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Décisions

CA Pau, ch. soc., 20 décembre 2007, n° 05-02566

PAU

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Delas

Défendeur :

Pau Euralis Union (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pujo-Sausset

Conseillers :

Mme Robert, M. Gauthier

Avocats :

SCP Denjean-Etelin, Me Bourdeau

Cons. prud'h. Tarbes, du 17 juin 2005

17 juin 2005

Les faits, la procédure :

Monsieur Michel Delas, né le 16 novembre 1943, embauché par la Coopérative agricole départementale des Hautes-Pyrénées, à compter du 1er novembre 1968 en qualité de technico-commercial II jusqu'au 30 juin 1991, date à laquelle la coopérative est entrée dans le groupe Cap Union jusqu'au 1er octobre 1992, date à laquelle il a réintégré la coopérative, puis à compter du 1er juillet 1993 au service de la société Sica Pau devenue la société Pau Euralis Union, promu, par avenant du 18 mai 1999, animateur de zone 1 à compter du 1er janvier 1999, catégorie ICC, coefficient hiérarchique 420, soumis à une clause de non-concurrence, au terme d'une procédure de licenciement collectif (qui a concerné la suppression de 43,98 postes équivalent temps plein) pour motif économique, a quitté l'entreprise à l'expiration de son préavis le 27 décembre 2002 après avoir signé, le 18 décembre 2002, une convention d'Allocations spéciales du fonds national de l'emploi, dite "convention de pré-retraite" ci-après désignée convention ASFNE qui lui a été proposée le 30 septembre 2002.

Par requête en date du 22 décembre 2004 Monsieur Michel Delas a saisi le Conseil de prud'hommes de Tarbes pour, au terme de ses dernières demandes, qu'il soit constaté qu'il n'a jamais reçu information directe et personnelle de la levée de la clause de non-concurrence ; qu'il soit dit que la société Pau Euralis Union ne l'a pas relevé dans les délais de son obligation de clause de non-concurrence ; en conséquence qu'elle soit condamnée à lui payer la somme de 12 549,24 euro en application des dispositions de la clause de non-concurrence ; la somme de 3 000 euro en dédommagement du préjudice né du non-respect par l'employeur de cette clause; 1 979,50 euro pour irrespect de la procédure instituée par les dispositions d'information et de consultation du comité d'entreprise.

Par jugement en date du 17 juin 2005, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, des moyens et de la procédure, le Conseil de prud'hommes de Tarbes (section encadrement) :

- a débouté Monsieur Michel Delas de l'ensemble de ses demandes,

- a condamné Monsieur Michel Delas à verser à la société Pau Euralis Union la somme de 300 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- a dit n'y avoir lieu à dépens.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 11 juillet 2005 Monsieur Michel Delas, représenté par son conseil, a interjeté appel général de la décision qui lui a été notifiée le 18 juin 2005.

Demandes et moyens des parties :

Monsieur Michel Delas, par conclusions écrites reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la cour de :

- déclarer recevable en la forme l'appel interjeté contre la décision déférée,

- au fond, réformer celle-ci,

- condamner la société Pau Euralis Union à lui payer la somme de 12 549,24 euro à titre de contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence, avec intérêt de droit à compter du jour de la demande,

- la condamner également à lui payer la somme de 3 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice découlant de l'inexécution fautive par la société Pau Euralis Union de son obligation de verser la contrepartie financière à laquelle elle était tenue,

- condamner la société Pau Euralis Union au paiement de la somme de 1 979,50 euro à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure instituée par le plan de sauvegarde de l'emploi qui lui a été opposé,

- condamner la société Pau Euralis Union à lui verser la somme de 2 400 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

Monsieur Michel Delas expose que le 18 décembre 2002 il a adhéré à la convention ASFNE qui lui a été proposée le 30 septembre 2002 dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi mis en place à l'occasion du licenciement collectif ; qu'à la fin du premier trimestre 2003, n'ayant pas perçu le versement de la contrepartie pécuniaire, il en a sollicité le paiement auprès de la société Pau Euralis Union par courrier du 30 mars 2003.

Monsieur Michel Delas soutient que ses demandes sont recevables et fait valoir qu'il ne pouvait pas former des demandes additionnelles avant la clôture des débats relatifs à la première instance, soit le 7 mars 2003, puisque à cette date ses prétentions, objet de la présente instance, ne s'étaient pas encore révélées, la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence ne devant être versée que trimestriellement, soit à la fin du mois de mars 2003. De même, il prétend n'avoir eu connaissance de l'existence de la disposition du plan de sauvegarde de l'emploi prévoyant l'organisation d'un entretien avec chaque salarié concerné par une mesure de licenciement que le 28 avril 2003 lorsque la société Pau Euralis Union s'est prévalue du contenu de ce plan pour contester devoir la contrepartie pécuniaire.

Il soutient également que la contrepartie pécuniaire, due mois par mois, doit lui être payée dans la mesure où l'adhésion à la convention ASFNE ne lui interdisait pas de reprendre une activité professionnelle, il n'a jamais été personnellement informé par son employeur de ce que celui-ci renonçait à la clause de non-concurrence et il n'a pas eu connaissance au moment de son adhésion à la convention ASFNE de l'engagement de l'employeur de lever systématiquement la clause de non-concurrence figurant dans le plan de sauvegarde de l'emploi et considère que cette ignorance s'explique notamment par le fait qu'il n'a pas bénéficié d'un entretien qui aurait dû être organisé préalablement à son licenciement, conformément à ce que prévoyait le plan de sauvegarde de l'emploi. Il considère qu'il ne peut pas y avoir une mesure de dénonciation collective et rappelle que son contrat de travail prévoyait une dénonciation individuelle.

La société Pau Euralis Union, par conclusions écrites reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la cour de :

- dire Monsieur Michel Delas irrecevable dans ses demandes en application des articles R. 516-1 et R. 516-2 du Code du travail,

- subsidiairement, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté purement et simplement de l'ensemble de ses demandes,

- en toute hypothèse, le condamner à la somme de 3 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens.

La société Pau Euralis Union soutient qu'en application du principe de l'unicité de l'instance les demandes de Monsieur Michel Delas sont irrecevables au motif qu'elles ont été introduites le 22 décembre 2004 sur des fondements réputés nécessairement connus de lui avant le terme des débats afférents à la première instance, qui se sont déroulés le 7 mars 2003 pour donner lieu au jugement du 18 avril 2003 ; que, s'agissant d'une procédure de licenciement de 10 salariés et plus dans une entreprise dotée de représentants du personnel d'un salarié qui a adhéré à une convention ASFNE, il n'y avait pas lieu à la mise en œuvre d'un entretien préalable à la notification du licenciement; que la renonciation collective et systématique par l'employeur des clauses de non-concurrence, intervenue dans le cadre du plan social, peut être opposée à Monsieur Michel Delas, d'autant que celui-ci a eu connaissance de cet engagement.

Subsidiairement, la société Pau Euralis Union fait valoir que le quantum de la contrepartie pécuniaire s'évalue à raison d'un versement trimestriel de 75 % du salaire mensuel net calculé sur les mois d'octobre à décembre 2002, conformément à la clause contractuelle.

Motifs de la décision :

L'appel, interjeté dans les formes et délais requis par la loi, sera déclaré recevable en la forme.

Concernant la recevabilité des demandes :

En application de l'article R. 516-1 du Code de travail, toutes les demandes dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties doivent, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, faire l'objet d'une seule instance, à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne soit révélé que postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes.

Il résulte de ces dispositions, combinées d'une part avec celles de l'article R. 516-2 du même code selon lesquelles les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables en tout état de cause, même en appel, et d'autre part avec l'absence de disposition légale conférant un caractère obligatoire à l'exercice d'une voie de recours, que le principe de l'unicité de l'instance s'applique dès lors que la demande porte sur un litige né, ou révélé, avant la clôture des débats devant la juridiction de jugement.

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que Monsieur Michel Delas a engagé une première instance à l'encontre de la société Pau Euralis Union devant le Conseil de prud'hommes de Tarbes par requête introductive en date du 14 octobre 2002 qui a donné lieu à des débats clôturés à l'audience de jugement du 7 mars 2003 et à un jugement statuant sur le fond et en dernier ressort en date du 18 avril 2003.

Par conséquent, à la date du 7 mars 2003, date de la clôture des débats, le litige opposant les parties sur le paiement de la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence n'était pas né puisque la clause contractuelle prévoyait un versement trimestriel de cette contrepartie de sorte que le premier versement était donc censé n'intervenir que postérieurement, soit au 30 mars 2003.

Il y a donc lieu de dire recevable la demande de paiement de la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence introduite le 22 décembre 2004.

En revanche, la demande portant sur la régularité de la procédure de licenciement est irrecevable, en application du principe de l'unicité de l'instance dans la mesure où la contestation par Monsieur Michel Delas du déroulement de la procédure consistant en l'absence de l'entretien préalable auquel l'employeur s'était engagé dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi constitue un litige nécessairement né au moment de la rupture du contrat de travail, soit le 25 septembre 2002, date de la notification du licenciement, et nécessairement révélé à cette date, ladite lettre débutant par le rappel de l'information donnée à la suite des consultations du comité d'entreprise et du plan de sauvegarde de l'emploi.

En outre, en raison de ce que le salarié a personnellement adhéré à une convention d'Allocation spéciale du fonds national pour l'emploi, il ne peut pas remettre en discussion la régularité et la légitimité de la rupture de son contrat de travail même dans le cas où la convention lui a été proposée dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, dont il ne peut contester la validité, sauf à démontrer une fraude de l'employeur ou un vice de son consentement, ce qui, en l'espèce n'est pas prétendu.

Concernant la clause de non-concurrence :

La clause de non-concurrence est instituée dans l'intérêt commun du salarié et de l'employeur, de sorte que ce dernier peut renoncer unilatéralement à sa mise en œuvre lorsque cette renonciation est expressément prévue dans le contrat de travail.

En l'espèce, le contrat de travail liant les parties en date du 2 juin 1993 comporte une clause de non-concurrence, reconduite dans l'avenant du 18 mars 1999, limitée dans le temps et dans l'espace, assortie d'une contrepartie pécuniaire, complétée par la mention expresse de la possibilité pour l'employeur d'une renonciation unilatérale ainsi rédigée : "notre société peut vous délier de l'application de la présente clause à condition de vous faire connaître sa décision avant la fin de votre contrat de travail".

Le contrat de travail ne prévoit aucune modalité particulière relative à la forme dans laquelle l'employeur doit faire connaître au salarié sa renonciation à la mise en œuvre de la clause de non-concurrence, ni au moment où il doit faire connaître cette renonciation, excepté qu'il doit faire connaître cette décision avant la fin du contrat de travail qui doit s'entendre comme la date de réception de la lettre de licenciement.

Il n'est pas allégué, ni a fortiori démontré, que la convention collective applicable en l'espèce prévoit le respect d'un certain délai, ou d'une forme particulière, pour la renonciation à la clause de non-concurrence.

Le plan de sauvegarde de l'emploi, dont la mise en place et la mise en œuvre sont obligatoires dans toute entreprise employant au moins 50 salariés qui envisage de licencier au moins 10 salariés sur 30 jours, ce qui est le cas en l'espèce, est un acte juridique unilatéral arrêté par l'employeur, qui ne crée d'obligations qu'à la charge de l'employeur qui détermine lui-même l'étendue desdites obligations.

L'employeur est libre de modifier les dispositions du plan pendant la période de consultation du comité d'entreprise pour tenir compte des suggestions des représentants du personnel et des observations de l'autorité administrative, mais il est tenu, après la dernière réunion du comité d'entreprise, de respecter le plan qu'il a lui-même établi.

Lorsque le plan de sauvegarde de l'emploi comporte l'engagement de l'employeur de lever systématiquement la clause de non-concurrence pour les salariés licenciés, afin de faciliter la recherche d'emploi, il s'agit-là d'un engagement unilatéral de renonciation explicite et non équivoque à la mise en œuvre de cette clause pour tous les salariés concernés, dont le salarié a nécessairement eu connaissance, ainsi que pour les autres dispositions du plan, au même titre que les autres salariés de l'entreprise, en raison de la procédure de consultation et d'information des représentants du personnel, mandataires des salariés et tenus à ce titre de les informer, dispensant l'employeur de l'obligation d'affichage du plan prévu par l'avant dernier alinéa de l'article L. 321-4-1 du Code du travail pour les entreprises dépourvues d'institutions représentatives du personnel, sauf pour le salarié de rapporter la preuve de l'absence d'information reçue, ce qu'il ne fait pas en l'espèce.

Par conséquent, à défaut de stipulation contractuelle, ou conventionnelle, relative aux modalités de renonciation par la société Pau Euralis Union à la mise en œuvre de la clause non-concurrence, il y a lieu de dire que l'engagement par l'employeur dans le plan de sauvegarde de l'emploi de lever systématiquement la clause de non-concurrence pour les salariés licenciés vaut renonciation explicite et non équivoque de sorte que Monsieur Michel Delas ne saurait prétendre au paiement de la contrepartie pécuniaire.

Le jugement du Conseil de prud'hommes sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur Michel Delas de l'ensemble de ses demandes.

Sur les articles 696 et 700 du nouveau Code de procédure civile :

Monsieur Michel Delas, succombant, sera condamné aux entiers dépens.

Aucun élément de l'espèce ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale et en dernier ressort ; Reçoit l'appel principal formé le 11 juillet 2005 par Monsieur Michel Delas à l'encontre du jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Tarbes (section encadrement) en date du 17 juin 2005, notifié le 18 juin 2005, et l'appel incident formé par la société Pau Euralis Union ; Déclare irrecevable la demande relative à l'entretien préalable, Déclare recevable la demande relative à la clause de non-concurrence, Confirme le jugement du Conseil de prud'hommes en date du 17 juin 2005 en ce qu'il : - a débouté Monsieur Michel Delas de l'ensemble de ses demandes, Infirme les autres dispositions, statuant à nouveau et y ajoutant, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne Monsieur Michel Delas aux entiers dépens, de première instance et d'appel.