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Décisions

Cass. com., 2 février 2010, n° 09-11.686

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Inter + (SARL)

Défendeur :

ITM Entreprises (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Mandel

Avocats :

SCP Gadiou, Chevallier, SCP Thomas-Raquin, Bénabent

TGI Paris, du 25 avr. 2007

25 avril 2007

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 21 janvier 2009), que la société Inter +, immatriculée au registre du commerce le 4 mai 1992 sous cette dénomination sociale et titulaire de la marque verbale "Interplus" enregistrée à l'INPI le 26 juin 2003, sous le n° 03 3 233 370, pour désigner divers produits en classes 3, 18, 21, 29, 30, 31 et 32, a agi en contrefaçon de marque et en concurrence déloyale à l'encontre de la société ITM Entreprises, en lui reprochant d'avoir diffusé des brochures promotionnelles et publicitaires sous le vocable Interplus ;

Sur le second moyen : - Attendu que la société Inter + fait grief à l'arrêt (Paris, 21 janvier 2009) d'avoir rejeté sa demande en concurrence déloyale, alors, selon le moyen : 1°) que l'action en concurrence déloyale peut être accueillie nonobstant le rejet d'une action pour contrefaçon ; qu'en relevant, pour écarter la demande de la société Inter + fondée sur des actes de concurrence déloyale, que ses prétentions invoquant une confusion ont été écartées sur le terrain de la contrefaçon, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 2°) qu'une société qui imite la dénomination sociale d'une entreprise concurrente pour distribuer ses produits commerciaux commet un acte de concurrence déloyale ; que la cour d'appel a expressément relevé que la société ITM Entreprises, société concurrente de la société Inter +, promeut la distribution de produits alimentaires par la voie d'une brochure commerciale sous le titre Interplus ; qu'en faisant échec, dans ces circonstances, à l'action en concurrence déloyale de la société Inter +, la cour d'appel a derechef violé l'article 1382 du Code civil ; 3°) qu'en relevant que la société Inter + est un grossiste ou demi-grossiste cependant que l'extrait K Bis indique également qu'elle pratique la vente au détail, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; 4°) que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en écartant tout risque de confusion entre les dénominations Inter + et Inter plus sans examiner, comme elle y était pourtant expressément invitée (conclusions d'appel de la société Inter +, p. 13) les attestations des clients de la société Inter + établissant l'amalgame entre ces deux dénominations, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt, après avoir précisé que l'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment, le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté de l'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée, relève par motifs propres et adoptés qu'il résulte notamment des encarts publicitaires concernant la société Inter + que celle-ci se présente exclusivement comme grossiste et demi-grossiste de produits alimentaires dits "orientaux" et ne dispose pas de magasin de vente au détail, que la société ITM Entreprises exerce sous l'enseigne Intermarché, connue sur l'ensemble du territoire national par l'intermédiaire de sa chaîne de magasins de différentes tailles, l'activité de vente au détail de produits alimentaires, vestimentaires, de bricolage, jardinage et d'électroménager ; qu'il estime qu'aucun risque de confusion n'est établi dans l'esprit de la clientèle entre les dénominations Inter + et Interplus ; que de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel a pu retenir, sans avoir à s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle entendait écarter, qu'aucune atteinte à la dénomination sociale de la société Inter + constitutive de concurrence déloyale ne pouvait être imputée à la société ITM Entreprises ;

Attendu, en second lieu, que, sous couvert d'un grief infondé de dénaturation de l'extrait KBis de la société Inter +, le moyen, en sa troisième branche, ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine de la cour d'appel qui a retenu que la société Inter + n'exerçait aucune activité de vente au détail ; d'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle ; - Attendu que pour rejeter la demande en contrefaçon par reproduction de la marque "Interplus", l'arrêt retient que cette marque dénominative se présente en caractères gras d'imprimerie de couleur noire, tandis que le titre de la brochure publicitaire litigieuse est constitué de l'ensemble verbal Interplus au sein duquel l'élément Inter est représenté en lettres bâtons de couleur noire et l'élément Plus dans la même police mais dans une couleur vive qui diffère à chaque numéro ; qu'il en déduit que le signe contesté n'est pas identique à la marque opposée faute de la reproduire sans modification ni ajout ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si, en considérant le signe incriminé dans son ensemble, la différence relevée quant à la couleur d'inscription de l'élément "Plus" n'était pas insignifiante aux yeux d'un consommateur moyen des produits concernés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Casse et annule, sauf en ce qu'il a rejeté l'action en concurrence déloyale, l'arrêt rendu entre les parties le 21 janvier 2009 par la Cour d'appel de Paris ; remet en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour y être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris autrement composée.