CA Montpellier, 2e ch., 8 décembre 2009, n° 08-02217
MONTPELLIER
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
FDI Développement (SAS), SPAG Développement (SARL)
Défendeur :
Sécurité Multiprofessionnelle (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bachasson
Conseillers :
MM. Chassery, Prouzat
Avoués :
SCP Argellies-Watremet, SCP Jougla-Jougla
Avocat :
Me Jonquet
La société FDI Développement, la société SPAG Développement et Jean-Luc Y, qui exercent une activité de promotion immobilière, ont confié à la société Sécurité Multi Professionnelle (société SMP) le gardiennage, à compter du 5 novembre 2005, du site de l'ancienne clinique de Lavalette à Montpellier.
Cette commande, tendant à assurer jusqu'à nouvel ordre la surveillance du site de jour et de nuit, a été confirmée par un courrier de la société SPAG Développement en date du 7 novembre 2005.
Par lettre du 20 mars 2007, adressée en télécopie, la société FDI Développement a avisé la société SMP qu'elle mettait fin à sa mission de gardiennage sur le site de l'ancienne clinique de la Lavalette à compter du 1er avril 2007 à 6 heures.
S'estimant victime d'une rupture brutale de la relation commerciale, la société SMP a, par acte du 11 juillet 2007, fait assigner la société FDI Développement, la société SPAG Développement et Monsieur Y devant le Tribunal de commerce de Montpellier en vue d'obtenir sa condamnation à lui payer, sur le fondement de l'article L. 442-6 I, 5°, du Code de commerce, la somme de 60 000 euro à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 5 mars 2008, la juridiction consulaire a notamment condamné les défendeurs à payer à la société SMP la somme de 16 000 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de la relation contractuelle et celle de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société FDI Développement, la société SPAG Développement et Monsieur Y ont régulièrement relevé appel de ce jugement par déclaration reçue le 27 mars 2008 au greffe de la cour.
En l'état des conclusions qu'ils ont déposées, ils demandent à la cour de réformer le jugement et de débouter en conséquence la société SMP de sa demande, outre sa condamnation à leur payer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de leur appel, ils font essentiellement valoir que :
- les parties ont été liées par un contrat unique, d'une durée de 17 mois couvrant la période du 5 novembre 2005 au 1er avril 2007, la mission confiée à la société SMP étant par essence temporaire puisqu'elle avait pour objet la surveillance d'un chantier, le temps des travaux,
- il n'existe donc pas une relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6,5°, de nature à engager leur responsabilité sur le fondement de ce texte,
- la société SMP a bénéficié d'un préavis écrit de 10 jours mais n'ignorait pas la fin prochaine de sa mission de surveillance, compte tenu de l'évolution du chantier, ce dont il résulte que la rupture ne peut être considérée comme brutale,
- en toute hypothèse, elle n'a subi aucun préjudice du fait du préavis intervenu.
Subsidiairement, ils soutiennent que la durée normale du préavis applicable à une relation commerciale limité à 17 mois ne saurait excéder un mois et que la société SMP ne peut prétendre à des dommages et intérêts supérieurs à l'équivalent de la marge commerciale correspondant à l'exécution d'un tel préavis.
Formant appel incident, la société SMP et Maître Pierre-Jean A, intervenant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de cette société, concluent à la condamnation de la société FDI Développement, de la société SPAG Développement et de Monsieur Y au paiement de la somme de 60 000 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de la relation contractuelle, ainsi que de la somme de 3000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Ils exposent en substance que :
- les parties ont été liées, non par un contrat unique, mais par une succession de contrats ayant donné lieu à des facturations régulières de juin 2005 à avril 2007, soit sur une période supérieure à 22 mois, ce qui caractérise l'existence d'une relation commerciale établie,
- elle a affecté deux agents à l'exécution des contrats successifs de surveillance du site de l'ancienne clinique Lavalette et a réalisé un chiffre d'affaires non négligeable de 350 352 euro au cours de la période concernée,
- le fax qui lui a été adressé 10 jours avant la fin de la relation contractuelle est constitutif d'une brusque rupture, alors qu'au moment de la rupture les travaux étaient loin d'être achevés et qu'une autre société de gardiennage a pris sa suite sur le chantier.
Motifs de la décision :
L'acte d'appel, comme les conclusions déposées, visent une SARL Sécurité Multi Professionnelle ayant son siège à Perpignan (32 bis avenue de Grande Bretagne) et une SARL Sécurité Multi Professionnelle ayant son siège à Villeneuve les Béziers (8, rue Roque Ségui) ; l'acte introduction d'instance délivré le 11 juillet 2007 l'avait été au nom de ces deux sociétés.
Il résulte cependant des pièces produites qu'il n'existe qu'une seule et unique société SMP, immatriculée le 24 novembre 2004 au registre du commerce et des sociétés de Perpignan et constituée entre Messieurs B et C aux termes de statuts également déposés le 24 novembre 2004 ; cette société, dont le siège social est à Perpignan - l'adresse de Villeneuve les Béziers apparaissant sur les factures est celle du centre administratif - est en liquidation judiciaire depuis le 22 octobre 2008, Maître A en étant le liquidateur.
L'article L. 442-6 I, 5°, du Code de commerce, sur lequel est fondé la demande, dispose que tout commerçant engage sa responsabilité s'il rompt brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.
Au cas d'espèce, la relation contractuelle entre la société FDI Développement, la société SPAG Développement et Monsieur Y, d'une part, et la société SMP, d'autre part, n'a pas été formalisée par un écrit, mais a seulement fait l'objet d'une confirmation de commande, par un courrier du 7 novembre 2005, ayant pour objet le gardiennage de jour et de nuit, 24 heures sur 24, de l'ancienne clinique Lavalette à Montpellier à compter du 5 novembre 2005 à 13 heures 30 et jusqu'à nouvel ordre ; il est produit aux débats l'ensemble des factures éditées entre le 18 novembre 2005 et le 29 mars 2007 par la société SMP à l'ordre de FDI Développement / SPAG Développement et J.-L. Y relatives à cette prestation de gardiennage assurée par deux agents de sécurité.
La société SMP prétend que les parties étaient en relation d'affaires depuis le mois de juin 2005, mais se borne à communiquer diverses factures établies entre le 18 juillet et le 8 novembre 2005 à l'ordre de SCCV Le Campus de Lavalette ; ces factures, qui omettent de préciser le lieu d'exécution de la prestation, ne concernent donc pas, apparemment, la société FDI Développement, la société SPAG Développement et Monsieur Y.
Par ailleurs, en se voyant confier la surveillance du site de l'ancienne clinique de Lavalette, la société SMP n'ignorait pas que le contrat de prestation de services la liant aux promoteurs de l'opération immobilière engagée sur ce site, était, par essence, temporaire et n'avait pas vocation à se poursuivre, une fois le chantier achevé.
Ainsi, la relation entre les parties, qui ne durait que depuis 17 mois lors de sa rupture intervenue à effet du 1er avril 2006, procède bien de l'exécution d'un contrat de prestation unique, dont la société SMP ne pouvait raisonnablement croire qu'il se renouvellerait à l'issue du chantier, faisant l'objet de la prestation de gardiennage ; une telle relation, compte tenu de sa brièveté et de son caractère par nature éphémère, ne traduit donc pas l'existence d'une relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6 I, 5°, susvisé, de nature à engager la responsabilité délictuelle de la société FDI Développement, de la société SPAG Développement et de Monsieur Y en raison de la rupture du contrat, notifiée par lettre du 20 mars 2007.
C'est dès lors à tort que le premier juge a retenu la responsabilité des intéressés sur le fondement de ce texte ; le jugement entrepris doit en conséquence être infirmé en toutes ses dispositions.
Les dépens de première instance et d'appel doivent être mis à la charge de Maître A pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SMP, mais sans que l'équité commande l'application, au profit de la société FDI Développement, de la société SPAG Développement et de Monsieur Y, des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Infirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de Montpellier en date du 5 mars 2008 et statuant à nouveau, Déboute la société Sécurité Multi Professionnelle (société SMP) de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour rupture abusive de la relation contractuelle, Met les dépens de première instance et d'appel à la charge de Maître A pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SMP, les dépens d'appel étant recouvrés conformément à l'article Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Dit n'y avoir lieu à l'application, au profit de la société FDI Développement, de la société SPAG Développement et de Monsieur Y, des dispositions de l'article 700 du même Code.