CCE, 4 octobre 2006, n° 38.681
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Convention prolongeant l'accord de Cannes
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu l'accord sur l'Espace économique européen, vu le règlement (CE) n° 1-2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (1), et notamment son article 9, paragraphe 1, après avoir exprimé ses préoccupations dans l'évaluation préliminaire du 23 janvier 2006, après avoir donné aux parties concernées l'occasion de présenter leurs observations, conformément à l'article 27, paragraphe, 4 du règlement (CE) n° 1-2003 (2), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, vu le rapport final du conseiller-auditeur, considérant ce qui suit :
1. INTRODUCTION
(1) La Commission a ouvert une procédure à l'encontre de treize sociétés européennes de gestion collective des droits mécaniques dans le domaine de la musique et des cinq principaux éditeurs de musique multinationaux ("les parties"). Elle a pour objet deux clauses d'un accord conclu entre les parties, la " convention prolongeant l'accord de Cannes", qui modifie et prolonge la durée d'un accord précédemment conclu entre ces parties, à savoir l'"accord de Cannes". Dans son évaluation préliminaire, la Commission a considéré que les deux clauses de la convention prolongeant l'accord de Cannes, la clause 9(a), qui impose des conditions à l'octroi de remises ou autres réductions par les sociétés de gestion collective aux maisons de disques, et la clause 7(a)(i), qui limite la capacité des sociétés de gestion collective à s'engager dans des activités commerciales d'édition ou de production de disques, soulevaient des préoccupations quant à leur compatibilité avec l'article 81 du traité et l'article 53 de l'accord EEE.
2. LES PARTIES
(2) Les sociétés Elliniki Etairia Prostasias tis Pneymatikis Idioktisias AE (AEPI), Gesellschaft zur Wahrnehmung mechanisch-musikalischer Urheberrechte mbH (AustroMechana), Gesellschaft für musikalische Aufführungs-und mechanische Vervielfältigungsrechte (GEMA), Mechanical-Copyright Protection Society Limited (MCPS), Mechanical-Copyright Protection Society Ireland (MCPSI), Nordic Copyright Bureau (NCB), Société Belge des Auteurs Compositeurs et Editeurs (SABAM), Société pour l'Administration du Droit de Reproduction Mécanique des Auteurs, Compositeurs et Editeurs (SDRM), Sociedad General Autores y Editores (SGAE), Società Italiana degli Autori ed Editori (SIAE), Sociedade Portuguesa de Autores (SPA), Stichting Stemra (STEMRA) et Schweizerische Gesellschaft für die Rechte der Urheber musikalischer Werke (SUISA) ("les sociétés de gestion collective") sont des sociétés de gestion collective des droits mécaniques dans le domaine de la musique. BMG Music Publishing International, EMI Music Publishing, Sony/ATV Music Publishing, Universal Music Publishing Group et Warner Chappell Music ("les principaux éditeurs") sont des sociétés actives dans le secteur de l'édition musicale.
3. LA CONVENTION
(3) La convention prolongeant l'accord de Cannes est un accord entre les principaux éditeurs et les sociétés de gestion collective, portant sur les relations entre les deux groupes en ce qui concerne la gestion et la licence des droits mécaniques (3) d'œuvres musicales pour la reproduction d'enregistrements sonores sur des supports physiques (disques compacts, cassettes, etc.), en particulier dans le contexte d'accords de licence centralisée.
(4) Dans le cadre d'un accord de licence centralisée, une maison de disques peut conclure avec une société de gestion collective un accord de licence unique couvrant tout le territoire de l'EEE ou une partie de celui-ci. La maison de disques paie tous les droits d'auteur dus à la société de gestion collective en question, qui doit les distribuer aux autres sociétés de gestion collective pour l'utilisation de leur répertoire. Chaque société de gestion collective est alors responsable de la redistribution des droits à ses membres (auteurs et/ou éditeurs).
(5) Les accords de licence centralisée, introduits au milieu des années 80, ont représenté pour les utilisateurs commerciaux une amélioration substantielle qui leur a permis de réduire les coûts de transaction pour l'obtention de licences sur les droits nécessaires à la production et à la distribution paneuropéennes d'enregistrements sonores. Ils bénéficient aussi aux titulaires de droits, qui ont ainsi un accès facilité au répertoire et, partant, peuvent en faire une meilleure exploitation.
(6) Cependant, les accords de licence centralisée ont également débouché sur des conflits entre titulaires de droits, en particulier les principaux éditeurs et les sociétés de gestion collective, ainsi qu'entre sociétés de gestion collective. Ces conflits portaient sur le niveau des frais de gestion déduits des droits versés aux titulaires, ainsi que sur les modalités de distribution des droits aux titulaires.
(7) Pour régler ces conflits et fixer les conditions de la gestion des droits mécaniques pour la reproduction d'enregistrements sonores sur des supports physiques par les sociétés de gestion collective, les principaux éditeurs et les sociétés de gestion collective ont conclu l'accord de Cannes le 13 novembre 1997. Bien que seuls les principaux éditeurs fussent parties à l'accord, il a été convenu que toute amélioration des conditions s'appliquerait également aux autres titulaires de droits.
(8) L'accord de Cannes fixait le taux maximum des frais de gestion pouvant être facturé par les sociétés de gestion collective à leurs membres pour le traitement des licences ainsi qu'un certain nombre de conditions relatives à la transparence des comptes des sociétés de gestion collective pour les membres, aux améliorations techniques, aux audits, etc. Il a été notifié à la Commission le 10 décembre 1997 conformément à la procédure prévue par le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (4). La Commission a envoyé une lettre administrative de classement relative à l'accord le 9 novembre 2000.
(9) Le 18 novembre 2002, les parties ont conclu la convention prolongeant l'accord de Cannes qui, d'une part, prolongeait la durée de l'accord de Cannes et, d'autre part, introduisait des amendements et de nouvelles conditions sur des sujets dont les parties estimaient qu'ils requéraient un consensus.
(10) Cette convention prolongeait la durée de l'accord de Cannes pour trois ans et demi, soit du 1er juillet 2002 au 31 décembre 2005 (5). Elle prévoyait également qu'au-delà de cette date, la convention serait automatiquement prolongée pour des périodes d'un an sauf en cas de dénonciation par une partie (6). La convention prolongeant l'accord de Cannes a modifié le niveau maximal et le mode de calcul des frais de gestion, clarifié les frais couverts et introduit certaines nouvelles dispositions relatives aux relations entre les sociétés de gestion collective et les principaux éditeurs.
(11) Deux clauses de la convention prolongeant l'accord de Cannes soulèvent des préoccupations quant à leur compatibilité avec l'article 81 du traité et l'article 53 de l'accord EEE. Il s'agit de la clause 9(a), qui concerne l'octroi de remises aux maisons de disques, et la clause 7(a)(i), qui concerne la capacité des sociétés de gestion collective à exercer des activités commerciales d'édition ou de production de disques.
4. DEROULEMENT DE LA PROCEDURE PREVUE PAR LE REGLEMENT (CE) N° 1-2003
(12) Le 27 février 2003, la maison de disques Universal International Music BV a déposé une plainte auprès de la Commission, alléguant que la clause 9(a) de la convention prolongeant l'accord de Cannes était contraire à l'article 81 du traité.
(13) La convention prolongeant l'accord de Cannes a ensuite été notifiée à la Commission le 1er juillet 2003 dans le cadre du règlement n° 17. La procédure de notification a toutefois été abandonnée le 1er mai 2004 à la suite de l'entrée en vigueur du règlement (CE) n° 1-2003.
(14) Le 23 janvier 2006, la Commission a ouvert une procédure en vue d'adopter une décision au titre du chapitre III du règlement (CE) n° 1-2003 et adopté une évaluation préliminaire conformément à l'article 9, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1-2003, dans laquelle elle exprimait ses préoccupations en matière de concurrence. Cette évaluation a été notifiée aux parties par courrier daté du 24 janvier 2006.
(15) En février 2006, en réponse à l'évaluation préliminaire, toutes les parties ont communiqué à la Commission leurs propositions d'engagements.
(16) Le 23 mai 2006, en application de l'article 27, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1-2003, une communication a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne (7), résumant l'affaire et les engagements proposés par les parties et invitant les parties tierces concernées à soumettre leurs observations concernant ces engagements dans un délai d'un mois à compter de la date de publication.
(17) Par lettre adressée à la Commission, en date du 5 juillet 2006, Universal International Music BV a retiré sa plainte.
5. ÉVALUATION PRELIMINAIRE
5.1. Les marchés en cause
5.1.1. Accords de licence centralisée
(18) Les sociétés de gestion collective concèdent leur répertoire combiné (droits transférés à chaque société de gestion collective par ses membres et droits gérés par une société de gestion collective en vertu d'accords de représentation réciproque avec d'autres sociétés de gestion collective), ou des parties de celui-ci, à des utilisateurs commerciaux (maisons de disques) pour un territoire unique (leur territoire d'établissement) ou pour plusieurs territoires. Ce dernier type de licence se concrétise par le biais d'accords de licence centralisée. Dans la présente affaire, le marché en cause n'inclut pas tous les types de licence des droits mécaniques pour la reproduction d'enregistrements sonores sur des supports physiques, mais se limite aux accords de licence centralisée.
(19) Les accords de licence centralisée constituent un marché distinct de celui des licences de droits musicaux octroyées aux maisons de disques pour un territoire unique. Sur le marché des accords de licence centralisée, les sociétés de gestion collective concèdent leur répertoire combiné, comme dans le cas de la licence pour un territoire unique, mais pour l'ensemble du territoire de l'EEE ou une partie substantielle de celui-ci (plusieurs territoires). Les utilisateurs commerciaux concernés sont essentiellement les principales maisons de disques, qui sont actives dans la plupart, voire dans tous les États membres et demandent une licence unique pour plusieurs territoires. En outre, certaines des plus grandes maisons de disques indépendantes concluent aussi des accords de licence centralisée, même si ce n'est pas nécessairement à l'échelle de l'EEE. Les licences pour un territoire unique ne remplacent pas les accords de licence centralisée pour cette catégorie d'utilisateurs commerciaux en raison de la hausse des coûts de transaction encourus lorsqu'il faut traiter avec plusieurs sociétés de gestion collective pour obtenir les mêmes droits que dans le cadre d'un accord de licence centralisée. Un autre élément prouvant l'absence de substituabilité entre les accords de licence centralisée et les licences pour un territoire unique est le fait que depuis le milieu des années 80, quand la licence centralisée a été introduite, aucune des principales maisons de disques n'a remplacé les accords de licence centralisée par une série d'accords de licence pour un territoire unique.
(20) Un utilisateur commercial peut conclure un accord de licence centralisée avec n'importe quelle société de gestion collective installée dans l'EEE pour couvrir l'ensemble du territoire de celui-ci. La portée géographique du marché est donc l'EEE dans son ensemble.
5.1.2. Édition musicale et production de disques
(21) Sur le marché de l'édition musicale, les sociétés sont en concurrence au niveau du recrutement des auteurs (compositeurs et paroliers) et de la promotion et de l'exploitation de l'œuvre des auteurs sous contrat, par le biais de la conclusion d'accords avec les maisons de disques. Les éditeurs de musique ne s'occupent pas eux-mêmes de la licence des droits d'auteur et de la perception des droits, mais confient ces tâches aux sociétés de gestion collective. Les cinq principaux éditeurs, qui contrôlent environ 70 % du marché de l'édition musicale de l'EEE, sont actifs sur l'ensemble du territoire de celui-ci. Ils sont donc en concurrence au niveau du recrutement des auteurs et de la promotion de leurs œuvres dans tout l'EEE. Cependant, le marché présente également les caractéristiques d'un marché national, comme par exemple le fait que les droits sont toujours gérés (administrés et contrôlés) à l'échelon national.
(22) Sur le marché de la production de disques, les sociétés sont en concurrence au niveau de la découverte des artistes (chanteurs et musiciens), de leur recrutement, et de la production et de la distribution de disques. Ce marché présente des caractéristiques similaires au marché de l'édition. Quatre principales maisons de disques (8) contrôlent environ 80 % du marché dans l'EEE. Le marché de la production de disques présente aussi les caractéristiques d'un marché national, principalement en raison des différences culturelles.
(23) Les marchés de l'édition musicale et de la production de disques se caractérisent par la présence, respectivement, des cinq principaux éditeurs et des quatre principales maisons de disques. De plus, on compte - au niveau de l'Europe - des centaines d'éditeurs et de maisons de disques "indépendants" de plus petite taille. Ces "indépendants" ne constituent pas une menace sérieuse pour la position des principaux éditeurs et des principales maisons de disques sur les deux marchés parce qu'ils sont actifs essentiellement au niveau national, sont spécialisés dans des genres musicaux particuliers et ne sont pas présents à l'échelle européenne comme le sont les principaux éditeurs et les principales maisons de disques.
(24) En l'espèce, une question importante consiste à savoir dans quelle mesure les sociétés de gestion collective sont des candidats potentiels à l'entrée sur ces marchés et, par conséquent, si elles représentent une source de concurrence potentielle pour les principaux éditeurs et les principales maisons de disques.
(25) Les sociétés de gestion collective remplissent les conditions objectives d'accès au marché de l'édition, en ce sens qu'il s'agit de grandes organisations, qu'elles possèdent une très bonne connaissance du marché et ont tissé des liens étroits avec les auteurs dans le cadre de leurs activités de gestion des droits de ces derniers. Associés à l'évolution rapide de l'industrie musicale dans son ensemble ces dernières années, ces facteurs impliquent que l'arrivée des sociétés de gestion collective sur le marché de l'édition est possible à moyen terme.
(26) Le même raisonnement s'applique mutatis mutandis au marché de la production de disques. En outre, certaines sociétés de gestion collective exercent déjà des activités non commerciales de production de disques, en particulier par le biais de fonds spéciaux, appelés "fonds culturels".
5.2. Dispositions de l'accord soulevant des préoccupations
5.2.1. Clause sur les remises
(27) La clause 9(a) de la convention prolongeant l'accord de Cannes stipule ce qui suit: "...Étant donné que les droits d'auteur et les autres sommes collectées par les sociétés sont destinés à leurs membres, aucune société ne peut, en aucune circonstance, verser de l'argent à une maison de disques ni permettre à une maison de disques de retenir ou d'obtenir de l'argent sous la forme d'une remise ou d'une réduction de tarif ou sous toute autre forme (par le biais d'un montant forfaitaire, de prestations de services, d'une réduction des droits ou de tout autre remboursement), sauf convention écrite avec le membre concerné. ..."
(28) Les effets potentiels de cette clause doivent être appréciés en fonction des spécificités du marché des licences de droits musicaux accordées aux maisons de disques par le biais d'accords de licence centralisée. Sur ce marché, la marge de concurrence par les prix entre les sociétés de gestion collective est actuellement très étroite.
(29) Le taux de la redevance appliqué à la licence des droits musicaux pour la reproduction d'enregistrements sonores sur des supports physiques et le mode de calcul de ce taux sont fixés par un accord conclu entre le BIEM (9), association qui regroupe les sociétés de gestion collective, et l'IFPI (10), association qui regroupe les maisons de disques (11). Par conséquent, une maison de disques paiera le même taux, quelle que soit la société de gestion collective avec laquelle elle décide de conclure un accord de licence centralisée.
(30) Dans ce contexte, le seul élément de concurrence par les prix entre les sociétés de gestion collective dans le cadre des accords de licence centralisée semble être l'octroi de remises. Ces remises sont financées en partie par les frais de gestion que les sociétés de gestion collective déduisent des droits qui leur sont payés. Les sociétés de gestion collective octroient ces remises aux maisons de disques en échange de la hausse du chiffre d'affaires que les accords de licence centralisée leur assurent et d'autres gains d'efficacité au niveau de la gestion que ces contrats leur procurent.
(31) La clause 9(a) de la convention prolongeant l'accord de Cannes ne comporte pas d'interdiction expresse des remises, financées par les frais de gestion, accordées aux maisons de disques. Cependant, les conditions qu'elle impose semblent rendre très difficile à une société de gestion collective d'octroyer une remise et pourraient être interprétées comme une interdiction indirecte de ces remises. Concrètement, la clause 9(a) exige d'une société de gestion collective qu'elle obtienne l'accord écrit du "membre concerné" pour octroyer une remise. Un accord de licence centralisée couvrant généralement l'intégralité du répertoire d'une société (y compris le répertoire qu'elle gère en vertu d'accords de représentation réciproque), une société de gestion collective devrait, pour pouvoir octroyer une remise à une maison de disques, obtenir l'accord écrit de tous ses membres et, sans doute, des membres des autres sociétés de gestion collective ou des autres sociétés de gestion collective elles-mêmes. Étant donné que chaque société de gestion collective se compose de milliers de membres et que le refus d'un nombre même restreint d'entre eux empêcherait la société de gestion collective d'octroyer la remise, cette condition pourrait être considérée comme ayant des effets équivalents à une interdiction directe des remises si elle est appliquée de manière stricte.
(32) Selon les parties, la clause 9(a) a pour but non pas de restreindre la concurrence, mais de servir de mécanisme assurant la transparence. Elles estiment que, puisque les sociétés de gestion collective perçoivent les droits au nom de leurs membres, auxquels cet argent revient, elles ne peuvent octroyer de remise au détriment des intérêts de leurs membres. Elles soutiennent donc qu'il est normal qu'avant de "céder" une partie de ces recettes aux maisons de disques, les sociétés de gestion collective doivent obtenir l'accord de leurs membres.
(33) Même si, comme les parties le font valoir, l'objectif de la clause 9(a) consiste à rendre les décisions commerciales des sociétés de gestion collective plus transparentes pour leurs membres, il semblerait qu'il y ait des moyens moins restrictifs de le faire.
5.2.2. Clause de non-concurrence
(34) La clause 7(a)(i) de la convention prolongeant l'accord de Cannes stipule ce qui suit: "... Si une société estime approprié d'entamer ce que l'on pourrait considérer comme une activité commerciale, ladite activité ne devra être exercée qu'en relation avec la promotion des intérêts des membres de cette société et ne pourra en aucun cas porter préjudice aux intérêts des membres de cette société. Il ne pourra s'agir d'une activité exercée par un éditeur ou par une maison de disques (12), à l'exception de l'utilisation de montants minimes des " fonds culturels " à des fins de production ou d'aide à la production d'enregistrements du répertoire des membres dans des circonstances où ces enregistrements ne seraient sinon pas effectués, qui est autorisée à condition que cette activité n'ait pas par essence de but lucratif, sauf dans la mesure où un éditeur ou un autre titulaire de droits concède spécifiquement l'exercice des droits à la société en question. La société n'agira pas de manière à être (elle-même ou une entité contrôlée par elle ou associée à elle de quelque manière que ce soit) à la fois le cédant et le cessionnaire de droits".
(35) Sur la base d'une évaluation préliminaire, cette clause semble avoir pour objet et peut avoir pour effet de cristalliser les structures actuelles du secteur et d'empêcher toute concurrence potentielle future entre les sociétés de gestion collective, les éditeurs et les maisons de disques.
(36) Comme indiqué plus haut (13), le marché de l'édition est caractérisé par la présence de cinq principaux éditeurs, qui représentent environ 70 % du marché de l'EEE, et d'un grand nombre de petits ou très petits éditeurs indépendants, généralement actifs sur un seul territoire. Les sociétés de gestion collective sont de grandes organisations possédant une expérience du secteur qui, si elles décidaient de se lancer sur le marché de l'édition, pourraient représenter à moyen terme une source de concurrence importante pour les éditeurs.
(37) La situation est assez similaire sur le marché de la production de disques, à la différence que sur ce marché, quatre principales maisons de disques contrôlent environ 80 % du marché. Pour les même raisons que pour le marché de l'édition, les sociétés de gestion collective pourraient également représenter une source de concurrence importante sur ce marché.
(38) L'arrivée potentielle de sociétés de gestion collective sur l'un de ces deux marchés et l'émergence possible de nouveaux modèles commerciaux semblent toutefois empêchées par la clause 7(a)(i).
(39) D'après les principaux éditeurs, la clause 7(a)(i) a pour but d'assurer que les sociétés de gestion collective ne se retrouvent pas dans des situations de conflit d'intérêts avec leurs membres, vis-à-vis desquels elles ont une obligation fiduciaire. De tels conflits d'intérêts apparaîtraient si, en se lançant dans une activité commerciale sur un de ces deux marchés, les sociétés de gestion mettaient en danger les fonds appartenant à leurs membres, utilisaient des fonds appartenant aux principaux éditeurs afin d'entrer en concurrence avec eux ou agissaient de manière partiale dans l'octroi de licences de droits parce qu'elles se retrouveraient dans la double position de cédant et de cessionnaire.
(40) Même si on pourrait considérer comme légitime de la part des principaux éditeurs d'empêcher les sociétés de gestion collective d'utiliser des droits leur appartenant pour pénétrer sur les deux marchés en question, d'autres titulaires de droits, et en particulier les auteurs, pourraient considérer qu'il est dans leur intérêt de confier également à la société de gestion collective dont ils sont membres l'édition de leurs œuvres et/ou la production d'enregistrements de leurs œuvres. La clause 7(a)(i) pourrait avoir pour effet que, même si d'autres titulaires de droits désiraient confier de telles activités à une société de gestion collective et convenaient de l'utilisation à cette fin des droits dérivant de leurs œuvres, une société de gestion collective ne pourrait pas exercer ces activités parce que l'accord conclu avec les éditeurs le lui interdit.
(41) En outre, les fonds aux mains des sociétés de gestion collective n'appartiennent pas tous à leurs membres. Une société de gestion collective pourrait éventuellement financer de telles activités commerciales en utilisant une partie des frais de gestion qu'elle facture à ses membres.
(42) Faire concurrence aux éditeurs sur le marché de l'édition n'empêche pas automatiquement les sociétés de gestion collective de respecter leurs obligations fiduciaires vis-à-vis des éditeurs. La situation dans laquelle deux entreprises sont concurrentes sur un marché alors que l'une recourt aux services de l'autre sur un autre marché n'est pas inhabituelle dans de nombreux secteurs de l'économie. Dans l'industrie musicale, par exemple, les maisons de disques indépendantes font concurrence aux principales sociétés pour la production de disques, mais utilisent souvent ensuite le réseau de distribution de ces dernières pour la diffusion de leurs disques.
6. ENGAGEMENTS PROPOSES
(43) En février 2006, toutes les parties à la convention prolongeant l'accord de Cannes ont proposé deux engagements au sens de l'article 9, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1-2003. Ces engagements portent sur les deux clauses de la convention prolongeant l'accord de Cannes qui soulevaient des préoccupations quant à leur compatibilité avec l'article 81 du traité et l'article 53 de l'accord EEE.
6.1. Engagement concernant la clause 9(a)
(44) En ce qui concerne la clause 9(a) de la convention prolongeant l'accord de Cannes, les parties ont proposé de reformuler la clause de façon à prévoir que les sociétés de gestion collective puissent octroyer des remises, financées par les frais de gestion qu'elles retiennent sur les droits, aux maisons de disques, par une décision de l'organe compétent de la société ne nécessitant pas chaque fois l'approbation de leurs membres. Concrètement, la formulation proposée de la clause 9(a) est la suivante: "... Une société peut octroyer un rabais à une maison de disques sous la forme d'une remise ou d'une réduction de tarif ou sous toute autre forme si l'organe compétent de la société en décide ainsi. Cette possibilité inclut, sans s'y limiter, les situations suivantes: (a) octroi d'une réduction de tarif pour une nouvelle forme d'exploitation pendant une période de lancement; (b) application de conditions commerciales normales, telles qu'une remise pour paiement à temps ou anticipé ou pour rendement amélioré ou dispositions similaires; (c) conclusion avec des associations d'utilisateurs d'accords prévoyant une remise en échange de services spécifiques des membres de l'association et/ou de l'association facilitant la collecte des droits dus par les membres de l'association à la société; ou (d) accord sur le règlement d'un litige entre une société et une maison de disques. À l'exception des situations (a) à (d) précitées, toutes les remises doivent être incluses dans le taux (conformément à la clause 3(a)(i)) et ne doivent pas avoir pour effet de réduire les revenus des membres des sociétés."
6.2. Engagement concernant la clause 7(a)(i)
(45) Pour ce qui est de la clause 7(a)(i), les parties ont proposé de supprimer cette clause de la convention prolongeant l'accord de Cannes et de ne pas conclure à l'avenir d'accord ayant un effet équivalent.
7. COMMUNICATION DE LA COMMISSION CONFORMEMENT A L'ARTICLE 27, PARAGRAPHE 4, DU REGLEMENT (CE) N° 1-2003
(46) Le 23 mai 2006, une communication a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne, conformément à l'article 27, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1-2003. Cette communication invitait les parties tierces intéressées à présenter leurs observations sur les engagements dans un délai d'un mois à compter de la date de publication.
(47) En réponse à la communication, la Commission a reçu des observations du plaignant, Universal International Music B.V., et de deux associations du secteur de la musique. Ces observations ne contenaient aucun élément de nature à conduire la Commission à reconsidérer les préoccupations exprimées dans l'évaluation préliminaire et n'ont pas suscité de nouvelles préoccupations.
(48) Selon l'analyse de la Commission, les engagements proposés sont de nature à répondre aux préoccupations exprimées par la Commission dans son évaluation préliminaire. Etant donné les résultats de la consultation du marché, l'adéquation des engagements est confirmée.
8. CONCLUSION
(49) En adoptant une décision conformément à l'article 9, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1-2003, la Commission rend contraignants, pour les entreprises en cause, les engagements proposés par celles-ci pour répondre aux préoccupations exprimées par la Commission dans son évaluation préliminaire. Le considérant 13 du préambule du règlement (CE) n° 1-2003 indique qu'une telle décision ne devrait pas établir s'il y a eu ou s'il y a toujours une infraction. L'appréciation par la Commission de la capacité des engagements proposés à répondre à ses préoccupations repose sur son évaluation préliminaire, qui exprime l'opinion qu'elle s'est forgée à titre préliminaire après avoir procédé à un examen et à une analyse de l'affaire en cause et avoir pris connaissance des observations communiquées par les parties tierces suite à la publication d'une communication conformément à l'article 27, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1-2003.
(50) À la lumière des engagements proposés, la Commission conclut qu'il ne subsiste aucun motif justifiant une action de sa part. La procédure ouverte dans la présente affaire doit donc être clôturée.
(51) La Commission se réserve le droit d'enquêter et d'ouvrir une procédure en vertu de l'article 81 du traité et de l'article 53 de l'accord EEE en ce qui concerne des arrangements similaires entre les parties qui ne font pas l'objet de la présente décision,
A arrêté la présente décision:
Article premier
Les engagements énoncés à l'annexe sont contraignants pour les entreprises visées à l'article 3.
Article 2
La procédure engagée dans la présente affaire est clôturée.
Article 3
Les entreprises suivantes sont destinataires de la présente décision:
Elliniki Etairia Prostasias tis Pneymatikis Idioktisias AE (AEPI) Fragoklissias & Samou 51 GR -151 25 Amaroussio (Athènes) Grèce
Gesellschaft zur Wahrnehmung mechanisch-musikalischer Urheberrechte mbH (AustroMechana) Baumannstrasse 10, Boîte postale 55 A -1031 Vienne Autriche
BMG Music Publishing International Ltd. 20 Fulham Broadway GB -Londres SW6 1AH Royaume-Uni
EMI Music Publishing Ltd. Publishing House 127 Charing Cross Road GB -Londres WC2H 0QY Royaume-Uni
Gesellschaft für musikalische Aufführungs-und mechanische Vervielfältigungsrechte
(GEMA) Rosenheimer Strasse 11 D -81667 Munich Allemagne
Mechanical-Copyright Protection Society Limited (MCPS) 29-33 Berners Street GB -Londres W1T 3AB Royaume-Uni
Mechanical-Copyright Protection Society Ireland (MCPSI) 29-33 Berners Street GB -Londres W1T 3AB Royaume-Uni
Nordic Copyright Bureau (NCB) Hammerichsgade 14 1611 Copenhague Danemark
Société Belge des Auteurs Compositeurs et Editeurs (SABAM) Rue d'Arlon 75-77 B -1040 Bruxelles Belgique
Société pour l'Administration du Droit de Reproduction Mécanique des Auteurs, Compositeurs et Editeurs (SDRM) Avenue Charles de Gaulle 225 F -92521 Neuilly-sur-Seine CEDEX France
Sociedad General Autores y Editores (SGAE) Fernando VI - 4, Apartado 484 E -28080 Madrid Espagne
Società Italiana degli Autori ed Editori (SIAE) Viale della Letteratura n. 30 (E.U.R) I -00144 Rome Italie
Sony/ATV Music Publishing Europe 13 Great Marlborough Street GB -Londres W1F 7LP Royaume-Uni
Sociedade Portuguesa de Autores (SPA) Avenida Duque de Loulé, 31 P -1069-153 Lisbonne Portugal
Stichting Stemra (STEMRA) Siriusdreef 22-28, Boîte postale 3080 NL -2132 WT Hoofddorp Pays-Bas
Schweizerische Gesellschaft für die Rechte der Urheber musikalischer Werke (SUISA) Bellariastrasse 82, Boîte postale 782 CH -8038 Zurich Suisse
Universal Music Publishing Group 136-144 New Kings Road GB -Londres SW6 4LZ Royaume-Uni
Warner Chappell Music Ltd. 28 Kensington Church Street GB -Londres W8 4EP Royaume-Uni
Notes :
1 JO L 1 du 4.1.2003, p.1. Règlement modifié par le règlement (CE) n° 411-2004 (JO L 68 du 8.3.2004, p. 1).
2 JO C 122 du 23.5.2006, p. 2.
3 L'expression "droit mécanique" est utilisée par l'industrie pour décrire à la fois le droit de reproduction et le droit de distribution des auteurs, nécessaires pour la production et la vente de copies d'une œuvre.
4 JO 13 du 21.2.1962, p. 204/62.
5 Convention prolongeant l'accord de Cannes, clause 2(a).
6 Dans ce cas, la convention prolongeant l'accord de Cannes est résiliée pour cette partie seulement, mais elle continue à s'appliquer aux parties qui ne l'ont pas dénoncée. Les préavis subséquents ne doivent être signifiés que six mois à l'avance. Convention prolongeant l'accord de Cannes, clause 2(a)(i), (ii) et (iii).
7 Voir note de bas de page n° 2.
8 EMI, SonyBMG, Universal et Warner. Sony et BMG ont fusionné leurs activités de production de disques, tandis que leurs activités d'édition restent distinctes.
9 Bureau International des Sociétés gérant les droits d'Enregistrement et de Reproduction Mécanique.
10 International Federation of the Phonographic Industry.
11 BIEM-IFPI, "Contrat standard pour l'industrie phonographique". Bien que ce contrat ne soit plus en vigueur, les sociétés de gestion collective et les maisons de disques continuent à l'appliquer dans leurs transactions réciproques.
12 Soulignement ajouté.
13 Considérants 21 à 23.
ANNEXE
LES ENGAGEMENTS
Engagement concernant la clause 7(a)(i)
Les parties s'engagent, dans les 30 jours à compter de la date à laquelle leur est notifiée la décision finale de la Commission en vertu de l'article 9, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1-2003 du Conseil clôturant la procédure de la Commission relative à la convention prolongeant l'accord de Cannes, à : (a) supprimer la clause 7(a)(i) de la convention prolongeant l'accord de Cannes, (b) ne pas adopter à l'avenir de clause d'effet équivalent, et
(c) envoyer une copie du document signé à la Commission.
Engagement concernant la clause 9(a)
Les parties s'engagent, dans les 30 jours à compter de la date à laquelle leur est notifiée la décision finale de la Commission en vertu de l'article 9, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1-2003 du Conseil clôturant la procédure de la Commission relative à la convention prolongeant l'accord de Cannes, à : (i) clarifier la formulation de la clause 9(a) de la convention prolongeant l'accord de Cannes conformément au texte figurant à l'annexe 1 ci- dessous, et (ii) envoyer une copie du document signé à la Commission.
Annexe 1
9. ACCORDS DE LICENCE
(a) La partie 4 du programme fournit une liste de tous les accords de licence centralisée conclus à ce jour. Un résumé de tous les nouveaux accords (et de tous les amendements et/ou extensions de ceux-ci) sera notifié (sur une base confidentielle) par écrit aux éditeurs par la ou les sociétés qui les concluent, de sorte que la partie 4 du programme puisse être amendée par les parties respectives afin de refléter les changements. Une société peut octroyer un rabais à une maison de disques sous la forme d'une remise ou d'une réduction de tarif ou sous toute autre forme si l'organe compétent de la société en décide ainsi. Cette possibilité inclut, sans s'y limiter, les situations suivantes: (a) octroi d'une réduction de tarif pour une nouvelle forme d'exploitation pendant une période de lancement; (b) application de conditions commerciales normales, telles qu'une remise pour paiement à temps ou anticipé ou pour rendement amélioré ou dispositions similaires; (c) conclusion avec des associations d'utilisateurs d'accords prévoyant une remise en échange de services spécifiques des membres de l'association et/ou de l'association facilitant la collecte des droits dus par les membres de l'association à la société; ou (d) accord sur le règlement d'un litige entre une société et une maison de disques. À l'exception des situations (a) à (d) précitées, toutes les remises doivent être incluses dans le taux (conformément à la clause 3(a)(i)) et ne doivent pas avoir pour effet de réduire les revenus des membres des sociétés.