ADLC, 3 février 2010, n° 10-DCC-09
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la prise de contrôle exclusif de la société Menaphi SAS par la société ITM Alimentaire Région Parisienne (Groupe ITM Entreprises)
L'Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 30 décembre 2009, relatif à la prise de contrôle de la société Menaphi SAS par la société ITM Alimentaire Région Parisienne ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l'opération
1. La société ITM Entreprises, contrôlée à 100 % par la Société civile des Mousquetaires, elle-même détenue par 1 330 personnes physiques dits " adhérents associés ", conduit et anime le réseau de commerçants indépendants connu sous le nom de " Groupement des Mousquetaires ". En sa qualité de franchiseur, la société ITM Entreprises a comme activité principale l'animation d'un réseau de points de vente, alimentaires et non alimentaires, exploités par des commerçants indépendants sous les enseignes suivantes : Intermarché, Ecomarché, Netto, Restaumarché, Bricomarché, Roady et Vêti. Cette gestion s'effectue notamment au travers de la signature et du suivi de contrats d'enseigne avec les sociétés exploitant ces points de vente. ITM Entreprises met également à la disposition de ses franchisés divers services de prospection, de conseil, de formation, etc. Enfin, ITM Entreprises offre aux franchisés la possibilité de bénéficier de conditions d'approvisionnement avantageuses auprès de ses filiales nationales et régionales mais également de fournisseurs référencés extérieurs au " Groupement des Mousquetaires ".
2. La société ITM Alimentaire Région Parisienne est une société de droit français détenue à [>50] % par la société ITM Alimentaire France, elle-même détenue par la société ITM Entreprises, et à [<50] % par la société ITM Entreprises. La société ITM Entreprises a confié à la société ITM Alimentaire Région Parisienne l'animation et le développement du réseau de franchisés exploitant sous les enseignes alimentaires Intermarché, Ecomarché et Netto dans la région parisienne.
3. Le groupe ITM Entreprises a réalisé au cours du dernier exercice clos au 31 décembre 2008, un chiffre d'affaires total hors taxes de [20-30] milliards d'euro, dont [15-25] milliards en France.
4. La société Menaphi SAS (ci-après " Menaphi ") est une société de droit français qui a pour objet exclusif l'exploitation d'un point de vente à dominante alimentaire situé à Evreux (27), sous enseigne Intermarché. Les titres de la société Menaphi sont détenus [majoritairement] par la société Mareja SARL, elle-même contrôlée par la famille X. Le solde du capital est détenu par ITM Entreprises, avec une action de préférence qui lui confère, pendant une durée de 15 ans, la possibilité de bloquer tout changement d'enseigne, de s'opposer à toute mutation d'actions et d'obliger les actionnaires majoritaires à céder le fond de commerce dès l'instant où ils exploiteraient un fond de commerce similaire sous une enseigne concurrente.
5. Les époux X sont signataires de la charte d'adhésion au groupement des Mousquetaires et la société Menaphi a conclu, le 24 avril 2006, un contrat d'enseigne avec ITM Entreprises, par lequel l'utilisation de l'enseigne Intermarché lui est concédée pour l'exploitation de son fonds de commerce. Ce contrat d'enseigne confère à ITM Entreprises, pour une durée de 15 ans, un droit de préférence en cas de cession du fond de commerce à un prix calculé selon une formule prédéterminée. Enfin, après 15 ans, ITM Entreprises conserve un droit de préférence sur toute vente de titres pendant 5 années supplémentaires.
6. Il ressort de ce qui précède qu'avant l'opération ITM Entreprises exerce déjà, conjointement avec Monsieur et Madame X, le contrôle de la société Menaphi. Le chiffre d'affaires total mondial hors taxes consolidé réalisé par la société Menaphi en 2008, dernier exercice clos, s'élève à 17 millions d'euro exclusivement en France.
7. ITM Alimentaire Région Parisienne détenait, depuis le 24 avril 2006, une option d'achat portant sur la totalité des actions de la société Menaphi et a levé cette option le 8 août 2009. En ce qu'elle se traduit par le passage d'un contrôle conjoint à un contrôle exclusif de la société Menaphi par le groupe ITM Entreprises, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au point II de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
8. Selon la pratique constante des autorités nationale et communautaire de la concurrence (1), deux catégories de marchés peuvent être délimitées (2) dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire. Il s'agit, d'une part, des marchés " aval ", de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et, d'autre part, des marchés " amont " de l'approvisionnement des entreprises de commerce de détail en biens de consommation courante, de dimension nationale.
A. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION
1. LES MARCHÉS DE SERVICE
9. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, les autorités de concurrence, tant communautaire que nationales (3), ont distingué six catégories de commerce en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l'ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés, (ii) les supermarchés, (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail, (v) les maxi discompteurs, (vi) la vente par correspondance.
10. Les hypermarchés sont usuellement définis comme des magasins à dominante alimentaire d'une surface de vente égale ou supérieure à 2 500 m². Il convient de rappeler que ce seuil doit être utilisé avec précaution et peut être adapté au cas d'espèce, compte-tenu que des magasins dont la surface est située à proximité du seuil, soit en-dessous, soit au-dessus, peuvent se trouver en concurrence directe dans les faits (4).
11. En l'espèce, le magasin d'Evreux occupe une surface de vente de 2 727 m², et rentre donc dans la catégorie des hypermarchés.
2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE
12. Dans ses décisions récentes (5) relatives à des opérations concernant des hypermarchés ou des supermarchés, l'Autorité de la concurrence a rappelé que deux types de marchés sont usuellement distingués, sur la base des zones de chalandise :
- un premier marché où se rencontrent la demande des consommateurs d'une zone et l'offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux ;
- un second marché où se rencontrent la demande de consommateurs et l'offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes, situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situés à proximité des consommateurs et les magasins discompteurs.
13. D'autres critères peuvent néanmoins être pris en compte pour évaluer l'impact d'une concentration sur la situation de la concurrence sur les marchés de la distribution de détail, ce qui peut conduire à affiner, au cas d'espèce, les délimitations usuelles présentées ci-dessus.
14. Au cas d'espèce, le magasin concerné par l'opération occupe une surface de vente de 2 727 m², proche du seuil de 2 500 m² le distinguant d'un supermarché. L'analyse concurrentielle portera donc sur les deux marchés, celui incluant l'ensemble des supermarchés et maxi-discompteurs localisés sur une zone de chalandise de 15 minutes autour d'Evreux et celui incluant les hypermarchés situés dans un rayon de 30 minutes.
B. MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT
15. En ce qui concerne les marchés de l'approvisionnement, la Commission européenne (6) a retenu l'existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales (7).
16. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de la présente opération.
III. Analyse concurrentielle
A. MARCHÉ AVAL DE LA DISTRIBUTION A DOMINANTE ALIMENTAIRE
17. Sur le marché aval de la distribution alimentaire, comprenant les hypermarchés situés à moins de 30 minutes en voiture autour d'Evreux, trois points de vente sont exploités sous enseigne Intermarché. Ils totalisent 19 % des surfaces de vente sur ce marché. Ils feront face à une concurrence dense composée de quatre hypermarchés Leclerc (29 % de parts de marché cumulées), de trois hypermarchés sous enseignes du groupe Carrefour (26 % de parts de marché cumulées), d'un hypermarché Cora (15 % de part de marché) et d'un hypermarché du groupe Auchan (10 % de parts de marché).
18. Compte tenu de sa taille, le magasin cible est proche de la catégorie des supermarchés et la situation concurrentielle sur une zone de chalandise de 15 minutes en voiture autour d'Evreux, comprenant les hypermarchés, les supermarchés, et les maxi-discompteurs, a également été examinée. Sur cette zone, les trois magasins à l'enseigne Intermarché totalisent 24 % des surfaces de vente. Ces magasins feront face à la concurrence de surfaces de vente du groupe Carrefour (33 % de parts de marché cumulées) et de trois hypermarchés aux enseignes Cora (22 % de parts de marché), Leclerc (9 % de part de marché), Super U (5 % de part de marché) et d'autres concurrents de taille plus modeste.
19. Par conséquent, l'opération notifiée n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur un marché.
B. MARCHÉ AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT
20. En ce qui concerne les marchés amont de l'approvisionnement, l'opération, qui ne concerne qu'un seul magasin, n'est pas susceptible de renforcer significativement la puissance d'achat du groupe ITM Entreprises, tous produits confondus comme par grands groupes de produits. Le renforcement est d'autant plus mineur que, préalablement à l'opération, l'entreprise cible s'approvisionnait déjà [majoritairement] par l'intermédiaire de filiales d'ITM Entreprises.
Décide
Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 09-0141 est autorisée.
Notes :
1 Voir notamment les décisions de la commission M.946 Intermarché/Spar du 30 juin 1997, M.991 Promodès/Casino du 30 octobre 1997 et M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000. Voir également l'arrêté ministériel du 5 juillet 2000 dans l'opération Carrefour/Promodès et les avis du Conseil de la concurrence n° 97-A-14 du 1er juillet 1997, dans l'affaire Carrefour/Cora, n° 98-A-06 du 5 mai 1998, dans l'affaire Casino Franprix/Leader Price, et n° 00-A-06 du 3 mai 2000, dans l'affaire Carrefour/Promodès.
2 Décisions de la Commission dans les affaires M.1221 Rewe/Meinl du 3 février 1999, M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M.2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000. Voir également la décision C 2005-98 Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005.
3 Décisions C 2008-32 Amidis SAGC du 9 juillet 2008, C 2007-172 Carrefour Plane Plamidis, du 13 février 2008, C 2007-154 Système U Vergali du 3 décembre 2007, C 2007-05 Carrefour Sofodis du 26 mars 2007, C 2006-15 Amidis Hamon du 14 avril 2006, C 2005-98 Carrefour Penny Market du 10 novembre 2005.
4 Voir notamment les décisions 09-DCC-04 du 29 avril 2009, et l'avis n°00-A-06 du Conseil du 3 mai 2000 relatif à l'acquisition par la société Carrefour de la société Promodè).
5 Décisions 09-DCC-24 du 23 juillet 2009 Floritine/CSF ; 09-DCC- du 28 mai 2009 Frandis/Financière Perdis ; 09-DCC-06 du 20 mai 2009 Evolis/ITM ; 09-DCC-04 du 29 avril 2009 Carrefour/Noukat,
6 Voir les décisions de la Commission M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M. 2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000.
7 Voir notamment les décisions du ministre dans le secteur, C 2005-98, Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005, C 2006-15 Carrefour/Groupe Hamon du 14 avril 2006, C 2007-172 relatif à la création de l'entreprise commune Plamidis du 13 février 2008 et C 2008-32 Carrefour/SAGC du 9 juillet 2008.