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Décisions

CA Bordeaux, ch. soc. A, 7 octobre 2008, n° 07-01375

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Pollatz

Défendeur :

Rey (ès qual.), Vinceneux (ès qual.), CGEA Midi-Pyrénées, France Acheminement (SARL), France Acheminement Exploitation (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Descard-Mazabraud

Conseillers :

Mme Duval-Arnould, M. Tcherkez

Avocats :

Mes Baudelot, SCP Saint Geniest & Guerot

Cons. prud'h. Toulouse du 8 juin 2004

8 juin 2004

Il est fait expressément référence à l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Bordeaux le 8 janvier 2008, pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions des parties.

Cet arrêt avait demandé aux mandataires liquidateurs des sociétés France Acheminement et France Acheminement Exploitation et ELS de produire:

- une copie des relevés des données informatiques collectées au moyen d'un scanner mentionnant les horaires des enlèvements et livraisons qu'il a effectués,

- une copie des relevés papiers mentionnant les données définies ci-dessus,

- une copie de l'intégralité des copies des relevés papier des données collectées par lui au moyen du minitel mentionnant les horaires des enlèvements et livraisons pour la période où le scanner n'était pas encore en vigueur.

A l'audience du 30 juin 2008, prévue pour la réouverture des débats, il a été constaté que les mandataires liquidateurs n'avaient pu produire les pièces qui leur étaient demandées.

Par conclusions déposées le 30 juin 2008, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, Monsieur Pollatz forme les demandes suivantes :

- requalification du contrat de franchise en contrat de travail,

- annulation de la clause de non-concurrence stipulée au contrat,

- fixer à la somme de 8 384,70 euro la créance de restitution du droit d'entrée de Monsieur Pollatz sur la liquidation de France Acheminement,

- fixer la créance d'arriérés de salaire pour les années 1993 à 16 542,24 euro et 1997 à la somme de 2 303,85 euro,

- fixer la créance de congés payés aux sommes suivantes :

* 1993 soit 1 163,80 euro

* 1994 soit 1 716,80 euro

* 1995 soit 1 746,56 euro

* 1996 soit 1 828,64 euro

* 1997 soit 1 860,10 euro

* 1998 soit 149,07 euro

- fixer la créance de repos compensateurs de Monsieur Pollatz sur les liquidations des sociétés France Acheminement et France Acheminement Exploitation et ELS aux sommes suivantes :

* 1993 soit 5 193,24 euro

* 1994 soit 7 677,23 euro

* 1995 soit 7 677,23 euro

* 1996 soit 7 677,23 euro

* 1997 soit 7 677,23 euro

* 1998 soit 310,50 euro

- fixer à la somme de 7 790,11 euro l'indemnité pour travail dissimulé,

- fixer à 22 000 euro la créance au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- fixer à 4 400 euro la créance due au titre des dommages-intérêts pour préjudice consécutif à l'absence d'affiliation aux organismes sociaux destinés aux salariés,

- fixer à 5 000 euro l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il demande en outre la garantie du CGEA de Toulouse.

Par conclusions développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, les mandataires liquidateurs des sociétés France Acheminement, France Acheminement Exploitation et ELS ainsi que le CGEA de Toulouse s'en remettent à droit sur la demande de requalification du contrat de Monsieur Pollatz en contrat de travail.

Ils font valoir que toutes ses demandes salariales sont prescrites, la prestation de travail ayant cessé le 27 janvier 1998 et Monsieur Pollatz ayant saisi le Conseil de prud'hommes de Toulouse le 18 septembre 2003.

Ils rappellent qu'ils n'ont pu en toute bonne foi, apporter quelques éléments sur les heures supplémentaires effectuées et ils soutiennent que les demandes d'indemnité pour congés payés et repos compensateurs non pris sont également prescrites.

Motivation

Sur la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail

Etant observé que les liquidateurs des sociétés France Acheminement, France Acheminement Exploitation et ELS s'en remettent à droit sur la demande en requalification de la relation contractuelle ayant existé entre Monsieur Pollatz et France Acheminement, il sera relevé qu'il ressort des éléments du dossier que le franchiseur organisait lui même les tournées, fixait les tarifs et déterminait seul les conditions de travail. De même, il n'est pas contesté que Monsieur Pollatz n'avait aucune relation directe et personnelle avec la clientèle.

Enfin un système de sanctions était prévu par le franchiseur en cas de colis perdus ou détériorés.

Il s'en déduit que les conditions posées par l'article L. 7321-1 du Code du travail sont réunies et le jugement qui a retenu l'existence d'un contrat de travail sera confirmé, le fait que Monsieur Pollatz avait constitué une EURL étant inopérant.

Sur la prescription

Monsieur Pollatz a saisi le Conseil de prud'hommes de Toulouse le 18 septembre 2003 de diverses demandes alors que la relation contractuelle avait pris fin le 27 janvier 1998.

Il soutient que la prescription extinctive de cinq ans ne peut lui être opposée dans la mesure où il était dans l'impossibilité absolue de faire valoir ses droits, en raison du contrat de franchise apparent qui le liait aux sociétés employeurs et de l'état complet de dépendance dans lequel il se trouvait, qui leur interdisait de mener toute action.

Il sera pourtant relevé qu'il résulte de l'ensemble des éléments des dossiers que la situation de l'intéressé ne s'était pas modifiée au cours de la relation contractuelle l'unissant aux sociétés France Acheminement, France Acheminement Exploitation et ELS et qu'il a attendu cinq ans après la rupture du contrat, alors que lesdites sociétés étaient l'objet d'une procédure collective. Aucun élément ne permet de considérer qu'il n'avait pas en sa possession, tous les éléments leur permettant d'appréhender la réalité de sa situation.

Monsieur Pollatz produit en outre aux débats un arrêt de la Cour de cassation de 1995 qui avait déjà considéré qu'un "franchisé" de la société France Acheminement pouvait revendiquer l'application de l'ancien article 781-1 du Code du travail. Il fait état d'une condamnation pour travail dissimulé contre un gérant de France Acheminement en 2001.

Enfin, il avait pris l'initiative de rompre le contrat qui le liait à la société France Acheminement et avait saisi le Conseil de prud'hommes de Toulouse, sans qu'il n'amène aucun élément pour justifier qu'il ait été empêché de quitter France Acheminement plus tôt ou, de saisir la juridiction compétente.

En raison de la saisine de la juridiction de renvoi, il y a lieu de confirmer le jugement du 8 juin 2004, qui avait retenu l'application de la prescription extinctive de cinq ans.

De ce fait, la saisine du Conseil de prud'hommes de Toulouse qui est le premier acte interruptif de la prescription ayant eu lieu plus de cinq ans après la rupture du contrat de travail, toutes les demandes de Monsieur Pollatz en rappel de salaire et heures supplémentaires sont prescrites.

De ce fait, les demandes pour repos compensateurs et congés payés étant la conséquence directe des demandes en rappel de salaire, ne peuvent être examinées. De même il ne peut être statué sur la demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé.

Le jugement qui a débouté Monsieur Pollatz de ses demandes de ce chef sera confirmé.

Sur la rupture du contrat de travail

Il n'est pas contesté que Monsieur Pollatz a rompu le contrat qui le liait à France Acheminement en raison de la situation que lui imposait le franchiseur et dès lors, cette rupture du contrat est imputable à la société France Acheminement et doit avoir les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement qui a fait droit à la demande d'indemnité compensatrice de préavis de Monsieur Pollatz et qui lui a alloué une somme de 3 165,33 euro de ce chef, sera confirmé.

En revanche, en fixant à 9 496,23 euro l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, il a quelque peu sous-évalué la réalité du préjudice subi par Monsieur Pollatz et la cour dispose des éléments pour fixer à 15 000 euro les dommages-intérêts dus de ce chef.

Sur la clause de non-concurrence

Il est constant que la clause de non-concurrence comprise dans le contrat de franchise qui s'étendait à l'ensemble du territoire national et qui ne comportait aucune contrepartie financière doit effectivement être annulée, étant disproportionnée par rapport aux intérêts de l'entreprise et portant atteinte à la liberté du travail.

Sur la fixation à la somme de 8 384,70 euro de la créance de restitution du droit d'entrée de Monsieur Pollatz sur la créance de France Acheminement

Il n'est pas sérieusement contesté que Monsieur Pollatz a dû verser un droit d'entrée pour un contrat de franchise qui en réalité n'a pas apporté au franchisé, les avantages qu'il pouvait légitimement en attendre. Dès lors le contrat ayant été requalifié en contrat de travail, ce droit d'entrée qui n'a plus de contrepartie contractuelle doit être restitué au salarié.

Cette somme sera inscrite sur la créance des liquidations de la société France Acheminement, France Acheminement Exploitation et ELS.

Sur les dommages-intérêts générés par le préjudice consécutif à l'absence d'affiliation aux organismes sociaux destinés aux salariés

Il est incontestable que l'absence pour Monsieur Pollatz de son affiliation aux organismes sociaux, du fait de la qualification erronée de la relation contractuelle a causé un préjudice à Monsieur Pollatz et la cour dispose des éléments suffisants pour évaluer à 3 000 euro les dommages-intérêts qu'il doit recevoir.

Le CGEA devra garantir les créances dues à Monsieur Pollatz, à l'exception des dommages-intérêts dus pour l'absence d'affiliation de Monsieur Pollatz aux organismes sociaux et du remboursement du droit d'entrée versé par Monsieur Pollatz lors de la signature du contrat de franchise, ces deux créances n'étant pas liées au contrat de travail.

L'équité commande de ne pas allouer d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant sur renvoi de cassation, Confirme partiellement le jugement déféré sauf à élever à la somme de 15 000 euro (quinze mille euro) l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Y ajoutant, Constate la nullité de la clause de non-concurrence comprise dans le contrat de Monsieur Pollatz, Dit que figureront au titre des créances sur les liquidations de la société France Acheminement et France Acheminement Exploitation et ELS - des dommages-intérêts d'un montant de 3 000 euro (trois mille euro) générés par le préjudice consécutif à l'absence d'affiliation aux organismes sociaux destinés aux salariés, - la somme de 8 384,70 euro (huit mille trois cent quatre-vingt quatre euro et soixante dix centimes) de la créance de restitution du droit d'entrée de Monsieur Pollatz, Dit que le CGEA de Toulouse devra sa garantie dans la limite de ses obligations légales, les deux créances citées ci-dessus étant exclues de la garantie, Déboute Monsieur Pollatz du surplus de ses demandes, Dit n'y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit que les dépens seront pris en frais privilégiés de liquidation judiciaire.