Cass. soc., 13 janvier 2010, n° 09-41.644
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher (Sté)
Défendeur :
Monribot
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Collomp
Avocats :
Me Hémery, SCP Célice, Blancpain, Soltner
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 février 2009), que la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher (la société Yves Rocher) a conclu avec la société Gaellic, dont Mme Monribot détenait 50 % des parts et était gérante, un contrat de gérance libre d'un fonds de commerce de vente de produits de beauté, d'hygiène et de soins esthétiques, sous le nom "Institut de beauté Yves Rocher", exploité à Paris ; que ce contrat a été rompu par Mme Monribot en qualité de gérante de la société Gaellic, le 8 avril 2003 à effet au 31 décembre 2003 ; que cette société a fait l'objet d'une liquidation judiciaire, par jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 7 janvier 2005 ; que Mme Monribot a saisi le Conseil de prud'hommes de Paris, qui s'est déclaré compétent pour connaître du litige l'opposant à la société Yves Rocher ;
Attendu que la société Yves Rocher fait grief à l'arrêt statuant sur contredit de déclarer la juridiction prud'homale compétente, alors, selon le moyen : 1°) que le bénéfice des dispositions de l'article L. 781-1, 2° devenu l'article L. 7321-2 du Code du travail ne s'appliquant pas à une personne morale ni aux gérants de cette personne morale, Mme Monribot ne pouvait revendiquer à titre personnel l'application de ces dispositions légales sans démontrer au préalable le caractère fictif de la société Gaellic qui avait seule conclu le contrat de gérance libre avec la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher ; qu'il s'ensuit que, faute d'avoir constaté le caractère fictif de la société Gaellic, viole le texte susvisé l'arrêt attaqué qui a admis que Mme Monribot pouvait personnellement en revendiquer le bénéfice ; 2°) qu'une personne morale, par définition, n'agit jamais par elle-même mais toujours par l'intermédiaire de ses organes de sorte que la cour d'appel qui justifie l'application de l'article L. 781-1 2°, devenu l'article L. 7321-2 du Code du travail par le motif inopérant que l'activité professionnelle en cause était dans les faits exercée non par la personne morale mais directement par sa gérante, viole ensemble le texte susvisé et l'article 1833 du Code civil ; 3°) que le gérant n'est pas fondé à revendiquer l'application de l'article L. 781-1 2° devenu l'article L. 7321-2 du Code du travail du fait que le contrat de location-gérance a été conclu en considération de sa personne ; que pour retenir que Mme Gaëlle Monribot pouvait revendiquer l'application des dispositions du Code du travail, la cour d'appel a relevé qu'au vu des dispositions du contrat de gérance libre, et notamment des articles 13 et 15, ce contrat n'a été conclu qu'en considération de la personne de la gérante, tout changement de gérant devant être soumis à l'agrément de la société Laboratoires de biologie végétale ; qu'en se fondant sur de telles considérations inopérantes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 7321-2, ancien article L. 781-1 2° du Code du travail ; 4°) qu'il résulte de l'article L. 781-1 2°, devenu l'article L. 7321-2 du Code du travail, que les dispositions de ce Code ne sont applicables qu'aux personnes dont la profession consiste essentiellement à vendre des marchandises qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise industrielle ou commerciale ; que cet article ne vise donc que les situations où les activités menées en concurrence avec l'activité de vente sont marginales ou négligeables, l'activité de vente pouvant alors être considérée comme essentielle au sens de l'article L. 7321-2 du Code du travail ; que pour retenir que Mme Monribot exerçait une profession consistant essentiellement à vendre des marchandises de toute nature fournies exclusivement ou presque exclusivement par (elle), la cour d'appel s'est fondée sur les chiffres d'affaires respectivement dégagés en moyenne au sein de la société Gaellic sur trois années par l'activité de vente de produits Yves Rocher et l'activité de soins ; qu'en se prononçant de la sorte, cependant qu'il lui appartenait de comparer les marges dégagées au travers de ces deux activités et non les chiffres d'affaires, la cour d'appel a violé l'article L. 7321-2 (ancien article L. 781-1 2°) du Code du travail ; 5°) que, subsidiairement, la cour d'appel ne pouvait dire que l'activité par la société Gaellic de vente des produits Yves Rocher était essentielle au sens de l'article L. 7321-2 du Code du travail, cependant qu'elle constatait elle-même que sur les années 2001, 2002 et 2003, le chiffre d'affaires moyen dégagé par l'activité de vente des produits était de 520 000 euro et que sur la même période le chiffre d'affaires moyen dégagé par l'activité de soins était de 214 000 euro, ce dont il résultait que l'activité de soins représentait 34,3 % du chiffre d'affaires global de la société Gaellic et n'était donc, au regard de l'activité de vente des produits Yves Rocher, ni marginale, ni négligeable ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l'article L. 7321-2 (ancien article L. 781-1 2°) du Code du travail ; 6°) que viole l'article L. 781-1 2° du Code du travail devenu l'article L. 7321-2 du Code du travail l'arrêt attaqué qui, pour déterminer si la société Gaellic vendait des marchandises fournies exclusivement ou presque exclusivement par la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher, se borne à citer les stipulations du contrat de gérance libre conclu entre (elle) et la société Gaellic, sans établir concrètement si les produits vendus par la société Gaellic provenaient exclusivement ou quasi-exclusivement de (la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher) ; 7°) (qu'elle) rappelait dans ses écritures que le contrat de gérance libre prévoyait dans son article 7-2 que la société Gaellic avait la possibilité de mettre en vente des produits qui, par leurs caractéristiques et leurs qualités, étaient comparables à ceux commercialisés par la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher pour autant que ces produits soient compatibles avec l'image des Instituts Yves Rocher et approuvés au regard de ces critères par (elle) ; que la société Gaellic avait donc la possibilité de s'approvisionner auprès d'autres fournisseurs (qu'elle) dans des conditions objectivement définies, possibilité qui s'opposait à l'application des dispositions de l'ancien article L. 781-1 2° du Code du travail ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a derechef violé l'article L. 7321-2 (ancien article L. 781-1 2°) du Code du travail ; 8°) que pour dire que Mme Monribot exerçait une profession consistant essentiellement à vendre des marchandises fournies exclusivement ou presque exclusivement par la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher à des prix imposés par cette dernière, la cour d'appel a considéré (qu'elle) se contentait de soutenir que la société Gaellic avait la possibilité de proposer des prix inférieurs à ceux qu'elle fixait pour les produits vendus par la société Gaellic ou de consentir des réductions à ces clients et que cette affirmation n'apparaissait pas sérieuse, vu la très faible marge dégagée sur de tels produits ; qu'en se prononçant de la sorte, sans rechercher concrètement si la marge brute dégagée par l'activité vente de produits permettait à la société Gaellic de modifier à la baisse les prix conseillés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 7321-2 (ancien article L. 781-1 2°) du Code du travail ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 781-1 2° du Code du travail, alors applicable, les dispositions de ce Code, qui visent les apprentis, ouvriers, employés, travailleurs, sont applicables aux personnes dont la profession consiste essentiellement, soit à vendre des marchandises ou denrées de toute nature, des titres, des volumes, publications, billets de toute sorte qui leur sont fournis exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise industrielle ou commerciale, soit à recueillir les commandes ou à recevoir des objets à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d'une seule entreprise industrielle ou commerciale, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par la dite entreprise ;
Et attendu que la cour d'appel a retenu que Mme Monribot assurait l'exploitation d'un fonds de commerce sous l'enseigne "Institut de beauté Yves Rocher", qui consistait essentiellement à vendre des produits de beauté que la société Yves Rocher lui fournissait exclusivement, que les conditions d'exercice de cette activité étaient définies par le fournisseur et que sa contractante ne pouvait disposer de la liberté de fixer le prix de vente des marchandises déposées ; qu'elle a, par ces seuls motifs et sans encourir les griefs du moyen, pu décider que les conditions requises par l'article L. 781-1 2°, devenu l'article L. 7321-2, du Code du travail était remplies ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.