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Décisions

ADLC, 27 janvier 2010, n° 10-DCC-12

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle conjoint de Patrick Fabre Entreprise et de Groupe Casino Guichard Perrachon sur la société Leader Price Essonne

ADLC n° 10-DCC-12

27 janvier 2010

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 24 décembre 2009, relatif à la création d'une entreprise commune, la société Patrick Fabre Distribution, entre le Groupe Casino Guichard Perrachon (ci après " Groupe Casino ") et la société Patrick Fabre Entreprise formalisée le 31 décembre 2008, et à la convention de cession d'actions signée le 29 janvier 2009 entre la société Asinco (filiale du Groupe Casino) et la société Patrick Fabre Distribution, de la Société Leader Price Essonne. Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. Le Groupe Casino, acteur de la distribution à dominante alimentaire, gère un parc de plus de 10 000 magasins (hypermarchés, supermarchés, magasins de proximité, magasins discompteurs...) sous enseignes Casino, Franprix, Spar, Vival, Naturalia et Leader Price. Le Groupe Casino détient également 50 % du groupe Monoprix. Il est de plus présent dans le secteur de la distribution sur Internet de produits non alimentaires avec l'enseigne Cdiscount. La société Leader Price Essonne, est une société de droit français qui a pour objet l'exploitation d'un magasin à dominante alimentaire, exploité sous enseigne Leader Price à Orange (84100). La société Leader Price Essonne est détenue par Leader Price Holding à hauteur de 99,9 % de son capital et par Leader Price Francilienne pour le solde. Leader Price Holding et Leader Price Francilienne sont des filiales de la SAS Asinco, filiale à 100 % du Groupe Casino. Le chiffre d'affaire total mondial hors taxes réalisé par le Groupe Casino en 2008, dernier exercice clos, s'élève à 28,7 milliards d'euro dont 18,6 en France.

2. La société Patrick Fabre Entreprise (ci-après " Patrick Fabre Entreprise "), détenue à hauteur de 99,6 % du capital et des droits de vote par Monsieur Patrick Fabre, exploite des magasins franchisés, Leader Price à la Martinique et en Belgique et, Franprix à la Martinique. Le chiffre d'affaires total mondial hors taxes de Patrick Fabre Entreprise s'élève en 2008, dernier exercice clos, à 195 millions d'euro, dont 149 millions d'euro en France

3. L'opération notifiée s'effectue en deux temps. Dans un premier temps, les sociétés Patrick Fabre Entreprise et Asinco ont créé une entreprise commune, la société Patrick Fabre Distribution, immatriculée le 26 février 2009. Dans un second temps la société Patrick Fabre Distribution s'est engagée par un protocole d'accord de cession en date du 29 janvier 2009 à acquérir la totalité des actions de la société Leader Price Essonne détenues par le Groupe Casino.

4. Le capital de Patrick Fabre Distribution est réparti entre Patrick Fabre Entreprise, Asinco et Monsieur Patrick Fabre, respectivement à hauteur de 55 %, 40 % et 5 %. La société Patrick Fabre Distribution aura dans un premier temps pour objet d'exploiter et de développer un parc de magasins de distribution de produits alimentaires de grande consommation sous enseigne Leader Price ou toute enseigne dérivée de Leader Price dans les départements du Vaucluse et des Bouches du Rhône dans le cadre d'un contrat de licence de marque et d'approvisionnement. Dans un second temps la société Patrick Fabre Distribution aura vocation à exploiter des magasins sous enseigne Leader Price dans d'autres zones de la France métropolitaine.

5. Le Groupe Casino dispose d'un droit de veto statutaire sur toute modification de statut, ce qui inclut le changement d'objet de la société où il est précisé que " la société a pour objet la prise, l'acquisition, l'exploitation, la location [...] de toutes entreprises commerciales ou industrielles liées directement ou indirectement à une activité de distribution de produits alimentaires de grande consommation sous enseigne Leader Price ou tout autre enseigne du Groupe Casino ". De plus, en vertu de la convention signée le 31 décembre 2008 entre les actionnaires de la société Patrick Fabre Distribution, la société Asinco bénéficie d'un droit de préférence en cas de cession du fond de commerce ou des actions des sociétés filiales de Patrick Fabre Distribution. Enfin, on peut relever que le Groupe Casino via sa filiale Asinco dispose sur les magasins qui seront exploités par Patrick Fabre Distribution d'une option de rachat à terme.

6. Il ressort de ce qui précède, qu'après l'opération le Groupe Casino exercera un contrôle conjoint sur la société Patrick Fabre Distribution.

7. Le paragraphe 147 de la communication consolidée sur la compétence de la Commission en vertu du règlement (CE) n° 139-2004 du Conseil relatif au contrôle des opérations des opérations de contrôle entre entreprises précise que : " lorsque l'entreprise commune peut être considérée comme un simple vecteur utilisé pour une acquisition par les sociétés mères, la Commission considérera comme entreprises concernées chaque entreprise fondatrice, plutôt que l'entreprise commune en question, et la société cible. C'est en particulier le cas lorsque l'entreprise commune a été spécialement créée en vue de l'achat de la société cible ou n'est pas encore en activité, lorsqu'une entreprise commune existante n'a pas le caractère de plein exercice visé ci-dessus ou lorsque l'entreprise commune est une association d'entreprises. Il en est de même lorsque les faits démontrent que les sociétés mères sont en fait les véritables acteurs de l'opération. On citera ainsi la participation active des sociétés mères à l'initiative, à l'organisation et au financement de l'opération. Les sociétés mères sont alors considérées comme étant les entreprises concernées. "

8. Par ailleurs, la Commission indique au paragraphe 139 de la communication précitée que " Dans le cas d'une prise de contrôle en commun d'une entreprise nouvellement créée, les entreprises concernées sont chacune des entreprises prenant le contrôle de l'entreprise commune nouvellement créée (qui, comme elle n'existe pas encore, ne peut pas être considérée comme une entreprise concernée et n'a en outre pas encore de chiffre d'affaires qui lui soit propre). La même règle s'applique lorsqu'une entreprise apporte une filiale ou une activité préexistante (sur laquelle elle exerçait précédemment un contrôle exclusif) dans une entreprise commune nouvellement créée. Dans ce cas, chacune des entreprises exerçant le contrôle en commun est considérée comme une entreprise concernée, ce qui n'est pas le cas de toute société ou activité apportée dans l'entreprise commune, et son chiffre d'affaires fait partie du chiffre d'affaires de la société fondatrice initiale. "

9. Au cas d'espèce, Patrick Fabre Distribution n'a pas encore d'activité économique au moment de l'acquisition de la société Leader Price Essonne. De plus, la société Leader Price Essonne est contrôlée exclusivement par le Groupe Casino, avant l'opération. Il convient donc de considérer que les entreprises concernées sont la société Patrick Fabre Entreprise et le Groupe Casino.

10. L'opération, qui consiste en le passage du contrôle exclusif de la société Leader Price Essonne par le Groupe Casino à un contrôle conjoint exercé par la société Patrick Fabre Entreprise et le Groupe Casino, constitue bien une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

11. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, la concentration ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au point II de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

12. Selon la pratique constante des autorités nationale et communautaire de la concurrence (1), deux catégories de marchés peuvent être délimitées (2) dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire. Il s'agit, d'une part, des marchés " aval ", de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et, d'autre part, des marchés " amont " de l'approvisionnement des entreprises de commerce de détail en biens de consommation courante, de dimension nationale.

A. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION À DOMINANTE ALIMENTAIRE

1. MARCHÉS DE SERVICE

13. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, les autorités de concurrence, tant communautaire que nationales (3), ont distingué six catégories de commerce en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l'ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés, (ii) les supermarchés, (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail, (v) les maxi discompteurs, (vi) la vente par correspondance.

14. Au cas d'espèce le magasin concerné est un magasin discompteur d'une surface de vente de 1175m².

2. DÉLIMITATION GEOGRAPHIQUE DES MARCHES AVAL DE LA DISTRIBUTION MARCHÉS AVAL DE L'APPROVISIONNEMENT

15. Dans ses décisions récentes (4) relatives à des opérations concernant des hypermarchés ou des supermarchés à dominante alimentaire, l'Autorité de la concurrence a rappelé qu'en fonction de la taille des magasins concernés, les conditions de la concurrence devaient s'apprécier sur deux zones différentes :

- une première zone où se rencontrent la demande des consommateurs et l'offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux ;

- une seconde zone où se rencontrent la demande des consommateurs et l'offre des supermarchés et autres formes de commerce équivalentes situées à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés et les magasins discompteurs.

16. D'autres critères peuvent néanmoins être pris en compte pour évaluer l'impact d'une concentration sur la situation de la concurrence sur les marchés de la distribution de détail, ce qui peut conduire à affiner, au cas d'espèce, les délimitations usuelles présentées ci-dessus.

17. Au cas d'espèce le seul marché concerné est le marché comprenant les hypermarchés, supermarchés et les magasins discompteurs dans un rayon de 15 minutes de temps de déplacement en voiture autour d'Orange.

B. MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT

18. En ce qui concerne les marchés de l'approvisionnement, la Commission européenne (5) a retenu l'existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales (6).

19. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de la présente opération.

III. Analyse concurrentielle

1. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION À DOMINANTE ALIMENTAIRE

20. Sur le marché considéré, les magasins exploités sous enseigne du Groupe Casino détiennent, avant comme après l'opération, [10-20] % des parts de marché calculées en surface de vente, les magasins d'une surface de vente inférieure à 400 m2 ayant été exclus de l'analyse. Patrick Fabre Entreprise ne possède aucun magasin sur cette zone de chalandise avant l'opération. Ils font face à la concurrence de magasins sous enseignes du groupe Carrefour ([40-50] % des parts de marché), sous enseignes du groupe Intermarché ([20-30] % des parts de marché), ainsi qu'à la concurrence de LIDL ([5-10] %), ALDI France ([5-10] %) et Grand Frais ([0-5] %).

21. Par conséquent, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché aval de la distribution à dominante alimentaire.

2. MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT

22. En ce qui concerne les marchés amont de l'approvisionnement, l'opération, limitée à un magasin, n'est pas susceptible de renforcer la puissance d'achat du Groupe Casino, tous produits confondus comme par grands groupes de produits. En effet le magasin Leader Price d'Orange était déjà lié par un contrat d'approvisionnement exclusif avec Distribution Leader Price, filiale du Groupe Casino en charge de l'enseigne Leader Price.

Décide

Article unique : l'opération notifiée sous le numéro 09-0112 est autorisée.

Notes :

1 Voir notamment les décisions de la commission M.946 Intermarché/Spar du 30 juin 1997, M.991 Promodès/Casino du 30 octobre 1997 et M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000. Voir également l'arrêté ministériel du 5 juillet 2000 dans l'opération Carrefour/Promodès et les avis du Conseil de la concurrence n° 97-A-14 du 1er juillet 1997, dans l'affaire Carrefour/Cora, n° 98-A-06 du 5 mai 1998, dans l'affaire Casino Franprix/Leader Price, et n° 00-A-06 du 3 mai 2000, dans l'affaire Carrefour/Promodès.

2 Décisions de la Commission dans les affaires M.1221 Rewe/Meinl du 3 février 1999, M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M.2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000. Voir également la décision C-2005-98 Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005.

3 Décisions C-2008-32 Amidis SAGC du 9 juillet 2008, C-2007-172 Carrefour Plane Plamidis, du 13 février 2008, C-2007-154 Système U Vergali du 3 décembre 2007, C-2007-05 Carrefour Sofodis du 26 mars 2007, C-2006-15 Amidis Hamon du 14 avril 2006, C 2005-98 Carrefour Penny Market du 10 novembre 2005.

4 Décisions 09-DCC-24 du 23 juillet 2009 Floritine/C-S.F ; 09-DCC- du 28 mai 2009 Frandis/Financière Perdis ; 09-DCC-06 du 20 mai 2009 Evolis/ITM ; 09-DCC-04 du 29 avril 2009 Carrefour/Noukat.

5 Voir les décisions de la Commission M. 1221 Rewe/Meinl du 3 février 1999, M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M. 2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000.

6 Voir notamment les décisions du ministre dans le secteur, C2005-98, Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005, C2006-15 Carrefour/Groupe Hamon du 14 avril 2006, C2007-172 relatif à la création de l'entreprise commune Plamidis du 13 février 2008 et C2008-32 Carrefour/SAGC du 9 juillet 2008.