Cass. com., 2 février 2010, n° 09-13.242
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Neudis (SAS)
Défendeur :
Aldi marché (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
Mme Maitrepierre
Avocats :
Me Blanc, SCP Ancel, Couturier-Heller
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 19 février 2009), que la société Neudis, exploitant à Genay un magasin de grande distribution sous l'enseigne "Leclerc", a, au cours de l'année 2007, apposé à l'entrée de son magasin une affiche comportant le slogan "Eco + pour faire plus d'économies" et représentant un podium au sommet duquel figurait une photographie d'un assortiment de produits de consommation courante provenant de ses rayons, comportant la mention suivante "photo non-contractuelle- liste détaillée en caisse", et à la base duquel se trouvaient un assortiment de produits du même type commercialisés dans deux magasins de la région sous d'autres enseignes, dont l'enseigne "Aldi marché", placée en deuxième position sur le podium ; qu'au dessus des produits de cette dernière enseigne figurait la mention suivante "6.59 % plus chers que E. Leclerc Genay, soit 3.33 euro plus chers, 27.75 % de produits en moins, constat d'huissier de justice effectué le 22 janvier 2007" ; qu'estimant que cette publicité comparative était illicite, la société Aldi marché a assigné la société Neudis en indemnisation de son préjudice, ainsi qu'en publication et en affichage de la décision à intervenir ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société Neudis fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à verser à la société Aldi marché un euro de dommages-intérêts pour avoir violé les dispositions du Code de la consommation en matière de publicité comparative et pour avoir ainsi commis des actes de concurrence déloyale, alors, selon le moyen : 1°) que la publicité comparative n'exige pas de procéder à une comparaison de tous les produits ou services ; qu'en retenant le caractère trompeur de la publicité en se fondant sur l'absence de produits frais dans l'assortiment ou sur le fait que les produits de consommation courante étaient assurément plus nombreux que trente-quatre, la cour d'appel a violé l'article L. 121-8 du Code de la consommation ; 2°) que la publicité comparative doit porter sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins, ce qui n'implique pas que les produits comparés soient vendus dans des quantités strictement identiques ; qu'après avoir constaté que certains produits de l'échantillon de la société concurrente étaient vendus en quantités plus importantes mais dans de très faibles proportions (52 et 54 couches ; 470 et 475 grammes de mayonnaise ; 185 et 200 grammes de thon), et qu'il existait aussi certains produits vendus en quantités plus importantes par la société auteur de la publicité litigieuse, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que les différences de quantités, peu significatives et constatées dans un sens comme dans l'autre, n'avaient pas faussé la comparaison au détriment de la société concurrente (violation du même texte) ; 3°) que la comparaison fondée sur le prix doit porter sur des produits présentant des caractéristiques essentielles comparables; que le conditionnement d'un produit alimentaire n'est pas en soi une caractéristique essentielle du produit dont la différence avec un autre s'opposerait par principe à une comparaison ; qu'en affirmant que les différences de conditionnement de mêmes produits (concentré de tomate en tube ou en boîte, vin de table en plastique ou verre) n'autorisaient pas la comparaison sans expliquer en quoi ces produits auraient présenté des qualités essentielles intrinsèquement différentes, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard, encore une fois, de l'article L. 121-8 du Code de la consommation ; 4°) que le juge ne peut statuer en se fondant sur l'absence d'une pièce figurant dans le bordereau de communication des pièces et dont la communication n'est pas contestée, sans inviter les parties à s'expliquer ; que la cour d'appel a retenu que la liste détaillée n'avait pas été versée au débat, ce qui lui a permis d'affirmer de manière erronée que les produits Eco + vendus en plus grande quantité étaient nécessairement moins chers à l'unité, ou que l'assortiment avait très bien pu être fait en sélectionnant les produits Eco + les moins chers ou encore que la publicité tendait à dire que les produits Eco + de l'assortiment, donc tous les produits Eco + étaient moins chers ; que ces listes figuraient cependant en annexe du procès-verbal d'huissier du 22 janvier 2007 mentionné dans la bordereau des pièces communiquées et dont la communication n'a pas été contestée ; qu'en retenant que cette liste n'avait pas été versée au débat sans provoquer l'explication des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève que la liste détaillée, mentionnée sur l'affiche comme disponible en caisse, n'a pas été versée aux débats ; qu'ayant ainsi fait ressortir, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, l'absence de preuve de l'accessibilité des éléments de la comparaison permettant aux consommateurs d'en vérifier l'exactitude, la cour d'appel, qui n'a pas violé le principe de la contradiction, en a justement déduit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les trois premières branches, que la publicité comparative litigieuse, qui ne répondait pas à l'exigence d'objectivité posée à l'article L. 121-8, alinéa 1, 3°, du Code de la consommation, était illicite ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen : - Vu l'article L. 121-14 du Code de la consommation ; - Attendu qu'ayant ordonné l'affichage du dispositif de son arrêt à l'entrée principale du magasin Leclerc à Genay, alors qu'une telle mesure n'entre pas dans les prévisions du texte susvisé, la cour d'appel a violé celui-ci ;
Et vu l'article 627 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a ordonné l'affichage du dispositif de la présente décision à l'entrée principale du magasin Leclerc de Genay, l'arrêt rendu le 19 février 2009, entre les parties, par la Cour d'appel de Lyon ; Dit n'y avoir lieu à renvoi.