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Décisions

ADLC, 18 décembre 2009, n° 09-DCC-85

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle conjoint de la société Juju par la société Nocram

ADLC n° 09-DCC-85

18 décembre 2009

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 13 novembre 2009 relatif à l'acquisition de 95 % des titres de la société Juju par la société Nocram, formalisée par un protocole d'accord signé le 3 novembre 2009 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. La société Nocram SAS, détenue [majoritairement] par M. Philippe Marcon, est une société holding détenant directement les sociétés Vanica et Sabo, lesquelles exploitent chacune un fonds de commerce sous l'enseigne Intermarché. Les sociétés Vanica et Sabo sont liées à la société ITM Entreprises par deux contrats d'enseigne respectivement conclus en date du 9 janvier 2002 et du 30 novembre 2004. M. Philippe Marcon a, par ailleurs, signé la charte d'adhésion de l'Union Nationale des Mousquetaires en date du 30 novembre 2004. La société Nocram a réalisé un chiffre d'affaires total hors taxes de [> 15] millions d'euro en 2008, dernier exercice clos.

2. La société Juju SAS est une société de droit français qui a pour objet l'exploitation d'un point de vente à dominante alimentaire situé à Saint Julien en Genevois sous l'enseigne Intermarché. La société Juju est actuellement détenue par la société ITM Entreprises, directement et via la société Velta, filiale de la société ITM Alimentaire Centre Est, elle-même filiale d'ITM Entreprises. La société ITM Entreprises a réalisé au cours du dernier exercice clos au 31 décembre 2008, un chiffre d'affaires total mondial hors taxes de [20-30] milliards d'euro, dont [15-25] milliards en France.

3. La société Nocram s'est engagée par un protocole d'accord, en date du 3 novembre 2009, à acquérir 95 % des titres de la société Juju en pleine propriété et 4,99 % des titres en usufruit, ITM Alimentaire Centre Est en conservant la nue-propriété. De plus, la société ITM Entreprises détiendra une action de préférence dans le capital de la société Juju.

4. Les statuts refondus le 26 juin 2009 de la société Juju ainsi que le protocole d'accord signé par les parties confèrent à ITM Entreprises, pendant une durée [>15] ans, la possibilité de bloquer tout changement d'enseigne, de s'opposer à toute mutation d'actions et d'obliger les actionnaires majoritaires à céder le fonds de commerce dès l'instant où ils exploiteraient un fonds de commerce similaire sous une enseigne concurrente. Enfin, après une durée [>15] ans, si ITM Entreprises n'a plus la possibilité de bloquer tout changement d'enseigne ou de s'opposer à toute mutation d'actions, ITM Entreprises conserve un droit de préférence sur toute vente de titres pendant 5 années supplémentaires.

5. La société Juju sera donc, contrairement à ce que soutient la partie notifiante, contrôlée conjointement par les sociétés Nocram et ITM Entreprises après l'opération. Au cas d'espèce, les entreprises concernées sont Nocram et le groupe ITM Entreprises, la société Juju étant, avant l'opération, contrôlée exclusivement par ITM Entreprises.

6. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle conjoint de la société Juju par la société Nocram, ITM Entreprises conservant un contrôle conjoint, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au point I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Analyse concurrentielle

7. Selon la pratique constante des autorités nationale et communautaire de la concurrence (1), deux catégories de marchés peuvent être délimitées (2) dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire. Il s'agit, d'une part, des marchés " aval ", de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et, d'autre part, des marchés " amont " de l'approvisionnement des entreprises de commerce de détail en biens de consommation courante, de dimension nationale.

A. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION À DOMINANTE ALIMENTAIRE

1. LES MARCHÉS DE SERVICES

8. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, les autorités de concurrence, tant communautaire que nationales (3), ont distingué six catégories de commerce en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l'ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés, (ii) les supermarchés, (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail, (v) les maxi discompteurs, (vi) la vente par correspondance.

9. Les hypermarchés sont usuellement définis comme des magasins à dominante alimentaire d'une surface de vente supérieure à 2 500 m2. Il convient cependant de rappeler que ce seuil doit être utilisé avec précaution, et peut être adapté au cas d'espèce, des magasins dont la surface est située à proximité du seuil, soit en-dessous, soit au-dessus, pouvant se trouver en concurrence directe dans les faits (4).

10. En l'espèce, le magasin racheté occupe aujourd'hui une surface de vente de 2 698 m2. Ce magasin rentre donc dans la catégorie des hypermarchés.

2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE

11. Dans ses décisions récentes (5) relatives à des opérations concernant des hypermarchés ou des supermarchés à dominante alimentaire, l'Autorité de la concurrence a rappelé qu'en fonction de la taille des magasins concernés, les conditions de la concurrence devaient s'apprécier sur deux zones différentes :

- une première zone où se rencontrent la demande des consommateurs et l'offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux ;

- une seconde zone où se rencontrent la demande des consommateurs et l'offre des supermarchés et autres formes de commerce équivalentes situées à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés et les magasins discompteurs.

12. D'autres critères peuvent néanmoins être pris en compte pour évaluer l'impact d'une concentration sur la situation de la concurrence sur les marchés de la distribution de détail, ce qui peut conduire à affiner, au cas d'espèce, les délimitations usuelles présentées ci-dessus.

13. Au cas d'espèce, le magasin concerné par l'opération occupe une surface de vente supérieure à 2 500 m2 et rentre dans la catégorie des hypermarchés.

14. Les marchés concernés par la présente opération sont, d'une part, un premier marché comprenant les hypermarchés localisés dans une zone de chalandise de 30 minutes autour de Saint Julien en Genevois et, d'autre part, un second marché comprenant l'ensemble des hypermarchés, supermarchés et maxi-discompteurs localisés sur une zone de chalandise de 15 minutes autour de Saint Julien en Genevois.

15. Les activités des parties ne se chevauchant pas sur l'un ou l'autre de ces marchés, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés aval de la distribution à dominante alimentaire.

B. MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT

16. En ce qui concerne les marchés de l'approvisionnement, la Commission européenne (6) a retenu l'existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales (7).

17. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de la présente opération.

18. Au cas d'espèce, l'opération, qui ne porte que sur un seul magasin déjà contrôlé, avant l'opération, par ITM Entreprises, n'est pas susceptible de renforcer la puissance d'achat du groupe ITM Entreprises, auprès duquel la société Nocram s'approvisionne aussi pour ses points de vente.

Décide

Article unique : l'opération notifiée sous le numéro 09-0121 est autorisée.

Notes :

1 Voir notamment les décisions de la commission M.946 Intermarché/Spar du 30 juin 1997, M.991 Promodès/Casino du 30 octobre 1997 et M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000. Voir également l'arrêté ministériel du 5 juillet 2000 dans l'opération Carrefour/Promodès et les avis du Conseil de la concurrence n° 97-A-14 du 1er juillet 1997, dans l'affaire Carrefour/Cora, n° 98-A-06 du 5 mai 1998, dans l'affaire Casino Franprix/Leader Price, et n° 00-A-06 du 3 mai 2000, dans l'affaire Carrefour/Promodès.

2 Décisions de la Commission dans les affaires M.1221 Rewe/Meinl du 3 février 1999, M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M.2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000. Voir également la décision C-2005-98 Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005. 3

3 Décisions C-2008-32 Amidis SAGC du 9 juillet 2008, C-2007-172 Carrefour Plane Plamidis, du 13 février 2008, C-2007-154 Système U Vergali du 3 décembre 2007, C-2007-05 Carrefour Sofodis du 26 mars 2007, C-2006-15 Amidis Hamon du 14 avril 2006, C 2005-98 Carrefour Penny Market du 10 novembre 2005.

4 Voir notamment l'avis n° 00-A-06 du Conseil du 3 mai 2000 relatif à l'acquisition par la société Carrefour de la société Promodès.

5 Décisions 09-DCC-24 du 23 juillet 2009 Floritine/CSF ; 09-DCC- du 28 mai 2009 Frandis/Financière Perdis ; 09-DCC-06 du 20 mai 2009 Evolis/ITM ; 09-DCC-04 du 29 avril 2009 Carrefour/Noukat,

6 Voir les décisions de la Commission M. 1221 Rewe/Meinl du 3 février 1999, M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M. 2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000.

7 Voir notamment les décisions du ministre dans le secteur, C2005-98, Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005, C2006-15 Carrefour/Groupe Hamon du 14 avril 2006, C2007-172 relatif à la création de l'entreprise commune Plamidis du 13 février 2008 et C2008-32 Carrefour/SAGC du 9 juillet 2008.