernier courriel interne d'Adecco (points 42 et 98 de la décision) du même type que les précédents et envoyé à la même date par Mme Nathalie K, qui fait explicitement état d'une entente défensive entre Adecco et Manpower pour contrer "d'un commun accord" un concurrent à l'égard du client Routage et Marketing ;

- une note manuscrite du directeur général d'Adecco concernant un appel d'offres d'Alcan Pechiney de mai 2004 (points 43 et 99 de la décision) qui constitue l'indice ("Le lundi soir, tout le monde est là on compare nos prix") d'une coordination sur les prix entre les trois grandes ETT dans le cadre de la réponse à un appel d'offres lancé par Alcan ;

- des courriels internes à Adecco (points 45 et 100 de la décision) retransmis le 27 septembre 2004 au directeur général concernant la politique commerciale de Manpower qui dénotent l'existence de contacts suivis avec Manpower et d'un accord pour ne pas "casser les prix" ;

- un courriel du 18 juin 2004 adressé par le directeur des marchés constructions de Manpower à son président (points 47 et 102 de la décision) dans lequel il évoque explicitement une concertation avec Adecco et Vedior Bis pour faire front commun vis-à-vis d'exigences du client sur le régime des pénalités de retard à prévoir dans le cadre de l'appel d'offres de la société Biffage, le Conseil relevant exactement, au rebours de ce que soutiennent les sociétés Manpower, que de telles clauses font partie des éléments de concurrence sur un marché et qu'une concertation à leur sujet est anticoncurrentielle, dans la mesure où elle fait échec, au moins partiellement, à une compétition sur les prix ;

- un extrait du cahier du directeur des marchés "industrie" de Manpower (points 48 et 103 de la décision) relatant une réunion de responsables commerciaux de Manpower en septembre 2004, qui révèle que Manpower et Vedior Bis ont des "parts de marchés protégées" chez Certains clients (les Galeries Lafayette pour Vedior Bis et PPR pour Manpower)et que leur non-respect suscite des réactions virulentes et des menaces de représailles ;

- un courriel interne à Manpower du 29 novembre 2004 (points 49 et 104 de la décision) de M. Francis S, de la direction régionale de Lille, à M. Jean-Pierre P, Président, et à M. Bernard N, directeur général, qui révèle que, même si Manpower maintient une certaine compétition avec le groupe Adecco, il n'en échange pas moins des informations confidentielles avec lui ("dernières infos de la part d'Adecco "), concernant tant les offres d'Adecco que celles d'Adia;

- une note manuscrite (points 46 et 101 de la décision) saisie dans le bureau du directeur commercial de Manpower qui comporte notamment, après l'indication " Adecco-Augmentation 1er mai/VB augmentation de 1 % le diffus 25 % de succès ", les noms et numéros de téléphone portable de cinq directeurs commerciaux des principales branches de Vedior Bis, après le nom de leur directeur général adjoint ; que Conseil ajustement interprété la possession de ces numéros de téléphone, sur laquelle Manpower n'a donné au Conseil que des explications évasives, comme l'indice d'échanges d'informations entre Manpower et Vedior Bis, puisque le directeur commercial de Manpower pouvait ainsi joindre rapidement et directement des responsables opérationnels de branche ;

Considérant qu'en raison de l'emploi de la méthode du faisceau d'indices, il n'y a pas lieu, au rebours de ce que prétendent les requérantes, de déterminer si, pris séparément, chacun de ces éléments a un caractère probant permettant d'établir leur participation à un échange d'informations sur les prix visé par le grief ;

Considérant que la cour observe que les sociétés Manpower ne formulent de toute façon aucune objection sur l'analyse par le Conseil d'une série de pièces - deux courriels internes d' Adecco du 18 mars 2004, possession des numéros de téléphone portable des responsables de branches de Vedior Bis par le directeur commercial de Manpower - retenues comme indices d'une concertation sur les prix ;

Considérant, au demeurant, qu'il importe peu que toutes les concertations et coordinations attestées par les pièces étudiées dans la décision déférée n'aient pas de rapport direct avec les prix ou avec leur formation, dès lors que l'exigence d'autonomie des opérateurs économiques s'oppose "à toute prise de contact directe ou indirecte (...) ayant, objet ou pour effet, soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de tenir soi-même sur le marché" (CJCE,16 décembre 1975, Suiker Unie ; TPICE, 17 décembre 1991, Hercules Chemicals ) ;

Considérant, enfin, qu'ayant démontré l'existence de pratiques ayant un objet anticoncurrentiel, le Conseil n'était pas tenu, au regard des dispositions de l'article L.420-1 et de l'article 81, paragraphe 1, du Code CE, de caractériser par surcroît les effets des pratiques anticoncurrentielles en cause ;

Sur l'intervention de la société EDF

Considérant que cette société expose qu'en raison du recours formé par les sociétés Manpower, "il est probable que [ces dernières] tentent à nouveau de faire juger par la cour que la note [point 184 de la décision] ne constitue pas une preuve de l'échange d'informations entre Vedior Bis et Manpower en invoquant le fait qu'il ne serait pas impossible que ces informations aient été communiquées directement par EDF elle-même" alors qu'il n'en est rien ; que c'est dans ces conditions qu'elle demande à la cour de lui donner acte "qu'elle n 'a jamais communiqué à la société Vedior Bis des informations relatives à des éléments de prix de l'offre présentés par la société Manpower" ;

Mais considérant que les sociétés Manpower n'ayant pas développé, au soutien de leur recours, l'analyse qui est citée par l'intervenante volontaire, il n'y a pas lieu de donner à celle-ci l'acte qu'elle requiert ;

Sur les sanctions

Considérant qu'à titre subsidiaire, les sociétés Manpower sollicitent la réformation de la décision déférée en ce que le Conseil :

- a commis une erreur dans l'appréciation de la gravité des faits :

• au regard tant de la nature de la pratique en cause, qui n'est pas caractérisée par une coordination portant sur les conditions commerciales ou des éléments concourant à la formation des prix comme l'a retenu le Conseil au stade de l'appréciation de la sanction mais par de simples d'échanges d'informations, qu' au regard de sa durée, particulièrement courte ainsi que de son absence d'effet et du nombre limité de clients concernés ;

• s'agissant de la rétrocession des baisses de charges sociales aux entreprises utilisatrices, le Conseil, en jugeant que les ETT ont "confisqué une partie de l'effort budgétaire public entrepris pour réduire le chômage" alors, d'une part, qu'elles n'ont fait que bénéficié légalement de réduction de charges sociales qui leur étaient acquises en leur qualité d'employeurs et, d'autre part, que la loi ne prévoit aucun dispositif de "rétrocession" des allégements de charges sociales aux entreprises utilisatrices ; que si le jugement de valeur du Conseil était néanmoins fondé, il devrait être tempéré par le fait que n'a été établie que l'existence de quelques échanges d'informations concernant une dizaine de clients ;

• a porté une appréciation erronée sur le dommage à l'économie :

• dans la mesure où le "surprofit" attribué à Manpower n'est pas démontré puisque, d'une part, il n'est pas pertinent d'extrapoler les résultats obtenus sur la base des données fournies par Vedior Bis et Adecco et, d'autre part, que rien ne vient étayer l'hypothèse d'un surprix moyen de 0,5 % qui permettrait de calculer le surprofit global des ETT, le Conseil considérant lui-même que ce surprix moyen n'est qu'un exemple ;

• dans la mesure où le manque à gagner des intérimaires, qui sont des fournisseurs "en amont" des entreprises poursuivies, ne doit pas être pris en compte pour l'évaluation du dommage à l'économie, sauf à démontrer que le marché du travail temporaire est un marché "biface" - marché dans lequel un intermédiaire met en relation deux groupes de consommateurs qui utilisent les services offerts par cet intermédiaire - ce qui ne peut être le cas en l'espèce, le marché du travail temporaire s'assimilant à une relation d'achat pour revente et l'ETT étant un intermédiaire marchand entre un fournisseur de service et un consommateur ; qu'au surplus, le dommage à l'économie résultant du manque à gagner des intérimaires n'est pas établi dès lors que le Conseil ne démontre pas que le surcoût du travail temporaire a réduit le recours au travail temporaire ;

• dans la mesure, enfin, où l'évaluation réalisée par le Conseil n'est pas conforme aux principes de l'économétrie ;

• leur a infligé une amende dont le montant est disproportionné :

• dès lors que les sociétés Manpower, n'ayant participé qu'à des échanges limités d'informations concernant un nombre limité de clients, le Conseil a prononcé à leur égard des sanctions pécuniaires nettement plus élevées que celles qu'il inflige habituellement à des entreprises poursuivies pour des pratiques plus graves, telles que des ententes sur les prix ou les répartitions de marchés, soit entre 1 et 3 % du chiffre d'affaires et à un niveau similaire à celui des amendes imposées à des entreprises qui s'étaient réparties l'attribution de marchés publics ou avaient participé à un cartel de prix ;

• en raison d'une erreur manifeste d'appréciation résultant d'une augmentation de 25 % du montant de l'amende au titre d'une réitération alors que les faits précédemment sanctionnés étaient d'une gravité moindre, s'agissant d'une simple adhésion à des accords qui était une condition au maintien de son activité dans le secteur du bâtiment de certains départements, étant de surcroît observé que le commissaire du gouvernement n'avait réclamé qu'un taux de majoration de 10 % ;

• au regard du contexte économique marqué par la crise qui sévit depuis 2008, qui a provoqué une baisse conséquente du nombre d'emplois intérimaires, qui a été à l'origine d'une baisse de la marge brute des ETT ;

• au regard des efforts de Manpower en matière de formation aux règles de concurrence ;

Considérant que la société Adecco et la société Adia prient également la cour de réformer la décision déférée en réduisant significativement le montant des sanctions pécuniaires qui leur ont été infligées, dès lors :

- qu'une réitération a été retenue à tort par le Conseil dans la mesure où les pratiques sanctionnées par la décision n° 97-D-52 qui leur a été opposée sont des pratiques verticales dont elles n'ont pas été les instigatrices et qui, au surplus, n'ont pas produit des effets identiques ; qu'en tout état de cause, si une telle réitération était retenue, le taux de majoration de 25 % est disproportionné, d'une part compte tenu de l'existence d'une seule condamnation antérieure visant des pratiques qui se sont déroulées il y a environ treize ans et, d'autre part, au vu de l'importance des engagements pris devant le Conseil ;

- que le Conseil, qui doit déterminer un ordre de grandeur du dommage à l'économie, n'a pas procédé à une évaluation correcte de l'importance de ce dommage en tentant, à tort, de caractériser un préjudice subi par les travailleurs intérimaires alors que ceux-ci ne sont pas des consommateurs mais des offreurs de travail temporaire qui occupent une place en amont de la chaîne économique du travail temporaire ; qu'en effet, en l'absence de marché "biface" - défini comme un marché sur lequel il existe un opérateur central qui se trouve en contact avec plusieurs catégories d'acteurs et qui les met en relation afin qu'ils puissent contracter ensemble - dont le Conseil n'a pas démontré l'existence, les victimes d'une série de pratiques anticoncurrentielles se situent toujours en aval du côté des clients de l'opérateur et jamais en amont, du côté des fournisseurs ; qu'au demeurant, la démonstration de l'existence d'un tel marché n'implique d'ailleurs pas qu'un dommage soit systématiquement reconnu ; que, dans ces conditions, seuls les éléments de dommages directs aux entreprises utilisatrices auraient dû servir de base aux calculs du Conseil pour évaluer le dommage à l'économie et, dès lors, prononcer une sanction proportionnée ;

Considérant que la société Randstad sollicite également la réformation de la décision attaquée et la réduction de la sanction pécuniaire, disproportionnée selon elle, qui lui a été infligée, en faisant valoir :

- sur le montant de la réduction de la sanction accordée en contrepartie de la non - contestation des griefs et des engagements qui ont été pris, que le Conseil n'a pas suffisamment pris en considération la valeur et l'ampleur de ses engagements, sur lesquels il a porté une appréciation positive et de lui accorder en conséquence une réduction de sanction supérieure à celle accordée par le Conseil et égale à au moins 30 %, haut de la "fourchette" proposée par le rapporteur général adjoint ;

- que le montant de la sanction pécuniaire est également injustifié au regard :

• de la gravité modérée des pratiques sanctionnées et d'une affirmation discutable du

Conseil sur une participation à une "confiscation de l'effort budgétaire pour réduire le chômage" ; qu'en effet, les ETT ne sont nullement tenues de rétrocéder les allégements de charge dont elles ont pu bénéficier à leurs clients, la rétrocession qui relève de la liberté contractuelle, faisant l'objet d'une négociation entre ETT et entreprises utilisatrices ;

• de l'importance réelle du dommage à l'économie qui n'a pas été correctement évaluée par le Conseil, en particulier en ce qui concerne le préjudice causé aux travailleurs temporaires, en raison d'une approche économétrique erronée ;

• de l'application au titre de la réitération d'un taux de majoration de 25 %, alors que les pratiques sanctionnées par la décision du Conseil n° 97-D-52, intervenues onze ans avant la décision déférée, étaient circonscrites sur le plan géographique et limitées au secteur du BTP et que celles qui sont en cause en l'espèce sont beaucoup plus larges ; qu'en outre, ce taux de majoration)n'est pas conforme à la pratique décisionnelle du Conseil, étant de surcroît précisé que le commissaire du gouvernement avait proposé une majoration de 10 % ; qu'en tout état de cause, le taux d'aggravation pratiqué, qui est pratiquement identique au taux de réduction octroyé au titre de la transaction, équivaut à une annulation du bénéfice de celle-ci ;

- enfin, du contexte économique exceptionnel caractérisé par la crise qui affecte plus particulièrement le secteur de l'intérim et qui, pour ce qui la concerne, a provoqué une chute brutale de ses résultats au cours du quatrième trimestre 2008 ainsi que la mise en place d'un plan de suppression de postes et de fermeture d'agences ;

Considérant que, concernant la détermination des sanctions par le Conseil de la concurrence, l'article L. 464-2 du Code de commerce dispose :

" Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées (...). Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. (...) Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante";

En ce qui concerne la gravité des pratiques :

Considérant qu'au rebours de ce que soutiennent certaines requérantes, le Conseil a exactement retenu que, appréhendées dans leur ensemble, les pratiques en cause revêtent un caractère certain de gravité (points 111 à 120 de la décision) en relevant :

- que les pratiques constatées ont pris de multiple formes et se sont traduites par des discussions et une coordination plus ou moins poussées selon les cas, portant sur divers paramètres de la relation commerciales entre EU et ETT dans le but d'éviter la compétition par les prix en ce qui concerne la clientèle des grands comptes ;

- qu'elles sont allées, dans certains cas, jusqu'à des ententes directes sur le prix dans le cadre de réponse à des appels d'offres (Alcan), qui figurent parmi les pratiques anticoncurrentielles les plus graves ;

- que tel est également le cas de la coordination sur des éléments concourant également à la formation des prix, comme les remises de fin d'année ou les conditions de rétrocession à la clientèle d'allégements de charges sociales décidés par les pouvoirs publics ;

- que les ETT ont également essayé, en se coordonnant, de maintenir leurs parts de marché respectives auprès de certains grands clients - La Poste, Alstom, Galeries Lafayette, PPR -, voire de maintenir globalement, leurs positions sur le plan régional ou national, pratique dont le Conseil de la concurrence et les juridictions de contrôle soulignent régulièrement la gravité ;

Considérant que c'est également ajuste titre que, procédant à une appréciation de la gravité des pratiques, le Conseil a estimé que la rétrocession plus faible aux EU d'allégements de charges qui a découlé de la concertation a non seulement renchéri le coût de la main d'œuvre temporaire pour les EU mais a aussi conduit à un processus que le Conseil a pu qualifier de "confiscation" par les ETT impliquées d'une partie de l'effort budgétaire public mené pour réduire le chômage (point 111 de la décision);

Qu'en effet, au regard de l'organisation précédemment exposée des relations entre salariés, ETT et UE, telle qu'elle résulte notamment du Code du travail, cette rétrocession ne relève pas, comme le soutiennent les sociétés Manpower et Randstad, de la liberté contractuelle des ETT alors que les négociations entre EU et ETT se limitent à la rémunération du service fourni par ces dernières ; qu'en conséquence, en surévaluant les charges sociales incombant aux EU et donc la composante non négociable du paiement des ETT, celles-ci ont bien directement et artificiellement alourdi, au détriment des EU et des salariés eux-mêmes le coût du travail ;

Considérant que contrairement ace que prétendent les requérantes, le Conseil n'a ni procédé à une requalification des faits, se bornant à rappeler les formes multiples empruntées par les actions de concertation mises en œuvre par les entreprises poursuivies, ni jugé que les pratiques anticoncurrentielles poursuivies en l'espèce présentaient le degré de gravité le plus élevé, dès lors :

- qu'il a constaté qu'elles n'avaient duré que du mois de mars 2003 novembre 2004, ce qui n'est pas une durée très longue pour ce genre de pratiques ;

- que, répondant aux entreprises poursuivies qui avaient présenté différents arguments pour atténuer la gravité de leurs agissements, la décision les a utilement distingués (point 115 de la décision) d'un véritable cartel, forme la plus grave de collusion anticoncurrentielle, qui n'aurait été caractérisé que si la coordination avait été plus complète et plus systématique ;

- qu'il a apporté les nuances qui s'imposaient, en soulignant que si, même appréhendés ponctuellement, certains contacts entre les opérateurs visés par le premier grief ont présenté un caractère de moindre gravité, comme ceux qui leur ont permis de s'échanger des informations générales sur leur activité ou sur leur politique à l'égard d'un client particulier, il s'agit néanmoins d'échanges d'informations, de surcroît normalement couvertes par le secret des d'affaires, qui s'inscrivent dans un contexte de coordination générale pour limiter la compétition par les prix, et non d'échanges d'informations déconnectés de toute autre pratique anticoncurrentielle ainsi qu'a pu le laisser entendre Vedior Bis (point 112 de la décision) ;

En ce qui concerne l'importance du dommage à l'économie :

- au titre du premier grief :

Considérant que le Conseil, qui n'est pas tenu de chiffrer précisément l'importance du dommage à l'économie, qui est de toute façon présumé lorsque, comme en l'occurrence, une entente est établie, devait seulement, comme il l'a fait, fournir les éléments permettant d' apprécier les incidences économiques de la pratique poursuivie ; Considérant qu'en l'espèce, le Conseil a suffisamment justifié l'importance du dommage à l'économie au regard des dispositions de l'article L. 464-2 du Code de commerce :

- tout d'abord, en constatant que la pratique dénoncée par le premier grief, qui a eu, à tout le moins, pour effet réel de réduire la compétition par les prix entre les trois principaux opérateurs de travail temporaire en France, a engendré trois types de conséquences directes dommageables pour l'économie : un transfert de profit depuis les entreprises utilisatrices vers les entreprises de travail temporaire qui, dans son principe, n'est pas sérieusement contesté par les requérantes, un moindre recours au travail temporaire dû à la hausse de son coût pour les entreprises utilisatrices, et enfin un manque à gagner pour les travailleurs intérimaires qui n'ont pas été employés ;

- ensuite, en proposant un ordre de grandeur des conséquences directes de la pratique concertée visée par le premier grief, fixé, s'agissant du surprofit commun aux trois opérateurs à " plusieurs dizaines de millions d'euro" et, s'agissant du manque à gagner pour les intérimaires à "une ou deux dizaines de millions d'euro", étant observé que les entreprises avaient elles-mêmes avancé différentes estimations, reposant elles-mêmes sur différentes hypothèses, qui ont été discutées par les services d'instruction du Conseil ;

Considérant, à titre liminaire, que les critiques formulées par les requérantes à propos de la méthode employée par le Conseil sont vaines, dès lors qu'il s'est borné, pour proposer de tels ordres de grandeur, soit à se référer aux études produites par Adecco et Vedior Bis, sous réserve de corrections mineures opérées par les services de l'instruction qui seront évoquées ci-après, ou à des éléments du dossier (point 141 de la décision), soit à formuler des hypothèses en citant des études économiques ou des décisions de la Commission européenne (points 144 et 145 de la décision), en tout cas sans opposer aux requérantes, pour réfuter leurs études ou leurs analyses, des résultats d'études économétriques ou de modèles établis par les services d'instruction ;

Considérant, en premier lieu, sur les appréciations du Conseil l'ayant conduit aux propositions sus-rappelées portant sur les ordres de grandeur du surprofit payé par les entreprises utilisatrices c'est-à-dire l'écart entre le prix effectivement pratiqué et celui qui aurait prévalu en l'absence de la pratique concertée que le Conseil a constaté, sans prendre parti sur les différentes hypothèses évoquées dans les études produites par Vedior et par Adecco (L E CG et R B B), d'une part, (point 136 de la décision), que les estimations concernant le surprofit d'Adecco vont d'environ 26 millions d'euro (scénario 2, RBB) à 72 millions d'euro (scénario 3, services d'instruction) et, d'autre part, que celles concernant le surprofit de Vedior Bis vont d'environ 10 millions d'euro (scénario 2, RBB qui inclut la clientèle "diffus" dans la situation de référence) à 24 millions d'euro ( scénario 3, services d'instruction) qui, par rapport au scénario 2 de RBB exclut la clientèle "diffus" de la situation de référence ;

Considérant que le Conseil était ainsi fondé à conclure que ces analyses démontrent que la pratique a eu des effets importants, même si leur estimation précise, à laquelle il vient d'ère dit qu'il n'était pas tenu, demeure sujette à discussion, en se bornant à faire état de réserves, précisément motivées et justifiées (points 133 et 134 de la décision) que la cour approuve, sur certaines hypothèses retenues dans les études produites : référence à l'activité concernant la clientèle relevant du diffus et référence aux années 2001 et 2002 ; qu'il n'a écarté, par des appréciations pertinentes que la cour adopte, que les hypothèses ayant trait, pour la période de référence, aux années 2005 et 2006 en relevant à juste titre que ces années avaient été perturbées par un effet d'inertie de la pratique qui les rend impropres à être incluses dans cette période (point 134 de la décision) ;

Considérant que, s'agissant des données transmises par Manpower et de l'analyse qui en a été faite par la décision, c'est par des appréciations pertinentes, que la cour adopte, que le Conseil :

- a constaté que les données qui lui avaient été étaient transmises n'ont pas permis de réaliser des estimations comparables à celles concernant Vedior Bis et Adecco dans la mesure où elles ne permettaient pas d'identifier les deux principaux postes de surcoût constitués par les salaires et les charges patronales et qu'une extrapolation à Manpower des résultats obtenus à partir des données de ses concurrents, qui supposerait que les effets de l'entente sur les coefficients de vente des trois grandes ETT sont comparables, aurait une valeur très limitée ;

- a relevé, en tout état de cause, que Adecco et Vedior Bis ne peuvent être les seules ETT à avoir réalisé un surprofit en participant à la pratique concertée, en observant que l'importance du facteur coût des intérimaires pour le choix d'un ou plusieurs opérateurs de travail temporaire par un "grand compte" est essentielle dans la mesure où les services proposés sont largement standardisés, ce que démontre la très fine coordination sur les coefficients rendu nécessaire par l'entente sur l'appel d'offres d'Alcan et que, dès lors, si Adecco et Vedior Bis avaient été seules à augmenter leurs coefficients, Manpower aurait gagné à leur détriment des parts de marché significatives, ce qui n'a pas été le cas ;

- a estimé, dans ces conditions, qu'afin de prendre malgré tout en compte la part prise par Manpower aux effets de la pratique incriminée, il était cependant utile de procéder de surcroît à une évaluation globale du surprofit, en tenant compte des pratiques commerciales des opérateurs et en proposant un ordre de grandeur de l'effet d'une augmentation minime du prix de vente, soit (points 141 et 142 de la décision), des surprofits globaux des trois entreprises évalués à 25 millions d'euro par an, soit 44 millions pour la période couverte par les griefs (21 mois), et cela, logiquement, sans tenir compte des effets induits par la durée des contrats en 2005 et 2006 ;

Considérant, en second lieu, sur l'appréciation des conséquences de la hausse du coût du travail temporaire sur la réduction du recours par les EU à cette forme de travail et donc le surplus économique qu'elles se partagent, si Conseil a relevé à juste titre que la baisse du surplus global de ces deux catégories d'acteurs peut être négligée, il n'en demeure pas moins, au rebours de ce que prétendent les requérantes et sans qu'il soit nécessaire de démontrer l'existence d'un "marché biface", que la baisse du recours au travail temporaire affecte les travailleurs intérimaires dont certains peuvent ne pas avoir été employés pour cette raison, avec un manque à gagner qui pourrait ne pas être négligeable ; que, contrairement à ce qu'affirment les requérantes, l'appréciation de l'importance du dommage à l'économie résultant des pratiques d'entente poursuivies, qui ne se limite pas, par principe, à la seule atteinte au surplus économique des consommateurs, doit porter sur la perte du surplus subie par l'ensemble des opérateurs du marché, entreprises concurrentes, offreurs ou demandeurs ; qu'en l'occurrence, s'agissant de l'appréciation de l'incidence économique constituée par le manque à gagner en question, il suffit de constater qu'à partir d'une hypothèse de calcul fondée sur l'élasticité de la demande de travail, le Conseil a proposé un ordre de grandeur, que rien ne permet de remettre en cause, d'environ 20 millions d'euro (point 144 de la décision) ;

- au titre du second grief :

Considérant que s'agissant de l'entente spécifique à l'appel d'offres d'Alcan qui a fait l'objet du second grief, il doit être souligné que cet appel d'offres portait sur des prestations évaluées par le donneur d'ordres à environ 50 millions d'euro par an, soit au total 75 millions d'euro compte tenu de la durée - dix-huit mois - des contrats ;

En ce qui concerne la réitération :

Considérant que la réitération visée par l'article L. 464-2 du Code de commerce, qui constitue une circonstance aggravante personnelle, permet d'augmenter le montant de la sanction pécuniaire à rencontre d'une entreprise qui, déjà sanctionnée pour des pratiques similaires, a manifesté une propension à s'affranchir des règles relatives à la concurrence, afin de l'inciter à modifier son comportement ;

Considérant, en l'espèce, que, dans une décision n° 97-D-52 du 25 juin 1997, le Conseil de la concurrence a décidé qu'était établie à rencontre de fédérations départementales du bâtiment et des travaux publics de l'Isère et de la Savoie et quinze ETT dont Ecco TT, Adia France Sa, Manpower France et Bis France une entente portant sur des conventions dont l'un des objectifs était de contenir la hausse des rémunérations des salariés intérimaires dans le but de maîtriser le coût de la main d'œuvre supporté par les entreprises de construction à l'époque des travaux d'aménagement des sites olympiques pour les JO d'Albertville ; que les recours exercés contre cette décision ont été rejetés par un arrêt de cette cour du 8 septembre 1998 qui a fait l'objet d'un pourvoi rejeté par un arrêt de la Cour de cassation du 13 février 2001 ;

Considérant qu'il est constant qu'Adecco, Adia Manpower France Holding, Manpower France et Randstad assurent la continuité des entreprises sanctionnées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conditions permettant au Conseil de viser la réitération en ce qui concerne ces entreprises sont réunies, dès lors, d'une part, que de précédentes infractions au droit de la concurrence ont été constatées avant la commission des nouvelles pratiques en vertu d'une décision du Conseil qui était devenue définitive à la date à laquelle il a statué dans la présente affaire et, d'autre part, sans qu'il y ait lieu de procéder, de surcroît, à une analyse des circonstances précises dans lesquelles les pratiques précédemment sanctionnées ont été mises en œuvre, que celles-ci étaient similaires par leur objet, puisque la décision n° 97-D-52 du 25 juin 1997 avait jugé, que les entreprises en cause avaient "participé à une action concertée ayant pour objet et ayant pu avoir pour effet de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché" ;

Considérant que Randstad, Adia, Manpower et Adecco ayant ainsi été averties des risques de condamnation encourus en s'affranchissant à nouveau des règles de la concurrence, c'est à bon droit que le Conseil a estimé que la réitération justifiait une majoration de la sanction qui aurait normalement été infligée en son absence ; que le taux de 25 % retenu, au lieu de celui de 10 % proposé par le commissaire du Gouvernement, qui ne lie pas Conseil, n'appelle, compte tenu du délai écoulé avant les faits commis dans la présente affaire, qui s'élève à un peu moins de six ans, aucune critique au regard du principe de proportionnalité et que le Conseil n'est pas tenu par ailleurs de le justifier au regard d'une comparaison opérée avec les sanctions dont il a frappé d'autres entreprises dans des affaires distinctes ;

Sur les non contestations de griefs et les engagements pris :

Considérant qu'il convient de rappeler que Adecco et Adia ont décidé de ne pas contester les griefs et ont proposé des engagements (points 152 à 157 de la décision) recueillis par procès-verbal du 1er février 2008 établi par le rapporteur général adjoint portant sur la sensibilisation, la formation et l'alerte professionnelle du personnel concerné, la supervision des réponses aux procédures d'appel d'offres ainsi que les modalités de préparation et de présentation des offres commerciales par les sociétés du groupe ; que le Conseil a estimé que ces différents engagements sont "de réelle envergure sont substantiels, crédibles et vérifiables", qu'il en a pris acte et a enjoint à Adecco et Adia de les respecter et de les faire respecter par les sociétés engagées; que, compte tenu de la non contestation des griefs et des engagements précités, le rapporteur général adjoint a proposé que la sanction pécuniaire le cas échéant encourue par Adecco et par Adia soit réduite dans une proportion allant de 25 à 30 % du montant qui leur aurait été normalement infligé ;

Considérant que Groupe Vedior France et Vedior Bis ont également décidé de ne pas contester les griefs et ont proposé des engagements (points 158 à 162 de la décision) recueillis par procès-verbal du 1er février 2008 établi par le rapporteur général adjoint sur la formation et l'encadrement de leur personnel permanent ainsi que des engagements spécifiques au marché du travail temporaire, assortis d'engagements destinés à assurer leur efficacité ;

Considérant que le Conseil a estimé que, "pris dans leur ensemble, [ces] engagements (...) appellent des appréciations de même nature que celles (...) concernant les engagements présentés par Adecco et Adia et chacun des deux groupes a pu, au-delà des mesures générales assez similaires, prendre des dispositions particulières compte tenu des spécificités de son organisation interne ou de son champ d'intervention. Le Conseil estime donc que, globalement considérés, ces engagements de Groupe Vedior France et Vedior Bis présentent le même niveau d'intérêt que ceux présentés par Adecco et Adia " ; qu'en revanche, le Conseil a estimé ne pas pouvoir tenir compte, pour réduire le niveau de la sanction pécuniaire, d'un engagement "à visée sociale" concernant l'octroi d'un don à une association qui ne contribue en rien à améliorer le fonctionnement de la concurrence sur le marché affecté par les pratiques, l'association bénéficiaire étant de surcroît dans l'orbite du groupe Vedior ; que dans ces conditions, le Conseil laisse ces entreprises entièrement libres de donner suite ou non à ce projet, mais indique qu'il ne tiendra pas compte de ce choix dans la détermination de la sanction ; que, sous réserve de cet engagement qu'il convient d'exclure, le Conseil a relevé que, pris dans leur ensemble, les différents engagements "de réelle envergure sont substantiels, crédibles et vérifiables", qu'il y a lieu d'en prendre acte et d' enjoindre à Groupe Vedior France et Vedior Bis de les respecter;

En ce qui concerne la situation particulière des requérantes :

Considérant que, concernant tout d'abord les sociétés Manpower, la décision du Conseil n'est pas critiquée par les requérantes:

- en ce qu'elle a constaté qu'en application de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le plafond de la sanction qui peut être prononcée à rencontre de Manpower France Holding SAS et de Manpower France s'élève pour chacune à 10 % du chiffre d'affaires mondial hors taxes de 20,5 milliards de dollars (US) réalisé en 2007 par la société Manpower Inc., dont le siège aux Etats-Unis, qui consolide les comptes de Manpower France Holding, laquelle consolide elle-même les comptes de Manpower France ; que ce chiffre d'affaires est le plus élevé réalisé par le groupe sur les exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont débuté ; que le plafond des sanctions est donc d'un montant d'environ 1,6 milliards d'euro au taux de change actuel ;

- en ce qu'elle a décidé que Manpower France Holding et la société devenue Manpower France s'étant "succédé dans le temps"-à la date du 30 avril 2004- dans la mise en œuvre des pratiques anticoncurrentielles, et Manpower France Holding consolidant les comptes de Manpower France, la sanction devait d'abord être établie comme si une seule société était en cause correspondant à l'entreprise "opérationnelle" aujourd'hui exploitée par l'actuelle Manpower France, puis répartie au prorata temporis entre Manpower France Holding et Manpower France selon la durée de participation de chacune à l'infraction ;

- en ce qu'elle a déterminé les pourcentages de croissance de son chiffre d'affaires pour la période 1999/2005 et pour cette période, l'évolution de sa marge brute et de son excédent brut d'exploitation ainsi que la progression de son bénéfice de Manpower France, l'exposé de ces données pour les années 2006 et 2007 n'étant pas non plus contesté ;

Considérant qu' ajuste titre, au rebours de ce qu'affirment les requérantes, le Conseil a relevé que la mise en place par Manpower après les opérations de visite et saisies le 30 novembre 2004 d'un programme de formation du personnel au droit de la concurrence, d'une part, ne peut avoir d'impact sur la sanction de faits antérieurs à sa mise en œuvre, qui aurait précisément pu être évitée si celle-ci avait été effectuée plus tôt, par exemple en l'espèce après la sanction imposée par la décision évoquée du Conseil du 25 juin 1997 et, d'autre part, que la mise en place de ce programme n'a pas la valeur et la force d'un engagement souscrit dans le cadre de la procédure de non-contestation des griefs, comme l'ont fait les autres sociétés poursuivies qui s'exposent à une sanction en cas de non-respect ;

Considérant, dès lors, que c'est par des appréciations pertinentes, que la cour fait siennes, qu'en fonction des éléments généraux et individuels exposés précédemment, le Conseil, qui n'était pas tenu en vertu de l'article L. 464-2 du Code de commerce de justifier également celle-ci au regard d'une comparaison opérée avec les sanctions dont il a frappé d'autres entreprises dans des affaires distinctes, a déterminé :

- qu'il y aurait lieu d'infliger à l'entreprise ayant exercé l'activité aujourd'hui assurée par Manpower France une sanction pécuniaire de 33,6 millions d'euro ;

- qu'il convient d'opérer une "répartition" entre Manpower France Holding et Manpower France au prorata de leur participation à l'infraction dans le temps, soit deux tiers pour la première et un tiers pour la seconde ;

- que, sans la situation de réitération, il y aurait lieu d'infliger une sanction pécuniaire de 22,4 millions d'euro à Manpower France Holding et de 11,2 millions d'euro à Manpower France;

- que la réitération justifiant une majoration de ces sommes de 25 %, qui n'apparaît pas disproportionnée, il convient d'infliger à Manpower France Holding une sanction pécuniaire de 28 millions d'euro et à Manpower France une sanction pécuniaire de 14 millions d'euro ;

Considérant que, concernant ensuite Adecco et Adia, la décision du Conseil n'est pas critiquée par les requérantes en ce qu'elle a constaté que le plafond des sanctions pécuniaires qui peuvent être infligées à Adecco France et à Adia est, compte tenu de la non contestation des griefs, par ces sociétés conformément au III de l'article L.464-2 du Code de commerce, de 5 % du chiffre d'affaires mondial du groupe Adecco réalisé en 2007, consolidé dans les comptes de Adecco SA, dont le siège est en Suisse ; que ce chiffre d'affaires est le plus élevé réalisé par le groupe sur les exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont débuté ; que leur chiffre d'affaires a été d'environ 21,1 milliards d'euro et le plafond des sanctions est donc de 1,055 milliards d'euro ;

Considérant que Adecco ne conteste pas non plus les pourcentages de croissance de son chiffre d'affaires pour la période 1999/2005 et pour cette période, sur l'évolution de sa marge brute et de son excédent brut d'exploitation ainsi que la progression de son bénéfice qui ont été exposés par le Conseil ni l'exposé de ces données pour les années 2006 et 2007 ;

Considérant, dès lors, que c'est par des appréciations pertinentes, que la cour fait siennes, qu'en fonction des éléments généraux et individuels exposés précédemment, le Conseil a décidé:

- que, sans tenir compte de la situation de réitération et de la réduction de sanction dont elle bénéficie au titre de la non contestation des griefs, il y aurait lieu d'infliger à Adecco France une sanction pécuniaire de 35,4 millions d'euro ;

- que la situation de réitération justifie de majorer cette somme de 25 %, chiffre justement apprécié par le Conseil au regard de l'exigence de proportionnalité, ce qui aboutit à un montant de 44,25 millions d'euro ;

- que, toutefois, la réduction de la sanction au titre de la non contestation des griefs conduit à infliger à Adecco France une sanction pécuniaire de 32,5 millions d'euro ;

Considérant que Adia ne formule pas d'observations sur les pourcentages de croissance de son chiffre d'affaires pour la période 1999/2005 et pour cette période, l'évolution de sa marge brute et de son excédent brut d'exploitation ainsi que la progression de son bénéfice qui ont été exposés par le Conseil ni l'exposé qui a été fait de ces données pour les années 2006 et 2007 ;

Considérant, dès lors, au regard de sa seule participation à l'entente pour l'appels d'offres d'Alcan, que c'est par des appréciations pertinentes, que la cour fait siennes, qu'en fonction des éléments généraux et individuels exposés précédemment, le Conseil a décidé :

- que, sans tenir compte de la situation de réitération et de la réduction de sanction dont elle bénéficie au titre de la non contestation des griefs, il y aurait lieu d'infliger à Adia une sanction pécuniaire de 1,85 millions d'euro ;

- que la situation de réitération justifie de majorer cette somme de 25 %, majoration qui n'est pas disproportionnée, ce qui aboutit à un montant de 2,31 millions d'euro ;

- que, toutefois, la réduction de la sanction au titre de la non contestation des griefs conduit à infliger à Adia une sanction pécuniaire de 1,7 millions d'euro ;

Considérant que, concernant enfin Randstad ,la requérante ne critique pas la décision du Conseil en ce qu'elle a constaté que, compte tenu de la non contestation des griefs, le plafond des sanctions pécuniaires qui peuvent lui être infligées est, en application du III de l'article L.464-2 du Code de commerce, de 5 % du chiffre d'affaires mondial du groupe Vedior réalisé en 2007, consolidé dans les comptes de Vedior NV, dont le siège est aux Pays Bas ; que ce chiffre d'affaires est le plus élevé réalisé par le groupe sur les exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont débuté ;que ledit chiffre d'affaires a été de 8,4 milliards d'euro et le plafond des sanctions est donc de 420 millions d'euro ;

Considérant que Randstad ne conteste pas non plus les pourcentages de croissance de son chiffre d'affaires pour la période 1999/2005 et, pour cette période, l'évolution de sa marge brute et de son excédent brut d'exploitation ainsi que la progression de son bénéfice qui ont été exposés par le Conseil ni l'exposé qui a été fait de ces données pour les années 2006 et 2007 ;

Considérant, dès lors, que c'est par des appréciations pertinentes, que la cour fait siennes, qu'en fonction des éléments généraux et individuels exposés précédemment, le Conseil a décidé:

- que, sans tenir compte de la situation de réitération et de la réduction de sanction dont elle bénéficie au titre de la non contestation des griefs, il y aurait lieu d'infliger à Randstad une sanction pécuniaire de 19,8 millions d'euro ;

- que la réitération justifie de majorer cette somme de 25 %, pourcentage justement apprécié par le Conseil au regard du principe de proportionnalité, ce qui aboutit à un montant de 24,75 millions d'euro ;

- que, toutefois, la réduction de la sanction au titre de la non contestation des griefs conduit à infliger à Randstad une sanction pécuniaire de 18,2 millions d'euro ;

Considérant que la cour observe que le taux de réduction ainsi pratiqué, qui s'élève à environ 26 %, tient suffisamment compte des engagements proposés par Randstad, qui ont été jugés satisfaisants par le Conseil, et s'inscrit dans la tranche - 25 à 30 % - proposée par le rapporteur général ; qu'enfin, au rebours de ce que soutient la requérante, le Conseil n'était pas tenu de justifier le taux de réduction au regard d'autres décisions comportant également une telle réduction en contrepartie d'une non contestation des griefs ;

En ce qui concerne les effets de la crise économique sur la situation individuelle des sociétés Manpower et de Randstad :

Considérant que les éventuelles difficultés du secteur concerné par les pratiques ne figurent pas parmi les critères énumérés par l'article L. 464-2 du Code de commerce pour l'évaluation des sanctions et, qu'au regard du respect du principe de proportionnalité, seules les difficultés rencontrées individuellement par les entreprises, du fait de leur situation particulière et dans la mesure où elles affecteraient leurs capacités contributives qui doivent, dans toute, la mesure du possible, s'apprécier à partir des comptes sur plusieurs exercices, sont susceptibles d'être prises en compte ;

Considérant que ni Randstad ni les sociétés Manpower, entreprises appartenant a des groupes mondiaux, qui font état, selon le cas, de résultats révélant une perte nette au quatrième trimestre 2008 ou d'une baisse de chiffre d'affaires au cours du premier semestre 2009, n'ont cependant communiqué de pièces comptables reflétant l'évolution de leur situation réelle et permettant à la cour de vérifier que leurs capacités contributives sont atteintes ;

Considérant, au surplus, qu'au delà d'une appréciation des effets de la crise économique, la cour observe que le Conseil (point 168 de la décision), pour s'assurer que la sanction est proportionnée à la faculté contributive des entreprises poursuivies a déjà pris en considération le fait que, compte tenu de leur activité très spécifique cette faculté contributive est mieux reflétée par leur marge brute que par leur chiffre d'affaires ;

En ce qui concerne la publication:

Considérant qu'à titre subsidiaire, aucune des requérantes n'a contesté la publication de la décision justement ordonnée par le Conseil ;

Considérant que les recours seront rejetés ;

Par ces motifs, Rejette les recours, Dit n'y avoir lieu donner à la société EDF l'acte qu'elle requiert, Condamne la société Manpower France Holding, la société Manpower France la société Adecco, la société Adia et la société Randstad aux dépens. Laisse à la société EDF la charge des dépens exposés du fait de son intervention. Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.